Jadis, il y avait les homosexuels. Pour beaucoup, l’expression était en soi péjorative et sa descendance ignominieuse était légion : tapette, fif, pédale, gouine, etc.
Puis il y eut gai et lesbienne; et maintenant
le sigle (incomplet) LGBTQ, qui rend compte d’une réalité bien plus complexe
qu’on ne l’imaginait dans les années 50 ou 60.
Le mot gay
Les homosexuels masculins s’appellent maintenant les gais
ou gays, si vous préférez l’orthographe française… Mais pourquoi
a-t-on adopté ce terme qui nous entraîne dans les brumes de la polysémie? Si je
dis que Charles est gai, est-ce parce qu’il a gagné à la loterie ou parce qu’il
est homosexuel?
À San Francisco, le mot gay était un code pour
désigner les homosexuels. Si vous cherchiez un endroit gai, les gens
comprenaient que vous désiriez rencontrer des homosexuels, bref des invertis,
comme on disait jadis.
Le mot a par la suite été féminisé, bien que l’appellation lesbienne
ait gardé la priorité.
Ce qui nous amène vers LGBT.
LGBT
Outre les gais et lesbiennes, il y a aussi ceux qui aiment
autant les hommes que les femmes, donc des bisexuels. Les progrès
accomplis par la médecine au cours des dernières décennies amènent certaines
personnes à changer de sexe. On les appelle les transgenres, d’où le T
du sigle LGBT.
Mais ce n’est pas si simple. Transgenre ou transsexuel?
Voilà la question, dirait Hamlet, cet éternel indécis. En fait, une personne
qui n’est pas à l’aise avec le sexe que la nature lui a attribué est un transgenre.
Le dictionnaire Usito est clair à cet effet :
Se dit d’un individu dont l’identité sexuelle ne correspond pas à son sexe biologique.
Tant Usito que les dictionnaires courants donnent transgenre et transsexuel comme synonymes. Dans un autre article, j’ai signalé l’apparition du mot genre dans le vocabulaire courant, mot qui remplace sexe lorsqu’il est question de l’identité sexuelle. En effet, le mot en question pouvait prêter à confusion dans certaines expressions. Il semble que transsexuel est moins utilisé pour des raisons semblables.
Q pour queer
Le sigle LGBT semble déjà dépassé, car il lui manque
une lettre. Au départ, le mot queer en anglais désignait une personne ou
un phénomène étrange. Une personne queer était hors norme. Ainsi
désignait-on souvent les homosexuels et il semble que ces derniers se sont approprié
l’expression pour en retrancher le caractère péjoratif. D’ailleurs, le terme a
traversé en français et le Petit Robert le définit ainsi :
Personne dont l’orientation ou l’identité ne correspondent pas aux modèles dominants.
En clair, une personne qui n’est pas hétérosexuelle. Soit dit en passant, cisgenre désigne une personne dont le genre ressenti correspond à son sexe biologique,
Certains ajoutent un second Q pour indiquer que la
personne est en questionnement sur son orientation sexuelle.
Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin?
LGBTQIA, ça vous dit quelque chose? I pour intersexe
et A pour asexuel. Les personnes asexuelles n’ont d’attirance
sexuelle envers personne, mais elles appuient quand même les luttes menées par
les personnes LGBTQ.
S’ajoute à ce cortège le chiffre 2 qui désigne chez les
autochtones ceux qui partagent deux genres ou deux identités sexuelles. Le
sigle LGBTQ2 s’impose de plus en plus.
Ouf!
Je suis sûr que bien des lecteurs et lectrices ont exhalé un soupir en lisant cette nomenclature. Du strict point de vue langagier, ces sigles sont une horreur. Dans un autre article, je dénonce l’abus des sigles dans le discours moderne et le cas en l’objet en est une preuve éclatante. D’ailleurs, bien des… comment faut-il les appeler… bien des membres de la communauté LGBTQ2 croient que cette appellation est devenue trop longue, à force de vouloir être inclusive.
Bien entendu, il est impossible de revenir en arrière et de
ramener l’expression homosexuel pour réunir tous ces gens. Néanmoins, si
j’appartenais à cette communauté, je serais mal à l’aise de dire que je suis
une personne LGBTQ2. Sans vouloir offenser personne, on dirait une
formule de chimie.
Un terme inclusif reste encore à inventer. Un terme
arc-en-ciel.