Genre

Une personne peut avoir beau genre. Le genre peut qualifier une variété d’espèce animale. Il peut aussi être attribué à une série de mots : le français a deux genres, l’allemand trois.

Depuis quelques années, le monde du développement international utilise le mot genre pour qualifier les deux sexes. Dans ce contexte, le genre renvoie aux relations entre les femmes et les hommes et aux rôles que la société attribue à chacun d’entre eux. Ces rôles découlent des forces telles que la culture, la tradition et la politique.

Traduire systématiquement gender par sexe ou sexuel peut entraîner des situations cocasses, comme nous le verrons ci-dessous.

Pourtant, certains s’opposent quand même à cette appellation qui vient de l’anglais gender. Qu’on l’aime ou pas, il faut reconnaître que cette extension sémantique répond à un certain besoin.

Les dictionnaires

Voyons la définition qu’en donne le Merriam Webster : « Behavioral, cultural, or psychological traits typically associated with one sex. »

Les dictionnaires français sont entrés dans la danse. Le Robert : « Construction sociale de l’identité sexuelle. » Le Larousse est encore plus précis : « Dimension identitaire, historique, culturelle et symbolique de l’appartenance biologique au sexe masculin ou féminin. »

Cet ouvrage affiche aussi l’expression études de genre, calque parfait de gender studies. Définition : « Domaine des sciences sociales consacré à l’étude du genre. »

Traduction de gender

On pourrait penser que l’adoption de gender correspond à un certain puritanisme typique des Anglo-Saxons, qui voudraient éviter le mot sex. Peut-être, mais on ne peut s’en tenir à cette explication simpliste.

Tant en anglais qu’en français, l’arrivée du tandem gender/genre répond à un besoin.

Pensons à un spécialiste des relations entre les deux sexes. Allons-nous dire sexual specialist? Traduit par spécialiste sexuel? On aura donc un gender specialist, qu’on pourrait aisément traduire par spécialiste des genres, sans provoquer l’hilarité générale.

Bien entendu, beaucoup renâcleront devant pareille traduction. L’anglais se contente souvent d’appositions, alors que le français aime expliciter les rapports entre deux mots, soit au moyen d’une préposition soit par une périphrase. Les traductions de gender sont parfois laborieuses, il faut le reconnaître.

Ainsi, gender advisor, conseiller en genre? Non, conseiller en matière d’égalité des sexes. Ouf! Mais la solution peut être courte, voire lapidaire : gender biased, sexiste. Gender focussed? Qui tient compte des sexes ou des genres. Les traductions proposées viennent de Termium.

Une expression surprenante marquant la distinction que fait l’anglais entre les deux mots : sex and gender : sexe biologique et sexe social. Et que penser de gender training? Formation sexuelle? Non, formation au genre, formation sur l’égalité des sexes.

Le mot genre n’est pas une panacée. On l’emploie couramment en développement international, mais son acclimatation en français n’est pas terminée.

Charger

Un sénateur avide a chargé des dépenses personnelles à son employeur, argüant qu’il avait le droit de le faire. Le Sénat a défrayé les dépenses dudit sénateur sans poser de question.

Voilà deux exemples parfaits du mauvais usage de ces deux verbes au Canada.

Charger n’a pas le sens de facturer. Le sens réel de ce verbe est plutôt : faire porter un poids; donner une responsabilité à quelqu’un. Charger, c’est aussi mettre quelque chose dans un appareil : charger un appareil-photo, charger un révolver, si vous êtes aux États-Unis…

Notre sénateur goinfre a été défrayé de ses dépenses. On ne peut pas dire, cependant, que le Sénat a défrayé ses dépenses. La Chambre haute l’a remboursé, indemnisé, payé.

Les dictionnaires sont clairs à ce sujet. Dixit le Petit Larousse : « Payer à quelqu’un la dépense de quelque chose. On l’a défrayé de ses frais de voyage.»

Comme vous l’avez sans doute deviné, les deux exemples donnés en début de billet sont des calques de l’anglais.

 

La correction automatique

Au risque de paraitre vieux jeu, je ne suis pas un fan du logiciel Word avec lequel je mène toutes sortes de petites batailles quotidiennes.

Mais l’une des fonctions les plus utiles de Word est sans nul doute la correction automatique. Beaucoup la connaissent, peu profitent de son plein potentiel.

Quelques trucs pour taper plus vite et éviter les tendinites…

Mots accentués

Les francophones tapent moins vite que les anglophones à cause des caractères accentués. Si les principales lettres avec accent grave possèdent leur touche distincte, il n’en est rien avec celles qui requièrent l’accent circonflexe, largement inutile, soit dit entre nous. En attendant son abolition, il faut le taper.

L’ennui étant qu’il figure dans bon nombre de mots courants, comme plutôt, être et prêt. La fonction en question permet d’utiliser des mots à codes comme pluto, etre et pret.

Le mot déjà nécessite deux accents. On peut programmer dja ou bien écrire le mot sans ses accents et obtenir déjà à la correction. Inscrire dans la correction automatique toute une série de mots accentués, sans leur accent, permet de gagner du temps. Et plus besoin de se souvenir si symptôme prend l’accent ou non. Inscrivez symptome dans votre liste et le tour est joué.

Un petit dernier : peut-être que l’on peut abréger ainsi : pte.

Mots et expressions compliqués

Qui n’a pas fait de coquille en écrivant aujourd’hui? Ou encore Île-du-Prince-Édouard ? On peut les abréger ainsi : aujd et idpe. Ceux qui utilisent la correction automatique remplacent vite beaucoup par une abréviation, comme bcp.

On peut appliquer la même rustine à des expressions : millions de dollars (mns), milliards de dollars (mds), par exemple (px), mise en œuvre (meo), tout à fait (taf), sur-le-champ (slc) et gouvernement, abrégé ainsi : gvt, gouv.

La correction automatique vous permet aussi d’inventer des codes pour toutes ces petites expressions requérant l’apostrophe, autre signe qui nous fait perdre du temps. Au palmarès : s’en, s’est, n’est, n’a, d’un, d’une, etc. À vous de trouver les abréviations qui conviennent.

Sigles

Ici, une mise en garde s’impose : ne pas employer de sigles courants comme abréviation à corriger, car il devient impossible de les utiliser. Par exemple, si vous choisissez ipe pour Île-du-Prince-Édouard, la correction se fera systématiquement.

On écrit généralement les sigles en majuscule. Alors pourquoi ne pas décider qu’un sigle tapé en minuscule se met automatiquement en majuscule? Ainsi, otan devient OTAN.

Une formule abrégée comme mme peut se corriger automatiquement en Mme.

Phrases récurrentes

Les formules d’appel et de salutation, les vedettes, les titres courants peuvent aussi faire l’objet de corrections automatiques. De même, une formulation particulière qui revient sans cesse dans votre document peut être comprimée.

Exemple : La Commission a déterminé qu’elle ne pouvait accueillir votre demande pour être ainsi codifiée : cdav.

Il n’y aucune limite, sauf celle de votre imagination. Chacun façonnera les corrections automatiques selon ses besoins. J’en ai plus d’une centaine que j’utilise régulièrement. Le danger étant d’en inventer un trop grand nombre et de les oublier. Ce n’est pas une mauvaise idée de faire une liste papier de vos abréviations pour les retrouver rapidement.

La correction automatique vaut son pesant d’or.

 

 

Un dilemme moral

Pour certaines personnes, choisir un plat au restaurant, prendre une simple décision est un véritable dilemme moral. Un loustic pourrait demander si la même personne a déjà dû affronter un dilemme physique… Ne souriez pas, vous trouverez cette douteuse expression dans les brumes de la Grande Toile.

Un dilemme étant une alternative menant à des choix contradictoires, il est difficile de concevoir autre chose qu’un dilemme… moral.

Il suffit de tendre l’oreille dans la rue, d’écouter les médias avec attention pour glaner ce genre d’exagération que l’on appelle pléonasme.

Voici un florilège de ce que j’ai entendu récemment.

Le gouvernement et les entreprises sont convenus de collaborer ensemble et de s’entraider mutuellement pour s’avertir à l’avance de toute difficulté à surmonter.

Le journalisme d’enquête devrait être l’apanage exclusif des journalistes professionnels et ne pas être laissé entre les mains d’animateurs d’émissions de variété. Ce monopole exclusif devrait assurer une plus grande objectivité dans les entrevues. L’idée d’humaniser les politiciens en les invitant à des émissions de variété est un faux prétexte pour mener des entrevues souvent biaisées, voire même hostiles.

Faire fonctionner ses clignotants est une bonne façon d’avertir les autres à l’avance de votre intention de tourner. Malheureusement, il faut souvent répéter la même chose avant que certains entêtés finissent par comprendre.

Le match de tennis a été reporté à plus tard à cause de la pluie. Les personnes admises dans les tribunes de la presse avaient fait l’objet d’un tri sélectif. Un journaliste des sports a encore parlé d’un record historique. Il devrait faire attention pour ne pas toujours répéter les mêmes choses.

La prolifération des pléonasmes n’a rien de surprenant. Elle peut s’expliquer en partie par ce démon du nouveau siècle de tout faire rapidement, peu importe les conséquences, comme par exemple rédiger ce billet en espérant ne pas y avoir laissé des coquilles fautives

Les mouches du coche

Il est de ces mots et expressions erronées (accord de proximité) qui reviennent sans cesse nous hanter, nous empoisonner la vie, comme des mouches du coche.  Sans oublier les sigles qui nous envahissent comme une épidémie de sauterelles. Petit tour d’horizon.

Impact

Tout est devenu un impact : une collision violente de deux véhicules aussi bien que la plus banale des conséquences. L’article.

Communauté

Les médias, sous l’influence de l’anglais, ne cessent de désigner tout groupe, grand, petit, énorme, sous le nom de communauté. Oui, on peut vivre sans le mot communauté et il est facile de le remplacer.

Imputabilité

Une tache tenace qui s’incruste… L’exemple parfait de l’impropriété. Qu’est-ce au juste que l’imputabilité?

La siglite compulsive

La huitième plaie d’Égypte pour veut communiquer clairement. Des textes rendus infects par la multiplication des sigles énigmatiques.

Quitter

Largement employé sans complément d’objet, ce qui est une faute. Quitter exige un complément. On quitte son emploi, mais on part tout court.

Faire en sorte

Il y a les épidémies de grippe… La langue a aussi ses poussées de maladie virale. L’expression faire en sorte semble… incontournable de nos jours. Le point ici.

Renverser une décision

Un abonné des téléjournaux. L’expression piège par excellence. Comment la remplacer?

Significatif

Une hausse significative des taux d’intérêt… Un élément significatif de la politique ministérielle… Tout est significatif. Mais qu’est-ce que ça veut vraiment dire?

Intoxiqué

Un autre favori des médias. Si vous êtes saoul, vous n’êtes PAS intoxiqué.

Disposer de

Les journalistes des sports l’ont adopté. On le lit dans les dépêches de la Presse Canadienne; La Presse l’emploie régulièrement. Pour se débarrasser de disposer de.

Législation

Une législation est un ENSEMBLE DE LOIS, par une simple loi, ni un projet de loi. Difficile d’entrer cela dans la tête des journalistes.

Et pour terminer

Comment ne pas mentionner toutes les problématiques et thématiques qui nous envahissent soudain? Ces mots sont employés de façon abusive.

Kiosque

Le sujet suscite la controverse au Québec.

Dans le coin gauche, on trouve les partisans de kiosque, qui estiment que le terme s’est acclimaté au Québec et désigne tout pavillon et espace réservé à un exposant dans une foire, une exposition.

Dans le coin droit, ceux qui estiment que kiosque est une impropriété dans ce sens et défendent l’anglicisme stand. C’est le cas entre autres de la lexicographe Marie-Éva de Villers, auteure du Multidictionnaire de la langue française.

Le Petit Robert ne donne pas à kiosque le sens qu’on lui attribue au Québec. On parle plutôt d’un pavillon de jardin, d’un édicule où l’on vend des journaux et de la superstructure d’un sous-marin.

Le Petit Larousse, lui, signale l’usage québécois.

La question qui se pose est la suivante : faut-il à tout prix s’aligner sur les pratiques européennes et balayer du revers de la main certains usages bien implantés chez nous, usages que l’on appelle souvent des canadianismes?

L’Office québécois de la langue française répond par la négative. Selon elle, le fait qu’un mot anglais soit généralisé et même son attestation dans des ouvrages de langue ne devrait pas servir de prétexte pour l’importer dans notre pays. L’Office fait valoir que stand ne constitue pas un apport indispensable au français et qu’il ne comble pas de lacune lexicale.

Le mot a évolué dans notre langue, poursuit l’OQLF, pour donner kiosque à fleurs, kiosque d’information, kiosque de gare.

Certains verront dans ces évolutions un garant de la « pureté du français »; ils se trompent. Car, en fait, notre kiosque n’est rien d’autre qu’un mot d’origine turque! L’original se décline comme suit : kösk.

Quant au mot stand, il a fait lui aussi son bonhomme de chemin dans nos contrées enneigées… Dixit l’Office : « L’emprunt stand est également utilisé dans plusieurs expressions, notamment dans stand à hot-dogs, stand à pizzas, stand de souvenirs, stand à journaux (à la place de kiosque), dans stand de cosmétiques, stand de jouets (au lieu de comptoir ou rayon), ou encore à la place de station, dans stand de taxis. »

L’usage québécois et canadien est donc différent de celui qu’on observe en Europe. Nous manifestons la même réticence à employer stand pour kiosque que pour email à la place du très français courriel.

Étant donné que stand s’est frayé un chemin dans notre langue, il est probable que beaucoup de gens d’ici continueront de militer pour son emploi dans les foires et expositions.

Fusillade?

Ce matin, les journaux évoquent encore la supposée fusillade du 22 octobre lors de laquelle un malheureux soldat a été froidement assassiné devant le monument aux Morts, à Ottawa. Or, ce qui s’est passé dans la capitale, et avant à Saint-Jean-sur-Richelieu, n’est pas une simple fusillade, c’est un attentat.

Un attentat inspiré par le groupe fanatique qui se fait appeler État islamique. Non, il ne s’agit pas d’un échange de coups de feu lors d’un vol de banque, mais bien d’un acte violent motivé par la politique et la religion.

On oublie vite que l’assassin avait pour but de décimer les caucus conservateur et néo-démocrate. S’il était parvenu à ses fins, nous aurions été témoins d’une tragédie politique d’une ampleur jamais vue dans notre pays. Pourtant, certains médias continuent de parler de fusillade.

Les médias français, eux, parlent bel et bien de l’attentat du 7 janvier contre Charlie Hebdo. Personne, chez nos cousins, ne songerait un seul instant à en minimiser l’horreur.

De retour au Québec. Le 4 septembre 2012, Richard Henry Bain tuait lui aussi un innocent et voulait assassiner la première ministre élue, Pauline Marois. Certes, l’individu souffrait de problèmes mentaux, mais son but était quand même d’éliminer une personnalité politique pour des raisons politiques. Là encore, les médias ont cafouillé, parlant d’attentat, de fusillade, des évènements du 4 septembre, etc. Il y a deux jours, La Presse parlait encore de fusillade. Aurait-il fallu que madame Marois meure sous les balles pour qu’on parle d’attentat?

Pourquoi autant de pusillanimité?

À mon sens, on peut y voir un effet collatéral du courant de rectitude politique qui traverse les sociétés occidentales depuis quelques décennies. Au départ, les intentions étaient bonnes : éliminer du vocabulaire courant des appellations insultantes pour certaines catégories de personnes. Un seul exemple suffira : les arriérés mentaux, devenus des personnes souffrant de déficience intellectuelle.

Mais les zélateurs du politiquement correct ont poussé le bouchon jusqu’au fond de la bouteille; les sourds sont devenus de malentendants, des patients sont maintenant des bénéficiaires (de quoi au juste?).

Bref tout le monde marche sur des œufs et la moindre incartade de vocabulaire peut coûter cher. Alors on atténue sans cesse. Ce travestissement du vocabulaire est devenu un réflexe bien implanté, surtout quand il sert des fins politiques. Normand Baillargeon, dans son Petit cours d’autodéfense intellectuelle, en donne de beaux exemples issus de la Guerre du Golfe.

Pertes collatérales = mort de civils

Frappe chirurgicale = bombardement que l’on espère précis en raison de la présence de civils.

Bien entendu, je ne prête pas aux journalistes les noirs desseins du gouvernement Bush. Mais le réflexe est quand même bien implanté. La preuve étant que le vocabulaire militaire précité reparaît régulièrement dans nos médias.

Un autre explication serait que notre pays n’a pas de tradition d’attentats politiques, sauf ceux du FLQ  et quelques-uns commis par la GRC. Peut-être que cette pusillanimité est le fruit d’une sorte de refoulement collectif : non c’est impossible, cela ne peut pas se produire chez nous.

Pourtant, c’est arrivé. Le Canada a été victime d’attentats terroristes. Sachons le reconnaître.