Traduire pour survivre, voilà notre devise officieuse au Canada. Ce réflexe de tout dire en français peut provoquer des situations incompréhensibles pour un étranger, des situations inconcevables en Europe ou en Afrique par exemple.
Voilà déjà quelques décennies, le Québec a été le théâtre d’une controverse pour le moins surprenante. Dans la foulée de l’adoption d’une loi fondamentale, la Charte de la langue française, en 1977, les Québécois en sont venus à se questionner sur la pertinence du mot stop.
Bien entendu, cet emprunt à l’anglais est intégré depuis belle lurette (1792) au corpus français et peu de gens songeraient à le remettre en question. Maupassant l’utilisait, tout comme Jules Romains. Il a généré le verbe stopper et le substantif autostop.
Au Québec, c’est le panneau d’arrêt qui était au cœur du litige. Le mot stop a été traduit par arrêt, ce qui est correct sur le plan sémantique. Une voiture qui stoppe à une intersection fait bel et bien un arrêt. Baptiser le panneau en question arrêt pouvait très bien se défendre.
L’ennui dans tout cela était que le panneau d’arrêt s’appelait stop non seulement dans le monde anglo-saxon, mais aussi en France et dans bien d’autres pays dans le monde, dont l’anglais n’était pas la langue officielle. Autrement dit, le stop avait acquis un caractère universel qui aurait justifié l’appellation anglaise même au Québec. D’ailleurs le mot en question figure dans le Trésor de la langue française : « Panneau de signalisation imposant un arrêt obligatoire au véhicule. »
Nul doute que les panneaux affichant le mot arrêt, et dans certains cas la double appellation arrêt/stop, ne manquaient pas d’étonner bien des visiteurs. Ces panneaux étaient officiellement bilingues français/anglais. Depuis l’adoption de la Charte de la langue française, les panneaux affichent uniquement le mot arrêt.
Certains soutiennent qu’il s’agit d’un purisme excessif, puisque stop est très répandu. Toutefois, il convient d’observer que des pays hispanophones utilisent l’appellation alto sur les mêmes panneaux.
Je me souviens avoir rencontré un Allemand en Europe qui m’avait interpellé à ce sujet. Il trouvait franchement ridicule d’afficher arrêt quand tout le monde disait stop. Ce brave homme n’avait aucune idée de ce que c’est de vivre en milieu massivement anglophone et d’essayer de surnager pour ne pas se faire assimiler.
Car voilà le nœud du problème. La situation précaire du français en Amérique peut provoquer des craintes excessives. Facile d’en rire de l’extérieur.