Le franglais au téléphone et partout

Dans un article paru dans Le Devoir, le 30 novembre 2012, le chroniqueur Christian Rioux dénonçait le franglais d’un ministère québécois avec qui il avait communiqué au téléphone. Comme il est de rigueur maintenant, on l’a mis en attente et il a eu droit à un message enregistré qui disait ce qui suit :

« Veuillez garder la ligne pour conserver votre priorité d’appel. Un agent sera avec vous bientôt. »

Un Français fraîchement débarqué chez nous n’y aurait rien compris, à moins de posséder une certaine maîtrise de l’anglais. Bref, le ministère s’adressait en charabia à sa clientèle.
Dixit Rioux : Il faut en effet savoir que « keep the line » n’est pas une invitation à demeurer svelte, mais à « rester en ligne ». Il faut aussi savoir que « your call priority » veut dire que votre appel « demeurera prioritaire ». Il faut enfin savoir que « be with you » ne signifie pas qu’un représentant de la compagnie de téléphone cognera à la porte, mais que l’on vous « répondra bientôt ». Tout cela dans seize petits mots !

Cet exemple illustre l’influence pernicieuse de l’anglais chez des gens qui, souvent, ne le parlent même pas. Les structures de l’idiome shakespearien ont percé toutes les carapaces pour s’insinuer dans l’ADN du locuteur inconscient. Même les ministères d’un gouvernement qui se dit francophone sont atteints.

Rebelote Rioux : Au contraire, dans la tête de ceux qui ont conçu ces deux petites phrases, l’anglais occupe la place déterminante, souvent même sans qu’ils le sachent eux-mêmes. L’anglais est la langue qui mène le jeu, celle du maître qui impose sa structure mentale et détermine le sens des mots. Le français n’y est tout au plus qu’une langue de service, une langue d’appoint. Lorsque vient le temps de comprendre le sens véritable des choses, il occupe la seconde place et ne se suffit plus à lui-même.

Cette pénétration de l’anglais est omniprésente au Canada français et il est difficile d’y remédier. Il faudrait tout d’abord que l’ensemble de la population en prenne conscience, alors que le français est si mal enseigné dans nos écoles. Difficile de démêler les structures des deux langues quand on écrit au son.

L’autre aspect du problème est un tabou, et ceux qui ont l’outrecuidance de l’aborder se font traiter de tous les noms. Il tient à un seul mot : indifférence.

Respecter la grammaire, la syntaxe, employer le bon mot ? Kossa donne ?

Bien voilà, c’est justement cela le problème.

 

Les tics langagiers au Québec

Les tics langagiers sont un phénomène normal; certains mots à la mode traversent le firmament langagier, telles des étoiles filantes et disparaissent dans l’espace intersidéral.

D’autres s’incrustent et relèvent de la faute de langue, faute amplifiée par les médias, les responsables des relations publiques et les divers rédacteurs, qui s’en font l’écho et lui donnent ses lettres de noblesse.

Voici quelques tics parmi les plus en vogue depuis quelques mois, sinon quelques années. Certains viennent de l’anglais.

De nos jours, il y a des communautés partout. L’Isle-Verte vit un drame et la communauté est en deuil. À Toronto, les frasques du maire Ford indisposent la communauté, tandis que la communauté médicale s’inquiète de l’apparition d’une nouvelle souche de virus de la grippe.

Ce sont plutôt les rédacteurs de tout acabit qui ont attrapé un virus. Le terme communauté est tellement galvaudé qu’on ne sait plus exactement quelle est la taille du regroupement qu’il désigne. Est-ce un village, comme L’Isle-Verte, ou bien une métropole, comme Toronto? Et même si les médecins peuvent être considérés comme une communauté, n’est-il pas plus simple de faire abstraction de ce mot?

De nos jours encore, bien des joueurs sont incontournables. Pour être clair, parlons tout d’abord des acteurs, transposition correcte du players anglais. Il s’agit de personnes dont on ne peut se passer, parce qu’elles sont indispensables. Et une personne est incontournable si elle a de l’impact.

Si vous trouvez les nouvelles déprimantes, amusez-vous à compter le nombre d’impacts mentionnés dans un bulletin de nouvelles, surtout s’il y a des entrevues en direct. Tout élément qui a des répercussions, des effets d’entraînement, des retombées, des conséquences… a un impact. Du moins dans la langue des médias, et aussi, de plus en plus, dans la langue populaire, hélas. Certains journalistes ne connaissent plus que ce mot…

Il serait bon de retourner à nos bons vieux dictionnaires pour constater qu’un impact est un choc violent; il ne peut être question d’une simple conséquence. Le mot est donc très souvent utilisé de manière abusive. Et tout mot galvaudé perd son effet.

Au chapitre du remplissage, quel terme plus efficace qu’actuellement? Chaque fois que vous êtes tenté de l’employer, demandez-vous si le sens de votre phrase serait altéré si vous le biffiez. La plupart du temps, ce ne serait pas le cas. Le service de police mène actuellement une enquête? Il mène une enquête, tout simplement. Ne brouillez pas inutilement les pistes. Vous n’êtes pas à la Commission Charbonneau.

Un des tics les plus agaçants est questionner. Vous questionnez quand vous posez des questions; si vous n’êtes pas d’accord avec la position de quelqu’un, vous la remettez en question. C’est souvent parce qu’on ne se pose pas assez de questions que l’on finit par tout questionner.

Un petit dernier, législation, qui n’en finit plus de faire des petits, de proliférer dans les chroniques, les reportages, le tout dans une confusion monstre. Un projet de loi est la traduction de l’anglais bill. Il est déposé au Parlement et, après trois votes à la Chambre, étude en comité et débat, il est adopté, pour obtenir la sanction royale. À partir de ce moment, il s’agit d’une loi, pas d’une législation.

Un ensemble de lois dans un domaine précis constitue une législation. Par exemple la législation du travail. Un projet de loi n’est pas une législation, une loi non plus. Le projet de charte des valeurs québécoises n’est pas une législation et n’en sera jamais une. S’il est adopté par l’Assemblée nationale, il deviendra une loi.

Étonnant de voir qu’autant de spécialistes au fait de l’actualité politique soient incapables de faire cette nuance.

Écrire et traduire les adresses

Tout le monde se pose la question : faut-il traduire les adresses canadiennes? Il serait à la fois simple et tentant de dire oui, puisque le Canada possède deux langues officielles, mais nous devinons tous que ce n’est pas aussi simple. Le guide de Poste Canada donne certaines indications à ce sujet.

Il faut tout simplement utiliser son gros bon sens et se demander qui lira chacune des parties de l’adresse.

Par exemple, j’envoie une correspondance en Saskatchewan, province qui compte un faible nombre de francophones. Il va de soi que je ne traduirai pas les termes génériques comme street, building, etc. Toutefois, si je m’adresse à un organisme où le français a droit de cité, il devient envisageable que certaines composantes de l’adresse soient dans notre langue. Ainsi :

Mr. John Snow

Agricultural Industry Services

Department of Agriculture and Agri-Food

21 Harvest Drive

Saskatoon, Saskatchewan  S1P 6L3

Se traduit de la manière suivante :

Mr. John Snow

Services à l’industrie agricole

Ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire

21 Harvest Drive

Saskatoon (Saskatchewan)  S1P 6L3

Nous obtenons donc une adresse hybride. À la première ligne, nous nous adressons à John Snow en employant le titre de civilité anglais, par respect. Les deuxième et troisième lignes constituent la traduction officielle du nom du service et du ministère. La quatrième ligne, l’adresse comme telle, sera lue par le postier et le facteur; peu de chance que ces deux personnes comprennent le français. De toute manière, Saskatoon n’a pas le français comme seconde langue officielle : il est donc vain de traduire.

La situation est différente lorsque la lettre est envoyée au Nouveau-Brunswick, province officiellement bilingue. On pourra alors traduire l’adresse au complet, y compris le nom des rues.

À ce sujet, une remarque s’impose. Certains génériques comme street, boulevard, road, drive se traduisent. Il faut cependant se garder d’en faire autant avec les éléments spécifiques. Par exemple, Nightingale Road ne peut être rendu par chemin des Rossignols; il faudra plutôt écrire chemin Nightingale.

Revenons à notre question initiale : faut-il traduire les adresses canadiennes? Oui, mais dans les régions où habitent une forte concentration de francophones. On peut alors considérer que le facteur qui y distribue le courrier peut lire les adresses en français. Ce sera le cas dans l’est ontarien, notamment, à Saint-Boniface au Manitoba et dans d’autres localités francophones de cette province. Il en sera de même dans les Maritimes et ailleurs au Canada, toujours lorsque s’y trouve une masse critique de francophones.

Comment ne pas parler de la capitale canadienne? Bien que non officiellement bilingue, Ottawa propose un affichage dans les deux langues officielles. Les affiches de noms de rue y sont libellées en anglais et en français, de sorte que certains noms composés d’adjectifs ordinaux sont entièrement traduits : Second Street devient Deuxième Rue.
Sur ces affiches, on peut lire rue Laurier Street.

 Anglicismes à éviter

 Les pièges sont nombreux, sachons les reconnaître.

  • Numéro civique est un calque et se dit numéro de rue, de porte ou numéro tout court.
  • Cinquième plancher est un autre calque; dire plutôt cinquième étage.
  • L’abréviation apt. devrait s’écrire app., de même, blvd. doit être remplacé par boul. Et avenue s’abrège av. dans notre langue, et non ave.
  • Une suite est une chambre d’hôtel luxueuse, pas un bureau.
  • Une station « N » n’est rien d’autre qu’une succursale N — sans guillemets.
  • Enfin, un courrier n’est jamais enregistré, il est recommandé.

Écriture des adresses

L’anglais et le français énoncent les éléments de la suscription de façon différente.

Tout d’abord, notons que le numéro de porte est suivi de la virgule dans notre langue. Cette virgule ne joue aucun rôle syntaxique : elle ressemble à une mouche perdue sur l’enveloppe. Il convient de noter, d’ailleurs, que les francophones européens ne l’utilisent presque plus. En outre, le guide précité de Poste Canada n’en met pas dans les exemples qu’il affiche.

Ensuite, les génériques désignant le type de voie de circulation, comme rue, avenue, chemin, rang, etc., s’écrivent avec la minuscule initiale. Ainsi en va-t-il avec les termes suivants : étage, pièce, bureau, tour, complexe, immeuble, etc. Ils prendront la majuscule uniquement s’ils sont inscrits en début de ligne.

Le point cardinal, lui, peut s’abréger; on l’écrit toujours avec la majuscule initiale.

Lorsque l’élément spécifique de l’adresse est un nom composé, soit un nom de personne ou un substantif et un ou plusieurs adjectifs, ces éléments sont liés par un ou des traits d’union. Dans ces cas, tous les éléments de l’adresse, sauf les articles, les pronoms et les prépositions ou les adverbes, prennent la majuscule initiale.

rue Jean-Brillant

avenue des Grands-Châteaux

impasse des Oiseaux-qui-Chantent

Le nom de la province est mis entre parenthèses. Toutefois, Poste Canada recommande l’utilisation d’un code à deux lettres, valable dans les deux langues. À vous de décider.

Le code postal doit être sur la même ligne que le nom de la province et situé deux espaces après.

Il faut aussi observer scrupuleusement l’ordre des éléments, souvent écrits un peu n’importe comment. Le principe à retenir est que l’on passe du particulier au général.

Ce qui donne ceci :

Monsieur G. Tabarnique

Opticien

Clinique d’ophtalmologie du Lorgnon

2e étage, pièce 100

Complexe Lebigleux, tour Y

2020, boulevard Bellevue O.

Beloeil (Québec)  H3C 2L4

J’espère que vous y voyez plus clair maintenant.

Les journalistes et le français

Les journalistes savent-ils encore parler? Sommes-nous en train d’assister au délabrement de notre langue à cause des délirantes réformes de l’enseignement des dernières décennies?

On peut parfois le penser. Écouter certains animateurs à la radio peut devenir très irritant. Les amants de la langue française pourraient les reprendre presque à chaque phrase. Et les journaux sont truffés d’anglicismes.

Notre statut de minorité précaire à l’échelle du continent nous met dans une position délicate. Notre langue essuie un bombardement quotidien de l’anglais. Nous sommes en quelque sorte des miraculés ayant échappé de justesse à l’assimilation. Il est donc normal que notre français soit corrompu.

Ce qui est toutefois remarquable, tant au Québec et qu’au Canada français, ce sont les carences profondes sur le plan de la langue : même les gens les plus instruits font des fautes grossières. Quant au commun des mortels, son français est le plus souvent bancal : il peine à construire trois phrases bien structurées, aligne solécismes et anglicismes, cherche continuellement ses mots. Les vox populi sont éloquents à cet égard. Et que dire de ces enseignants qui font des fautes de grammaire au tableau? Même à l’université, j’en ai été témoin.

Les journalistes ne sont finalement que le reflet de la société à laquelle ils appartiennent. Certains affichent une langue châtiée, tandis que d’autres écrivent à peu près comme ils parlent. Néanmoins, leur maîtrise du français demeure supérieure à celle de l’ensemble de la population.

Le grand mythe au sujet des journalistes est qu’ils n’ont pas le temps de vérifier l’exactitude des termes employés. C’est vrai et c’est faux. Vrai qu’ils sont appelés à nourrir une multitude de plateformes (texte écrit, site Web, Twitter, etc.). Faux qu’ils n’ont pas le temps de chercher. Faire une vérification au dictionnaire prend au plus deux minutes. Encore faut-il le vouloir.

Des chroniqueurs comme Michel David du Devoir et Lysiane Gagnon de La Presse font très peu de fautes. D’autres affichent aussi une langue très correcte.

Le cas de Chantal Hébert est éloquent. Une Franco-Ontarienne de Toronto. Elle aurait de bonnes raisons de faire comme certains de ses collègues et d’aligner les anglicismes lexicaux et syntaxiques. Pourtant, son français est presque impeccable. D’autres, nés au Québec, font plus de fautes qu’elle. Cherchez l’erreur.

Au fond, l’attitude des journalistes n’est que le reflet de celle de la population. À peu près tout le monde veut défendre le français, mais à la condition de ne faire aucun effort personnel pour mieux s’exprimer. Il n’est pas rare d’entendre des personnes instruites clamer que la qualité du français n’a pas d’importance, que tout le monde comprend de toute façon, les défenseurs de la langue étant des ayatollahs qui veulent tyranniser tout le monde.

Depuis une cinquantaine d’années, le journalisme a beaucoup évolué. On assiste à l’avènement d’un certain vedettariat et à la multiplication des chroniques d’humeur. Ces columnists, comme certains appellent ces chroniqueurs, se prononcent sur tout et sur rien, paradent dans les émissions de variété, se croient souvent infaillibles. Ce sont des leaders d’opinion et ils adorent cela.

Beaucoup en viennent à penser qu’ils n’ont rien à apprendre des autres. Les courriels pour leur signaler les petites fautes qu’ils commettent les agacent au plus haut point. Ils ne répondent jamais.

Je me souviens de cette reporter en poste à Québec qui employait le barbarisme démotion, au lieu de rétrogradation. Je lui signale respectueusement son erreur, elle lit mon message, et le soir même répète le mot dans un reportage. Quand l’orgueil personnel l’emporte sur tout. Cette attitude n’est pas rare.

Le plus gros obstacle, c’est le refus des médias de reconnaître leur responsabilité par rapport à la qualité de la langue. Ils sont malheureusement une courroie de transmission des fautes les plus courantes; ils leur donnent leurs lettres de noblesse, en quelque sorte.

Quand on entend continuellement des erreurs comme imputabilité que ce soit à la radio d’État ou à TVA et qu’on le lit dans La Presse et Le Devoir, il est difficile ensuite de faire comprendre aux francophones que c’est une faute. Tout le monde le dit, après tout.

L’influence des médias peut aussi jouer en sens inverse. S’ils décident d’employer une locution correcte, celle-ci devrait se propager comme une traînée de poudre. Je rêve du jour où les médias cesseront de nous inonder d’impacts et de faire en sorte que.

Alors, que faire?

Ne pas hésiter à écrire, même si on se heurte parfois à un mur d’indifférence. Beaucoup de scribes ne demandent qu’à s’améliorer, à la condition de ne pas les harceler et de s’adresser à eux avec respect. Certains sont même très contents d’apprendre quelque chose.

Oui, il faut continuer de se battre. Ne rien dire équivaut à encourager certains scribes à continuer de scribouiller. Après tout, la survie du français en terre d’Amérique a toujours été un combat.

 

Les anglicismes au Québec

Au Québec, la langue est lourdement influencée par l’anglais, tant dans son vocabulaire que dans sa syntaxe. Très souvent, Shakespeare se terre dans les plus petits recoins de notre grenier collectif.

Qui n’a pas dit « Bon matin », tellement plus expressif que le plat « Bonjour » qu’il faudrait employer. Pourtant, cette expression est un anglicisme.

Pensons aussi à « significatif », pour qualifier un nombre considérable, terme qui revient sans cesse dans les médias, même sous les meilleures plumes. Tout dictionnaire bilingue traduira significant par considérable, important. Alors, pourquoi ne pas employer « significatif »? Parce qu’il n’a pas le même sens : « Qui signifie nettement, exprime clairement quelque chose. », nous dit le Robert.

Un autre anglicisme qui revient souvent est « identifier ». Celui-là a le dos large. En anglais, il a le sens de repérer, choisir, déterminer quelque chose parmi un nombre d’éléments, ce qui n’est pas le cas en français. Dixit Le Robert : « Considérer quelque chose comme identique, assimilable à autre chose… Reconnaître du point de vue de l’état civil… Reconnaître comme appartenant à une certaine espèce ou classe d’individus. »

Par conséquent, une phrase comme « Identifier des avenues de solutions pour adresser cette problématique », que l’on imagine facilement dans la bouche d’un porte-parole au Québec, relève du plus pur charabia.

Un dernier mot qui a la vie dure : « démotion », le parfait faux ami. Il s’agit en fait du terme anglais plaqué en français; il fait d’une pierre deux coups : anglicisme et barbarisme. D’une part, demotion se traduit par rétrogradation; d’autre part, le mot « démotion » n’existe tout simplement pas en français.

L’un des principaux problèmes est que les médias colportent régulièrement des anglicismes, ce qui, aux yeux du public, les avalise. Puisque des journalistes bien connus souhaitent un bon matin à leurs auditeurs pour ensuite parler de l’augmentation significative de l’endettement des ménages, il est bien difficile pour les néophytes d’y voir des fautes.

D’où l’utilité de ce blogue.

Sotchi ou Sochi?

Les Jeux olympiques d’hiver ont pris leur envol à Sotchi. Curieusement, ce mot s’écrit Sochi en anglais et c’est la graphie retenue par le Comité international olympique pour le logo officiel des jeux.

Pourquoi cette différence de graphie?

Le russe s’écrit en caractères cyrilliques et il faut transposer les sons originaux en caractères latins pour qu’anglophones, francophones, hispanophones, etc. puissent lire le nom correctement. Or, le système graphique de ces langues varie. Le TCH, par exemple, s’écrit CH en anglais et en espagnol, tandis que l’allemand l’orthographie TSCH. C’est donc dire que Sotchi écrit Sotschi en allemand.

Les lecteurs plus curieux consulteront mon article sur l’écriture des noms russes en français. Dans un autre article, vous trouverez une liste de noms russes courants dont la graphie française diffère de l’anglaise.

Certains s’interrogent sur l’omniprésence de la graphie Sochi dans des sites web français et à Radio-Canada. Cette graphie est erronée, sauf s’il s’agit du logo officiel des Jeux d’hiver. Il faut alors voir ce Sochi comme un dessin. Je sais, c’est irritant, mais c’est encore l’anglais qui triomphe.

Mais sachons que tout texte français de bonne tenue devrait comporter la seule vraie graphie : SOTCHI.

Pluriel des noms adjectivés

De plus en plus, certains noms sont juxtaposés à un autre substantif, lui-même employé comme adjectif. La question de l’accord se pose dès que l’on introduit une forme plurielle. En effet, comment forme-t-on le pluriel des expressions suivantes?

Projet pilote; liaison satellite; secteur clé; maison modèle.

Les meilleurs rédacteurs hésitent. Pourtant la règle est très simple et elle nous vient de l’Académie française : « Le nom apposé varie uniquement si on peut établir une relation d’équivalence entre celui-ci et le mot auquel il est apposé. »

Donc, une maison qui est comme un modèle devient, au pluriel, des maisons modèles. Par contre, une liaison n’est pas un satellite; alors des liaisons satellite.

Lorsque l’on peut intercaler une préposition entre les deux substantifs, il n’y a pas d’accord. Ainsi : des cafés (à la) crème; des chaussures (de) sport.

En fin de compte, ce n’est pas si compliqué. Pourtant, un mot semble résister à cette logique.

Des bénéfices record? Des bénéfices records?

Le croiriez-vous, mais la réponse n’est pas simple. Des bénéfices qui sont comme des records? Donc le pluriel? Pas si sûr…

Les dernières éditions du Petit Robert et du Petit Larousse préconisent encore  l’invariabilité du mot lorsqu’il est employé comme adjectif. Colin, dans Les difficultés du français, va dans le même sens. Pourtant, d’autres auteurs comme Hanse (Nouveau Dictionnaire des difficultés du français moderne) et Thomas (Dictionnaire des difficultés de la langue française) prêchent en faveur de l’accord.

Pourquoi cette confusion? Probablement parce que le mot est d’origine anglaise et que le français hésite parfois à appliquer ses règles grammaticales aux mots récemment lexicalisés. D’ailleurs, le même problème se pose pour standard, mot qui vient pourtant du français étendard.

Quand on considère ces deux derniers mots, record et étendard, on se demande si cela vaut vraiment le coup de les garder invariables. Le français a-t-il vraiment besoin de nouvelles exceptions à une règle pourtant si simple? Poser la question, c’est y répondre.