Je suis un passionné de lecture et apprécie particulièrement la littérature québécoise et les romans policiers. Voici en vrac un résumé et une critique de mes dernières lectures.
DERNIÈRES LECTURES
Le manuscrit de Birkenau
Un roman typique de Dos Santos. En fait, est-ce vraiment un roman? L’auteur s’appuie sur des témoignages de personnes ayant participé aux sonderkommandos, chargé des fours crématoires à Auschwitz. Dos Santos s’applique à reproduire le quotidien des déportés, y compris de tous ceux qui « vont sortir par les cheminées ». L’ensemble du livre, la suite du Magicien d’Auschwitz, donne froid dans le dos. Avec une rigueur quasi scientifique, qu’aurait apprécié Zola, il démonte tous les rouages de l’abominable extermination des Juifs dans les camps. Dos Passos ramène à la vie des personnages sordides, comme Rudolf Höss et Otto Moll, qui ont participé avec enthousiasme à la solution finale. C’est ce qui donne toute sa valeur au roman.
Comme dans La formule de Dieu, une histoire d’amour invraisemblable sert de fil conducteur au récit. Un SS portugais (!!!) qui s’amourache d’une Russe belle comme le jour. Il fait tout pour la sauver.
L’autre récit, celui de Herbert Levin, illusionniste, déporté avec sa famille, est nettement plus intéressant. Il participera à une révolte des prisonniers contre leurs bourreaux nazis. Lui aussi est une personne réelle.
Les deux opus sont de lecture agréable, mais certains dialogues s’étirent indûment et finissent par impatienter, sans compter sur certains passages didactiques sur le mysticisme des nazis, qui auraient dû être condensés. N’eût été de ces couacs, j’aurais été tenté d’attribuer quatre étoiles à ces deux livres.
Paris-Briançon, de Philippe Besson
Certains auteurs auraient raconté la même histoire en 500 pages, encombrées de dialogues inutiles, de péripéties sans intérêt. Certains se seraient épanchés à n’en plus finir ; d’autres auraient philosophé.
Le livre de Besson est un modèle de concision, un condensé d’émotions de gens ordinaires, chacun luttant contre ses démons. Avec une retenue digne de Simenon, l’auteur les fait palpiter devant nous. Un homosexuel refoulé, une femme battue en fuite, un voyageur de commerce au charme fané, un vieux couple en fin de vie…
Besson insuffle une vie à des destins qui auraient pu nous laisser indifférents.
C’est délicieusement bien écrit. Le prologue décrivant les battements de cœur d’une gare achalandée est magnifique.
Les égarés, de Lori Lansens
Wolf a dix-huit ans et veut mettre fin à ses jours. Issu d’une famille dysfonctionnelle, humilié par celle qu’il aimait, il part vers la montagne, en Californie, déterminé à sauter dans le vide pour en finir.
Sa rencontre avec trois randonneuses va changer sa vie. Les quatre sont victimes d’un éboulement et se retrouvent dans un lieu inaccessible aux secouristes. D’ailleurs, va-t-on constater leur disparition?
Pendant plusieurs jours, ils errent dans la montagne, perdus au milieu des conifères, montant et descendant les pentes, à la recherche vaine d’une issue. Ils ne trouvent rien à manger et n’arrivent pas à boire, faute de cours d’eau. La nuit, les animaux les guettent. Et il y a des serpents…
Presque insupportable à lire, tant le martyre des personnages est terrible. Lori Lansens (une Ontarienne d’origine) se révèle une grande écrivaine. Au fils des malheurs, elle trace un vif portrait des quatre personnages, chacun ayant ses petits secrets. Cet aspect du récit donne toute sa valeur à cette œuvre plus complexe qu’il ne parait.
Un roman captivant qui nous tient en haleine et dont le dénouement est stupéfiant.
Une brillante traduction de la regrettée Lori Saint-Martin et de Jean-Paul Gagné. Elle nous épargne les anglicismes qui auraient pullulé dans une traduction franco-française : mobil-home, parking, high school, interview, etc.
Veiller sur elle, de Jean-Baptiste Andrea
Un petit chef-d’œuvre. Voilà, le mot est lancé. Veiller sur elle a remporté le prix Goncourt, ce qui n’est pas nécessairement une raison de le lire, car les prix, vous savez…
Un roman délicieux, très bien écrit, qui nous parle de l’art. Un jeune sculpteur a le malheur de s’appeler Michelangelo. Il est bourré de talent, mais il est aussi un nabot méprisé. Abandonné par sa mère, il tombe dans les griffes d’un oncle qui le traite fort mal, aveugle à son talent. Le sculpteur vit dans la dèche et noue une amitié avec une jeune bourgeoise excentrique, Viola, qui sera l’amour de sa vie, un amour platonique, toutefois.
Cette relation sublimée sera la trame du roman, qui se déroule à l’époque de la montée du fascisme en Italie. Celui qui se fait appeler Mimo ira de tribulation en tribulation, forcé de faire des choix déchirants tout au long de sa vie. Collaborer avec les sbires de Mussolini pour faire avancer sa carrière ou se contenter de faire de menus travaux à gauche et à droite?
Balloté par les évènements (mésaventures de toutes sortes, fascisme, guerre, etc.), le récit d’Andrea est une réflexion sur les aléas de la vie. Les décisions déchirantes que l’on doit prendre, la chance et les retournements de situation. Nous ne sommes pas toujours maitres de notre destin.
La relation avec Viola est chaotique. Elle et Mimo se disputent, s’éloignent et se réconcilient. La pérennité de leur lien est hautement symbolique. Il veille sur elle.
Un grand roman. Un petit chef-d’œuvre.
Tant que le café est encore chaud, de Toshikazu Kawaguchi
Que diriez-vous de retourner dans le passé pour corriger certaines erreurs? Nous en rêvons tous. Un estaminet caché dans un sous-sol de Tokyo vous le propose, mais à certaines conditions… l’une d’entre elles étant de ne pas quitter l’établissement et d’agir uniquement avec des personnes qui y sont entrées.
Mais ce marché est en fait un piège : tout ce que vous pourrez faire dans le passé n’aura aucune incidence dans l’avenir. Autrement dit, vous pourrez toujours essayer de dissuader votre sœur de prendre la route, elle finira quand même par se faire tuer, si tel est son destin.
Cela ne dissuade pas les personnes qui peuplent les quatre charmantes nouvelles de l’ouvrage de tenter l’expérience. Ne serait-ce que pour mettre certaines choses au clair. Elles feront d’étonnantes découvertes.
Écrit dans un style simple, sans longueur inutile, le récit de Kawaguchi séduit et envoûte. Un petit bijou.
Mon mari, de Maud Ventura
Une belle surprise glanée par hasard dans une librairie. Prix du premier roman. L’histoire d’une femme qui a une fatale attraction pour son mari. Follement amoureuse, elle en perd tout jugement. Convaincue qu’il ne l’aime pas vraiment, elle guette tous les signes de trahison. D’ailleurs, il la trompe, c’est évident. Elle l’espionne, elle vide ses poches, fouille dans son ordinateur, etc.
Mais sa curiosité maladive finit par se retourner contre elle. Un vrai suspense à la Hitchcock, impossible de le lâcher…« Un livre irrésistible », dixit Amélie Nothomb.
La Formule de Dieu, de José Rodrigues dos Santos
L’écrivain portugais José Rodrigues dos Santos est immensément populaire. Cet animateur de télévision est un vulgarisateur hors pair qui écrit des histoires passionnantes dans lesquelles s’entremêlent un récit prenant et des exposés scientifiques.
J’avais lu avec beaucoup d’intérêt Immortel, dans lequel un scientifique se réincarne dans un ordinateur.
La Formule de Dieu semblait aller dans la même direction, mais ce n’est pas du tout le cas. En fait, le livre comporte deux volets : des exposés interminables de physique nucléaire et une histoire romanesque.
Pour ce qui est du roman, c’est carrément raté. Le récit démarre sur les chapeaux de roues. Le cryptologue Thomás Noronha est recruté par les Iraniens pour décrypter un document laissé par Albert Einstein, document qui pourrait contenir le secret d’une bombe nucléaire. Noronha sera obligé de collaborer avec la CIA et sa vie devient très compliquée.
L’ennui, c’est que l’histoire avec les Iraniens est plaquée de manière très artificielle sur ce qui est plutôt un traité de physique nucléaire déguisé en roman. Les clichés abondent : les Iraniens sont de gros méchants; son contact iranien, Ariane, est très belle et une déesse dans le lit; elle réalise des exploits incroyables, etc.
Cette histoire, entrecoupée d’exposés scientifiques interminables, s’éteint brusquement en plein milieu du livre quand on découvre que la fameuse formule de Dieu n’est pas ce qu’on imaginait. Exit les Iraniens, ils ne servent plus à rien. Rendu là, il n’y a presque plus de récit, sauf la maladie du père du cryptologue, histoire sans aucun intérêt. Les 300 dernières pages sont consacrées au décryptage des écrits d’Einstein. Sur le plan de la structure dramatique, c’est catastrophique.
Une conclusion s’impose : la Formule de Dieu n’est pas un véritable roman, mais il faut la lire quand même.
Pourquoi? Parce que les réflexions profondes sur l’origine de l’univers, le Big Bang, l’existence de Dieu, la finalité du monde, sont le véritable objet du livre. On y apprend énormément de choses et dos Santos les expose de manière claire.
De fait, le livre aurait dû s’intituler Les origines de l’univers et sa finalité : le point de vue de la physique. Bien entendu, il n’aurait jamais été vendu à 17 millions d’exemplaires…
Là où chantent les écrevisses, de Delia Owens
Kya est la Fille des marais, une sauvageonne qui n’est jamais allée à l’école et vit à l’écart de Barkley Cove, en Caroline du Nord. Abandonnée à dix ans par sa famille, elle s’accroche. Un jeune homme lui apprend à lire et, au fil du temps, Kya devient une érudite dans son domaine : la faune et la flore entourant la misérable cabane nichée dans les marais, où elle survit tant bien que mal.
Ses amours seront compliquées et tragiques. Accusée de meurtre, elle doit faire face aux préjugés des gens du village, pour qui sa culpabilité ne fait aucun doute. Et s’ils se trompaient?
Un roman qui se dévore.
Madame Victoria, de Catherine Leroux
Un fait divers a inspiré ce brillant livre de Catherine Leroux. Un cadavre découvert aux pieds de l’hôpital Royal Victoria et qui n’a jamais été identifié. L’auteure s’est amusée à imaginer le passé de la jeune femme. Son récit, conjugué en plusieurs nouvelles, révèle tout le brio de son talent.
Sa plume élégante multiplie les figures de style. Elle engendre une ribambelle de Victoria, toutes contrastées. On passe d’une esclave en fuite à une mère éplorée qui cherche son enfant pourtant mort il y a bien longtemps. La fin du recueil est plus mystique et verse même dans la science-fiction : une voyageuse dans le temps égarée au vingt-et-unième siècle…
Catherine Leroux égrène ses histoires en quelques dizaines de pages toujours bien inspirées. Un ouvrage original qui met en lumière le talent de conteuse de cette écrivaine québécoise.
La désidérata, de Marie-Hélène Poitras
Cette fois-ci, l’auteure nous invite dans un monde fantaisiste, qu’elle décrit comme suit : «Le récit est un roman, une fable ou un conte. L’action ne se situe pas au premier niveau de réel et l’instance narrative est ambiguë. Les personnages dansent, s’empiffrent et fredonnent, mais au-dessus de leur tête pend une épée de Damoclès. J’ai trouvé un écho direct à cette innocence teintée de noirceur dans les chansons pour enfants. On en connaît souvent que les deux premiers couplets et le refrain, mais quand on en découvre le texte complet, il y a de quoi tomber en bas de sa chaise! Ça faisait un bel écho à mon histoire et ça donnait d’une certaine façon un indice au lecteur ou à la lectrice.»
Soudain le Minotaure, de Marie-Hélène Poitras
Soudain le Minotaure, publié en 2002, est le premier roman de l’auteure. Elle remporte le Prix Anne-Hébert, tandis que le livre est salué par la critique. Le roman raconte l’histoire d’un viol du double point de vue de la victime et du violeur. Le portrait qu’elle trace de celui-ci en lisant dans ses pensées dénote un sens de la psychologie qu’elle a acquis dans sa jeunesse, en essayant de se mettre dans la tête de ses confrères de classe. D’ailleurs, le portrait du violeur est nettement plus réussi que celui de la victime, qui parvient peut-être un peu trop vite à s’extirper de sa peine. Néanmoins, Soudain le Minotaure vaut la peine d’être lu, ne serait-ce que pour s’initier au style d’une écrivaine à suivre.
Griffintown, de Marie-Hélène Poitras
Marie-Hélène Poitras est également cochère pendant quelques années dans le Vieux-Montréal. Ce travail lui inspire un second roman, Griffintown, paru en 2012, qui décrit l’univers mystérieux et inconnu des cochers. Le livre, à mi-chemin entre le polar et la galerie de portraits, dénonce l’embourgeoisement menaçant le quartier qui donne son titre au roman. Marie-Hélène Poitras déploie toute la richesse de son style, qui en vient presque à voler la vedette au récit. Les lecteurs se souviendront avec ravissement du Far-Ouest qu’elle décrit.
Biographie de Marie-Hélène Poitras.
Trois, de Valérie Perrin
Valérie Perrin est une auteure admirée en France – et à bon droit. Son œuvre phare, Changer l’eau des fleurs, m’avait séduit. Un récit aussi original que prenant d’une gardienne de cimetière qui en sait beaucoup sur les morts qu’elle côtoie… et aussi sur leurs proches toujours vivants.
Les auteurs qui connaissent l’illumination créent des attentes pour leurs livres subséquents. Pour ma part, je craignais d’être déçu par le dernier opus de Perrin, platement intitulé Trois. Une ambitieuse brique de plus de 700 pages qui raconte l’histoire d’un trio d’élèves du primaire soudés par une amitié solide qui traversera le flot du temps. Nina contractera un mariage qui la détruit à petit feu; Adrien cache un terrible secret qui le hantera toute sa vie; Étienne, le cancre, est aussi un redoutable séducteur, ce qui se retournera contre lui.
Valérie Perrin possède l’art du récit; elle dessine ses personnages avec une précision chirurgicale, personnages que l’on a l’impression de connaitre depuis toujours. Habile psychologue, l’auteure se glisse dans leurs pensées profondes, leurs émotions avec grande maestria.
Le style est simple, sans fioriture : Perrin veut d’abord et avant tout écrire une histoire et celle-ci est prenante, la preuve étant que j’en ai dévoré les centaines de pages sans trop m’en rendre compte, avide de découvrir la suite du récit. Valérie Perrin, une grande auteure à découvrir.
Perdre la tête, de Heather O’Neill
Heather O’Neill est une auteure originale, née à Montréal. Son premier opus, La balade de Baby, nous emmenait dans le monde glauque d’une enfance difficile. Ses livres suivants étaient autant d’incursions dans des mondes fantaisistes qui envoûtaient le lecteur.
O’Neill vient de faire paraître Perdre la tête, son roman peut-être le plus achevé. Deux jeunes filles qui grandissent dans le Mile doré et nouent une amitié tumultueuse. La première, Marie Antoine, cherche le plaisir et le luxe. Elle prendra la direction d’une entreprise et deviendra tyrannique. Son amie Sadie, pour sa part, fuira ce milieu et s’installera dans une maison close dans un quartier malfamé, où elle connaitra des mésaventures.
Pourtant, le destin des deux filles est lié à celui de l’autre, même si tout semble les opposer. Les deux, à leur façon perdront la tête devant leur destin. Un roman puissant de pouvoir et de sexe, un peu longuet, mais qu’on n’abandonne jamais.
Les ombres blanches, de Dominique Fortier
Dominique Fortier écrit comme un ange. La lire, c’est écouter les murmures d’une harpe, une petite musique de nuit. Une plume sensible, touchante, sans affectation, sans ostentation. Des phrases qui composent une broderie.
Les ombres blanches sont la suite des Villes de papier. Dans cet opus, l’auteure relatait les dernières années de la poétesse américaine Emily Dickinson, dont l’immense talent a été révélé après sa mort. Dickinson a terminé sa vie cloitrée dans sa chambre. Elle a demandé à sa sœur Lavinia de détruire tous ses écrits après sa mort.
Heureusement, Lavinia a conservé ses poèmes. Leur édition a été une tâche complexe, ce que raconte justement Les ombres blanches. Y mettront la main à la pâte Lavinia, Susan, la belle-sœur et compagne de cœur d’Emily, Mabel, la maitresse du mari de Susan et Milicent, la fille de Susan.
Ce ne sera pas une mince tâche d’éditer tous ces bouts de papiers ramassés pour en tisser une trame qui sera publiée. Ce récit devient presque secondaire quand on lit la prose de Dominique Fortier, une prose tissée elle-même de poésie et de fines observations. Ce livre suspend le temps et laisse songeur.
Une œuvre magistrale pour quiconque aime la langue française. Dominique Fortier est une très grande auteure à découvrir.
Romans policiers
Chère voisine et Louise est de retour, de Chrystine Brouillet
Qui dit polar au Québec dit Chrystine Brouillet. Une plume simple et directe comme un coup de poignard, des récits savamment enchevêtrés. Pas étonnant que plusieurs de ses œuvres aient été portées à l’écran.
Son premier roman est Chère voisine publié en 1982, C’était donc bien avant Maud Graham, son héroïne fétiche.
Louise est une solitaire quelque peu misanthrope. Elle adore ses chats, son appartement et ne déroge pas de ses habitudes. Et c’est précisément une série de meurtres crapuleux dans son quartier qui la forcera à intervenir. Se faire justice en écartant de son chemin tous ceux qui menacent sa tranquillité ne lui pose aucun problème…
La suite de ce premier roman est venue une trentaine d’années plus tard. Dans Louise est de retour, la meurtrière sans scrupule doit à nouveau se démener, cette fois-ci pour empêcher la vente de l’immeuble où elle a élu domicile. Encore une fois, Louise n’hésitera pas à frapper, mais, cette fois-ci, les conséquences viendront mettre en péril sa couverture.
Les amateurs de polars verront une similitude évidente entre ces deux livres de Chrystine Brouillet et la série de Mr. Ripley, de Patricia Highsmith. Certains songeront même à Dexter, cet inquiétant psychopathe que nous a fait connaître la télé américaine.
Le détective de Freud, de Olivier Barde de Capuçon
Le roman était prometteur pour tout adepte de la psychanalyse et de romans policiers. L’auteur s’amuse visiblement beaucoup à créer des dialogues entre Freud et Jung, tout cela avec toile de fond une enquête sur le meurtre d’un psychanalyste.
Le roman, du moins tout au début, fascine. Le psychanalyste affecté à l’enquête par Freud rencontre des suspects ayant chacun leur petit drame personnel. Un fétichiste, une dame qui a peur des loups… et une mystérieuse Dame en Vert, péripatéticienne de son métier, qui semble vouloir tirer les ficelles. Les échanges, avec un détective au nom évocateur de Max Engels amusent, tout comme les interprétations qui fusent tout au long de la narration.
L’histoire finit par s’étirer quelque peu, même si les personnages ne manquent pas de couleur. Leur lecteur tentera de dénouer l’écheveau de l’intrigue, mais devra se montrer patient avant le dénouement. Celui-ci survient de manière quelque peu précipitée, et on peut se demander comment l’enquêteur a pu en venir à toutes ces conclusions, en ayant si peu d’indices.
On savourera ce polar inusité surtout pour l’atmosphère de début de siècle qu’il distille, mais les amateurs de polars qui ne se laisseront pas facilement griser seront peut-être quelque peu déçus.
Agatha Christie
Cette auteure n’a plus besoin de présentation. Ses romans où l’on boit le thé dans le jardin tout en s’entretuant poliment ont fait le tour de la Terre. Ses deux personnes emblématiques, Hercule Poirot et Miss Marple, ont connu plusieurs incarnations à l’écran.
Les romans d’Agatha Christie semblent tous sortir du même moule ; les suspects abondent, tout comme les fausses pistes. Mais le héros finit toujours par dénouer l’intrigue. Les titres originaux qui échappent en partie à cette structure sont Le meurtre de Roger Ackroyd, La mystérieuse affaire de Styles, Le crime de l’Orient Express. Le plus remarquable, à mon avis, demeure Les dix petits nègres, rebaptisé Ils étaient dix.
Le crime de l’Orient Express, d’Agatha Christie
Un grand classique qui a inspiré le cinéma. un peu dans la même veine que Ils étaient dix : une histoire de meurtre commis en vase clos, celui des passagers de l’Orient-Express, immobilisé par une tempête de neige. Un environnement familier pour les lecteurs québécois…
La solution ne manque pas d’étonner… même le redoutable Hercule Poirot qui, pourtant, en a vu d’autres.
Sherlock Holmes, d’Arthur Conan Doyle
Le plus célèbre détective privé de la littérature, le personnage a été brillamment interprété par Jeremy Brett dans les années 1980. Brett ÉTAIT Sherlock Holmes. Mais il faut lire l’œuvre originale pour en apprécier toute la richesse, particulièrement Le chien des Baskerville. À mon avis le meilleur Sherlock Holmes. Cette fois-ci il s’agit d’un roman et non d’une nouvelle. Le génie du détective sera mis à rude épreuve pour dénouer cette intrigue surprenante.
Gone Girl, de Gillian Flynn
Un excellent thriller écrit de main de maître. Le jour du cinquième anniversaire de mariage d’un jeune couple, l’épouse disparaît. Le mari trouve des traces de lutte dans le salon et tout laisse croire que la jeune fille a été enlevée. L’alerte est donnée et la police enquête. Tout semblait bien aller dans le couple, qui venait de déménager de New York à Carthage, petit bled dans le fin fond du Missouri. Peu à peu, l’auteur nous révèle la nature véritable de la relation, couche par couche… Bientôt, le mari éploré est soupçonné de meurtre et un piège diabolique semble se refermer sur lui… Passionnant jusqu’à la dernière page.
Les promises, de Jean-Christophe Grangé
Aimez-vous Philip Kerr? Ses intrigues campées à l’époque du régime nazi vous ont amusé? Alors vous adorerez Jean-Christophe Grangé.
Son roman Les Promises est un thriller que l’on dévore. Un tueur en série assassine les épouses de dignitaires nazis en les dépeçant à la manière de Jack l’Éventreur… Un dur de dur sans pitié de la Gestapo, Franz Beewen, est chargé de l’enquête et les soupçons se portent rapidement sur… la Gestapo elle-même, qui souhaite découvrir le coupable et enterrer l’affaire. Ses supérieurs lui mettent le plus souvent des bâtons dans les roues.
Beewen fera équipe avec un psychiatre gigolo, Simon Kraus, qui fraie gaiement avec des jolies femmes du Berlin chic, tout en faisant chanter ses patientes, dont il enregistre les confidences! Pour compléter le trio, une baronne richissime et débrouillarde… quand elle n’est pas complètement saoule… Elle fera avancer l’enquête avec audace, quitte à frôler la mort.
Mené à un rythme d’enfer, le récit multiplie les pistes de toutes sortes avant d’aboutir à une conclusion surprenante.
L’inconnu du Nord-Express, de Patricia Highsmith
Un classique de la littérature policière dont Hitchcock a fait un film. Deux inconnus se rencontrent dans un train et découvrent qu’ils ont tous les deux intérêt à tuer une personne de leur entourage. Et si on échangeait nos meurtres? Impossible de figurer sur la liste des suspects puisque le coupable ne connait pas sa victime… Diabolique et délicieux.
Mr. Ripley, de Patricia Highsmith
Encore plus diabolique que L’inconnu du Nord-Express. Ripley de ramener à la maison le fils d’un richissime Américain parti en Italie, Ripley conçoit le plan ingénieux de l’assassiner et de vivre une vie de pacha à sa place. Bien entendu, les choses se compliquent et l’étau se resserre autour du meurtrier. Va-t-il s’en sortir?
À sa publication, ce roman allait susciter le scandale et constituer le premier tome des aventures de Thomas Ripley.
La Femme en vert, d’Arnaldur Indridason
Un enfant retrouve un squelette dans les hauteurs de Reykjavik et l’enquête montre qu’il s’y trouvait depuis un demi-siècle. Le commissaire Erlandur doit remonter dans le temps et dénouer une intrigue de violence conjugale. Un roman bien mené dans lequel le commissaire suit un fil d’Ariane qui le mène lentement à la vérité.
Les nuits de Reykjavik, d’Analdur Indridason
La Voix, d’Arnaldur Indridason
L’Islandais Indridason est l’auteur de polars scandinaves le plus captivant que je connaisse. Ses romans, d’une longueur raisonnable, se lisent d’un trait. L’intrigue est toujours bien bâtie, pas un mot, pas un passage de trop. La Voix est un livre particulièrement original : un père Noël assassiné dans un hôtel et un mystérieux suspect. L’inspecteur Erlandur, tourmenté par la mort de son jeune frère, mène l’enquête rondement et décide d’habiter l’hôtel pour retracer cette mystérieuse voix qui semble au coeur de l’affaire.
L’été meurtrier, de Sébastien Japrisot
Une très belle histoire de vengeance concoctée par une jeune femme dont on a trop abusé. Terrible.
L’Hypnotiseur, de Lars Kepler
Je suis un fan des polars scandinaves. Mais ce livre décevant et invraisemblable ne va pas à la cheville des Mankel, Nesbø ou Indridasson. Vraiment pas. À lui, seul il condense certains défauts parfois observés dans ce type de littérature nordique, sans en avoir les qualités.
La trame, étalée sur plus de 500 pages, est interminable, ponctuée d’un long détour au milieu du récit. Détour expliquant les réticences de l’Hypnotiseur à exercer son art. Cette précision utile aurait pu être condensée en une dizaine de pages. On pourrait dire la même chose pour l’ensemble du récit, languissant.
L’intrigue était pourtant prometteuse : hypnotiser un témoin important, blessé, dans une affaire de meurtre. Le récit s’embourbe vite dans les péripéties amoureuses de l’hypnotiseur, tandis qu’un policier plutôt mal défini mène l’enquête à pas de tortue.
Le livre prend l’allure d’un thriller qui met à rude épreuve la patience du lecteur. Le dénouement, dramatique, est échevelé et invraisemblable.
À fuir.
La trilogie berlinoise, de Philip Kerr
Un séduisant mélange de polar à l’américaine et de roman historique. Le détective privé Bernhard Gunther mène des enquêtes délicates dans l’univers trouble du nazisme. Il y côtoie des crapules en tout genre, notamment des bonzes du Parti nazi, comme le sympathique Hermann Goering, pour lequel il ira croupir dans un camp de concentration pour retracer un criminel… Les personnages sont truculents, à commencer par le détective lui-même, dont les répliques acidulées nous arrachent un sourire. Il est toutefois peu réaliste que tous les personnages aient exactement ce trait de caractère… Mais on saura pardonner ce péché mignon à Kerr. À lire cet été.
La paix des dupes, de Philip Kerr
Ceux qui ont été envoûtés par la Trilogie berlinoise seront très déçus. Kerr a perdu sa touche dans ce roman d’espionnage, dont les figures de proue paraissent bien fades, si on les compare à Bernie Gunther. Un germaniste bizarrement embauché par Roosevelt pour l’assister à la conférence de Téhéran, et un officier de l’armée allemande.
L’idée de départ est accrocheuse : un complot se trame en vue d’assassiner Staline, Roosevelt et Churchill qui doivent se rencontrer à Téhéran. Par ailleurs, on append aussi que des tractations secrètes se déroulent pour signer la paix… entre l’Allemagne et les États-Unis… ou la Russie. Cette hypothèse ne tient pas la route, pourtant elle servira de pivot à toute l’intrigue.
La rencontre entre Hitler, Staline et Roosevelt, à la fin du livre relève du plus pur délire.
L’auteur encombre l’histoire d’une pléthore de personnages secondaires que l’on a du mal à suivre. Le récit s’étire dans un méli-mélo de développements peu intéressants. L’action est distillée au compte-goutte tout au long de cette interminable brique de 660 pages. Un ratage complet.
Millenium IV, de David Lagercrantz
La suite tant attendue de l’original écrit par Stieg Larsson. La commande était lourde pour le successeur de Larsson et Lagercranz s’en est bien tiré. Son roman est enlevant dès le début. Un informaticien en train de mettre au point un modèle avancé d’intelligence artificiel est assassiné. Mikael Blomkvist y est mêlé par inadvertance.
Bientôt, le drame prend de l’ampleur et le lecteur est entraîné dans une histoire complexe de piratage informatique, dans laquelle est impliquée… Lisbeth Salander.
La jeune amazone n’a rien perdu de ses moyens et elle tient tête à de puissantes entreprises véreuses qui veulent la sienne!
Le récit est palpitant. Les puristes regretteront peut-être le défunt Larsson, mais personnellement, je considère que ce livre a tenu ses promesses.
Arsène Lupin, de Maurice Leblanc
Ce grand classique de la littérature policière française a a eu une cure de Jouvence grâce à la série éponyme qui en a bien capturé l’essence. Le gentleman-cambrioleur frime un peu tout le monde, dénoue les intrigues les plus compliquées et trouve le moyen de s’en tirer. Les titres les plus marquants de la série sont : 813, L’aiguille creuse, Les dents du tigre, La comtesse de Cagliostro.
Millenium, de Stieg Larsson
Cette trilogie a remporté un succès mondial, malheureusement interrompu par la mort prématurée de l’auteur, fauché par une crise cardiaque.
Le journaliste Mikael Blomkvist se lance dans une enquête aux multiples méandres, épaulé par une marginale, Lisbeth Salander, dotée d’un talent très spécial en informatique. Une série prenante et originale, devenue une série de télévision.
La taupe, de John Le Carré
Une taupe s’est infiltrée dans le Cirque, les services secrets britanniques et George Smiley doit la démasquer. L’anti-thèse du roman d’espionnage classique. L’histoire évolue avec lenteur, les conversations se multiplient, les informations apparaissent au compte-goutte. Le Carré, lui-même un ancien espion, rend fidèlement l’atmosphère feutrée et quelque peu étouffante des services secrets. Ici, pas de poursuites en auto ni de coup de feu. Juste la réalité.
Mort à la Fenice, de Donna Leon
Les amants de l’Italie, et de Venise en particulier, adoreront ce livre. Un chef d’orchestre est mystérieusement assassiné durant un concert. Comme il était peu aimé et s’était fait quelques ennemis en cours de route, les suspects abondent. Ce n’est pas tant l’intrigue somme toute conventionnelle qui séduira, mais plutôt le portrait contrasté des mœurs italiennes que livre l’auteur, qui vit depuis un quart de siècle dans la Sérénissime
Comment rénover un appartement en toute illégalité en faisant percer des verrières dans un palazzo classé monument historique… La hiérarchie scrupuleusement respectée dans la police italienne, avec son lots d’incompétents aux échelons supérieurs. Les rapports entre les recrues et les agents chevronnés. Sans oublier la femme de l’inspecteur qui triche au Monopoly, tandis que son mari s’arrange pour faire gagner son fils adolescent qui ne supporte pas la défaite…
Il s’agit du premier roman mettant en scène l’inspecteur Guido Brunetti, honnête père de famille, bien au fait des travers de la société italienne. Un personnage attachant qui sait manipuler les témoins pour leur soutirer des confidences éclairantes, tout au long de ses promenades le long des canaux.
Le mystère de la chambre jaune, de Gaston Leroux
Un polar délicieusement désuet mains néanmoins efficace dans lequel le détective Rouletabille (quel nom!) est appelé à résoudre une énigme apparemment insoluble : comment est-on parvenu à commettre un meurtre dans une chambre close?
Un bel exercice pour les méninges.
Les chiens de Riga, de Henning Mankell
Une aventure atypique de l’inspecteur Wallander qui joue les espions en Lettonie, un pays dont il ne maîtrise pas la langue et où il perd presque tous ses moyens. Deux cadavres dans un canot qui s’échoue sur les côtes suédoises. Wallander qui doit poursuivre l’enquête dans un pays communiste en pleine déliquescence, un Wallander tourmenté par ses démons personnels, qui s’interroge sur le sens de sa vie. Deuxième roman mettant en vedette le célèbre inspecteur, à qui l’auteur donne plus de substance.
La muraille invisible, de Henning Mankell
L’une des raisons qui me fait apprécier l’œuvre de Mankell est la profondeur des personnages. L’inspecteur Wallander est un homme tourmenté, aux prises avec ses démons personnels, une fille toxicomane… Ses collègues ont chacun leur petite croix à porter, par exemple Anna-Britt, une mère de famille qui essaie de concilier le travail et la vie familiale. Dans un des livres, on découvrira le passé trouble d’un des collègues de Wallander, assassiné, et homosexuel discret de longue date. Les romans du Suédois sont en même temps une réflexion sur le travail de la police et sur la société suédoise en général.
La Muraille invisible présente une intrigue aussi palpitante que mystérieuse qui commence par la mort subite d’un informaticien devant un guichet automatique. Deux adolescentes qui tuent un chauffeur de taxi et l’une d’entre elles qui finit calcinée sur des câbles à haute tension. Tout cela semble décousu, et pourtant une terrible menace semble planer sur la ville, mais laquelle?
Petits secrets, grands mensonges, de Liane Moriarty
Dans le petit village de Monterrey en Californie tout le monde se connait. Ou croit se connaitre, car les divers personnages ont tout leurs petits secrets, qui, tout au long du récit, sont révélés au compte-goutte. L’ennui étant qu’un meurtre est venu perturber la petite vie tranquille du village et que tout le monde a son idée sur l’identité du coupable.
Écrit à la manière d’Agathe Christie, ce récit se développe longuement au fil des conversations qui nous révèlent des éléments de l’intrigue, sans que le lecteur soit informé de l’identité de la victime… Ce roman malgré tout original est devenu une série de télévision qui a connu un grand succès.
Le bonhomme de neige, de Joe Nesbø
Probablement le meilleur livre de l’auteur. Un mystérieux bonhomme de neige apparaît dans la cour de pauvres femmes qui sont assassinées dans les jours qui suivent. Elles n’ont pas toutes la conscience tranquille, mais le lien qui les unit est ténu. Les pistes sont multiples et certaines mènent l’inspecteur alcoolique Harry Nole à des impasses. Ce captivant polar se dévore au coin du feu en regardant la neige tomber doucement…
Rouge-gorge, de Joe Nesbø
Nesbø a l’habitude de démarrer sur les chapeaux de roue, mais pas cette fois-ci.
On finit par s’habituer à ces aller-retour dans le passé et le présent, mais l’intrigue met du temps à prendre forme. Des néo-nazi préparent un sale coup, mais on ignore lequel. Harry Hole suit des pistes ténues. Une belle incursion dans le monde de l’extrême droite.
Mais, comme c’est toujours le cas, Nesbø finit par nous entraîner dans les méandres de son récit; nous tournons les pages de plus en plus vite….
Piégée, de Lilja Sigurdardottir
Un polar scandinave pur jus. Captivant, haletant du début à la fin.
Sonja a été piégée par des trafiquants de drogues et doit servir de mule pour faire passer de la cocaïne en Islande. Elle est futée et connait tous les trucs pour déjouer les douaniers. Du moins jusqu’à ce que l’un d’entre eux remarque son manège : une mécanique trop bien huilée pour paraître normale. Il commence à l’observer et la démasque… Mais l’histoire n’est pas finie, elle ne fait que commencer.
La suite, Le Filet, place l,héroïne dans une situation impossible et on meurt d’impatience de lire le troisième tome… et là, déception. La cage règle en deux temps trois mouvements l’intrigue si brillamment amorcée et recentre le tout sur un personnage secondaire dont on nous invite à suivre les déboires. Très décevant.
On n’a pas toujours du caviar, de Johannes Mario Simmel
Un roman policier original, primesautier, parsemé de recettes de toutes sortes. La première phrase du pavé est symbolique : « Nous autres Allemands, ma chère Kitty, sommes capables de faire un miracle économique, mais non pas de la salade. » Une citation qui annonce la couleur… Si vous cherchez une recette de jambon mariné au vin rouge, vous la trouverez dans le roman…
Thomas Lieven est un héros pacifiste qui adore faire la cuisine. Banquier à Londres, il parle couramment l’anglais et le français. Venu à Paris pour le compte de son associé, il tombe dans un traquenard et se trouve soudain dans la position impossible d’être recruté tour à tour par les services secrets de sa Gracieuse Majesté, par l’Abwehr de l’Amiral Canaris, par le Service de Renseignement français de la résistance, par le FBI et même par les Russes pendant la Guerre froide. Bien entendu, il est recherché à la fois par tous ces services qui le considèrent comme un agent ennemi. Absolument divertissant.
Georges Simenon : la série du commissaire Maigret
Un monument. Le Balzac du vingtième siècle disent certains. Des histoires simples qui tiennent en moins de 200 pages; des histoires qui mettent en vedette les gens les plus ordinaires qui soient, pris dans des situations compliquées; ils réagissent de toutes les manières, même les plus illogiques.
Voilà la trame des enquêtes de Maigret, appelé à enquêter. Le bonhomme vit dans un appartement du boulevard Richard-Lenoir, sa femme est un cordon bleu qui lui cuisine des petits plats, comme la blanquette de veau… lorsqu’il rentre souper. Le commissaire ne dédaigne pas s’arrêter au bistrot pendant son travail pour déguster une fine ou encore une bière bien fraîche. Mais sa marque de commerce est la pipe qu’il fume tout au long de ses enquêtes.
Maigret est davantage un psychologue qu’un flic. Il lit dans les âmes des coupables comme dans celles des suspects et c’est cette clairvoyance qui lui permet d’élucider les énigmes auxquelles il est confronté.
Le dernier Lapon, d’Olivier Truc
Un roman prometteur, rempli de qualités documentaires, mais qui finit par décevoir.
La Laponie, cette contrée qui chevauche la Norvège, la Suède, la Finlande et la Russie, est celle des Lapons. Cette population élève les rennes, les chasse pour les manger et se vêtir. Les rapports avec les gens du sud sont difficiles et compliqués. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle des autochtones du Canada.
L’auteur français Olivier Truc connait la région comme le fond de sa poche et il décrit de manière détaillée les conditions de vie insupportables du grand nord, avec son ensoleillement rétréci à l’extrême, son froid impitoyable. Ces descriptions sont à mon avis les points forts du livre.
L’auteur tisse une histoire autour d’une policière suédoise quelque peu candide venant du sud qui enquête sur un meurtre avec un collègue sami. Un éleveur de rennes, Mattis, vient d’être assassiné et, chose inusitée, ses oreilles ont été tranchées, comme s’il était un renne. En outre, un tambour de chaman a été volé et il pourrait livrer la clé de tout le mystère. Un policier véreux et un explorateur français sans scrupule partent à la conquête d’une mine perdue qui pourrait assurer leur fortune.
L’auteur nous fait traverser la steppe glacée d’un récit trop long, dilué, dont le dénouement est quelque peu déroutant. Certains apprécieront cet opus, qui a d’ailleurs remporté des prix, mais d’autres risquent de se lasser à mi-parcours.
L’auteur français ne cesse de parler des «scooters des neiges» pour désigner une invention québécoise qui s’appelle MOTONEIGE. Ce dernier mot est utilisé deux fois dans tout le roman…. Cette appropriation du nom d’un véhicule québécois, inusité en France, est un irritant majeur.
ROMANS ÉTRANGERS
La terre chinoise, de Pearl Buck
La Chine d’avant la Révolution de 1949. Wang Lung exploite une rizière et se voit imposer par son père une épouse laide, taciturne, mais robuste et courageuse. C’est finalement un excellent choix et la jeune femme fera son devoir jusqu’au bout, allant même jusqu’à accoucher dans la rizière pour ne pas interrompre son travail trop longtemps. Un portrait saisissant de la vie rurale au XIXe siècle et premier livre d’une trilogie passionnante.
La peste, d’Albert Camus
Un grand classique qui illustre bien l’impuissance des humains devant les catastrophes et pose la question fondamentale du sens profond de la vie. On peut interpréter le livre de plusieurs façons, soit comme un pilier de l’existentialisme aussi bien qu’une sorte d’allégorie froide sur la montée du fascisme en Europe. Chacun y trouvera matière à réflexion.
La jeune fille à la perle, de Tracy Chevalier
Un livre que j’aurais aimé écrire. Une belle histoire, juste assez longue, sans blabla ni fioriture, racontée en toute simplicité. La ravissante Griet est engagée comme servante chez le célèbre peintre Vermeer. Celui-ci finit par la remarquer, à cause de son intelligence et d’un je-ne-sais-quoi qu’elle dégage… Il veut peindre son portrait, qui deviendra un chef-d’œuvre de la peinture hollandaise.
Mais Griet, protestante, est mal à l’aise d’atterrir dans une famille catholique et de se retrouver au centre de tensions entre l’épouse du peintre, la belle-mère et la gouvernante. Elle n’en sortira pas indemne.
La brodeuse de Winchester, de Tracy Chevalier
La tresse, de Laetitia Colombani
Trois femmes décident de changer leur destin après avoir essuyé un coup dur. La première fait partie de la caste des intouchables, en Inde. Elle veut faire éduquer sa fille pour la sortir de la misère. La seconde est Sicilienne et se retrouve soudain à la tête de l’entreprise de son père, mourant. La troisième est une avocate de renom soudain terrassée par le cancer.
Chacune d’entre elles fera face à toutes sortes d’obstacles et les trois récits se rejoindront en fin de livre… Une écriture simple, mais toute en dentelle, qui distille trois histoires extrêmement touchantes. Un récit captivant, bien dosé, qui nous tient en haleine pendant 234 pages. Un des meilleurs livres que j’ai lus au cours des dix dernières années.
Le liseur de 6 h 27, de Jean-Paul Didierlaurent
Ce roman en a séduit beaucoup de lecteurs. Proclamé livre de l’été 2014 par certains, il m’a déçu.
Le sujet ne manque pas d’originalité : un employé d’usine récupère chaque jour quelques feuillets de romans envoyés au pilon par des éditeurs pour faire place à de nouvelles parutions. Il les extirpe d’une gigantesque machine méphistophélique, appelé Zerstor, une machine qui a déjà broyé les jambes d’un de ses collègues.
Guylain Vignolle (c’est le nom de l’employé) prend le métro régional tous les matins et lit les feuillets sauvés de la destruction aux passagers. Ils ont l’habitude et apprécient cette lecture matinale.
Le sujet est original et séduit, de prime abord. Mais à la moitié du livre, le train déraille, car les quelques personnages truculents du récit ne suffisent plus à retenir l’attention du lecteur. Alors le héros trouve une clé USB contenant… d’autres récits, ceux d’une madame-pipi qui expose ses états d’âme. Guylain Vignolle cherche à la retrouver…
Certain aimeront ce récit mièvre et falot; ils y verront une belle allégorie du monde moderne, inhumain et individualiste. Quant à moi, ce livre semble un peu trop se chercher une trame pour en faire l’éloge.
Toute la lumière que nous ne pouvons voir, d’Anthony Doerr
Un livre lumineux, pour s’inspirer de son titre. L’épopée d’une jeune aveugle, Marie-Laure, aveugle et réfugiée chez son père, pendant la guerre. Pourtant, son destin croisera celui de Werner, orphelin et génie des transmissions électromagnétiques. Une réflexion profonde sur la condition humaine et, pour paraphraser Leonard Cohen, sur cette lumière qui finit toujours par filtrer de la fissure. un livre touchant, plein d’humanité, qui a remporté le Prix Pullitzer.
Immortel, de Jose Rodrigues Dos Santos
Un livre hors norme, absolument captivant, mais au style étonnant. Un livre sur l’intelligence artificielle, qui menace de supplanter l’être humain.
Dos Santos est journaliste et, le moins que l’on puisse dire, il a fait ses recherches. Son ouvrage comporte des dizaines de pages d’explications scientifiques sur l’évolution inquiétante de l’informatique. Des machines qui battent des champions d’échecs. L’intrusion envahissante de l’informatique dans toutes les sphères de la vie. Les humains qui ne le sont plus à 100 pour 100, avec leurs greffes de foie, leurs membres artificiels.
Ces longs développements étayent le récit qui nous tient en haleine jusqu’à la fin. Ils sont indispensables pour comprendre l’histoire et, pour une fois, je me suis très bien accommodé de ces longueurs, qui, pourtant, brisent l’action.
L’histoire? En gros, un scientifique chinois qui fusionne son esprit avec un ordinateur. Il prend le contrôle d’Internet pour amener les humains à évoluer. Il se définit comme Dieu…
Le roman le plus stimulant que j’ai lui ces dernières années. Un livre incontournable pour comprendre le monde qui nous attend très bientôt.
Crime et châtiment, de Fédor Dostoïevski
Un livre fondamental qui pose une question : avons-nous le droit de tuer une autre personne? Le personnage principal, Raskolnikov, a pourtant commis un meurtre qu’il estime justifier. Mais sa conscience le tenaille…
Rebecca, de Daphne du Maurier
Le roman gothique par excellence. La nouvelle madame de Winter emménage à Manderley avec son mari. Mais elle marche sur les traces profondes de Rebecca, l’épouse tragiquement disparue, une épouse idolâtrée et envahissante. Le parcours de la jeune ingénue Rebecca sera plein d’embûches, particulièrement celles que sème la gouvernante, Mrs Danvers, dont on peut croire qu’elle entretenait une fascination saphique pour la disparue. Le dénouement dramatique est inoubliable. Tout un livre.
Les années, d’Annie Ernaux
Un récit autobiographique dans lequel l’auteure nous fait voyager dans les années d’après-guerre pour remonter jusqu’au présent. Mine de rien, Ernaux nous raconte l’histoire contemporaine de la France par le biais de ses expériences personnelles, sans que la narration verse dans l’égocentrisme. En lisant ce livre d’à peine quelque 250 pages, on constate à quel point notre monde occidental a évolué. Les livres suivants d’Ernaux, La place, L’événement, La femme gelée, sont tout aussi intéressants.
L’amie prodigieuse, d’Elena Ferrante
Une saga passionnante sur deux amies qui grandissent dans le Naples de l’après-guerre. L’une est impétueuse et talentueuse, l’autre également douée manque d’assurance. L’auteur trace un portrait vivant de la ville avec une brochette de personnages qui sont autant de révélateurs de la mentalité de l’époque. On y trouve de tout : l’institutrice sévère, l’épicier sans envergure, des membres de la petite pègre locale, les parents insignifiants, des jeunes en quête de liberté qui peinent à trouver leur chemin.
Le destin d’Elena, dite Linù ou Lina, est à l’enseigne des études et d’une certaine retenue. Quand à Lila, elle se frotte à la vie sans retenue, courant tous les risques, irréfléchie, mue par une énergie dévastatrice qui la submerge et risque de l’emporter au large.
Le premier tome est un peu longuet et présente les personnages. Le deuxième, plus intéressant, décrit les émois de l’adolescence, le monde des lycées italiens
L’amie prodigieuse, d’Elena Ferrante
Une saga passionnante sur deux amies qui grandissent dans le Naples de l’après-guerre. L’une est impétueuse et talentueuse, l’autre également douée manque d’assurance. L’auteur trace un portrait vivant de la ville avec une brochette de personnages qui sont autant de révélateurs de la mentalité de l’époque. On y trouve de tout : l’institutrice sévère, l’épicier sans envergure, les parents insignifiants, des jeunes en quête de liberté qui peinent à trouver leur chemin.
Le destin d’Elena, dite Linù ou Lina est à l’enseigne des études et d’une certaine retenue. Quand à Lila, elle se frotte à la vie sans retenue, courant tous les risques, irréfléchie, emportée par une énergie qui la submergent et risquent de l’emporter au large.
Le premier tome est un peu longuet et présente les personnages. Le deuxième, plus intéressant, décrit les émois de l’adolescence, le monde des lycées italiens. Le troisième décrit la vie adulte des deux protagonistes et le quatrième la fin de leur vie. Les intrigues se nouent autour du lecteur comme autant de lianes qui l’enchaînent à un récit de plus en plus passionnant.
La vie mensongère des adultes, d’Elena Ferrante
Ce livre, publié après la captivante saga L’amie prodigieuse est une amère déception. Le point de départ s’annonçait prometteur : Giovanna, une adolescente de 12 ans, constate que ses parents qu’elle idolâtrait mentent. Et pas seulement une seule fois. Menant sa petite enquête, elle se rend compte que son père et sa mère s’entendent mal et cherche à connaître une tante, Vittoria, à la réputation sulfureuse.
Et sulfureuse elle l’est. Elle finit par influencer Giovanna qui glisse sur la pente savonneuse d’amitiés douteuses. C’est à ce point que le livre dérape et que le développement de son récit déroute complètement. À fuir. Notre club de lecture l’a qualifié de « fausse représentation ».
Vers la beauté, de David Foenkinos
Un livre magnifique sur le monde des arts. Comment expliquer qu’un professeur aux Beaux-Arts de Lyon quitte son poste prestigieux pour devenir gardien de sécurité au Musée d’Orsay. Un drame couve. Il sort d’une relation fusionnelle avec une jeune peintre bourrée de talent. Que s’est-il passé?
Le mystère Henri Pick, de David Foenkinos
En lisant le livre, j’ai vite compris pourquoi on en a fait un film… Tout de même mystérieux ce restaurateur très ordinaire qui aurait écrit un roman, alors qu’il ne lisait jamais et n’écrivait rien… Encore plus curieux que le livre ait été déniché chez un étrange individu qui collectionnait les manuscrits refusés par les éditeurs… D’autant plus curieux que le livre est un petit chef-d’œuvre qui finit par être publié et devient un best-seller!
Cette publication déroutante du défunt Henri Pick vient bouleverser la vie de sa veuve et de sa fille. Elles ne seront pas la seule à subir le contrecoup, loin de là.
Satire étonnante et grinçante du monde de l’édition, des critiques littéraires, aussi bien que des journalistes… et du public. Un livre rafraîchissant et original.
Ken Follett
Je l’avoue, Ken Follett est mon péché mignon. Il ne fait pas de grande littérature, a écrit des thrillers historiques, des romans d’espionnage, avant de se lancer dans les romans historiques. Pour moi, Follett est l’archétype de l’écrivain populaire qui maîtrise toutes les recettes : récits rondement menés; écriture simple sans être vulgaire; personnages bien dessinés sans être profonds; péripéties qui s’enchaînent sans longueurs inutiles; exactitude des faits historiques et recherches menées avec soin; et du sexe… Bref des livres captivants qui nous font veiller tard.
Les piliers de la terre et Un monde sans fin
Deux briques qu’on dévore nuit après nuit. Le premier sur la construction des cathédrales médiévales, le second sur les aléas de la médecine au au Moyen-Âge et l’influence énorme de la religion.
La chute des géants
Cette fois-ci Follett s’attaque au XXe siècle tourmenté par la Première Guerre mondiale, la Révolution bolchévique et la montée du fascisme. Toute une galerie de personnages dépeignent les États-Unis, déjà puissance émergente, la Russie tsariste vermoulue, l’Angleterre édouardienne bien assise sur son empire et l’Empire allemand qui s’apprête à en découdre avec ses ennemis. L’apocalypse de la Grande Guerre engendrera deux monstres : l’Allemagne nazie et la Russie stalinienne, dont il est question dans la suite, L’hiver du monde.
L’hiver du monde
Follett nous fait suivre sa lignée de personnages dans la tourmente de la Deuxième Guerre mondiale. Il entremêle encore une fois intrigues amoureuses et évènements historiques. Le récit est dynamique et permet au lecteur d’assister à des moments clés, comme l’invention de la bombe atomique. La brutalité des nazis envers leur propre population est bien mise en évidence, de même que les enjeux politiques.
L’hiver du monde est d’une lecture agréable, mais on entrevoit facilement certains développements. Par exemple, une physicienne soviétique finira par se trouver au cœur de l’élaboration de la bombe atomique; tel officier qui sera stationné à Hawaï, juste avant l’attaque de Pearl Harbour, un certain 7 décembre 1941…
Le crépuscule et l’aube
L’histoire d’une escalade nucléaire entre la Chine et les États-Unis, dont l’auteur démonte patiemment tous les rouages. Cela démarre tout doucement avec l’étrange prise de contrôle d’une partie de la Corée du Nord par des rebelles mal identifiés. La Chine essaie d’intervenir mais les évènements s’enchaînent dans ce qui ressemble à un moteur emballé dont personne n’est capable de couper l’alimentation.
Les tensions avec les États-Unis s’intensifient jusqu’au dénouement final qui nous tient en haleine jusqu’au dernier mot du livre.
Le récit comporte malheureusement plusieurs failles majeures. On imagine mal un tel scénario sans que les Russes ne cherchent à intervenir. Les Nations unies et le Conseil de sécurité sont à peine mentionnés; les grandes puissances comme la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne sont également absentes. Tout comme l’Union européenne, ce qui est totalement invraisemblable.
L’auteur nous fait vivre le drame par le biais d’une série de personnages. Leurs mésaventures et vies amoureuses sont décrites avec force détails et prennent beaucoup trop de place dans le récit. Cette emphase empêche l’auteur de développer certains éléments essentiels de son roman, comme l’origine et les motifs des fameux rebelles nord-coréens dont on ne connait que le nom du chef.
Malgré ses qualités narratives, la précision des mécanismes entourant l’usage de la bombe atomique, le livre pâtit de tous les défauts que j’ai mentionnés. Bref, c’est en bonne partie raté.
Le bureau des affaires occultes, d’Éric Fouassier.
Vous avez aimé Alexandre Dumas? Victor Hugo? Vous apprécierez sans nul doute Éric Fouassier et son opus Le bureau des affaires occultes. Nous voilà projetés dans le Paris de 1830, en proie à une fièvre révolutionnaire qui a chassé le roi Charles X pour installer sur le trône Louis-Philippe d’Orléans. La France est désormais une monarchie constitutionnelle. Mais pour combien de temps
Les tourments politiques de la monarchie de Juillet servent de toile de fond au récit passionnant de l’inspecteur Valentin Verne affecté à la brigade de la Sûreté, fondée par l’ancien bagnard Vidocq, devenu policier. Vidocq a vraiment existé. Verne pourchasse un vilain appelé le Vicaire qui commet des crimes innommables sur des jeunes hommes.
L’intrigue, habilement tissée, multiplie les tours de passe-passe et les revirements qui, par moments, rappellent un peu Arsène Lupin. La trame du livre, solidement documenté, est prenante. L’auteur a mené des recherches approfondies sur la vie des misérables dans la capitale française – ce qui rappelle Victor Hugo. Il étale également toutes les vicissitudes de la police aussi bien que celles des mécréants qui grouillent un peu partout comme de la vermine. Fouassier émaille son récit de termes argotiques de l’époque qui constituent en soi un exposé qui ravira les amoureux de la langue française.
Cet aspect vient enrichir un splendide ouvrage et fait oublier certaines invraisemblances du récit.
La vie devant soi, de Romain Gary
À mon avis, le meilleur livre de ce grand auteur. L’histoire touchante de Momo, ce petit garçon arabe confié à une vieille femme juive, Madame Rosa, qui l’élèvera dans la confession hébraïque, au grand désarroi de son père venu le chercher plus tard. Momo sera fidèle à Madame Rosa et l’accompagnera à sa mort et même plus tard.
Les misérables, de Victor Hugo
Le roman de tous les romans. Tout y est : les cœurs vaillants aussi bien que les mécréants. Les mauvais pauvres, mais d’abord et avant tout Jean Valjean, injustement condamné, dont on suit la rédemption. Les personnages symboliques y foisonnent : Gavroche aux barricades de 1848, le policier Javert incapable de concevoir que Valjean soit innoncent, les Thénardier, sorte de Bougon de l’époque.
Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo
Un autre grand roman qui raconte l’édification de ce chef-d’œuvre gothique. Là aussi les personnages mémorables abondent, dont Esméralda et le bossu de Notre-Dame, Quasimodo.
Cents ans de solitude, de Gabriel Garcia Marquez
Un roman inénarrable qui nous déstabilise. Un roman féérique qui nous raconte l’épopée du village colombien de Macondo de sa fondation jusqu’à disparition. Un conte parsemé d’évènements relevant du fantastique, avec des personnages qui meurent et réapparaissent plus tard… Einstein après la lettre, Garcia Marquez entremêle passé et futur sans jamais s’embrouiller, au risque d’égarer son lecteur, qui a intérêt à être bien cordé. Un ovni littéraire, picaresque, qui renversera tous les esprits rationnels.
Sa majesté des mouches, de William Golding
Un roman symbolique sur la nature humaine. Un avion transportant de jeunes enfants sur une île déserte s’écrase et les adultes périssent. Les enfants tentent tant bien que mal de s’organiser en reproduisant l’ordre social qu’il connaissent. Mais cette organisation ne tardera pas à voler en éclats. Bientôt, le groupe se désorganise et la violence apparaît. Un leader, Jack, tente de s’imposer. Peu à peu, les plus adaptés survivent et les autres sont éliminés.
Un livre qui montre que le vernis de la civilisation peut rapidement s’effriter.
Le confident, d’Hélène Grémillon
Un premier roman acclamé par le public et les critiques. Une histoire étrange, intrigante dès le début. Une jeune éditrice, Camille, reçoit des lettres qui ne lui semblent pas destinées. Pourtant elle les lit avec un intérêt grandissant au fur et à mesure qu’elle comprend que le récit la concerne directement.
En fait, ce sont plusieurs récits qui s’entrecroisent. Celui de Louis, l’amant éconduit d’Annie qui a accepté de faire un enfant avec le mari d’une riche bourgeoise, pour ensuite le lui remettre. Mais le choses se compliquent et le lecteur doit lire attentivement le roman pour ne pas s’y perdre.
Les choses se compliquent lorsque la mère porteuse veut reprendre son enfant et que la fausse mère qui ourdit une machination à donner froid dans le dos pour le garder.
Le récit tient le lecteur en haleine, mais la fin devient quelque peu confuse quand on change de narrateur. Certains trouveront la fin quelque peu invraisemblable.
Malgré tout, Hélène Grémillon remporte la palme pour l’originalité de sa plume.
L’amant de lady Chatterley, de D.H. Lawrence
Un classique de la littérature érotique. L’histoire de la passion d’une épouse frustrée, mariée à un impotent, qui trouve l’épanouissement sexuel dans les bras d’un garde-chasse rustre. Les deux explorent les arcanes inconnues de la sensualité. Roman à l’érotisme feutrée, mais quand même très explicite pour l’époque où il a été publié, en 1928.
Les chaussures italiennes, de Henning Mankell
C’est LE livre de Mankell. Un roman touchant sur un homme isolé sur une île, qui vit sans but, après une carrière dans la médecine. Une ancienne flamme en fin de vie envahit son havre et vient tout perturber en lui révélant qu’il a une fille. Peu à peu, notre ermite doit revisiter son passé, se remettre en question, méditer sur ses erreurs, son égoïsme. Tout à coup, sa vie prend un autre sens.
Mankell nous avait habitués à des polars incitant à la réflexion sur la société suédoise. Dans ce livre, il révèle le talent d’un grand écrivain, dont l’ensemble de l’œuvre est méconnu hors de son pays natal.
À lire absolument, un grand roman digne du XIXe siècle, sans les longueurs.
ns. Les intrigues se nouent autour du lecteur comme autant de lianes qui l’enchaînent à un récit de plus en plus passionnant.
Chesapeake, de James Michener
Le roi du roman historique américain. Une fresque grandiose de la baie de Chesapeake racontée à travers le destin des guerriers, des Autochtones, des quakers et de bien d’autres qui façonnent le destin de cette région de l’est des États-Unis. Une histoire foisonnante où l’on assiste au massacre des Autochtones, à l’esclavagisme, à la Guerre de l’Indépendance et à la guerre civile américaine. Comme Alexandre Dumas, James Michener accroche ses romans au crochet de l’histoire. Que ce soient le Texas, l’Alaska, aussi bien que la Pologne, Israël ou les Caraïbes, Michener élabore tout au long de son œuvre ambitieuse des récits envoûtants et détaillés.
Le pavillon d’or, de Yukio Mishima
L’histoire véridique de ce moine bouddhiste déséquilibré qui a incendié en 1950 le Pavillion d’or, près de Kyoto, l’ancienne capitale impériale. Mizoguchi est le fils d’un prêtre bouddhiste qui a transmis à son fils son amour fanatique du Pavillon d’Or, le plus connu des temples de Kyoto. Mizoguchi va se lier avec un autre moine, lui extraverti, qui va insuffler au jeune moinla confiance qui lui manque. Malheureusement son ami meurt peu après et Mizoguchi va peu à peu s’égarer sur les chemins tourmentés d’une douce folie qui le conduira à tenir le Pavillon pour responsable de ses malheurs.
Stupeur et tremblements, d’Amélie Nothomb
Tremblements, pour tremblements de terre, sûrement. L’étourdissante descente aux enfers d’Amélie, née au Japon et parfaitement à l’aise dans la langue de Mishima.
Mais rien n’y fait. Les Japonais ne l’acceptent pas du tout comme l’une des leurs et lui font bien sentir. Une série de petits accrocs au code de conduite implicite de la société nippone lui font dégringoler les échelons, à son travail, malgré toute sa bonne volonté de faire belle figure.
Un puissant révélateur de la société japonaise.
Ni d’Ève ni d’Adam, d’Amélie Nothomb
Cette écrivaine belge née au Japon n’a plus besoin de présentation. Cet opus est la suite de Stupeurs et tremblements, qui racontait sa déchéance rapide dans le monde étouffant du travail au pays du Soleil levant.
Car Amélie Nothomb connait bien le Japon et elle s’amuse à en décortiquer les aspects les plus surprenants. Cette fois-ci, ce n’est pas tant le monde du travail qui retient son attention, mais plutôt la société en général, les rapports entre les individus. Elle n’est pas au bout de ses surprises.
La voici maintenant dans une relation amoureuse avec un japonais… Le livre est une série d’anecdotes savoureuses qui révèlent des côtés inattendus du Japon.
La purge, de Sofi Oksanen
Un roman très bien construit sur l’occupation de l’Estonie par l’Union soviétique. Les compromissions, les trahisons petites et grandes d’Aliide, forcée d’accueillir Zara, un membre de sa famille pourchassée par des mafieux russes. À coup de retours en arrière, l’auteur tisse lentement la toile de la tragédie familiale, sur fond politique. La cohabitation malaisée des patriotes estoniens forcés d’adhérer au régime soviétique. Un roman fascinant sur tous les plans.
1984, de George Orwell
Un grand classique du XIXe siècle. Le monde totalitaire décrit avec froideur et précision. Un gouvernement qui a toujours raison et écrase toute dissidence; un leader qui possède la vérité et que tout le monde suit sans broncher; une population robotisée qui obéit. Cela ne vous rappelle pas certains pays?
Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi, de Katherine Pancol
Il s’agit dernier livre d’une trilogie, amorcée avec Les yeux jaunes des crocodiles et La valse lente des tortues.
Le premier opus a rencontré un succès considérable et a fait la renommée de l’auteure. L’histoire touchante de Joséphine, enfant mal aimée, qui vit dans l’ombre de sa sœur Iris, bien mariée, riche et célèbre. Elle demande à Joséphine de devenir son nègre et d’écrire un livre dont elle prétendra être l’auteure. Timorée, Joséphine accepte et l’ouvrage qui porte sur le XIIe siècle, dont elle est une spécialiste, est un succès instantané. Iris l’usurpatrice doit composer avec une célébrité qui la dépasse, car elle n’a pas du tout l’érudition de Joséphine. Elle essaie de ne pas trop s’embourber jusqu’à ce qu’un évènement inattendu vienne tout bouleverser.
Katherine Pancol développait des personnages intéressants portés par une écriture joyeuse et débridée. Le second livre, La valse lente des tortues poursuivait l’épopée des personnages et ne manquait pas d’intérêt. Pancol aurait dû s’arrêter là, mais il était trop tentant de surfer sur son succès phénoménal et elle écrivit Les écureuil…
J’étais rebuté par la longueur de l’opus (940 pages!) mais la curiosité de savoir quel destin attendait les personnages était vive. Alors je me suis lancé. Dommage, car j’avais bien aimé les deux premiers, mais là l’auteur, grisée par son succès, a décidé de composer un opéra. Le récit s’éparpille et se perd en intrigues secondaires sans intérêt qui ne fond qu’épaissir le roman. Comble de tout, Pancol introduit une sorte d’extraterrestre, un enfant surdoué de deux ans qui pérore comme un jeune adulte. Absolument grotesque.
Pour ne pas se perdre dans cette jungle amazonienne d’intrigues secondaires sans grand intérêt, mieux vaut se concentrer sur les personnages principaux. Et même là… histoire classique des deux amants séparés Joséphine et Philippe, je vous laisse deviner la fin. Les amours compliquées de Hortense, Zoé, les deux enfants de Joséphine, suscitent l’intérêt, mais comme le reste de l’histoire ça s’étire à n’en plus finir.
L’écriture est envahissante, ébouriffée et certains passages sont interminables : j’en ai lu beaucoup en diagonale pour me rendre rapidement à la fin, pour savoir ce qui arrivait au juste après tant de verbiage. On aurait dit que l’auteur était incapable de tenir sa plume qui partait au triple galop.
Bref, contentez-vous des deux premiers livres.
Changer l’eau des fleurs, de Valérie Perrin
Violette Toussaint est garde-cimetière dans une petite ville de Bourgogne. Auparavant est était garde-barrière. Rejetée à l’enfance par sa mère, c’est une infirmière qui lui trouve un nom. Ce faux départ la marquera à jamais et fera d’elle une personne sensible et ouverte à la souffrance d’autrui. Elle est marié à Philippe Toussaint, avec qui elle a une fille, Léonine. Mais son mariage n’est pas aussi heureux qu’il le devrait.
Gravitent autour d’elle les employés bien typés du cimetière, qui forment sa deuxième famille. Violette fait son travail avec un dévouement exemplaire; elle connait ses défunts, dont elle entretient soigneusement la tombe. Les personnes laissées dans le deuil lui racontent leurs drames personnels, des récits souvent enchevêtrés et amusants. Mais la garde-cimetière n’est pas à l’abri de nouveaux drames personnels.
Un livre touchant, bien écrit, un peu longuet, mais qui en vaut la peine.
Histoires extraordinaires, d’Edgar Allan Poe
Un précurseur qu’il faut lire absolument. La première nouvelle du recueil, Double assassinat dans la rue Morgue, qui ouvre ce recueil, est l’ancêtre du roman policier. La nouvelle La chute de la maison Usher, dans les Nouvelles Histoires extraordinaires, est une belle introduction à la littérature fantastique. La trilogie des Histoires extraordinaires de Poe est un grand classique de la littérature américaine. L’art du récit à son meilleur, à l’enseigne d’une trame originale et d’un style concis. Bien des auteurs contemporains auraient intérêt à l’imiter, au lieu d’étaler leurs histoires sur des centaines de pages.
À l’ouest rien de nouveau, d’Erich-Maria Remarque
Probablement le livre le plus symbolique jamais écrit sur la guerre. Avant la Première Guerre mondiale, le métier des armes était considéré comme noble, tout simplement parce que le simple mortel n’avait aucune idée de ce qui se passait sur les champs de batailles. L’auteur raconte la vérité crue de ce qu’ont vécu les combattants de la Grande Guerre, enlisés dans les tranchées humides, les pieds gangrénés à force de croupir dans la boue. L’horreur des attaques aux gaz intoxicants. Des cohortes de jeunes hommes qui tombent comme des mouches sous le feu des mitrailleuses. Des assauts héroïques pour faire bouger la ligne de front de quelques dizaines de mètres avant de s’enterrer pour les mois à venir. Des batailles dantesques censée percer le front ennemi, mais qui ne donnent strictement rien. Des soldats agonisants qui appellent le mère et que personne ne peut sauver.
La guerre dans toute son absurdité.
Harry Potter, de J.K. Rowling
Qui n’a pas lu ou vu Harry Potter. Une saga brillante, ambitieuse, qui nous mène dans une épopée fantastique portée à l’écran. Tout le monde adore, même des gens comme moi peu portés par la littérature fantastique.
Une place à prendre, de J.K. Rowling
L’auteure de la série Harry Potter n’a pas besoin de présentation. Son imagination débordante et son sens du récit ont séduit des millions de lecteurs. C’est pourquoi la barre était haute pour ce nouvel opus, plutôt mal accueilli par la critique, il faut le dire. Le dernier Rowling est un roman noir. L’idée d’étudier les habitants d’une petite ville anglaise me séduisait. Après tout, Rowling a l’art de créer des personnages parfois déjantés et nul doute que leurs interactions allaient susciter l’intérêt. Le roman, un pavé de quelque 700 pages, demande du souffle, car le développement de l’histoire se fait à pas de tortue. On ne tarde pas à se perdre dans la galerie de personnages, véritable ménagerie de turpitudes où la bonté et l’empathie se font rares. Pour compliquer la tâche du lecteur, certains personnages ont des surnoms et il peut devenir difficile de démêler tout ce beau monde qui grenouille. Le rythme est très lent et il faut s’armer de patience avant qu’un premier évènement survienne, à peu près à la moitié du livre. C’est long. L’intérêt du lecteur s’accroche au fil ténu de quelques personnages, surtout les ados, dont les pérégrinations suscitent un certain intérêt. Le dénouement est assez dramatique, mais il ne satisfera pas tout le monde, loin de là. En tournant la dernière page, je me suis demandé – sans doute comme beaucoup de lecteurs – si cela valait vraiment la peine de faire tout ce voyage pour en arriver là. Je n’en suis toujours pas convaincu.
La part de l’autre, d’Éric-Emmanuel Schmitt
Tout le monde a eu l’envie, un jour ou l’autre, de réécrire l’histoire. Que serait-il arrivé si Adolf Hitler avait réussi l’examen d’entrée à l’École des beaux-arts de Vienne? S’il était devenu un artiste renommé, au lieu de se lancer en politique? L’auteur développe cette thèse de manière exponentielle et propose un récit original qui nous fait réfléchir la manière dont le cours de l’histoire pourrait être infléchi. Les passionnés d’histoire adoreront.
Vol de nuit, d’Antoine de Saint-Exupéry
Un roman quelque peu prophétique de Saint-Exupéry qui a péri dans la Méditerranée, en 1944. Le quotidien d’un pilote de l’Aéropostale, qui fait corps avec son appareil, dont il connait tous les secrets. Une réflexion brillante sur le travail de ces pilotes héroïques qui affrontaient la nuit tout comme les intempéries avec, somme toute, bien peu de moyens.
La plus secrète mémoire des hommes, Mohamed Mbougar Sarr
Un livre envoûtant qui dénonce sans détour le colonialisme blanc en Afrique ainsi que les préjugés contre les Noirs. Elimane, auteur du Labyrinthe de l’inhumain remporte un succès d’estime, avant d’être écharpé par la critique qui ne peut croire qu’un Noir ait pu écrire une oeuvre aussi brillante. C’est forcément un imposteur; l’ouvrage a été écrit par un nègre (au sens figuré); c’est un plagiat, un rabibochage de légendes connues au Sénégal. Finalement rien de nouveau.
Curieusement, il n’y a pas véritablement d’histoire ; elle tourne autour d’un livre dont on ne connaît pas vraiment le contenu.
La plume est féconde, le vocabulaire est foisonnant. Elle dévoile le caractère africain par le truchement d’une série de personnages, dont on a intérêt à mémoriser les noms, pour ne pas s’égarer dans le récit. Les légendes, la magie sont mises à contribution.
Mais l’ouvrage, tout envoûtant qu’il soit, n’est pas de lecture facile.
D’un chapitre à l’autre, le narrateur change et il faut une bonne dose d’attention pour bien suivre l’histoire, car, souvent, on ne comprend le sens des dialogues qu’à la toute fin du chapitre, quand l’identité des locuteurs apparaît enfin. Souvent, tout au long du livre, mais me suis demandé « Mais qui parle à la fin? »
Le procédé narratif est certes inspiré, mais il se répète sans cesse et j’ai souvent peiné à suivre l’histoire. En outre, le livre comporte aussi quelques longueurs qui finissent par lasser. Les cents dernières pages étaient longues.
10 minutes et 38 secondes dans ce monde étrange, d’Elif Shafak
10 minutes et 38 secondes, c’est le temps que l’âme reste dans le corps après le décès. C’est surtout un roman surprenant d’une auteure turque dénoncée dans son pays d’origine pour insulte à l’islam. Elle vit maintenant à l’ouest.
Tequila Leila est une prostituée assassinée dont le corps a été trouvé dans une benne à ordures à Istanbul. Ainsi commence le récit qui s’attache ensuite à nous raconter le destin tragique de cette fille de bonne famille, dont la vie avait bien commencé. Voyage dans les bas-fonds de la métropole turque, dont Shafak nous trace un portrait de ses marginaux, le tout dans une atmosphère qui devient de plus en plus endiablée au fur et à mesure qu’on approche de la conclusion du livre. À découvrir.
La pourpre et l’olivier, de Gilbert Sinoué
Les papes n’ont pas toujours vécu dans l’opulence; le roman de Sinoué est là pour nous le rappeler. Calixte 1er est un ancien esclave enlevé de sa Thrace pour être vendu à Rome. Le roman, original et prenant, nous fait suivre ce futur pape improbable qui deviendra banquier avant de s’attacher à Marcia, la concubine de l’empereur Commode. Le plus drôle étant que Calixte méprisait les chrétiens à cause de leur esprit de soumission. Il deviendra bientôt leur chef. Un livre surprenant.
Les raisins de la colère, de John Steinbeck
Une fresque inoubliable de la misère de l’Amérique profonde, après le krach de 1929. Une épopée émouvante de ces familles chassées par la séchesse et les vents du désert qui transforme tout le centre des États-Unis en désert. Le drame des fermiers chassés de leurs fermes par le Dust Bowl et le rachat de leurs terres par les banques. Leur périple en Californie, terre promise, se transforme en cauchemar, car la misère leur colle à la peau.
Toute la turpitude humaine y passe : les patrons exploiteurs, les commerçants rapaces. Mais il y a aussi l’esprit d’entraide…
Le personnage de Man, cette femme forte, autour de laquelle la famille gravite comme les planètes autour de leur soleil, même si ce sont les hommes qui dirigent, au moins en principe, est particulièrement remarquable. Elle est avec l’un de ses fils, Tom, la charpente de la famille, les deux seuls à s’effacer toujours devant les besoins du groupe.
Un très grand livre.
Des souris et des hommes, de John Steinbeck
Un livre très symbolique. En Californie, pendant la Grande Crise, Lennie et George vont de ferme en ferme. Ils louent leurs bras en attendant le jour où ils auront leur ferme à eux, avec un petit bout de luzerne pour élever des lapins. Lennie, malgré sa taille de colosse, n’a pas plus de malice qu’un enfant de six ans ; George veille sur lui, le protège du monde qui n’est pas tendre aux innocents. Une histoire attachante et dramatique.
La porte, de Magda Szabo
Le maître des illusions, de Donna Tart
On me pardonnera de diverger d’opinion avec tous ceux qui crient au chef-d’œuvre. L’auteure nous demande de la suivre dans une interminable odyssée dans laquelle évoluent des personnages férus de culture hellénique. Réunis autour d’un professeur de grec, ils étudient dans une petite université du Vermont.
Une partie du groupe commet involontairement un meurtre à la suite de libations dionysiaques. Le maillon faible du groupe, Bunny, n’a pas assisté au crime, mais n’est pas dupe. Petit problème, il parle trop.
Affranchis par un premier crime, les autres envisagent de l’assassiner pour le faire taire. Nous voici donc transportés dans une sorte de thriller psychologique. Mais pas vraiment. Alors une interrogation à la Dostoïevski sur le droit de tuer autrui? Pas vraiment non plus. Alors quoi?
Une logorrhée quelque peu prétentieuse s’étalant sur quelque 700 pages, qui force le lecteur à puiser dans toutes ses réserves de patience pour investir l’âme des personnages.
Cette quête ne manque pas d’intérêt, car les membres du groupe n’en sortent pas indemnes. Hélas, la démonstration dure beaucoup trop longtemps pour ce que l’auteur a à raconter.
Le jeu valait-il la chandelle? À mon avis, non, même si le dénouement est très symbolique et rachète quelque peu le reste de l’histoire.
L’emballage hellénique donne un certain vernis au roman, mais apparaît quelque peu factice.
Vingt mille lieues sous les mers, de Jules Verne
Une épopée merveilleuse à bord de ce sous-marin avant-gardiste qui se propulse à l’eau de mer. Trois naufragés y sont recueillis par le capitaine Nemo, un homme taciturne, qui les retient prisonniers, ne voulant pas que son secret soit éventé.
Le Nautilus sillonne toutes les mers et nous en fait découvrir l’énorme richesse, grâce aux descriptions détaillées faites par l’auteur, féru de science. Un voyage inoubliable.
L’île mystérieuse, de Jules Verne
Un livre remarquable qui met en évidence les connaissances scientifiques de l’auteur et son penchant pour le génie. Les naufragés d’une montgolfière échoués sur une île déserte — c’est du moins ce qu’ils croient…
Ils doivent apprendre à maîtriser leur nouvel environnement et, peu à peu, arrivent à se loger dans une caverne avant de découvrir un lieu plus sûr, surplombant la rive. Patiemment, avec méticulosité, ils parviennent à exploiter toutes les ressources de l’île et à se ménager une vie agréable, mais au prix d’un labeur constant.
Les malheurs ne manquent pas de se produire, mais une main secourable et invisible vient souvent à leur secours…
D’après une histoire vraie, de Delphine de Vigan
Une histoire de domination et de manipulation brillamment menée. Delphine est une écrivaine connaissant un certain succès. Elle rencontre L. avec qui elle se lie. Peu à peu, sa nouvelle amie s’infiltre subtilement dans son esprit et, telle un termite, creuse ses galeries dans la charpente de son égo. L. sème le doute dans l’esprit de Delphine, elle remet en question ses convictions littéraires, les récits qu’elle écrit, au point où l’auteure perd le goût d’écrire.
Delphine se décompose sous nos yeux, impitoyablement broyée par celle qu’elle croit être son amie. Elle se ressaisira, mais sera loin d’être au bout de ses peines.
Un récit captivant, subtil, une fine analyse psychologique des deux personnages, mais aussi de l’entourage de Delphine, qui ne veut pas voir la réalité en face.
Le chœur des femmes, de Martin Winckler
Un roman original sur le monde de la gynécologie. Une jeune étudiante fait un stage dans une clinique française et y débarque avec toute l’arrogance et l’assurance d’une première de classe. Elle est fraîchement reçue par le personnel qui ne tarde pas à la remettre à sa place. Mais ce n’est que le début, puisqu’elle doit travailler avec un médecin qui a la curieuse habitude d’écouter les longs récits torturés de ses patientes, sans les brusquer.
Un récit qui plaira aux femmes, certes, mais aussi à tous ceux qui ont une dose d’humanisme en eux…
Le portrait de Dorian Gray, d’Oscar Wilde
Un grand classique dont la pertinence traverse les décennies sans jamais s’étioler. L’antihéros est un jeune homme londonien, hédoniste et immoral. Il reçoit un portrait de lui-même dont le peintre lui promet qu’il gardera sa jeunesse éternelle. Cette promesse se réalisera, mais d’une manière inattendue. Le jeune Dorian Gray s’enfonce peu à peu dans le vice et les malversations diverses. Si le personnage vieillit tranquillement, le portrait maléfique, lui, se transforme pour exprimer la déchéance du personnage. Une idée saisissante d’Oscar Wilde exprimée dans un récit un peu longuet et proliférant mais malgré tout impressionnant.
La bête humaine, d’Émile Zola
La bête, c’est la locomotive de Jacques Lantier, qui assure le trajet entre Le Havre et Paris. La gare de Saint-Lazare est l’épicentre de ce puissant roman. La bête humaine, ce sont les pulsions meutrières de Lantier, dont les parents, connus dans L’assommoir, étaient alcooliques. Le roman, parsemé de viols, de meurtres et d’autres brutalités, a fait scandale.
Zola défendait l’école naturaliste et souhaitait représenter la réalité dans toute sa justesse dans ses écrits. Ses œuvres les plus marquantes sont :
- Germinal : le monde des mineurs
- L’œuvre : les peintres
- Nana : les courtisanes et leurs amants
- Au bonheur des dames : les grands magasins
- Le ventre de Paris : les Halles et ses marchandes de poisson
- La terre : les paysans
- L’assommoir : l’alcoolisme
- L’argent : le monde des finances
- La débâcle : la défaite militaire du Second Empire
ROMANS QUÉBÉCOIS
Je est une autre, de Suzanne Aubry
Une scénariste en quête d’emploi devient le nègre d’une auteure célèbre… Bientôt, elle doit la remplacer dans un jury à Cannes, et les péripéties s’enchaînent. L’idée est originale, mais elle perd un peu de son souffle au fil du récit.
La femme qui fuit, d’Anaïs Barbeau-Lavalette
Ceci est mon corps, de Jean-François Beauchemin
Les croyants n’aimeront pas ce livre. Jésus a survécu à la crucifixion et il réfléchit sur son expérience mystique, ses ses apôtres et amis, et sur la vie en général. Il a dit avoir perdu la foi sur la croix, s’étonne de la notoriété qui a suivi sa mort et comprend mal la religion que l’on est en train d’ériger en son nom. Il est plutôt désabusé de la nature humaine et guère optimiste. Un livre qui fait réfléchir.
Le matou, d’Yves Beauchemin
Assez déçu de cet ouvrage mythique. Le début est divertissant : les personnages sont truculents et les péripéties se multiplient. Florent se fait rouler par un aigrefin au nom succulent de Ratablavasky ainsi que par un ami anglophone. Il acquiert un restaurant censé être une mine d’or, la Binerie, pour en être expulsé par un subterfuge désolant.
La volonté de vengeance guide le comportement de Florent, un touche-à-tout sans emploi qui se cherche continuellement, au grand dam de sa copine, impatiente d’avoir un enfant.
Pendant quelques centaines de pages, l’auteur nous entraine dans les tribulations de son personnage, dont l’entourage est haut en couleurs. À commencer par Émile, le gamin négligé de sa mère, futur délinquant et son chat Déjeuner ! Et que dire du grotesque Gladu, le journaliste raté, sans oublier le cuisinier français Picquot qui délaisse les cuisines du Château Frontenac pour venir officier… à la Binerie.
Mais le procédé finit par lasser, car Florent enfourche les passions les unes après les autres (hôtellerie, antiquités, etc.) sans jamais se fixer nulle part. En milieu de livre, je me suis demandé quel était au juste le fil conducteur de ce récit, pourtant encensé par un peu tout le monde. Je ne l’ai jamais trouvé.
Et au pire, on se mariera, de Sophie Bienvenu
Un roman saisissant dont la narratrice est Aïcha, enfant paumée de 13 ans qui vit dans le Centre-Sud de Montréal, au milieu des seringues jetées un peu partout dans un parc. Elle rencontre Baz, qui a deux fois son âge et s’attache à lui. Maladivement. À sa façon elle raconte comment ont fini par dégénérer pour prendre une tournure dramatique inattendue. Sophie Bienvenu est une excellente narratrice.
Jours de tourmente, de Marie-Claude Boily
Le premier tome raconte l’épidémie de variole survenue à Montréal en 1885, vécue par une famille de l’est de la ville. Les épreuves ne tardent pas et Amélia, qui cherche l’amour, le trouvera… pour mieux le perdre. La mort, les déceptions ne tardent pas à suivre et Amélia devra faire des compromis dans sa quête du bonheur.
Portrait intéressant de Montréal et du Québec de la fin du XIXe siècle. Le style est tout en retenue et laisse la place au récit qui se déploie sur 477 pages. Le second tome, paru en 2013, nous entraîne dans un autre monde : celui des colons canadiens-français du Manitoba. La pauvreté, le climat rude, des terres avares, mais aussi l’entraide et les petites haines, ponctuent le roman, dont la trame me paraît moins solide que celle du premier livre. Au centre de tout cela, le rêve d’Amélia, toujours en quête d’un bonheur qui semble toujours lui échapper.
Spizak, un cadeau ne se refuse pas, de Maryse Charbonneau
Maryse Charbonneau est une écrivaine aussi prolifique que prometteuse. Son livre se déroule au Moyen Âge et raconte l’histoire de Spisak enlevé par un groupe d’étranges mécréants… qui lui proposent l’immortalité.
Ce récit surprenant séduira tous les amateurs de romans historiques, ceux qui apprécient les langues étrangères (on y parle allemand, italien, arabe, russe, hongrois…) L’auteure plante un décor surprenant : les immortels cohabitent avec les mortels, mais ne doivent jamais se révéler. Les relations entre les membres du clan sont souvent tumultueuses, ponctuées du coups bas…
Le parcours de Spisak est surprenant : père de famille dans sa vie de mortel, il devient l’amant d’un des seigneurs immortels. Une remise en question qu’il assume fort bien.
Une brique de 500 pages qui demande du souffle, mais qui vaut la peine d’être lue.
Roux clair naturel, de Fanie Demeule
Du bon usage des étoiles, de Dominique Fortier
Premier opus de cette talentueuse écrivaine, dont la plume enchante le lecteur. Elle raconte de façon très originale, l’histoire de la malheureuse expédition Franklin partie à la recherche du passage du Nord-Ouest, en 1845. Le navire est resté pris dans la glace et a dû être abandonné par l’équipage, qui a péri de la manière la plus atroce, abandonné de tous. Dominique Demers narre cette tragédie en lui ajoutant une dimension philosophique,. Elle trace en parallèle un portrait de la société londonienne huppée qui, pendant que les marins meurent de faim, festoie de garden-parties en réceptions de tout genre. On y trouve d’ailleurs un menu et une recette de plum-pudding. Une oeuvre qui sort vraiment de l’ordinaire. À lire.
Les villes de papier, de Dominique Fortier, prix Renaudot 2020
La réparation, de Katia Gagnon
La journaliste Katia Gagnon a écrit un intéressant roman sur le harcèlement en milieu scolaire, La Réparation. On voit qu’elle a fait des recherches sur la question et la trame de son livre est précise. L’auteure y démonte les turpitudes de ses personnages, leur cruauté, leur lâcheté, l’irresponsabilité des parents, la direction de l’école qui n’a pas eu le courage de réagir, jusqu’au suicide de la victime. Le livre tient en 200 pages et ne se perd pas en développements inutiles. Une belle réflexion appuyée par la réalité.
Kamouraska, d’Anne Hébert
Les récits tortueux de l’auteure ne sont pas toujours faciles à suivre. Ce roman, paru en 1971, est hanté par l’hiver : giboulées, tempêtes et bourrasques balaient l’histoire d’un amour adultère. Élisabeth d’Aulnières a épousé un homme violent dont elle se lasse. Elle devient amoureuse d’un médecin américain avec elle vivra une passion dramatique. Un des chefs-d’œuvres de la littérature québécoise.
Une auteure qu’il faut connaître.
Le syndrome de la vis, de Marie-Renée Lavoie
Deuxième roman de l’auteur. Une œuvre originale sur une jeune femme insomniaque, Josée, terrassée par la fatigue, qui réfléchit sur sa vie, notamment sur sa relation de couple, somnambulique…
C’est joliment écrit : « J’ai dans la tête une vis sans fin qui ne me laisse tranquille qu’une fois mes idées, mes peurs, mes souvenirs hachés menus, désubstantialisés par les engrenages qu’elle met en marche. » Les touches d’humour abondent pour dédramatiser la situation. Ainsi, Josée perd sa voiture, pète une coche au cégep où elle enseigne… Des personnages pittoresques l’entourent : sa belle-sœur surmenée, des voisins originaux, un chat à trois pattes…
Récit attachant mais dont la fin laisse le lecteur un peu sur sa faim.
Le mur mitoyen, de Catherine Leroux
Une auteure à découvrir. Le mur citoyen, c’est cette barrière diaphane, invisible, qui sépare deux êtres, sans qu’ils ne s’en rendent compte. Le roman est une série de récits parallèles, finement écrits, qui finissent par s’entrecroiser, parfois avec un lien ténu.
Un roman assez audacieux, qui tient en haleine le lecteur, charmé par l’élégance de l’écriture et intrigué par des récits audacieux, qui pourraient toutefois en dérouter quelques-uns.
Anita, une fille numérotée, de Claude Jasmin
Roman autobiographique de Claude Jasmin qui relate une idylle de jeunesse avec une jeune fille juive, dans le Québec antisémite et ultracatholique de l’après-guerre. Récit troublant à plusieurs égards sur cette société cimentée par des préjugés tenaces que l’auteur met bien en relief. Malgré l’intérêt du sujet, le récit s’étiole vite en batifolages innocents qui ne semblent jamais vouloir aboutir. L’auteur brosse un portrait à peine esquissé du milieu artistique de l’époque, multipliant les noms de personnalités devenues célèbres par la suite, mais sans aller plus loin. Le récit plaira surtout aux soixante ans et plus, mais demeure quand même instructif pour les plus jeunes.
Les lignes de désir, d’Emmanuel Kattan
Sara est née de père juif et de mère musulmane, alors on comprendra que son identité est complexe. Elle décide d’aller étudier à Jérusalem où elle sera vite confrontée au sempiternel conflit israélo-arabe, côtoyant des gens des deux côtés, qui chacun se méfient d’elle. Sara disparaît et son père entreprend un périple en Ville sainte pour la retrouver… Un livre introspectif et éclairant.
Le ciel de Bay City, de Catherine Mavrikakis
Une auteur atypique au style percutant, existentialiste, diront certains. Un roman sur le poids de l’histoire, avec des phrases taillées au scalpel… Les trouvailles stylistiques volent presque la vedette au récit, celle d’une jeune États-Unienne née de parents juifs, mais qui cherche à échapper aux griffes du passé, sous le ciel mauve du rêve nord-américain. La morosité de la vie, les rêves envolés, corrodés par un quotidien implacable. Un livre dur.
Les derniers jours de Smokey Nelson, de Catherine Mavrikakis
Écriture brillante, toute en sensibilité.
Un condamné à mort qui croupit depuis 19 ans dans un pénitencier de Géorgie, après avoir commis un crime abominable. Il a massacré une famille, le père, la mère et les deux enfants. Sans raison.
Tout au long du livre, on cherche à comprendre. Mais le mobile n’intéresse pas l’auteur. Ce sont plutôt les répercussions sur d’autres personnes rattachées au drame.
À commencer par cette femme que l’assassin a croisée dans le stationnement du motel où s’est déroulé le drame. Elle a fumé une cigarette avec tout en devisant gentiment avec lui. Un charmant bonhomme qui l’a même un tantinet flirtée!
Elle ne s’en est jamais remise. Peu de temps après, elle a quitté la Géorgie pour aller vivre à Hawaï. Mais, quelques jours avant l’exécution, elle y retourne, pour visiter sa fille. Le destin la rattrapera.
Le destin pourchasse aussi le père éploré qui a perdu sa fille, son gendre et ses deux petites filles dans la tragédie. Mais Dieu veille sur lui. Il raconte comment la foi l’a empêché de sombrer. Il a échappé à la dépression et au désir de vengeance. Non, Dieu s’en occupe. Le meurtrier ira pourrir en enfer, c’est certain. Aucune issue pour lui. Mais le père, lui, connaîtra un sort différent, car le royaume des cieux l’attend, très bientôt…
Le dernier chapitre relate le cheminement de l’assassin. Ou son absence de. La peine capitale sera sa délivrance, non pas des remords… mais de rien du tout. Une existence vide, un crime gratuit qu’il ne s’explique pas vraiment. Pas plus qu’il ne comprend pourquoi il a épargné le seul témoin qui pouvait l’identifier. Sa mise à mort donnera un sens à sa vie.
Mavrikakis, avec son écriture lumineuse, précise comme un scalpel, brosse en arrière-plan un portrait de la violence banalisée qui tapisse la société étasunienne.
La ballade de baby, de Heather O’Neill
Le premier opus d’une lignée de petits bijoux, tant sur le plan de l’écriture que sur celui du récit. L’histoire de Baby, enfant vieillie prématurément par une vie difficile dans un quartier défavorisé de Montréal. avec Jules, son père junky, entre autres. Heather O’Neill trace un portrait saisissant de ce monde parallèle de la drogue, des itinérants et des petits criminel. Un livre brillant, fantasmagorique ou presque, dont on s’arrache difficilement et qui annonce d’autres opus tout aussi inspirés : Mademoiselle Samedi soir et Hôtel Lonely Hearts.
Paul à la maison, de Michel Rabagliati
Le bédéiste Michel Rabagliati est devenu une figure de proue du monde de la bande dessinée au Québec. Il a même été fait compagnon de l’Ordre du Québec. Sa plume sensible et son dessin aussi précis que nostalgique ont charmé les lecteurs.
Son dernier opus, Paul à la maison, vient tout juste de paraître. C’est le plus sombre de la série, avec Paul à Québec. L’auteur y expose sa solitude, sans fard, dans toute sa grisaille. Il est séparé, sa fille va s’établir en Angleterre et lui rend de moins en moins visite, sa mère souffre du cancer et va bientôt s’éteindre. Bref, Paul a le cafard.
Malgré tout, l’album est ponctué de touches d’humour piquantes, sur Facebook, les clubs de rencontre, la fascination pour les cellulaires, etc. La plume du dessinateur est toujours alerte, nous livrant quelques tableaux vivifiants des rues de Montréal, avec, comme il se doit, des illustrations empreintes de nostalgie.
L’une des qualités de Michel Rabagliati est son souci du détail lorsqu’il dépeint le quotidien. On reconnaît les tablettes des épiceries, les marquises de magasin, etc., toutes rendues avec réalisme. Son obsession pour les polices de caractère dans l’affichage commercial et routier est particulièrement amusante.
Notre bédéiste favori souffre de la solitude, mais avec tous les lecteurs qu’il rend heureux, Paul (ou Michel) ne sera jamais complètement seul.
Ces enfants de ma vie, de Gabrielle Roy
Un récit semi-autobiographique de Gabrielle Roy, qui se base sur sa propre expérience d’enseignante. Un habile mélange de fiction et de réalité. L’ouvrage porte le titre de roman, mais ce n’en est pas tout à fait un. Ces enfants vulnérables, tantôt rebelles, tantôt dépendants affectifs, ont vraisemblablement existé, peut-être d’une manière un peu différente que celle racontée par l’auteure.
Le récit le plus troublant, le dernier du recueil, est celui de Médéric, qui vit avec un père déséquilibré. La jeune enseignante de 18 ans parvient à dompter cet étalon arrogant de 13 ans, qui terrorise les institutrices et fait la pluie et le beau temps dans la classe.. Lorsqu’il assiste aux cours. L’institutrice va nouer une relation rapprochée avec le garnement, ce qui fera jaser le village. Le jeune homme l’amène dans berline et lui fait découvrir les alentours sauvages du villages, lui faisant découvrir des lieux inconnus. Mais cette promiscuité étonnante aura des conséquences.
Et voilà que l’innocente jeune femme sent soudain des appels sensuels intempestifs la submerger…
La prose toute en finesse de Gabrielle Roy continue de me fasciner.
Bonheur d’occasion, de Gabrielle Roy
Le chef d’œuvre de cette grande auteure canadienne, lauréate du prix Fémina et de celui du Gouverneur général. Un roman puissant, à la Steinbeck, qui trace le portrait de deux sociétés : le Montréal cossu des anglophones et celui des francophones englué dans la misère.
Florentine croupit dans le quartier populaire de Saint-Henri à Montréal. Son père, un doux rêveur, est toujours au chômage et la maigre paye de Florentine aide la famille à surnager. On comprend très vite qu’elle ne pourra jamais échapper à ce milieu.
Serveuse dans un restaurant, elle tombe amoureuse de Jean Lévesque, un jeune ambitieux travaillant dans une usine gérée par des Anglais. Il a juré de s’en sortir. Lévesque engrosse Florentine et disparaît. On est à l’époque où les filles-mères sont déconsidérées et la famille ne pourra jamais supporter le poids d’un autre enfant, car Florentine a déjà 12 frères et sœurs.
Confrontée à son destin, Florentine devra faire un choix terrible.
Les portes closes, de Lori St-Martin
Lori St-Martin narre avec grande sensibilité la déliquescence d’un couple. Le mari peintre est infidèle et collectionne les conquêtes parmi ses modèles qu’il jette ensuite comme de vieux mouchoirs. Un drame l’attend toutefois au détour. Son épouse, quelque peu désabusée, affronte la situation tout en ayant son propre jardin secret… Ce vase clos conduit à une longue réflexion un peu déprimante sur la vie à deux, mais elle ne manque pas d’acuité.
Les murs, d’Olivia Tapiero
Livre captivant sur l’anorexie et l’internement. Très finement écrit par une jeune auteure au talent éclatant et prometteur. Une jeune fille suicidaire lutte contre ses démons devant sa famille dépassée, incapable de l’aider et qui semble faire partie du problème. Une complicité s’établit avec d’autres patientes et la narratrice traverse avec nous un long tunnel vers une guérison improbable. Lauréate du prix Robert-Cliche, Olivia Tapeiro se livre à un exercice de maîtrise de style particulièrement éblouissant.
Espaces, d’Olivia Tapiero
J’attendais avec impatience le second opus d’Olivia Tapiero et j’ai été déçu. Le point de départ est intéressant : une jeune fille est bouleversée par le suicide de sa coloc, à qui elle ne parlait pourtant pas. Commence pour Lola une longue errance qui la conduit dans les bras de son prof d’université, qui pourrait être son père. Elle se perd dans cette liaison, cherchant ses repères.
J’ai retrouvé la plume alerte de l’auteure, mais le récit, rendu sous un mode poétique, déçoit. Comme Lola, le lecteur est dérouté et cherche lui aussi à comprendre.
Ru, de Kim Thuy
Récit anecdotique et ludique sur l’arrivée au Québec d’une famille vietnamienne. Le choc des civilisations résumé par une histoire amusante sur la découverte du grille-pain… Mais avant le grille-pain, il y a eu la fuite du régime communiste en bateau sur une mer démontée. L’arrivée dans ce pays étranger aux hivers rigoureux, mais aux habitants chaleureux, curieux… On en voudrait plus… Kim Thuy s’interrompt souvent, change de lieu, d’époque. Une plaquette de 144 pages qui aurait pu en compter le double. Un grand succès de librairie.
Le Christ obèse, de Larry Tremblay.
Un excellent auteur qui gagnerait à être connu. Edgar recueille une jeune femme qui vient d’être battue par quatre hommes dans un parc. Elle est inconsciente, au seuil de la mort. Edgar, un marginal, décide d’en prendre soin… avant de découvrir qu’il s’agit d’un homme travesti.
L’auteur de L’Orangeraie nous tient une nouvelle fois en haleine dans un drame raconté en douceur qui prend des allures terrifiantes, au fur et à mesure que la nature réelle de la victime commence à se révéler.
Larry Tremblay fait preuve, encore une fois, d’une maîtrise impressionnante de son fil narratif, un récit percutant de moins de 200 pages.
L’Orangeraie, de Larry Tremblay
Une plaquette qu’on dévore même si le thème récurrent et obsédant du Proche-Orient use toutes les cordes de notre patience.
Deux jumeaux, Amed et Aziz. L’un est atteint du cancer et condamné; l’autre en pleine santé. L’un des deux est choisi pour commettre un attentat suicide dans le camp ennemi après que ce dernier eut largué une bombe qui a tué les grands-parents.
Bientôt les deux jumeaux décident d’échanger leur rôle sans avertir les parents. Le résultat désastreux de l’attentat planifié est à lui seul un réquisitoire contre tous les conflits armés.
ESSAIS
Un essai à lire : Le point sur la langue, de Louis Cornellier.
Mythes et réalités de la langue française au Québec. Le niveau diminue : nous parlons plus mal qu’avant. Les Français maitrisent mieux la langue que les Québécois. Ce ne sont là que quelques mythes que Cornellier s’acharne à jeter par terre. L’auteur se penche aussi sur les problèmes qui affligent le français au Québec, notamment cette infiltration de l’anglais dans la syntaxe. Une réflexion pertinente, qui remet les pendules à l’heure.
A Little History of Language, de David Crystal
Une petite friandise à déguster pour tous ceux qui s’intéressent aux langues, que ce soit des rédacteurs, traducteurs ou écrivains. Le livre s’adresse à de jeunes personnes, mais les gens de tous les âges peuvent le lire avec intérêt.
L’auteur brosse un portrait exhaustif de la formation et de l’évolution des langues. Les chapitres sont courts et de lecture facile. L’ouvrage est instructif sans être didactique, bref, il est à la portée de tous.
On commence en voyant comment un jeune enfant apprend à discerner les sons, tout en essayant de les reproduire. Comment il apprivoise le sens des mots. Ensuite, Crystal s’attaque à la syntaxe, la grammaire, l’orthographe, les accents, les dialectes…
L’évolution des langues est également abordée, avec les néologismes, le slang, l’étymologie, les noms de lieux. La langue des textos, des courriels fait l’objet d’un chapitre.
Détail qui séduira bon nombre d’entre nous, il encense également les personnes qui maîtrisent plusieurs langues.
Un livre essentiel de 253 pages qui se dévore comme un roman.
Sapiens : une brève histoire de l’humanité, de Yuval Noah Harrari
Une histoire à la fois originale et vertigineuse de l’humanité. L’auteur, professeur d’histoire à l’Université hébraïque de Jérusalem, propose une interprétation novatrice de l’histoire humaine. Il y est question de la Révolution agricole, sorte de piège à con qui force les humains à travailler encore plus fort pour se nourrir, avec comme corolaire positif l’explosion de la population. Suit la Révolution scientifique porteuse d’une dangereuse mutation : la possibilité pour l’homme de saccager l’environnement. Mais aussi le terreau d’une transformation encore plus radicale : Sapiens acquiert la possibilité de ne plus être à la merci de la nature, mais de la contrôler, avec à la clé la transformation de l’humain en être cybernétique. Un hybride de membres artificiels et de tissus naturels. Mutation qui ouvre la porte… au livre suivant, une histoire du futur.
Ouvrage stimulant, s’il en est, mais quand même ponctué d’énoncés douteux ici et là. Néanmoins la réflexion qu’il suscite vaut largement l’effort de le lire.
The War that Ended Peace, de Margaret MacMillan
La Première Guerre mondiale demeure un conflit passionnant; sa genèse l’est tout autant. L’historienne Maragaret MacMillan nous brosse un tableau à la fois détaillé et impressionnant du chemin sinueux menant à cette hécatombe que peu de gens avaient vu venir.
L’auteur remonte à 1900, à l’apogée de l’Empire britannique, empire qui suscite la convoitise du Reich allemand. Le Kaiser prend la décision fort mal avisée d’entrer en concurrence avec la Perfide Albion. Les tensions commencent à apparaître.
MacMillan dessine un portrait exhaustif des grands empires de l’époque : l’Empire d’Autriche-Hongrie, le Reich allemand, l’Empire ottoman, qui sortiront grands perdants de cette guerre. L’Empire de Russie, la Grande-Bretagne et la France, toutes entraînées dans un conflit totalement absurde.
L’auteur ne ménage pas les détails : elle décrit les évènements pratiquement au jour le jour, se penche sur la personnalité des protagonistes, ministres des Affaires étrangères, ambassadeurs.
La mécanique diabolique qui mènera à la Première Guerre mondiale se dévoile sous nos yeux. Peu à peu, tous les acteurs conviennent de l’imminence d’une guerre. L’élément déclencheur, l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand met le feu aux poudres.
Dans un précédent ouvrage, Paris 1919, le même auteur racontait dans le détail les négociations du Traité de Versailles, porteur d’un holocauste encore plus épouvantable.
Les passionnés seront comblés.
Pour qui je me prends, de Lori Saint-Martin
Toute personne bilingue ou polyglotte devrait se précipiter pour acheter Pour qui je me prends, un des ouvrages les plus remarquables que j’ai lus.
Lori Saint-Martin est traductrice; elle a publié en 2013 un roman, Les portes closes, que je recommande aussi. Mais son parcours personnel est unique : anglophone née à Kitchener, elle décide très jeune de rompre non seulement avec son milieu, cette ville provinciale sans intérêt, mais aussi avec sa culture anglophone. Elle décide à dix ans de devenir francophone et se met à la tâche.
Son livre est bien plus qu’un récit personnel, il est un hymne à l’apprentissage des autres langues, à ce bonheur indicible de devenir quelqu’un d’autre quand on parle le français et l’espagnol au lieu de l’anglais.
Ce bonheur fait sauter tous les obstacles du français : les listes de verbes à apprendre, l’orthographe, la grammaire… Le livre est parsemé de réflexions remarquables, profondes, sur l’apprentissage des langues.
Il FAUT lire Lori Saint-Martin.
Au coeur du Troisième Reich, d’Albert Speer
Le Troisième Reich raconté par le ministre de l’Armement du Reich, et architecte de Hitler. Une vue de l’intérieur fascinant, mais non dénuée de non-dits et d’éclipses. L’auteur, condamné à 20 ans de prisons par les juges de Nuremberg, essaie de nous faire croire qu’il n’adhérait pas entièrement à l’idélogie nazie. Cela reste à voir.
Salut André!
Si tu as aimé La trilogie berlinoise, je te suggère la lecture des autres romans de Philip Kerr ayant pour personnage principal le désormais célèbre détective. Par contre, tu remarqueras le changement d’écriture dans La mort entre autre. En effet, le changement de traducteur affecte fortement le ton du roman… C’est pourquoi je m’en suis remis aux versions originales des romans à partir de Une douce flamme. D’où l’importance de choisir un bon traducteur!
Une mauvaise traduction peut en effet nuire à une œuvre et en décourager la lecture. Certains classiques, dont Le Procès de Franz Kafka et Les souffrances du jeune Werther, de Goethe, ont connu plusieurs traductions.
Bonjour, monsieur Racicot.
Je trouve votre site si intéressant que j’en parcours tous les onglets. Mais mon oeil de correctrice d’épreuves a accroché sur une erreur. « Du bon usage des étoiles » a été écrit par Dominique Fortier et non par Dominique Demers (à corriger dans votre critique). Je continue ma lecture. Bonne journée!
Bonjour André!
Je viens de voir votre liste de lectures et je me permets de vous suggérer les romans historiques de l’Anglais Edward Rutherfurd, des pavés de 1000 pages en moyenne. Ils sont captivants à souhait et étonnamment instructifs. Sarum, London (le meilleur à mon avis), Dublin et Ireland Awakening, Russka, La forêt des rois et New York sont ceux que j’ai lus soit en français, soit en anglais. Il vient tout juste de publier un roman sur Paris.
Julie, traductrice
Merci de vos suggestions, Julie.
J’aime moi aussi les romans de Rutherfurd. Ne pas les enchaîner, toutefois, car la formule est très répétitive.
Je ne partage pas votre enthousiasme pour Donna Leon. Par contre, je me vautre dans les romans de Caatherine Mavrikakis.
L. Brunette
Liste très intéressante! J’y ajouterais L’anomalie, de Hervé Le Tellier, gagnant du prix Goncourt 2020. La prémisse ressemble étrangement à celle de la série américaine Manifest, mais le reste n’a rien à voir, et c’est pour le moins divertissant.