Partis politiques

Un parti politique est une organisation et une organisation s’écrit habituellement avec la majuscule initiale. Vrai? Tout à fait.

Les partis politiques français sont eux aussi des organisations, dont le nom s’écrit le plus souvent en minuscule, surtout s’il comporte le générique parti.

Lire sur l’histoire dans les encyclopédies française nous permet d’assister à un défilé de formation anonymisées, comme le parti communiste français, le parti bolchevik. Pourtant, le PCF est bel et bien une organisation; écrire son nom en minuscule est absurde.

Que ce soit dans Le Monde ou dans L’Express, on assiste à une valse-hésitation entre Parti communiste et parti communiste. Les partis étrangers sont également frappés : Parti travailliste, parti travailliste.

En proie à une étrange pudeur, les journalistes hésitent à coiffer d’une majuscule une organisation qui, si elle était de nature commerciale, prendrait automatiquement la majuscule. Qui imagine des graphies comme general motors, hydro-Québec, électricité de France?

Heureusement, la logique est différente lorsqu’une formation politique porte un nom excluant le mot parti. Pensons aux Républicains de l’ancien président Nicolas Sarkozy. Le Rassemblement national de Marine Le Pen.

Alors, comment expliquer cette cohabitation dépassée entre titres énoncés avec la majuscule initiale et les autres tout en minuscule?

Le passé

Pendant longtemps, la pingrerie était à l’honneur. Voilà quelques décennies, les périodiques orthographiaient ainsi les formations politiques : parti socialiste, parti communiste, parti radical-socialiste. Les abréviations utilisées tenaient du rachitisme : p.s., p.c, p.r-s.

Depuis, l’usage s’est modernisé. Heureusement.

La presse française semble avoir abandonné cette fâcheuse habitude d’étêter les noms de partis. Pourtant, les noms tout en minuscules se voient encore assez souvent. Une simple recherche dans Google le démontre facilement.

Ces graphies désuètes et illogiques se perpétuent malheureusement quand il est question des États-Unis. Dans la presse française, on parle du parti républicain et du parti démocrate, alors qu’il serait logique d’écrire Parti républicain et Parti démocrate.

Les vieilles manies ont la vie dure…

La majuscule à l’honneur

Au Québec, on écrit depuis belle lurette ces noms avec la majuscule initiale. Que l’on pense au Parti québécois, au Parti conservateur, au Nouveau Parti démocratique. Ici, aucune hésitation. On ne lira jamais dans nos journaux le nouveau parti démocratique. Triste façon de couper les ailes au NPD.

Les noms des partis étrangers sont eux aussi écrits avec la majuscule initiale. Et ils sont traduits la plupart du temps. Pensons aux formations suivantes : Parti national écossais; Congrès national africain, Union chrétienne-démocrate.

Certains partis gardent leur appellation originale, comme le Likoud, en Israël. Certains noms plus difficiles à traduire restent parfois en anglais, comme le Quami Watan Party, au Pakistan.

On se réfère parfois au nom original d’un parti, même si l’appellation est traduite en français. Par exemple le Parti travailliste est souvent appelé le Labour dans notre langue.

Les abréviations

Si les noms peuvent se traduire, il n’en est pas de même pour les abréviations. L’usage tend à conserver le sigle original. Ainsi, le parti d’Angela Merkel, l’Union chrétienne-démocrate, se décline CDU quand on veut l’abréger. Bien sûr, on pourrait forcer un peu la note et adopter UCD, mais il n’est pas certain que le public-cible suivrait.

Comme on le voit, les points abréviatifs ont disparu et toutes les lettres sont en majuscules.

Au Québec, on a choisi de créer des appellations à partir des sigles.

Le Parti québécois, abrégé PQ, a donné les péquistes. La Coalition avenir Québec a engendré les caquistes, appellation malheureuse, à mon avis.

Les partisans

Qui dit parti, dit partisans. Contrairement à ce que pensent bien des rédacteurs, on ne met pas de majuscule initiale : les démocrates américain, les socialistes belges, les libéraux-démocrates britanniques.

Europe de l’Est

On entend encore parfois le terme Europe de l’Est. Cette appellation n’est plus tout à fait exacte; elle résonne comme un écho du passé.

On appelait Europe de l’Est l’ensemble des pays occupés par l’Union soviétique en 1945, après la Seconde Guerre mondiale. Comme on le sait, ces pays sont devenus ce que l’on appelait abusivement des « démocraties populaires ». Pourtant, Bulgarie, Hongrie, Tchécoslovaquie, Pologne, République démocratique allemande (fondée en 1948), Albanie, Yougoslavie et Roumanie n’avaient à voir avec la démocratie. Ils vivaient sous une dictature communiste.

Ce glacis d’États tampons était parfois appelé le bloc de l’Est ou encore les pays de l’Est.

L’appellation Europe de l’Est montrait les dangers d’affubler un ensemble géopolitique d’un nom à saveur géographique. L’appellation était tout aussi fausse sur ce plan. En effet, l’Europe de l’Est n’incluait pas la Grèce, l’Ukraine, la Biélorussie, pas plus d’ailleurs que la Russie européenne.

Elle excluait également les pays baltes, annexés par l’Union soviétique.

L’expression est devenue caduque lorsque les régimes communistes européens sont tombés comme des châteaux de cartes, en 1989.

On comprend que cette expression a un passé, comme on dit. Elle renvoie à une époque précise et il est quelque peu risqué de l’employer dans un sens strictement géographique. Si on veut parler dans la partie est de l’Europe, il est de loin préférable de dire : l’Europe orientale.

Cette notion, toutefois, demeure approximative et peut être perçue de diverses manières.

À la chute du Rideau de fer, la région a été rebaptisée Europe centrale et orientale. Certes, ce nouveau terme est un peu plus précis, mais il désigne toujours les mêmes pays. En demeurent exclus la Grèce, le Bélarus, l’Ukraine et la Russie européenne.

Faire du neuf avec du vieux, quoi.

Autres articles sur la géographie

Au fil des ans, j’ai écrit de nombreux articles sur les appellations géographiques.

Ils sont regroupés à l’adresse suivante : https://andreracicot.ca/category/geographie/

Vous y trouverez notamment des textes sur l’écriture des noms russes et ukrainiens en français, la Scandinavie et l’Europe du Nord, la différence entre le Proche-Orient et le Moyen-Orient, la Géorgie, la Libye ainsi que le très populaire article sur la traduction des adresses au Canada et à l’étranger.

 

Turqueries

On dirait une sucrerie, n’est-ce pas?

On oublie souvent qu’avant de devenir la république d’aujourd’hui, la Turquie était une grande puissance appelée Empire ottoman. Cet empire est venu jadis mordre le flanc est de l’Europe et a été stoppé devant Vienne. Les soldats ottomans laissèrent derrière eux des sacs remplis de graines, dont on a tiré une décoction fameuse : le café!

L’image du Turc envahisseur a aussi pénétré la langue française et laissé derrière elle quelques expressions imagées.

À commencer par le mot « turquerie » lui-même, qui, à l’origine, signifiait dur et impitoyable.

Quelques expressions

Tête de Turc : être victime des railleries des autres.

Bain turc : bain bouillant. (Ne pas confondre avec une douche écossaise…)

Café turc : café noir servi avec le marc. (Hâte de voir comment Starbucks va le baptiser.)

Jeune Turc : un ambitieux.

Fort comme un Turc : personne très musclée

Si vous faites les choses à la turque, cela signifie que vous êtes assis ou accroupi. Les toilettes à la turque sont une révélation pour les visiteurs nord-américains!

Mots français venant du turc

Elle parfume le thé Earl Grey : la bergamote.

Les cavaliers s’en servent pour fouetter leur cheval : la cravache.

Fleur du printemps : la tulipe.

Pavillon de jardin ou lors d’une exposition : le kiosque.

 

 

Soudan du Sud

Les conflits n’en finissent plus de déchirer le continent africain.
Le Soudan du Sud en est un triste exemple. Cet État a fait sécession avec le Soudan tout court en 2011. Depuis lors, le pays est ravagé par une guerre civile larvée qui semble vouloir s’éterniser.
L’entrée dans le concert des nations du Soudan du Sud, parfois mal baptisé Sud-Soudan, a suscité quelques problèmes terminologiques. La tentation était forte d’énoncer le toponyme à l’anglaise était forte. Heureusement, le Sud-Soudan n’est pas entré dans l’usage, comme le fut jadis le Nord-Vietnam.
Le nom des habitants n’a toutefois pas été frappé de la même interdiction. Les Soudanais du Sud devraient normalement s’imposer, mais, dans ce cas-ci, c’est plutôt Sud-Soudanais qui s’est propagé. Il suit les traces de Sud-Africain et Nord-Coréen. Ainsi va le français.
La capitale est Djouba et non Juba, comme l’écrivent souvent les médias français.
C’est la graphie qui figure dans le Petit Larousse. Malheureusement la graphie anglaise Juba semble exercer un attrait irrésistible sur les médias. Des journaux français comme Le Monde et Le Figaro, ainsi que le québécois, Le Devoir ont du mal à fixer leur usage et se livrent à une valse-hésitation désolante.
La graphie d’une capitale ne devrait pas dépendre des préférences ou des humeurs d’un rédacteur.
D’ailleurs, un lecteur rappelait à l’ordre le Figaro en juin 2011 : « …l’appellation anglaise Juba est à éviter pour désigner la ville sud-soudanaise de Djouba, car la graphie anglaise ne correspond pas à la prononciation normale du nom de cette ville (en français, « djouba » doit s’écrire Djouba et non Juba). D’autres langues ont d’ailleurs adapté leur graphie à la prononciation du nom de cette ville, par exemple le polonais avec Dżuba. »
Il va sans dire que Le Figaro a fait la sourde oreille.
Ainsi va le français.