Demandant

Votre métier est-il demandant? Celui de traducteur l’est, en tout cas.

Cet adjectif est l’enfant naturel du verbe demander, le problème étant que le verbe en question n’a pas le même sens en anglais et en français. Autre cas typique de faux ami.

To demand, en anglais, c’est exiger.

Par conséquent, l’adjectif demandant devient lui aussi un anglicisme.

Heureusement, cet anglicisme est facile à déjouer. Exigeant nous vient tout de suite à l’esprit. Selon le contexte, on pourrait ajouter éprouvant. Et, à partir de ces solutions, on peut facilement faire sortir d’autres lapins de notre chapeau.

Que diriez-vous de astreignant, contraignant, oppressant, pénible, asservissant? Traduire est un métier accaparant; c’est un art délicat. Bref, un travail difficile – tiens, personne n’y avait pensé. Comme l’œuf de Colomb (qui était caché dans le frigo, soit dit en passant…)

Certains avanceront que la traduction est un travail pointilleux.

Ceux qui voudront épater la galerie diront que c’est un métier assujettissant.

Dans certains contextes, on pourra écrire qu’un projet est complexe, et non pas demandant.

Ai-je besoin d’en dire plus pour vous convaincre qu’on peut aisément se passer de ce somptueux anglicisme qu’est demandant?

Impacter

Impacter est le descendant direct d’impact, anglicisme qui a fait l’objet d’un billet dans ce blogue. Des mots nettement plus élégants comme effet d’entraînement, contrecoup, répercussions, etc. ont été balayés du vocabulaire courant.

Obnubilés par impact, les rédacteurs en sont venus à utiliser le verbe impacter, en parfaite harmonie avec l’anglais, pour qui substantif et verbe se confondent souvent.

Un bel exemple : « Les services ont été impactés par les compressions budgétaires. » On peut pêcher d’autres exemples du genre dans les eaux troubles de la Grande Toile.

Le verbe pertinent, dans cet exemple, serait affectés. Un coup d’œil au dictionnaire nous montre que ce terme peut avoir une connotation négative. Avec un peu d’imagination et surtout plus d’adresse, le rédacteur aurait pu donner plus de couleur à sa phrase : « Les compressions budgétaires ont chambardé, chamboulé la prestation de service. »

Vous ne trouvez pas que c’est mieux? Tout à coup, on parle français.

On le voit, le recours à des anglicismes passe-partout appauvrit le vocabulaire et la capacité d’expression. La paresse bouleverse le style, elle l’étrille, le charcute, etc. – elle ne l’impacte pas.

Impacter, tout comme son géniteur impact, est un terme fort. Derrière lui se cache l’idée d’un choc violent. Cette idée s’est diluée dans le raz de marée d’impacts qui envahit nos textes. N’importe quelle conséquence devient un impact. Le même danger guette impacter.

 

Review

Le verbe review n’est pas aussi simple à traduire qu’on veut bien le croire. Ceux qui s’adonnent à la traduction servile le rendent par passer en revue, un terme militaire qui constitue le plus souvent un faux sens.

En anglais, review a plusieurs cordes à son arc; toutefois son sens très courant est étudier, examiner, se pencher sur. L’autre sens fréquent est de critiquer un film, un livre ou une pièce de théâtre.

Si on demande à un rédacteur de faire une review d’un texte, on veut tout simplement qu’il soit relu.

On conviendra que passer en revue un rapport, un programme, est quelque peu forcé. Passer des troupes en revue, soit; passer en revue les diverses options pour régler un problème peut certainement convenir. À la rigueur, disons, sous forme de métaphore.

Mais justement, il ne faut pas abuser de cette métaphore et aller au fond de la question.

Comme la traduction passe par l’interprétation des idées, il est intéressant de se demander ce qu’a en tête l’auteur lorsqu’il parle de review. Pensons aux priorités gouvernementales. Sont-elles révisées, examinées, étudiées, réévaluées? Selon le contexte, toutes ces réponses sont plausibles. Une traductrice habile parlera d’entamer une réflexion sur les priorités du gouvernement. Bref, ces priorités seront analysées.

Elles seront analysées parce qu’on en aura fait l’inventaire.

Chers traducteurs et réviseurs, sortons des rangs de l’armée et mettons à profit les ressources du français pour traduire review.

Lever des fonds

Peut-on lever des fonds en français? Est-il exact de parler de levée de fonds?

La question se pose puisqu’en anglais on dit raise funds.

Immédiatement, le langagier a les sens en alerte; il flaire le piège. Eh bien, pour une fois, son instinct lui joue des tours. Une visite éclair au Petit Robert nous réserve des surprises.

L’expression lever des fonds, des capitaux,, des impôts y est inscrite en toutes lettres. L’expression a cours depuis le XIIIe siècle! Il semble donc que ce soit l’anglais qui s’est inspiré du français.

Des verbes comme collecter, percevoir, recueillir peuvent se substituer à lever.

C’est plutôt l’expression levée de fonds qui pose problème. Un bel exemple d’un problème fréquent en français : une logique pour le verbe et une autre pour le substantif. Pour levée, le Robert précise : « Action de recueillir, de prélever (dans quelques emplois). » Par exemple, la levée du courrier.

Le Trésor de la langue française parle de levée d’argent. L’exemple date de 1836… On brûle.

Le Colpron ne dénonce pas le verbe mais s’attaque à levée de fonds : campagne de collecte de fonds, collecte de fonds; également : campagne de souscription, de financement.

Les puristes au verbe court seront tentés d’écrire financement, point à la ligne. Mais ce terme lapidaire étête quelque peu la réalité dans la mesure où il ne rend pas compte des efforts tous azimuts menés pour recueillir l’argent.

En clair, l’expression levée de fonds n’a pas encore reçu ses lettres de créances lexicographiques. Pourtant, elle s’inscrit dans la logique du verbe lever qui, lui, est correct. Ceux qui voudront parler de levée de fonds dans leur texte s’exposeront à des accusations d’anglicisme, accusations qui, à mon humble avis, ne sont pas vraiment fondées.

Par ailleurs, le tandem collecter/collecte est, quant à lui, tout à fait admis, et négligé des rédacteurs, traducteurs et de tout ce qui scribouille, comme disait le Général.

Collectez, collectez, il en restera toujours quelque chose.

Zone de confort

Dans l’expression zone de confort, il y a tout d’abord le mot confort. Celui-ci est un emprunt de l’anglais, datant de 1815. Nul ne songerait à le dénoncer aujourd’hui comme anglicisme; de toute façon, le mot vient de l’ancien français … confort.

Il faut dire que l’expression en l’objet a gagné beaucoup de popularité ces derniers temps, sûrement à cause de l’influence de l’anglais.

Toujours est-il que l’expression est répertoriée dans les deux grands dictionnaires que sont le Larousse et le Robert. Définition du Robert pour zone de confort de quelqu’un :

L’ensemble des situations qui font partie de ses habitudes. Oser sortir de sa zone de confort.

Et le Larousse :

Ensemble des habitudes des croyances intégrées, des savoir-faire maîtrisés qui procurent à quelqu’un un sentiment de sécurité.

Sommes-nous enchainés à cette zone de confort? Pas du tout. Ceux qui souhaitent y échapper n’ont qu’à puiser dans leur imagination.

Imaginons un politicien qui ne veut pas sortir de sa zone de confort. Qu’est-ce que ça signifie? Le plus souvent, il a contourné la question; il a refusé de répondre; il n’a pas voulu se prononcer; il n’a pas voulu s’aventurer plus loin.

Vous êtes sorti de votre zone de confort. Vous avez osé. Vous vous êtes aventuré à faire telle chose. Et pourquoi pas? Vous êtes allé un petit peu plus loin, vous avez pris des risques.

En poussant la réflexion, on peut vouloir sortir de son cocon, de ses rituels, faire les choses autrement, faire preuve d’imagination, etc. Bref, s’avancer.

Dans certains cas, on pourra employer la bonne vieille expression sortir des sentiers battus.

On voit que le contexte nous aide à reformuler. Penser en français aussi.

Vous n’êtes pas dans votre zone de confort. Qu’est-ce que ça signifie en mots simples?

(Temps de réflexion.)

« Je suis mal à l’aise. »

Tout simplement.