La Scandinavie

Combien de pays font partie de la Scandinavie? La question est toute simple, la réponse tout autre. Si vous pensez que la réponse est cinq, vous allez voir qu’on peut facilement perdre le nord… en tentant de définir la Scandinavie.

Le Larousse : « Région du nord de l’Europe qui englobe le Danemark, la Norvège, la Suède, la Finlande et parfois l’Islande. » Quatre pays et non cinq.

L’Islande ne fait pas partie de la masse continentale européenne, ce qui peut expliquer cette exclusion. Pourtant, le Petit Robert retranche non seulement l’Islande, mais aussi la Finlande. Pourquoi?

La Finlande est d’origine ethnique finno-ougrienne et a des racines communes avec les Hongrois et les Estoniens. Les Finlandais ne parlent pas une langue germanique, contrairement aux Norvégiens, Suédois et Danois.

Nous voilà maintenant avec une Scandinavie singulièrement rétrécie. Trois pays au lieu de cinq. Pourtant, beaucoup de sources ne s’embarrassent pas de toutes ces nuances et incluent les cinq États précités.

On appelle souvent la Scandinavie l’Europe du Nord.

Mais là encore, l’inspecteur Wallander y perdrait son suédois.

La notion d’Europe du Nord n’est pas définie dans nos dictionnaires, comme cela arrive souvent pour les régions géographiques. Mais cette notion désigne souvent la Scandinavie.

Il y a toutefois un danger à employer une expression aussi générique, car, au sens propre, l’Europe du Nord peut englober non seulement la Scandinavie, mais aussi la Grande-Bretagne, les pays baltes et le littoral nord de l’Europe. On voit tout de suite que le sens attribué à ce découpage est arbitraire et dépend des individus.

Harry Hole vient dépanner Wallander, épuisé, et poursuit l’enquête.

Tiens! Pourquoi pas les pays nordiques? Suivons la piste…

Curieusement, cette dénomination semble davantage faire l’unanimité. Le Petit Robert définit nordique ainsi : « Qui est relatif, qui appartient aux pays du nord de l’Europe (spécialement à la Scandinavie) ; qui en est originaire. ».

En outre, l’ouvrage donne la liste des langues nordiques : suédois, danois, norvégien et islandais. Le Larousse va dans le même sens.

Pourtant, le mot nordique semble au départ plus vaste. Mais il a acquis un sens précis en Europe ne correspondant pas à celui retenu ici en Amérique. Il serait absurde pour nous de dire que le Canada n’est pas un pays nordique; même chose pour la Russie.

Il est donc clair que, pour nous, ce mot est relatif aux régions les plus au nord.

Conclusion : la Scandinavie est une intrigue dont il est encore plus difficile de démêler les fils que celle de Millenium. Le commun des mortels a une compréhension plus simple de cette notion que les lexicographes, qui lisent peut-être un peu trop de romans policiers… scandinaves.

Peut-être la réponse se trouve-t-elle dans Millenium V ?

La Norvège possède deux versions de sa langue nationale. Le saviez-vous?

 

Item

Que veut vraiment dire le mot item? Si vous êtes comme la majorité des francophones du Canada, vous allez dire un article, un objet, un point à l’ordre du jour, que certains d’entre vous appellerez agenda.

En bon français canadien, vous êtes dans le champ gauche, pire, dans les patates… Bref, vous êtes à côté de la plaque.

Le sens que l’on attribue généralement à item est issu de l’anglais (surprise!). Au sens propre, ce mot signifie en outre. Il n’a pas du tout le même sens que dans la langue de Shakespeare, comme on a pu le voir ci-dessus.

Pour ce qui est de son sens français, le Larousse précise qu’il s’emploie dans les comptes et les énumérations. En psychologie, il s’agit des chacun des éléments d’un test.

Donc, rien à voir avec l’emploi généralisé au Canada français.

Ainsi, on parlera d’un article d’un contrat, et non d’un item. Un magasin vend tel article, tel produit, et non pas tel item. Une question à débattre, un point à l’ordre du jour, et non un item.

Il faut donc éviter ce mot dont l’emploi est très rare en français normatif.

 

Pompom girl

L’expression pompom girl est le genre d’anglicisme qui fait rugir les Canadiens, qui disent plutôt meneuse de claque. Probablement que cette traduction fait sourire les Européens…

Moi aussi d’ailleurs.

Pompom girl est absente des dictionnaires anglais les plus courants, que ce soit l’Oxford, le Collins ou le Webster. De fait, je ne me souviens pas d’avoir entendu cette expression de la bouche d’un anglophone.

Il y a donc anguille sous roche.

La seule source anglophone où je l’ai trouvée est l’Urban Dictionary, ouvrage quelque peu délinquant dans lequel les lecteurs peuvent voter pour ou contre un mot ou une expression qui y figure.

Les ouvrages traditionnels, eux, affichent le terme cheerleader. Le mot pompom est certes répertorié, mais il désigne un… pompon, ou encore un genre de fleur. L’exemple donné est pompom dahlia.

Quand on consulte les dictionnaires bilingues, on constate que pompom girl est absent du répertoire anglais. L’anglais cheerleader est cependant traduit par pompom girl.

Que faut-il conclure? Que l’expression a probablement existé mais qu’elle est aujourd’hui désuète. Sa présence dans le dictionnaire en ligne Urban Dictionary ne suffit pas à lui donner ses lettres de créance.

Il apparait donc que ce sont les Français qui maintiennent en vie une expression quasiment disparue en anglais.

Édifiant.

Édifice ou immeuble?

Édifice ou immeuble? À moins que ce ne soit une bâtisse? Quelle est la différence?

On croit à tort que ces trois mots sont synonymes. Ce n’est pas le cas.

Le Robert définit édifice comme « un bâtiment important »; le Larousse parle d’un « Ouvrage d’architecture de proportions importantes, pouvant comporter plusieurs corps de bâtiments. »; enfin, le Multidictionnaire de la langue française définit le terme ainsi : « Grand bâtiment ayant une valeur architecturale. »

N’est pas édifice qui le veut.

Au Canada, le mot est employé de manière abusive. On voit souvent édifice à bureaux, que le Multidictionnaire signale comme impropriété pour immeuble à bureaux. D’ailleurs, le Robert classe l’expression à la rubrique Régionalisme Canada, en citant Victor Lévy-Beaulieu!

Un immeuble est beaucoup plus banal qu’un édifice. C’est un bâtiment urbain à plusieurs étages, qui n’a pas d’importance particulière.

Un building, quoi. Voilà un bel exemple d’emprunt inutile à l’anglais, puisqu’il s’agit aussi d’un bâtiment de plusieurs étages.

Le mot bâtiment est générique et désigne toute construction de grande dimension. Une usine est un bâtiment, aussi bien qu’une tour à bureaux.

Il faut se méfier du mot bâtisse. Certes, il s’agit d’un bâtiment, mais s’y greffe parfois l’idée de laideur. Par exemple, les détracteurs du stade olympique de Montréal diront que cette bâtisse défigure les alentours du jardin botanique. Ceux qui au contraire l’admirent parleront d’un édifice, en faisant valoir son attrait architectural unique.

La balance du pouvoir

Les élections en Grande-Bretagne pourraient permettre au Parti national écossais de jouer un rôle inattendu au Parlement de Westminster. Le SNP, de son petit nom, pourrait en effet détenir ce que nos anglicisants appellent « la balance du pouvoir ».

On voit tout de suite le calque avec balance of power, que l’Oxford Dictionary définit ainsi :

The power held by a small group when larger groups are of equal strength.

Dans ce cas, le mot balance est un faux ami. En bon français, on pourrait dire que le parti indépendantiste pourrait faire pencher la balance, qu’il détient l’équilibre du pouvoir.

Voici une traduction trouvée dans le Hansard du Parlement canadien :

Some people believe that the workers of this country have the balance of power.

Selon certains, les travailleurs de ce pays ont le haut du pavé.

Une traduction créative; le traducteur a voulu éviter de marcher dans les ornières de l’anglais.

Toutefois, une petite surprise attend le langagier qui consulte les dictionnaires français. Le mot balance au sens figuré est défini ainsi : État d’équilibre. Les exemples ont de quoi surprendre : La balance des pouvoirs, la balance des forces.

Mais le contexte est différent dans ce cas-ci, car l’Oxford donne une autre définition du terme :

A situation in which the chief nations of the world would have equal power.

On remarquera en passant la définition beaucoup plus explicite en anglais. Si on veut éviter la balance des pouvoirs, on peut certainement parler de l’équilibre des forces, des puissances. Tout aussi pertinent : le rapport de force.

Si on parle de balance of power dans un groupe, le rapport de force pourrait être une bonne traduction.

Chose certaine, le parti écossais ne détiendra jamais la balance du pouvoir, mais peut-être l’équilibre du pouvoir. Nous le saurons bientôt.

Guatemala City

Cette ville n’existe pas. Elle n’a jamais existé et n’existera jamais. Sauf peut-être dans la tête de rédacteurs francophones anglicisés.

La capitale du Guatémala s’appelle en espagnol Guatemala Ciudad. L’ennui, c’est que le nom se confond avec celui du pays dans la langue de Molière. Nous avons donc deux Guatémala pour le prix d’un, ce qui peut engendrer une certaine confusion dans certains cas. Mais pas toujours.

La principale façon de différencier les deux noms est l’emploi de la préposition. Une personne vient DU Guatémala, elle vit AU Guatémala. Celle qui habite dans la capitale est À Guatémala. Même chose pour LE Panama, dont la capitale… est Panama, et non Panama City.

Le même phénomène touche la capitale du Koweït. Récemment, Radio-Canada nous a ressorti le monstre linguistique de Koweit City, autre nom imaginaire. La capitale de l’émirat n’est pas plus anglophone que celle du Guatémala. Là encore, sous l’influence de l’anglais, on cherche à régler un problème inexistant en français, car, le jeu des prépositions vole de nouveau à notre secours.

Les deux morts-vivants linguistiques ont fait une brève incursion dans le Petit Larousse au cours des années 1990, si je me souviens bien. Il y a belle lurette qu’ils ont été radiés des éditions récentes pour cause d’illogisme et de mode passagère.

Ceux qui tiennent à les utiliser devraient se poser la question suivante : faut-il écrire en français Quebec City pour bien faire la différence avec Québec, nom d’une province canadienne? Si Québec (ville) et Québec (province) se côtoient allègrement dans notre langue, pourquoi faut-il l’encombrer d’horreurs comme Guatemala City et Koweit City?

Et, quant à y être, que diriez-vous de Luxembourg City?