Priorité

Si un mot mérite bien de remporter la palme du mot le plus galvaudé, c’est bien priorité.

Les exemples abondent : priorité absolue accordée à un projet. La première priorité, déjà dénoncée par Antoine Robitaille, dans un article paru dans Le Devoir. En anglais, ce n’est guère mieux : top, utmost priority.

Je me souviens même d’un texte vu à l’Agence canadienne de développement international dans lequel l’auteur énumérait des dizaines de priorities, divisées en sub-priorities. Quand on écrit n’importe quoi.

Et qui n’a pas oublié la soixantaine de priorités de l’ancien premier ministre Paul Martin?

Quand un mot est vidé de son sens.

Car la définition du Larousse est claire :

Fait pour quelque chose d’être considéré comme plus important que quelque chose d’autre, de passer avant toute autre chose : Priorité donnée à la lutte contre l’inflation.

Dire qu’une chose est une priorité absolue relève du pléonasme le plus pur. De même, une première priorité laisse entendre qu’il en existe une deuxième, une troisième. Or, difficile de comprendre comment une chose qui passe avant toute autre peut se voir reléguer au second rang, et encore moins en troisième position.

Priorité n’est que la dernière victime des mots à la mode employés sans discernement. Il vient rejoindre les rangs d’expressions comme impact, problématique et bien d’autres.

Un peu plus de rigueur ne ferait pas de tort en 2015. Sur ce, bonne année!

Collecter

Voici un nouveau chapitre de mon article précédent, C’est français, sur ces mots et expressions que partagent l’anglais et le français.

Les francophones du Canada ne ménagent pas les anglicismes. Bien des mots et des expressions courantes viennent de l’anglais et la plupart des gens n’en ont que vaguement conscience. Certains s’en fichent.

La réticence à utiliser collecter et collecte dans la langue courante est paradoxale. On craint le calque, semble-t-il. Pourtant, ces deux mots sont corrects.

Le Petit Robert définit collecter comme suit : Réunir par une collecte. Collecter des fonds, des dons, des signatures.

Collecte : Action de recueillir des dons. Faire une collecte pour, au profit d’une œuvre. Collecte de vêtements. Le produit d’une collecte.

On peut collecter autre chose que des dons ou des signatures. Le terme peut s’employer parréunir, de recueillir (des produits, des éléments) en vue d’un traitement. Pensons à la collecte des données pour une enquête, sans oublier la collecte des déchets ménagers.

Combien de fois entend-on le ramassage des ordures?

Une expression semblable, souvent condamnée, est la levée de fondsLa menace de l’anglicisme se profile : fund raising.

Pourtant, le verbe lever est associé à des fonds, dans les dictionnaires. Un premier exemple : lever des impôts, avec renvoi à  collecter, percevoir et recueillir. Un des exemples est justement lever des fonds

En terminant, Joyeux Noël à tout le monde! Et parlons notre langue avec fierté, elle le mérite bien.

 

 

Vocabulaire de Twitter

Aimez-vous gazouiller? Vous arrive-t-il de partager des gazouillis? Avec vos followers? Postez-vous souvent des tweets dans Twitter?

Devant pareille cacophonie, le langagier ne peut que pousser des cris d’orfraie.

Encore une fois, deux mentalités entrent en collision de part et d’autre de l’Atlantique : la volonté de tout traduire, que l’on observe au Canada, et cette pulsion européenne d’aligner les mots anglais dans le discours, comme on enfile les perles.

En informatique, le contraste entre Canadiens et Français, Belges et Suisses est frappant. Des termes comme email, spyware, spam sont traduits de ce côté-ci de l’Atlantique, tandis qu’ils demeurent comme tels en Europe. En français : courriel, espiogiciel, polluriel.

Devant cette domination de l’anglais, on pouvait s’attendre à ce que le vocabulaire de Twitter soit massivement anglais. Il l’est. En même temps, les efforts de francisation montrent leur limite.

Bien sûr, l’Office québécois de la langue française et d’autres instances linguistiques suggèrent le terme gazouillis pour remplacer tweet. La traduction donne de l’urticaire à bien des langagiers nord-américains, pourtant dévoués à la défense du français.

Les choses se corsent lorsqu’on tente de traduire to tweet par gazouiller. Par exemple : « Il a gazouillé une bonne partie de l’après-midi. » Pour beaucoup, ce genre de traduction à tout prix sonne le glas de la traduction tout court. Après tout, a-t-on traduit hamburger et spaghetti? Bien des mots anglais sont passés en français parce qu’ils comblaient un vide ou étaient plus faciles à employer.

La fonction Retweet pose également un sérieux problème. Nul n’oserait dire qu’il a regazouillé un gazouillis. Bien entendu, on peut le redistribuer, voire le partager.

Mais nous venons de trébucher sur un autre anglicisme, partager n’ayant pas le sens de communiquer, diffuser, faire connaître en français. Toutefois, l’emploi généralisé de ce verbe dans de nombreux sites, comme Facebook, amènera tôt ou tard un infléchissement de son sens français. Comme pour réaliser, dans le sens de se rendre compte de quelque chose, d’une réalité. Cette évolution est fatale.

Les Québécois et autres Canadiens de langue française emploient également hashtag, ce mot-clic que les Français appellent parfois mot-clé diésé. Là encore, la brièveté de l’anglais fait des adeptes et le hashtag est fort populaire, au point de faire son entrée dans Le Petit Robert, où il rejoindra… tweet.

On peut donc dire qu’Européens et Canadiens emploient finalement le même vocabulaire pour Twitter, bien que ces derniers fassent davantage d’efforts pour franciser les termes de microblogage.

Notons quand même deux exceptions : follower, qui se dit abonné chez nous, et poster un tweet, qui est rendu par afficher, publier un tweet.

Si vous tweetez, vous faites partie de la  Twittosphère (la majuscule est volontaire). Quelle belle trouvaille! Et si vous bloguez, vous faites partie de la blogosphère. Curieusement, le premier terme n’est pas encore entré dans le Robert, mais le second l’attend patiemment…

Lois de Murphy de l’écrivain

Vous rédigez un plan détaillé. Vous ne le suivrez plus dès le troisième chapitre.

Au bout de quelques mois de travail, vous ne savez plus très où vous en êtes avec cette histoire.

Le livre ne finit jamais comme prévu.

Le personnage le plus vilain gagne votre sympathie. Le héros est fade.

Inévitablement, vous allez assassiner des personnages. D’autres vont naître en cours de rédaction.

Vous allez tout recommencer au moins deux ou trois fois.

Les corrections pour régler certains problèmes agaçants vont générer de nouveaux problèmes agaçants.

Le superbe néologisme qui vous avait foudroyé en pleine nuit sera refusé par l’éditeur.

Le terme élégant que vous chérissez ne veut pas dire ce que vous pensiez.

Vous allez vous contredire sur des détails qui vous échapperont à la relecture… mais pas à vos éventuels lecteurs.

Malgré toutes les vérifications, relectures et passages à tabac dans Antidote, votre manuscrit comportera quelques coquilles et fautes de grammaire.

Les correcteurs ne voient pas toujours les fautes de logique dans l’emploi : le personnage s’écrit : « Zut! ». S’écrie.

Le correcteur s’entête à vous suggérer d’écrire « français » avec la majuscule, alors que vous parlez de la langue portant ce nom.

Si votre action se situe dans le passé, vous allez inévitablement commettre un anachronisme.

Il va sans dire que Paul est appelé David à quelques reprises.

Remplacement de David par Paul. Mais un personnage secondaire, entrevu au milieu du roman, s’appelait David… Devinez ce qui est arrivé.

Vous ne pensiez pas qu’une histoire si simple au départ deviendrait aussi compliquée.

Vous ne vous souvenez plus du nom d’un de vos personnages et il est introuvable dans vos notes.

Vos notes sont une nouvelle forme de cacophonie.

Vous pensiez avoir inséré un passage important à tel endroit… Ben non.

Votre histoire n’a plus à rien voir avec celle que vous avez élaborée avec enthousiasme sur un napperon, au restaurant.

Traductions boiteuses des panneaux publics

Les panneaux publics traduits de l’anglais offrent de beaux exemples de littéralité. En voici un, aperçu près d’une piste de ski de fond.

To comply with the Quebec Highway Safety Code, and for your own safety, use in-line skates or roller skis on the roads in Gatineau Park only when the roads are closed to motor vehicule traffic.

Otherwise, do not practice in-line skating or roller skiing on the roads of Gatineau Park.

Traduit ainsi :

Afin de vous conformer au Code de sécurité routière du Québec, et pour votre propre sécurité, veuillez pratiquer le patin à roues alignées ou le ski à roulettes sur les routes du parc de la Gatineau seulement lorsque les routes sont fermées à la circulation de véhicules motorisés.

Autrement, ne pas pratiquer le patin à roues alignées ou le ski à roulettes sur les routes du parc de la Gatineau.

Un beau cas de traduction littérale qui ne correspond pas à l’esprit de notre langue. Certes, le message est le même en anglais et en français. Sauf que le deuxième paragraphe est répétitif. En fait, il ne correspond pas à la démarche du français, qui évite de répéter ce qui vient tout juste d’être dit.

Voici quelques formulations que l’on aurait pu utiliser, au lieu de répéter « le patin à roues alignées » et « le ski à roulettes ».

  • Autrement, s’abstenir de pratiquer ces activités.
  • Autrement, ne pas faire de patin ou de ski.
  • Autrement, s’abstenir.

En général, le français évite de répéter des évidences. En outre, il ne se sent pas obligé de reprendre intégralement ce qui vient d’être dit, mais cherche plutôt à le sous-entendre. En pareil cas, la démarche stylistique est très différente de l’anglais.

Dans l’exemple précédent, « ces activités » renvoient clairement à celles énoncées dans le paragraphe précédent. Il n’est pas nécessaire de les répéter. Un autre procédé consiste à raccourcir « le patin à roues alignées » et « le ski à roulettes », avec patin et ski. Le lecteur va tout de suite comprendre.

La troisième solution est radicale, certes, mais elle fait appel à l’intelligence du lecteur. On comprend que si les routes ne sont pas fermées, il ne faut pas pratiquer les activités mentionnées.

Voici quelques autres exemples de traductions serviles observées dans l’Outaouais et dans l’Est de l’Ontario.

Lorsque vous entrez en Ontario, on vous avertit immédiatement que les excès de vitesse font l’objet d’amendes. Les speed fines deviennent des amendes de vitesse. Pourtant, le panneau précise les amendes associées à telle ou telle vitesse. Le titre générique Amendes aurait bien suffi.

Les orignaux traversent parfois l’autoroute 417. Des panneaux les représentent avec la mention Night Danger : danger de nuit. Il va de soi que l’orignal présente un danger. Le français ne ressent pas le besoin de préciser une évidence. Heurter un orignal présente un danger. Donc : La nuit aurait été suffisant.

Certains panneaux sont explicites; par exemple No Exit. On aurait pu dire Dead End. En tout cas, la traduction suit la démarche de l’anglais : Pas de sortie. En français : Impasse.

Lu dans un parking : Reserved for permits holders only : réservé aux détenteurs de permis seulement. Il me semble qu’il y a pléonasme dans les deux langues. Le verbe réserver est assez clair sans l’étoffer par un adverbe. Réservé aux détenteurs de permis aurait bien suffi.

L’anglais est une langue plus imagée que le français, ce qui la rend très vivante. Le français, lui, recourt moins à l’image; il est plus abstrait.

On verra les inscriptions suivantes un peu partout au Canada. Elles sont un calque parfait de l’anglais.

Les adeptes du cône orange sont habitués à lire Construction partout, alors qu’il faudrait parler de Travaux à moins que l’on érige un immeuble en hauteur. Et il y a travaux parce que des ouvriers s’activent. Donc, Men at Work devient Hommes au travail, alors qu’en français correct on dirait Travaux, encore une fois.

Dans les immeubles commerciaux, on voit souvent Space to let rendu par Espace à louer. Généralement, il s’agit de Bureaux à louer ou, éventuellement, de Magasin à louer.

En terminant, les bacs de recyclage ontariens portent l’inscription We recycle traduite, si on peut dire, par Nous recyclons. Le français de bonne tenue se contenterait d’un simple mot : Recyclage.

C’est peut-être ce qu’il faudrait faire avec tous ces panneaux mal foutus.

C’est français!

Quand on a le souci de la langue, on finit par voir des anglicismes partout… même là où il n’y en a pas. Le français et l’anglais se sont échangé quantité de mots et d’expressions au fil des siècles, et bien malin qui pourrait s’y retrouver!

Les amants de la langue française sont à l’affût de l’anglicisme comme le chat chasse la souris. Mais, dans bon nombre de cas, il n’y a pas de souris.

Les attentats du 11 Septembre ont suscité toute une commotion aux États-Unis.

C’est ce que l’on dirait en anglais. Le premier sens de commotion en français est un ébranlement violent de l’organisme, comme dans le cas d’une commotion cérébrale. Mais le terme revêt un second sens, figuré, de violente émotion. Donc, pas de faute ici.

Le regretté Jean Béliveau était une figure emblématique des Canadiens de Montréal.

Là encore, c’est correct. Le sens premier est « Qui représente un emblème, se rapporte à un emblème. », selon le Petit Robert. « Qui représente (quelque chose, une idée) de manière forte. » L’exemple donné est justement Une figure emblématique du sport.

Deux autres expressions dans lesquelles l’anglais et le français s’expriment de la même manière.

Les dés sont jetés, il ne reste plus qu’à attendre. Le jeu en vaut-il la chandelle? Nous le saurons bientôt.

Peut-on donner le feu vert à quelqu’un? Là encore, ça sent l’anglais… Pourtant, l’expression est bel et bien dans le Robert, sans aucune mention d’anglicisme.

Mais voici une authentique importation anglaise : le thé.

Le bridge et le cricket, ce n’est vraiment pas sa tasse de thé.

L’image est savoureuse… on se croirait dans un roman d’Agatha Christie, et on y est! L’expression vient bel et bien de l’anglais, mais on la retrouve tant dans le Robert que dans le Larousse!

Le pouvoir évocateur de l’anglais, qui s’exprime beaucoup par images, séduit parfois les francophones.

 

 

Le Portail linguistique du Canada

Le Portail linguistique du Canada est un outil mis sur pied il y  a cinq ans par le gouvernement du Canada pour stimuler l’essor de nos deux langues officielles.

Il constitue un carrefour indispensable pour les rédacteurs, traducteurs et autres langagiers. Le Portail comprend une multitudes de liens vers des ouvrages de langue, des sites langagiers partout au Canada ainsi que des liens vers des cours de langue!

Les esprits curieux s’amuseront avec un Quiz éclair. Les plus sérieux pousseront leurs recherches dans la banque terminologique Termium grâce à un lien direct.

Depuis son lancement en octobre 2009, et après des millions d’interrogations, il est toujours en pleine croissance. Récemment, il s’est refait une beauté avec une toute nouvelle page d’accueil. Plusieurs fonctionnalités y ont été ajoutées, dont :

  • le puissant moteur de recherche Le français sans secrets|Gateway to English, qui interroge en un seul clic 16 outils d’aide à la rédaction et des centaines d’autres ressources linguistiques;
  • l’application mobile noslangues.gc.ca sur le pouce!;
  • les cartes virtuelles, qui permettent de partager les trucs et les jeux de la semaine dans Facebook;
  • de nouveaux outils d’aide à la rédaction français et anglais.

Et, bien sûr, le contenu du Portail s’enrichit sans cesse. Chaque semaine, de nouveaux hyperliens, articles et jeux linguistiques y sont ajoutés.

 

Sur Paris?

Peut-on revenir sur Paris? Sur Montréal?

Vous avez sûrement entendu ce genre d’expression… sur TV5 ou sur TVA. Le francophone nord-américain sursaute quelque peu, bien que le sur géographique se fraie un chemin dans nos médias.

Faut-il condamner cet usage?

Pas selon les dictionnaires européens. Le Larousse est explicite : le sur indique la localisation, la direction. Revenir sur Paris. D’ailleurs, le Hachette va dans le même sens avec un exemple : Faire cap sur Terre-Neuve.

Le Robert, quant à lui, signale qu’on peut l’utiliser avec un verbe de mouvement. Toutefois, le même ouvrage donne un exemple qui semble déconseiller son emploi : « Elle articule qu’elle ne va pas sur Toulouse, mais à Toulouse, qu’il est regrettable et curieux que l’on confonde ces prépositions de plus en plus souvent. » La citation est de l’écrivain français Jean Échenoz.

Le Robert donne également une définition géographique de la préposition : dans le voisinage immédiat, exemple : Boulogne-sur-Mer. Ici, on pourrait penser à Saint-Jean-sur-Richelieu.

Odonymes

Les règles régissant les prépositions ne sont jamais logiques, surtout quand on les compare d’une langue à l’autre. En français, on attend quelqu’un; en anglais, on attend pour quelqu’un; en allemand, on attend sur quelqu’un. Cherchez l’erreur.

Le français, jamais à court de complexité, propose diverses prépositions pour les voies de circulation, appelées odonymes en langage savant. Ainsi, on rencontre une personne dans la rue, mais sur un boulevard ou sur une place. Mais on peut la rencontrer aussi bien sur une avenue ou dans une avenue. Et on habite rue Laurier, et non sur la rue Laurier. Comprenne qui pourra.

Anglicismes

La maîtrise des prépositions est l’un des pièges les plus insidieux lorsqu’on apprend une autre langue. On peut dépister un anglophone avec un accent parfait en français à l’usage qu’il fait des prépositions. Par contre, beaucoup de francophones au Canada déclinent régulièrement des prépositions en fonction de la logique de l’anglais, même s’ils ne parlent pas cette langue.

Entendu à la radio ce matin : « Elle n’est pas sur un groupe. » J’espère bien! Elle en fait partie.

Avez-vous grandi sur une ferme? Non, vous avez grandi dans une ferme.

Il travaille à son manuscrit sur semaine. Non, il y travaille en semaine, pendant la semaine.

Vous avez lu une nouvelle sur le journal? Non, dans le journal.

Il travaille sur le train? Non, il travaille dans le train.

Bref, nous n’en avons pas fini avec la préposition sur.

 

Discriminer

La série des mots orphelins se poursuit avec discriminer et discrimination.

Tout le monde s’entend sur le sens du mot discrimination, ce traitement inégal réservé à certaines personnes à cause de leur race, de leur religion, de leur rang social ou de leur âge.

La notion de discrimination positive, qui a fait son entrée dans les dictionnaires, vient de l’anglais. Mais elle exprime une réalité moderne qu’aucun terme français ne peut rendre avec précision.

Jusqu’ici, pas de problème.

Pourtant il y en a un : le verbe discriminer ne devrait-il pas signifier « exercer de la discrimination contre un groupe, une personne »? La logique la plus élémentaire le prescrit.

Pourtant, les ouvrages de langue deviennent étrangement vagues quand ils traitent de ce verbe. Par exemple, le Robert le définit ainsi : « Avoir une attitude discriminante envers un groupe. » Le verbe est transitif, donc requiert un complément. Pourtant, le seul exemple donné n’en a pas : « Recruter sans discriminer. »

De fait, que ce soit dans le Trésor de la langue française, Le Petit Larousse, Le Grand Dictionnaire terminologique, Le Multidictionnaire de la langue française, on ne voit nulle part un exemple comme discriminer tel groupe ethnique.

Les concordanciers comme Linguee sont curieusement avares quand il s’agit de discriminate. Un seul exemple trouvé dans lequel on parle de « discriminer en faveur des écoles qui ont un intérêt explicite à promouvoir… »

Même chose du côté de Tradooit. Les exemples de traduction européens tournent autour d’opérer une discrimination… Un exemple du Parlement européen ressort du lot : « La Commission salue également la position du ministre Nigérian de la justice, qui a déclaré l’an dernier qu’il n’était pas juste de discriminer les musulmans à travers le fait qu’ils étaient condamnés différemment pour un même délit. »

On notera la faute de majuscule pour Nigérian et la maladresse du libellé. Pas convaincant… Les seuls cas d’emploi de discriminer + complément d’objet direct se voient dans les débats du Parlement du Canada.

Pourtant, si un groupe est victime de discrimination, pourquoi ne peut-on dire que le gouvernement, la population discriminent ce groupe?

Et si on peut, pourquoi est-ce que les dictionnaires ne donnent pas d’exemple clair en ce sens?

Suite de cet article.