Archives de catégorie : Anglicismes

Top

Êtes-vous au top ces temps-ci? Bien des gens ne sont pas, déprimés par l’hiver.

Cette question aurait pu être posée aussi bien en Europe qu’en Amérique et tout le monde aurait compris. Ailleurs aussi dans la francophonie, probablement.

Car le mot top est entré dans l’usage, tout d’abord en éclaireur, pour ensuite se greffer à d’autres mots pour former de nouvelles expressions.

On peut comprendre l’engouement des francophones parce que cet anglicisme est séduisant et facile à prononcer.

Définition

Les ouvrages de langue s’entendent, le top c’est le sommet, ce qui se fait le mieux. Quand on est au top, c’est qu’on est le meilleur, ou que l’on a obtenu ce qu’il y a de mieux. Alors si vous êtes au top du top, eh bien c’est la félicité totale.

Rendons hommage à Mikaël Kingsbury, fier Canadien, le roi des bosses au ski acrobatique, qui est au top du top dans son sport.

Expressions

Dans le monde du tennis, il est souvent question du top-10, qui réunit l’élite de ce sport. Il est bien difficile de l’atteindre, mais encore plus ardu d’y rester. Saluons l’arrivée de la Chinoise Zheng Qinwen parmi les dix meilleures joueuses de tennis au monde.

Dans ce contexte, on pourrait dire que le nouveau champion des Internationaux d’Australie, Jannik Sinner, est maintenant, un joueur de tennis top-niveau.

Toujours au rayon des célébrités, des mannequins célèbres ainsi que de très jolies actrices et athlètes deviennent des top-modèles, calque intégral de l’anglais.

Toper et topper…

Tope là, entend-on parfois. Le verbe toper s’entend de taper dans la main d’une autre personne pour accepter un marché. Rien à voir avec top.

Rien à voir non plus avec topper (ou toper) au Québec qui signifie « avoir le dessus sur quelqu’un d’autre ». C’est du langage populaire et nul doute que, cette fois-ci, nos amis de la francophonie n’y comprendraient rien.

Unité de logement

Au Canada, les calques de l’anglais trouvent facilement à se loger.

L’expression unités de logement apparait souvent dans les textes journalistiques en cette période de pénurie. Elle a toutes les apparences de la normalité, tant et aussi longtemps qu’on ne se demande pas ce qu’est un logement en réalité.

Il s’agit de la partie d’une maison ou d’un immeuble où l’on habite.

(Moment de silence.)

La phrase suivante devient subitement absurde :

Cet immeuble de la rue Laurier compte 35 unités de logement.

Ce qui signifie que l’immeuble en question offre 35 appartements, chacun d’entre eux étant un logement. On voit donc que le mot unité devient superflu. Les propriétaires d’immeubles locatifs louent des appartements; les coopératives, qu’on appelle condos au Canada, sont des appartements, des logements, mais pas des unités.

Si vous louez le sous-sol de votre maison, vous mettez un logement sur le marché. Allez-vous faire publier une annonce libellée comme suit : « Unité de logement à louer »? Évidemment non, vous direz « Sous-sol à louer ».

De la même manière, les tours d’habitation qui poussent comme des champignons dans les grandes villes offrent, à ceux qui peuvent se le permettre, des logements. D’ailleurs, on indiquera sur les murs « Logements à louer ». Tout le monde comprend.

En conclusion, le mot unité dans ce contexte est non seulement inutile, mais aussi un anglicisme.

Logis

Ce mot est souvent employé comme synonyme de logement. Ce n’est pas une faute. Toutefois, les Européens voient logis comme un mot plus littéraire. Ce n’est pas le cas ici.

Deep fake

Que diriez-vous de ceci ?

Le président Poutine : « Je me rends compte de la monumentale gaffe qu’a été l’invasion de l’Ukraine et retire mes troupes immédiatement. Je vais dédommager les Ukrainiens. »

On croirait que le président russe est tombé sur la tête. Un peu comme si Xi Jinping s’excusait pour la covid…

Nous entrons dans le monde merveilleux des deepfakes.

L’IA, pas de quoi rire

On sait maintenant qu’une déclaration truquée, produite par ordinateur, peut revêtir toutes les apparences de la vérité. Des logiciels sont maintenant accessibles pour faire dire à vos victimes tout ce que vous pouvez imaginer. On peut aussi les déshabiller, parait-il…

Nous commençons à peine à entrevoir la spirale étourdissante dans laquelle nous entraine l’intelligence artificielle.

Deepfake

Le terme commence à se propager et, bien sûr, l’anglais est encore roi et maitre.

Heureusement, des traductions ont aussi commencé à apparaitre. Le message de Poutine exposé en début de texte pourrait être qualifié de fausse vidéo. L’excellente émission Les décrypteurs de Radio-Canada propose hypertrucage, car c’est bien de cela qu’il s’agit.

Dans la même veine, on peut aussi voir hypercontrefaçon et, pourquoi pas, contrefaçon profonde.

Pendant que nous arrivons encore à distinguer le vrai du faux, je tiens à préciser que ce billet n’a pas été composé par intelligence artificielle. La mienne suffit.

Spoiler

« Tu sais, Harry Potter, il ne meurt pas à la fin. » Révélation choc lorsque je lisais le dernier tome de la célèbre saga britannique. Quelle maladresse quand même.

En Europe, on dirait que j’ai été spoilé… bref qu’on m’a révélé le fin mot d’une intrigue, sabotant par le fait même l’effet de surprise. Car la rumeur courait que le célèbre sorcier périssait à la fin de la saga.

Autrement dit, mon ami m’avait balancé un spoiler par la tête.

Le mot en question figure dans les dictionnaires français. « Gâcher l’effet de surprise en dévoilant un élément clé de (un film, une série, etc.) » nous dit le Petit Robert.

Le Larousse offre même la conjugaison complète du verbe spoiler, dont l’imparfait du subjonctif et le plus-que-parfait du subjonctif… Ce qui peut donner des résultats cocasses :

            Que tu eusses spoilé le baron, passe encore,

            Mais il eût fallu que je le spoilasse aussi.

Contourner le problème

Comme cela arrive souvent, il est difficile de remplacer le mot unique anglais par un équivalent français. Il faut donc recourir aux périphrases.

  • Dire, donner le fin mot de l’intrigue.
  • Révéler la fin.
  • Vendre la mèche.
  • Gâcher l’effet de surprise.

Il y en a bien d’autres.

Traduire à tout prix

Spoiler est un anglicisme qu’on entend souvent au Canada. Mais certaines têtes brûlées au Québec se sont ingéniées, dans un délire qui ne cesse d’étonner outre-Atlantique, à essayer de le traduire en français.

Le fruit des élucubrations de l’Office québécois de la langue française ne manquera pas d’étonner les Européens, Africains et les Asiatiques : divulgâcheur…

Non, il ne s’agit d’une autre pitrerie d’un correcteur orthographique aviné. Un mot-valise dont les irréductibles Québécois ont le secret. En divulguant un élément de l’intrigue, on gâche le plaisir d’autrui.

Le sens est là, mais pour ce qui est de l’élégance du propos on est loin de Molière, avouons-le. D’autant plus que divulgâcheur a engendré deux autres rejetons : divulgâcher et divulgâchage.

Malgré tout le terme a fait son petit bonhomme de chemin et se voit dans les publications canadiennes. Mais il a peu de chance de se tailler une place ailleurs, sauf dans les musées de curiosités.

Hacker

Êtes-vous une personne fouineuse? Par exemple êtes-vous capable de profiter de la candeur proverbiale de ceux et celles qui lisent ce blogue dans un café en profitant du wi-fi ambiant?

Vous avez compris qu’il est question des hackeurs, (hackers en franglais) ces individus qui cherchent à s’introduire frauduleusement dans l’ordinateur de quelqu’un d’autre. Le terme désigne les pirates informatiques, mais force est de reconnaitre que l’anglicisme est bien implanté en français.

Les hackeurs n’agissent habituellement pas par altruisme et cherchent le plus souvent à voler des données ou à faire du sabotage, quand ils s’infiltrent dans le système informatique d’une entreprise.

D’où mon étonnement devant la définition du Petit Robert :

Pirate informatique qui agit sans intention de nuire, par jeu, par goût du défi, ou par activisme.

Voilà une définition quelque peu chevaleresque, ne trouvez-vous pas? Peut-être pas autant qu’on pense. La notion de hacker éthique existe bel et bien. Il s’agit de pirates qui percent des systèmes et aident les entreprises à mieux se protéger. Ils agissent souvent comme conseillers.

Bref, celui qui vous a chipé vos données personnelles est un petit rigolo. Or un pirate informatique n’agit pas toujours par altruisme, bien au contraire.

Hactivisme

Laissons de côté les bandits. Certaines personnes pratiquent l’activisme dans le cyberespace. Elles cherchent à s’introduire frauduleusement dans un système informatique pour le détourner. Elles veulent ainsi défendre des idéaux sociaux, politiques ou religieux. C’est ce qu’on appelle faire de l’hactivisme.

Par ailleurs, certains pays ont leur petite armée de bidouilleurs qui remplissement des missions de sabotage. Dans ce cas, ce n’est pas de l’hactivisme, mais de l’espionnage.

Avouons que ce néologisme, hactivisme, est bien trouvé, il donne toutes ses lettres créances à l’anglicisme hacker.

Hackathon

Hacker a fait d’autres petits. Le hackathon n’est pas une planète lointaine dans la galaxie Alpha du Centaure. C’est plutôt une séance de remue-méninges réunissant une joyeuse confrérie de hackers et d’autres spécialistes de l’informatique. La séance peut durer plusieurs jours. Le but : développer des stratégies informatiques novatrices.

Car certaines entreprises traumatisées embauchent des pirates pour mieux protéger leurs systèmes internes.

En informatique, le crime peut finir par être très payant.

Conclusion

Hacker est évidemment là pour rester, à cause de son caractère distinct et de sa popularité. Mais rien n’interdit d’employer le mot très français de pirate.

Follower

« Malheur à l’homme qui a des disciples. » disait Nietzsche.

Vous êtes sûrement tous dans les médias sociaux. Des centaines, voire des milliers de personnes vous suivent, ce que certains francophones, hélas trop nombreux, appellent des followers.

Par exemple, Taylor Swift a quelque 95 millions de followers sur cet égout public qu’est en train de devenir X, anciennement Twitter. Yannick Nézet-Séguin en compte presque 28 mille.

Au Canada, le terme followers a été traduit par abonnés. Bien sûr, ce n’est pas très excitant, ça fait moins techno que de dire « fallo-ouère », mais le sens est là. On s’abonne à un journal, à une série de concerts, etc. Alors pourquoi ne pas s’abonner aux tweets d’une personne qui nous intéresse?

Des variantes, d’un intérêt inégal, il faut le dire, sont concevables.

On pourrait parler des personnes inscrites à un compte. Une vedette comme celle mentionnée ci-dessus pourrait avoir des admirateurs, des fidèles, des disciples.

Qu’en pensez-vous?

World class

Une cité universitaire de classe mondiale. Une entreprise de recyclage des déchets de classe mondiale. Ne sentez-vous pas le besoin d’aérer la pièce? Des relents d’américain nous empestent.

Devant l’omniprésence de la langue américaine, les langagiers ressemblent parfois à des poules sans tête et se contentent de calquer l’original anglais sans se poser de question.

Pourtant, même si ce réflexe se perd dans la francophonie, il y a souvent moyen de traduire, même si le calque syntaxique fait figure de sirène…

Les traductions les plus simples

Suivre la logique de l’anglais est toujours invitant. Nous aurons donc une cité universitaire de calibre, de classe, de niveau ou de rang mondial. Elle pourrait aussi être d’envergure mondiale ou internationale.

Comme on le voit, on pourra jongler avec les mots international(e) et mondial(e).

Des traductions plus imaginatives

Je sais, tout est demandé pour avant-hier. Mais ne pourrait-on pas parler d’une entreprise incomparable de recyclage des déchets? D’une excellente entreprise, d’une entreprise à la fine pointe, ultramoderne? Bref, une entreprise de (grande) renommée.

La notion de « calibre international » est ainsi implicitée. Et le français s’en porte mieux.

Quelques exemples glanés dans la Grande Toile

World class regulatory regime = un puissant outil de planification.

World class researchers = d’éminents chercheurs; des chercheurs de premier ordre.

World class technology = une technologie de pointe.

D’autres idées?

QR code

Bonjour, comment vont vos code-barres bidimensionnels?

Vous savez, ces gribouillis labyrinthiques en forme de carré. Vous les balayez avec votre téléphone et hop! accès direct à un site web.

Vous avez sans doute reconnu les fameux QR code, comme on dit en Europe, appelés ici au Québec code QR. Que signifie au juste l’initiale QR? Quick response, donc un code de réponse rapide. Je ne pousserai pas le purisme jusqu’à proposer cette traduction; il me semble que code QR est suffisant.

Bien sûr, il ne scintille pas de mille feux comme l’anglicisme, parfaitement inutile d’ailleurs. Le QR code est le parfait exemple d’un terme anglais facilement traduisible en français.

L’OQLF

Les code-barres bidimensionnels précités sont une proposition de l’Office québécois de la langue française. Proposition qui fera certes des gorges chaudes outre-Atlantique, où l’on a perdu l’habitude de traduire dès que ça vient de l’Amérique.

Néanmoins, il faut reconnaitre que la traduction de l’OQLF demeure obscure et quelque peu pompeuse. C’est pourquoi il ne me semble pas avisé de l’adopter.

Sensitivity readers

Le concept est anglo-saxon, alors il est normal qu’il soit exprimé en anglais, du moins dans un premier temps.

Les sensitivity readers sont des traqueurs qui scrutent les manuscrits pour isoler les expressions susceptibles d’indisposer certains membres des minorités. Ces épurateurs modifient le contenu des œuvres pour les rendre plus acceptables.

On a tous entendu parler de Dix petits nègres d’Agatha Christie dont le titre est devenu Ils étaient dix. Ce qui est moins insultant, on avouera.

Kevin Lambert, lauréat québécois du Prix Médicis pour Que notre joie demeure, a embauché une Canado-Haïtienne pour s’assurer de la crédibilité d’un personnage d’origine haïtienne.

Ai-je besoin de préciser que ce courant de purification littéraire vient des États-Unis? Nul ne sera surpris qu’il envahisse le Canada, mais aussi la France et sûrement le reste de l’Europe.

Traduction

L’Office québécois de la langue française propose lecteur sensible, mais aussi démineur éditorial. Voilà qui ne manque pas de piquant et ce dernier terme a été proposé par la Commission d’enrichissement de la langue française.

Il est clair que l’américanisme est promis à un bel avenir ici et en Europe. Cela ne signifie pas qu’il est impossible de la traduire en français.

Je salue le journal parisien Le Figaro qui se donne la peine de chercher des traductions, contrairement au Monde qui se gargarise allègrement dans ce nouvel anglicisme excitant.

La récolte ne manque pas d’intérêt : conseillers culturels, correcteurs de sensibilité, mais aussi des traductions plus radicales comme censeurs littéraires. Évidemment, ce dernier terme n’est pas tout à fait neutre, c’est le moins que l’on puisse dire. Les personnes à l’affut de la moindre incartade sémantique seront évidemment fâchées qu’on les traite de censeurs. Par ailleurs bien des gens estiment qu’ils n’ont pas à se faire dire ce qu’ils doivent ou ne doivent pas lire.

À mon sens, correcteurs de sensibilité est une belle trouvaille. Des lecteurs m’ont envoyé toutes sortes de suggestions, que je vous livre en vrac : expurgateurs, euphémisateurs, aseptiseurs...

Un lecteur me signale le terme anglais bowdlerization, du nom de Thomas Bowdler qui, au XIXe siècle, a épuré les œuvres de Shakespeare pour qu’elles conviennent mieux aux femmes et aux enfants.

Donc, rien de nouveau sous le soleil. Dans quelle mesure ces propositions arriveront-elles à s’implanter? Je demeure d’un optimisme prudent…

Gaza

Gaza vit un enfer ces jours-ci, un enfer qui suscite l’indignation partout dans le monde. États-Uniens et Israéliens semblent décidés à faire l’unanimité contre eux. Les deux méprisent les institutions internationales.

Leur adversaire est un groupe terroriste, le Hamas, ce que bien des gens veulent oublier. Le Hamas veut l’extermination des Israéliens et il est soutenu tant par l’Iran que par une bonne partie du monde arabe.

Quelques rappels linguistiques

Le territoire de Gaza s’appelle la bande de Gaza. Le plus souvent, on dira Gaza tout court; il n’y a pas d’article, tout comme pour Bahreïn. Le toponyme est de genre masculin : Gaza est bombardé quotidiennement. Bien entendu, si on parle de la bande de Gaza, l’accord se fera au féminin.

 Gaza est un territoire situé en bordure de la Méditerranée. Sa capitale s’appelle Gaza elle aussi. Pour éviter la confusion, on pourrait tout simplement dire la ville de Gaza. Rappelons-le : Gaza City est une INVENTION; la ville ne s’appelle pas ainsi en arabe.

D’autres cas

Malheureusement, on répète les mêmes erreurs que jadis, quand on appelait la capitale guatémaltèque Guatemala City, alors que le nom espagnol de la ville est Guatemala Ciudad. Il y a des limites à tout nommer en anglais. Là encore, on pourrait dire la ville de Guatemala. Mais c’est peut-être trop simple. Il y a une dizaine d’années, l’horrible Guatemala City est apparu dans les pages du Larousse, pourtant une source fiable pour la graphie de toponymes. Heureusement, cet anglicisme est disparu par la suite.

Les habitants de Gaza

On les appelle les Gazaouis, ce qui semble faire l’unanimité. Pourtant il y a une autre façon de les désigner. Voir mon article à ce sujet.