Fake news

Fake news

 

L’expression, facile à prononcer, brille de tous ses feux. Elle envahit les médias européens, qu’ils soient francophones ou pas. Le locataire de la Maison-Blanche l’utilise quotidiennement, ou presque, jetant de l’huile sur le feu.

Un feu ardent, alimenté par la fascination que les États-Unis exercent sur beaucoup d’Européens et de Canadiens.

Ce n’est quand même pas la première fois de l’histoire que des médias, quand ce ne sont pas des politiciens, propagent des fausses nouvelles. L’art de triturer les faits, de les présenter de manière trompeuse existe depuis longtemps.

À l’époque de la Guerre froide, le régime soviétique était passé maître dans l’art de propager des vérités tronquées, destinées à induire en erreur des Occidentaux de bonne foi. C’est ce que l’on appelait de la désinformation. Certains feront valoir que Moscou n’a pas tellement changé…

Le président Macron a employé le terme contre-vérité devant son homologue russe, lorsqu’il dénonçait la désinformation de certains médias russes pendant l’élection française. Une contre-vérité peut cependant être faite de bonne foi.

Pour en revenir aux fake news, il serait très facile de parler de faux reportages, de fausses informations, ou de fausses infos. Ne manque que la volonté de s’exprimer en français…

Plusieurs lecteurs m’ont suggéré d’autres solutions, via Twitter.

Bobard : mot qu’on oublie. Il a le sens de fausse nouvelle.

Intox : qui vient d’intoxication. Selon le Robert : « Action insidieuse sur les esprits, tendant à accréditer certaines opinions, à démoraliser, à affaiblir le sens critique. »

Infox : l’allusion à Fox News n’échappera pas aux lecteurs avertis…

Infaux : jolie trouvaille! J’ai bien hâte de lire cela dans nos médias anglicisants.

Autres tromperies

Certains voudront utiliser le mot canular. Le champ sémantique n’est pas tout à fait le même. Un canular, c’est une mystification, un coup monté. On en voit beaucoup le premier avril… Le Robert signale que ce mot peut, par extension, désigner une fausse nouvelle, mais qu’il remplace l’anglicisme hoax, sur lequel je reviens ci-dessous.

Devant le déluge de faussetés qui polluent les médias sociaux, la pratique de la vérification des informations par des fact-checkeurs, qui font bien sûr du fact-checking, commence à se répandre. Ces deux horreurs, trouvées dans la presse française, n’ont pas leur place dans notre langue. La vérification des faits est suffisamment claire en soi. Ceux qui s’y adonnent sont des vérificateurs, tout simplement.

Il n’y a pas que les fausses nouvelles qui encombrent les médias sociaux. Il y a aussi ce que les Européens appellent les hoax. D’après le dictionnaire Collins, il s’agit d’une tromperie ou d’un tour. Il y en a eu beaucoup au siècle dernier; pensons au monstre du Loch Ness, aux circular crops, ces sillons en rond tracés par des farceurs dans des champs, que bien des gens attribuaient aux extra-terrestres…

De beaux canulars, bref.

L’électronique en français

Qui n’a jamais eu à se débattre avec des pourriels, que l’on appelle spams en Europe? La recommandation officielle est arrosage, un mot à mon avis imprécis. Le terme pourriel, inventé au Québec, vient de courriel, le mot français pour l’imbuvable email. Votre boîte de courriel électronique (courriel) est encombrée de messages publicitaires, elle devient une poubelle à cause de tous ces pourriels.

Comme on le voit, on peut parler des technologies informatiques en utilisant des termes français. Oui, on peut traduire. Non, l’anglais n’est pas indispensable pour exprimer ces réalités. Et ce n’est ni une fausse nouvelle ni un canular.

À regarder le paysage linguistique des médias européens, et souvent canadiens, on s’étonne de trouver encore dans le vocabulaire courant des mots étranges comme ordinateur, logiciel et informatique. De véritables diplodocus en ces temps de fake news.

 

Le trait d’union

Trait d’union devrait-il prendre un trait d’union? Que diriez-vous de trait-d’union?

En fait, combien d’entre vous auraient tiqué en lisant cette dernière graphie? Beaucoup auraient douté, certes, mais cette façon de l’écrire serait quand même logique, avouez-le.

À quoi sert le trait d’union?

Tout d’abord, il ne faut pas le confondre avec le tiret. Comme le signale Bescherelle, dans Le français pour tous, « Le trait d’union est un signe qui sert à réunir des mots, soit pour montrer qu’ils ont un lien dans la phrase, soit pour indiquer qu’ils forment ensemble un seul mot composé. »

Le trait d’union s’utilise notamment dans les inversions entre le verbe et le pronom sujet.

Il faudrait simplifier le français, n’est-ce pas?

Faut-il confier la traduction à des machines?

On en insère entre le pronom et le verbe à l’impératif.

Allons-y maintenant.

On l’utilise aussi pour les adverbes de lieu et de temps avec ci et .

Ces jours-ci, cet homme-là est fatigué.

Le trait d’union est fréquent dans les noms d’immeubles, de ponts, les odonymes.

L’immeuble Jules-Léger

L’aréna Maurice-Richard

Le pont Jacques-Cartier

La rue Sainte-Catherine

Certains adverbes, comme entre-temps, exigent le trait d’union; toutefois, la nouvelle orthographe admet la soudure : entretemps.

Noms composés

La question du trait d’union amène celle des noms composés. Nous entrons dans un univers complexe. Ainsi, mi, demi et semi exigent le trait d’union.

Mi-chemin, demi-journée et semi-remorque.

Les mots composés avec non prennent aussi le trait d’union, mais pas les adjectifs.

La non-conformité d’un document, et un document non conforme.

Comme le signalent les Clefs du français pratique, bon nombre de concepts exprimés par deux ou plusieurs mots prennent le trait d’union.

Mot-clé

Chez-soi

Tente-roulotte

Nid-de-poule

Malheureusement, l’utilisation du trait d’union dans les noms composés suit une logique pour le moins échevelée. Certains préfixes sont toujours soudés, d’autres le sont généralement. En clair, le langagier va finir par buter sur des exceptions. Donc, assailli par le doute, il devra fréquemment tourner les pages de son dictionnaire.

Les rectifications de l’orthographe de 1990 ont mis un peu d’ordre dans les écuries, mais encore faut-il qu’elles soient appliquées. Un tableau récapitulatif dans la Banque de dépannage linguistique de l’Office québécois de la langue française donne un bon aperçu des changements intervenus. Le trait d’union sert surtout à éviter des hiatus.

Illogismes

Comme je l’ai souvent mentionné dans mes billets, l’orthographe française est souvent un spectacle de haute voltige à l’enseigne de l’arbitraire, d’erreurs passées dans l’usage et d’illogismes.

Nous avons vu que la graphie trait-d’union est erronée. Mais on aurait pu en décider autrement et suivre le modèle de point-virgule et deux-points.

Prenons un autre cas. Vous faites le procès-verbal d’une réunion pour ensuite en rédiger le compte rendu. Voilà pourtant deux mots semblables dont la graphie diverge.

Entre-temps, la Terre continue de tourner. Pardon ! On écrit maintenant entretemps. La première graphie est pourtant utilisée par Racine. La nouvelle orthographe la reprend.

Tout le monde sait que sur-le-champ, c’est-à-dire s’écrivent avec le trait d’union. Mais certaines locutions amènent leur lot d’interrogations. On écrira au-dessous et par-dessous, mais attention à en dessous.

Dans la même veine, on ne pas confondre un a priori avec un à-propos. Vous voilà averti. Les rectifications de 1990 proposent apriori.

Les locutions adverbiales et prépositives donnent des mots de tête à tout francophone bien portant, même le plus érudit. Surtout lorsque certaines d’entre elles acceptent aussi bien le trait d’union que son absence : Au delà et au-delà. Pensons aussi à par-delà, qui perd son trait d’union dans Nietzsche Par delà le bien et le mal. Si le célèbre philosophe allemand a perdu la raison, c’est peut-être parce qu’il a tenté de percer de la logique grammaticale du français…

Pourquoi pas un trait d’union?

Nous avons vu mot-clé, faisons maintenant connaissance avec mots croisés qui aurait très bien pu s’écrire mots-croisés. Parti pris et quant à soi ne prennent pas non plus le trait d’union. Pourtant, ils désignent bel et bien un concept, un mot d’un seul tenant.

La liste pourrait s’allonger. En passant, on écrit quant-à-soi…. Vous êtes probablement tombé dans le piège.

Liste des noms de pays

La nécessité de dresser une liste complète des noms de pays relève de l’évidence. D’une part à cause de l’imprécision des dictionnaires, de leurs contradictions, et, d’autre part, de la fiabilité douteuse des nomenclatures que l’on peut trouver sur la Grande Toile.

Nomenclatures d’organisations internationales, de ministères, qui ne sont certes pas dénuées de valeur mais demeurent divergentes sur certains points, notamment sur le nom des habitants.

Les dictionnaires brouillons

Ces ouvrages sont imprécis. Ils l’étaient hier et ils le sont toujours aujourd’hui.

Le français est une langue comportant deux genres. Ils assez curieux que, voilà une trentaine d’années, les dictionnaires et ouvrages encyclopédiques ne donnaient pas systématiquement le genre grammatical des toponymes. Bien entendu, on ne se pose pas la question pour Belgique, Bénin, Sénégal, Russie, Cambodge ou Nouvelle-Zélande. Mais qu’en est-il de Cuba, Israël, Iran, Afghanistan?

Lorsque j’étais rédacteur de nouvelles à Radio-Canada, dans les années 1980, je me souviens d’avoir cherché en vain dans des ouvrages reconnus le genre grammatical d’Iran. Un accord grammatical m’avait sauvé.

Mais avouons qu’il était absurde de pourchasser le genre d’un toponyme dans le corps d’un article.

La situation a quelque peu évolué depuis, fort heureusement. À présent, le genre est « précisé » par cette inscription sibylline n.m, n.f. Iran est donc masculin. Et tout le monde sait qu’on dit « L’Iran. »

Mais qu’en est-il de Bahreïn? On le voit souvent énoncé ainsi : « Le Bahreïn. » C’est compréhensible, puisque les ouvrages lui donnent le genre masculin. Malheureusement, ils ne disent jamais que ce nom d’État ne prend pas l’article défini. Autrement dit, le lecteur est censé le savoir. Or, bien des toponymes ne prennent pas d’article et ils ne sont pas tous très connus. Va pour Cuba ou Israël, mais Saint-Kitts-et-Nevis?

Le nom des habitants (gentilé) est un autre écueil qui attend le langagier un peu trop curieux. Jadis, il n’était pas indiqué systématiquement dans les dictionnaires. À présent il l’est.

Cette avancée n’est toutefois pas aussi éclatante qu’on peut le penser. Manque une pièce importante du puzzle : le féminin. Là encore, les lexicographes estiment que les lecteurs déduiront la forme féminine du gentilé masculin. Dans la plupart des cas, ils ont raison. Personne ne se pose de question pour Colombienne, Australienne, Indienne, Allemande.

Mais comment s’appellent les habitantes du Kenya? Les Kényanes? Les Kényiannes?

La question lancinante en français du doublement des consonnes se pose avec acuité. À moins d’être un as en étymologie, un expert de l’orthographe, le langagier doit vérifier. Et ce ne sont pas les dictionnaires courants qui vont lui donner la réponse, puisqu’ils ne répertorient que le masculin.

Les lexicographes consentent à préciser la graphie du féminin lorsqu’elle est irrégulière : grecque, turque.

Surnoms et changements de noms

Le langagier n’est pas au bout de ses peines. S’il lit la presse française, il ne manquera pas de remarquer la Tchéquie et le Centrafrique. Les ouvrages de langue ignorent souvent ces appellations, comme si elles n’existaient pas. Personne ne semble avoir eu l’Idée de mettre un renvoi vers la République tchèque et la République centrafricaine. Au moins, on précise que le Zaïre s’appelle maintenant République démocratique du Congo.

Mais malheur à vous si vous lisez Bélarus dans un article, car, dans ce cas, aucun renvoi. Il s’agit en fait de la Biélorussie, dont c’est le nom officiel depuis 1991.

Les anglophones acceptent plus volontiers certains changements de noms, alors que les francophones ont tendance à s’en tenir aux appellations traditionnelles. Pensons à Pékin et Beijing. On voit plus souvent ce dernier en anglais.

Une liste originale et précise

J’ai œuvré pendant 29 ans au Bureau de la traduction du gouvernement du Canada. Je travaillais pour le ministère des Affaires étrangères lorsque l’Union soviétique s’est effondrée. Le service de traduction de ce ministère se référait à la liste officielle des Nations Unies, mais la mise à jour de celle-ci tardait. J’ai donc dressé une liste interne et à jour pour notre service. J’en profitai pour corriger certaines anomalies qui ne correspondaient pas à l’usage courant (le Sri Lanka, et non Sri Lanka masculin et sans article, comme le recommandait l’ONU).

La liste comportait la forme féminine du gentilé et des renvois pour les anciens noms d’État, avec toutes les précisions nécessaires.

Au fil des ans, la liste a été enrichie avec le nom de la capitale, mais surtout la préposition.

Celle-ci n’était pas un luxe. La Liste des États souverains répondait à toutes les questions des traducteurs et terminologues quant aux noms des pays. Elle n’a pas tardé à se répandre dans les services de traduction du gouvernement fédéral, et même dans les ministères.

J’en ai trouvé des copies pirates dans certaines bibliothèques et des personnes de l’extérieur du gouvernement m’en demandaient une mise à jour.

Devant ce succès, les Éditions du gouvernement du Canada en ont fait une version imprimée, en 2000, sous le titre de Liste des noms de pays, de capitales et d’habitants. En 2006, la Terminologie du Bureau de la traduction l’a réimprimée en ajoutant les drapeaux nationaux! La Terminologie en a fait aussi un Bulletin de terminologie (BT) portant le numéro 264.

Le ministère des Affaires étrangères a intégré cette liste dans son propre guide de rédaction.

La Liste a également été mise en ligne et elle est très consultée. En 2017, la Liste des noms de pays, de capitales et d’habitants comporte maintenant des entrées en portugais et en espagnol, en plus de l’anglais et du français. Un outil de traduction idéal!

Vous la trouverez à l’adresse suivante : http://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2alpha/alpha-eng.html?lang=eng&srchtxt=&i=1&index=alt&codom2nd_wet=1&page=publications/nomspays-countrynames-eng#resultrecs

Cette nomenclature ne comporte malheureusement pas la préposition, mais toutes les capitales ont été intégrées par ordre alphabétique dans la liste.

Vous pouvez aussi consulter une liste unilingue française avec l’article et la préposition : http://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2guides/guides/clefsfp/index-fra.html?lang=fra&lettr=indx_catlog_l&page=9iXDUHKL12ns.html.

Opportunité

Voilà quelques décennies, lorsqu’on voulait déclencher une bagarre en règle chez les traducteurs et les rédacteurs, on n’avait qu’à parler de « belle opportunité ». Aussitôt, le paisible salon de madame de Sévigné se métamorphosait en saloon du Far West. Petits fours et tasses de thé en porcelaine anglaise fusaient comme autant de projectiles.

Les temps ont bien changé.

Le mot opportunité, au sens d’occasion favorable, semble s’être acclimaté dans notre langue, malgré les protestations.

Définitions classiques

Le Robert donne comme première définition : « Caractère de ce qui est opportun. » Il signale toutefois, en deuxième définition, l’emploi critiqué « Circonstance opportune. » Suit une citation non attribuée. C’est un détail significatif. L’ouvrage ne semble pas avoir trouvé d’auteur assez connu pour étayer l’anglicisme.

Car, on l’aura deviné, il s’agit bel et bien d’un anglicisme.

Le Larousse donne les mêmes définitions, sans toutefois préciser que la seconde vient de l’anglais. C’est malheureusement un défaut de ce dictionnaire. L’absence de mention laisse croire que le terme est suffisamment passé dans l’usage pour en oublier l’origine.

Une petite visite au Trésor de la langue française s’impose. On ne sera pas surpris de voir que l’ouvrage partage les vues des dictionnaires plus récents quant à la définition d’opportunité.

La cause est entendue – du moins il le semble.

Un sens tiré de l’anglais

On ne peut pas dire que les anglicismes pullulent dans le vénérable Trésor. Il était donc inconcevable d’y retrouver la définition anglaise d’opportunité. Rassurez-vous, elle ne s’y trouve pas… du moins pas en tant qu’anglicisme.

Le Trésor parle de métonymie. « Occasion ou circonstance favorable. » L’exemple donné date de 1830 : « Il n’a pas le génie adroit et cauteleux d’un procureur qui ne perd ni une minute ni une opportunité. » La citation est de Stendhal, dans Le Rouge et le Noir.

La Banque de dépannage linguistique, de l’Office québécois de la langue française, précise que le mot en question était attesté au sens d’occasion dans des dictionnaires jusqu’au XIXe siècle.

Ce n’étaient donc pas tous les ouvrages qui donnaient une définition plus ouverte. Au fil du temps, le sens semble avoir rétréci pour se limiter au caractère opportun d’un événement.

Soit. Mais l’anglais a fait son œuvre au siècle suivant et son sens a fini par filtrer en français.

Un survol de la Grande Toile montre l’utilisation fréquente du tandem opportunité-occasion dans la presse française, comme en témoignent Le Monde, Le Figaro, L’Express :

La révolution numérique est une opportunité.

Les migrants représentent une opportunité économique importante.

J’ai toujours essayé de transformer les désastres en opportunité.

La crise, une opportunité au cœur du danger.

Les exemples sont innombrables. La presse québécoise embouche d’ailleurs la même trompette… opportune. Le sens anglais du terme est fréquent dans La Presse, mais un peu moins dans Le Devoir qui tend à se limiter au sens plus traditionnel.

Encore une fois, l’usage s’impose.

Comme dans bien d’autres cas semblables, le rédacteur aussi bien que le traducteur a plusieurs cordes à son arc. Le contexte, aussi asservissant soit-il, ouvre des perspectives abondantes, pour peu qu’on tente d’oublier l’anglicisme.

Une opportunité peut être une chance, une ouverture, un débouché. Le traducteur embourbé dans l’anglais parlera d’un avantage, d’un moyen (d’agir). Autres solutions, selon les circonstances : latitude, marge de manœuvre, facilité, jeu.

Si le texte de départ évoque l’idée de liberté, on peut penser aux solutions suivantes : autonomie, disponibilité, faculté, libre arbitre.

Comme en toute chose, le traducteur cherchera d’abord à s’affranchir de la phraséologie anglaise, fera une petite pause méditation, et réinventera avec des mots simples les idées exprimées en anglais. Les synonymes français devraient venir d’eux-mêmes.

Rédacteurs et traducteurs doivent se donner la liberté de réinventer leur texte, utiliser leur marge de manœuvre, bref profiter de leur avantage et saisir les belles occasions qui s’offrent à eux.

Voilà qui est opportun.

Rectitude politique

La rectitude politique…

Tout le monde en parle, certains la dénoncent à leurs risques et périls, mais combien tentent de la définir?

Ses retombées sur la langue courante sont considérables, pour le meilleur pour le pire. Pour le meilleur parce que bien des expressions insultantes sont bannies du vocabulaire; pour le pire parce que tout le monde sans exception finit par s’autocensurer. La crainte du faux pas est une obsession palpable tant dans le discours public que dans les conversations privées.

Dans cet article, je me pencherai sur le côté linguistique de la rectitude politique.

Définition

On peut aisément circonscrire le phénomène. Éviter, adoucir ou changer toute formulation pouvant heurter un certain public, notamment quand il est question d’ethnies, de cultures, de religions, d’infirmités, de classes sociales ou de préférences sexuelles.

« Vaste programme », aurait dit de Gaulle.

Les anglophones appellent la rectitude politique political correctness. On parle parfois de propos politiquement corrects en français. Il s’agit évidemment d’un calque.

Intégration

La rectitude politique est tellement intégrée dans le vocabulaire courant, qu’on tend à l’oublier. Sa manifestation la plus frappante est la féminisation des titres, qui, bien sûr, relève aussi du féminisme. Terme qui, en soi, ne devrait pas être considéré comme péjoratif, quoi qu’en pensent certaines femmes.

Le Québec a été à l’avant-garde de la francophonie en dressant une liste féminisée des titres de professions. Les pays francophones européens ont par la suite emboîté le pas. Seuls certains académiciens protestent encore…

La neutralisation de certains termes constitue un phénomène secondaire :

Chairperson pour chairman

Native American pour Indians

African Americans pour Blacks

Le français a lui aussi cheminé, puisque président a été féminisé en présidente; Autochtones a remplacé Indiens et Afro-Américain désigne les Noirs des États-Unis.

Les Noirs

Il va sans dire que les termes negro et nègres ne sont pratiquement plus employés. Jadis, le mot nègre constituait déjà une avancée, car il remplaçait sauvage. Au Canada, c’est ce mot que l’on employait pour désigner les Autochtones, d’ailleurs récemment rebaptisés Indigenous en anglais.

Le Robert précise que nègre est un « terme raciste, sauf s’il est employé par les Noirs eux-mêmes ».

Certains lui ont substitué l’expression personnes de couleur. Ce n’est pas un choix très heureux. Un Marocain, un Bangladais peuvent être considérés comme des personnes de couleur. Pourtant, ce ne sont pas des Noirs.

D’ailleurs, parler des Noirs est-il plus insultant qu’employer des mots comme Asiatiques, Caucasiens, Sud-Américains ?

Le ridicule ne tuant pas, on parle maintenant des blacks en Europe francophone…

Le monde médical

L’enfer est pavé de bonnes intentions, dit-on. Bon nombre d’expressions employées il y a une quarantaine d’années étaient franchement blessantes. Que l’on pense aux personnes souffrant de déficience intellectuelle : malades mentaux, handicapés mentaux, arriérés, débiles, mongoliens, mongols, déséquilibrés, malades, etc.

À présent, on parle de personnes souffrant de déficience intellectuelle, de déficients intellectuels.

L’appellation scientifique de trisomique est moins percutante que ce qu’on entendait il y a quarante ans, mais elle ne couvre pas tout le spectre des maladies mentales. Signe des temps, des appellations comme hyperactif, autiste, asperger sont apparues. Les personnes que l’on qualifiait de maniaco-dépressives sont maintenant appelées bipolaires.

Moins défendables sont les expressions qui évacuent des termes non offensants. On y voit l’empreinte de la bureaucratie. La liste s’allonge sans cesse…

Aveugle – non-voyant, malvoyant

Sourd – malentendant

Infirme – personne à mobilité réduite

Handicapé – personne handicapée

Patient – bénéficiaire

Amis, famille – aidants naturels

Cancer – longue maladie

Hôpital – centre hospitalier, pire : CISSS

Hospice – CHSLD

Beaucoup de gens veulent bannir le verbe souffrir pour le remplacer par un autre soi-disant plus neutre : avoir. Vous ne souffrez plus du cancer, du diabète, vous avez le cancer, vous vivez avec le diabète.

Une transformation radicale du vocabulaire

La peur d’insulter, d’exclure un groupe de personnes prend une ampleur démesurée. Au point où l’on assiste à un lessivage en règle du vocabulaire. Pour certains, le but est d’épurer le vocabulaire de toute trace réelle ou perçue de préjugé. Pour d’autres, la rectitude politique ne connaît plus de limite et étouffe la liberté d’expression.

Les exemples suivants illustrent à divers degrés ce phénomène :

Chômeur – sans-emploi, chercheur d’emploi

Misère, pauvreté – dénuement, exclusion

Avortement –interruption volontaire de grossesse

Mensonge – contre-vérité, demi-vérité

Réfugié – demandeur d’asile (qui n’est pas un synonyme véritable)

Vagabond, clochard – itinérant, sans-abri

Pornographique – au contenu explicite, pour adultes

Prostituée – travailleuse du sexe

Personnes âgées – troisième âge, aînés

Obèse – personne enveloppée, personne ayant une surcharge pondérale, personne épanouie (!)

Bien entendu, toutes ces substitutions ne sont pas à condamner, notamment lorsqu’elles permettent l’introduction de néologismes créatifs comme itinérant. Mais elles relèvent sans conteste du phénomène plus vaste de la rectitude politique.

L’orientation sexuelle

S’il est un domaine dans lequel les insultes pullulent, c’est bien celui de l’orientation sexuelle. Oublions les termes les plus dégradants que nous connaissons tous.

L’avancée la plus marquante à ce sujet est l’avènement du terme gai, bien sûr orthographié à l’anglaise en Europe.

Peu de gens en connaissent l’origine. San Francisco est depuis longtemps La Mecque des homosexuels. Lorsqu’une personne voulait entrer en contact avec ses semblables, elle demandait à un passant s’il connaissait un endroit gai. C’était une question codée. Les initiés en comprenaient immédiatement le sens réel. À la longue, le mot gai en est venu à désigner les homosexuels. Le terme lesbienne a en partie disparu au profit du féminin gaie, bien qu’on le voie encore.

Depuis, on essaie à tout prix de couvrir le spectre complet de la diversité sexuelle. Ainsi prolifèrent les transgenres, les bisexuels, les personnes en questionnement, etc. Autant de réalités que les anglophones ont tenté de rassembler sous le sigle abominable de LGBTQ2… Nouveau délire de la siglite aiguë qui a fait l’objet d’un billet dans ce blogue.

D’ailleurs, les néologismes prolifèrent dans le domaine : queer, two-spirited, questioning, intersex, asexual, ally, pansexual, agender, pangender, gender variant, etc.

En français, pour mettre de l’ordre dans cette écurie d’Augias, on commence à parler d’intersexualité. À suivre.

Mais c’est l’évolution du mot genre qui demeure la plus intéressante. L’anglais gender a fini par influencer le français, et ce pour les bonnes raisons. Le Robert définit genre de la manière suivante : « Construction sociale de l’identité sexuelle. »

Ce néologisme – certains crieront à l’anglicisme – vient nuancer le français. L’adjectif sexuel était quelque peu maladroit pour traduire certaines expressions. Pensons à gender issues, gender specialist, etc.

Conclusion

Que retenir de tout cela? Que les langues évoluent, certains mots prenant la poussière, d’autres épousant de nouveaux sens. Les dictionnaires sont remplis de mots qui ont fini par suivre un cours nouveau. En outre, les néologismes soulèvent parfois la controverse avant d’être adoptés.

On ne peut cependant manquer de relever un certain appauvrissement du vocabulaire quand des mots neutres sont jetés aux ordures et remplacés par des expressions plus vagues.

Il faut rester vigilant et dénoncer ces dérives, même au risque d’essuyer les critiques offensées de certains.

Gentrification

Le terme gentrification se répand de plus en plus et il a même fait son entrée dans le Petit Robert. Et à bon droit, car il désigne un phénomène sociologique marqué, celui de l’embourgeoisement des quartiers populaires.

Le Devoir, dans son édition du 19 mai 2018, rend compte du phénomène, en signalant d’ailleurs que le mot est entré au dictionnaire.

À Montréal, les actes de vandalisme contre certains nouveaux commerces branchés dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve ont défrayé la manchette. Des habitants du quartier dénoncent l’invasion de ces jeunes hipsters qui achètent des logements et font monter les loyers.

Le phénomène existe aussi en France et explique l’apparition du mot gentrification, un autre anglicisme, bien entendu. Le Robert le définit ainsi :

Processus par lequel la population d’un quartier populaire fait place à une couche sociale plus aisée.

Le terme est recensé depuis longtemps dans le Colpron ; l’auteur propose embourgeoisement et élitisation comme traduction.

Comme les lecteurs ont pu le constater, je ne suis guère tolérant envers les anglicismes inutiles qui délogent des mots bien français qui pourraient convenir. Dans ces pages j’ai déjà dénoncé des emprunts inutiles comme sniper qui ont la cote en Europe.

J’aurais tendance à nuancer mes propos pour gentrification. Le mot me paraît intéressant parce qu’il définit une réalité très précise, bien circonscrite. Certains ne seront pas d’accord.

Comme le relate un article paru dans Le Devoir du 6 mai 2017, cette nouvelle bourgeoisie conquérante carbure à la mondialisation. Elle ne vient pas nécessairement des quartiers chics traditionnels. Bien au contraire, elle en conteste l’hégémonie.

Le journaliste américain David Brooks a lancé le concept de bourgeoisie bohème (bobo) pour désigner ces hipsters apparus dans les grandes villes américaines.

Elle était cool, dit-il, de gauche, ouverte au monde, contre la financiarisation, les inégalités et le libéralisme dur. Comme Steve Jobs, elle ne portait pas de cravate et travaillait en baskets. En réalité, ces gens étaient les gagnants de la mondialisation.

Tant aux États-Unis qu’en France, cet antagonisme entre bobos et classes populaires a une incidence majeure sur la politique. Les populations déclassées par la mondialisation se jettent dans les bras de partis extrémistes en espérant (vainement) qu’ils vont faire justice; les bobos, grands gagnants de la mondialisation, la défendent à tous crins.

Nous n’avons pas fini d’entendre parler de la gentrification. 

Le Pen présidente?

Posons la question brutalement : Marine Le Pen peut-elle devenir présidente de la République? À la lumière de sa performance d’hier, au débat avec Emmanuel Macron, on peut en douter.

La candidate du Front national (quoi qu’elle en dise…), qui avait en début de campagne revêtu la cape d’une présidente en devenir, s’est plutôt comportée comme une vulgaire pugiliste.

Les dés sont-ils jetés? Par pour autant.

Bien entendu, Emmanuel Macron domine les sondages avec plus de soixante pour cent d’intentions de vote. Néanmoins, les analystes négligent un facteur important, le même qui a joué lors de l’élection de Donald Trump aux États-Unis : la prime à l’urne. Ceux qui ont l’intention d’appuyer l’extrême droite ne s’en vantent pas toujours et préfèrent taire leurs intentions. Il se pourrait bien que les appuis à Le Pen dépassent la barre des quarante pour cent.

Ce n’est pas suffisant pour remporter la victoire, évidemment, mais la barre est quand même franchie, si cela s’avère, bien entendu. À quarante pour cent, la victoire devient possible.

Comment?

Marine Le Pen est à un ou deux attentats près de la victoire. Comme je le disais hier, il ne faut jamais sous-estimer le potentiel de stupidité des populations. Il ne fait aucun doute que les Français sont beaucoup plus éclairés que les Américains, bornés et ignorants. Mais ils ne sont pas à l’abri des dérives populistes que l’on observe dans divers pays européens, comme la Hongrie, l’Autriche, l’Allemagne et les Pays-Bas.

Marine Le Pen essaie de donner une aura de respectabilité à son mouvement. On la comprend. Son père maintient encore que les chambres à gaz nazies sont un détail de l’histoire. Bien sûr, la présidente du Front national l’a expulsé de son parti. Mais combien de militants frontistes partagent l’antisémitisme du fondateur?

Car l’extrême droite, c’est l’extrême droite. Elle traîne derrière elle tout un cortège de skinheads que l’on cherche à cacher, de catholiques intégristes qui veulent ramener la femme à la maison, de xénophobes qui veulent rétablir la pureté raciale, de partisans d’un régime autoritaire où l’opposition, les journalistes seraient muselés. Ce n’est pas un hasard si madame Le Pen a salué la victoire de Donald Trump et fraternise avec le président Poutine.

Les Français seront-ils assez étourdis pour porter cette mouvance au pouvoir? J’en doute, mais rien n’est gagné d’avance.

Système politique français

Le système politique français peut être assez déroutant pour un observateur du Québec et du Canada français. Un petit tour guidé s’impose.

Le système politique français est à la fois semblable et très différent de celui du Canada. Voici ses principales caractéristiques :

Élection du président au suffrage universel pour un mandat de cinq ans.

Élection de l’Assemblée nationale en même temps que celle du président, également pour cinq ans.

Élections à deux tours. Le président, tout comme les députés, doit recueillir cinquante pour cent des suffrages pour être élu.

Accèdent au deuxième tour les deux candidats de tête, si la majorité absolue n’est pas atteinte. Ainsi, tout président ou député est élu avec plus de la moitié des voix.

Le président est élu directement par la population – contrairement à ce qui se passe aux États-Unis. On peut donc soutenir que la Cinquième République, mise en place par le général de Gaulle en 1958, est un régime présidentiel. C’est du moins ce que soutiennent les politicologues, dont je suis.

Une nuance importante s’impose toutefois. Le gouvernement demeure responsable devant la Chambre, une des caractéristiques d’un régime… parlementaire.

Alors, présidentiel ou parlementaire?

En fait, les deux. La France vit sous un régime semi-présidentiel. Pour comprendre, petit retour en arrière.

La Quatrième République

La France libérée du joug nazi instaure une nouvelle république, qui laissera un souvenir amer aux Français, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord l’instabilité endémique qui fera chuter les gouvernements les uns après les autres. La France ressemblait un peu à l’Italie d’aujourd’hui.

L’Assemblée nationale, le Parlement, fait la pluie et le beau temps. Les élus se considèrent comme la voix du peuple et en mènent large. Peut-être un peu trop.

Survient la crise algérienne vers la fin des années cinquante. On est en pleine décolonisation. Les colonies françaises et britanniques sont sur le point de s’émanciper. L’Inde et le Pakistan quitteront le giron britannique. L’Algérie voudrait partir aussi, mais une bonne partie de la classe politique française ne peut s’y résoudre; la crise paraît insoluble. On parle même d’un coup d’État militaire pour garder l’Algérie française.

Devant l’impasse, on fait appel au général de Gaulle, en 1958.

Le chef des Forces françaises libres, grand héros de la Libération, honnit les manigances des partis politiques. Il caresse le rêve utopique d’une France unie, affranchie des partis.

Il veut mettre fin à la tyrannie des partis, qui a gangréné la Quatrième République. De Gaulle fait donc adopter une nouvelle Constitution qui renforce les pouvoirs du gouvernement. C’est une rupture spectaculaire avec l’ancien régime.

Auparavant, le président de la République était élu par l’Assemblée nationale et le Sénat. Ses pouvoirs étaient plutôt limités. Et son élection n’allait pas de soi, à cause des divisions entre les partis. Ainsi, le président René Coty est élu en 1954, après treize tours de scrutin!

Une présidence renforcée

De Gaulle veut en finir avec le régime de la Quatrième République. Il organise un référendum en 1962 pour que le président français soit élu au suffrage universel. La population approuve et le premier scrutin du genre a lieu en 1965. Il oppose de Gaulle à François Mitterrand, qui le met en ballotage. N’ayant pas obtenu la majorité absolue des votes, De Gaulle doit se soumettre à un deuxième tour de scrutin, qu’il remportera.

Tout système politique équilibré repose sur le principe de l’équilibre des pouvoirs. L’instauration d’une présidence forte ne doit pas conduire à une forme larvée de dictature. (Par forme larvée de dictature, j’entends des régimes présidentiels « forts » comme la Russie de Poutine et la Turquie d’Erdogan.)

Il importe donc de calibrer la répartition des pouvoirs entre l’exécutif (le président et le gouvernement) et le législatif (le Parlement).

Sous la Cinquième République, le président est élu par le peuple, ce qui lui confère d’emblée une légitimité bétonnée. La présidence est la clé de voûte de tout le système gaullien. Le président choisit le premier ministre, qui est chargé de former un cabinet. Le chef du gouvernement est en quelque sorte une émanation du président de la République. Ce dernier peut demander sa démission quand il le souhaite. En outre, le président dirige le Conseil des ministres.

Le président possède un autre pouvoir important : il peut dissoudre l’Assemblée nationale et provoquer des élections anticipées.

L’Assemblée nationale

Voilà un Parlement singulièrement diminué. Il sert pourtant de contrepoids au pouvoir impérial du président. L’Assemblée nationale continue de contrôler l’action du gouvernement; elle peut même le renverser.

Le gouvernement est donc responsable devant le Parlement, comme cela se voit dans toutes les démocraties parlementaires.

Cette constatation amène la question des rapports de l’Assemblée avec la présidence. Contrairement à ce que souhaitait de Gaulle, les partis politiques ne se sont pas évanouis. Ils imprègnent toute la vie politique française. Cela n’a rien d’exceptionnel. Tous les pays démocratiques ont des partis politiques, on n’y échappe pas.

Pour que le régime politique de la Cinquième République fonctionne, il faut que le président et l’Assemblée nationale marchent dans la même direction. Cela ne va pas toujours de soi.

La cohabitation

L’antagonisme gauche-droite que l’on observe un peu partout en Occident était un peu le caillou dans la chaussure du régime gaullien. Tôt ou tard, le président et le Parlement ne seraient pas de même allégeance.

À l’origine, le président était élu pour sept ans, l’Assemblée nationale pour cinq. Les élections législatives n’avaient pas lieu la même année que le scrutin présidentiel. C’est donc avec anxiété que les observateurs attendaient les élections législatives de 1986. Les Français ont élu un Parlement de droite, alors que le président Mitterrand, porté au pouvoir en 1981, était socialiste.

Certains prédisaient la chute de la Cinquième République, un blocage entre la présidence et le Parlement étant prévisible.

Or, le président Mitterrand était un fin politicien. Il a pris acte du choix des Français et a nommé un premier ministre de droite, Jacques Chirac. Celui-ci a formé un cabinet, approuvé par le chef d’État, et le gouvernement a pu fonctionner normalement. Deux ans plus tard, Mitterrand battait le même Chirac au scrutin présidentiel. Immédiatement après, Mitterrand dissout l’Assemblée nationale et les Français, en toute logique, élisent un Parlement de gauche. Fin de la cohabitation.

Pas de crise, pas de changement de régime, pas de coup d’État, pas de guerre civile.

La France a connu deux autres périodes de ce que l’on a appelé la cohabitation, soit en 1993-1995 et en 1997-2002.

Le quinquennat

L’élection du président de la République pour sept ans avait pour but de bien ancrer le pouvoir du chef d’État. De Gaulle voulait le voir au-dessus de la mêlée. À la longue, les pouvoirs importants dont il jouit ont paru suffisants aux Français. Le septennat est donc devenu quinquennat. Depuis 2002, le président gouverne pour cinq ans.

C’est donc dire que les élections législatives ont maintenant lieu quelques semaines après le scrutin présidentiel.

Ce qui amène deux questions : Marine Le Pen peut-elle être élue présidente de la République? Comment Macron pourra-t-il gouverner, puisqu’il n’appartient pas à un des grands partis traditionnels de la France?

Réponses dans le prochain article.