Parking

Les emprunts lexicaux à l’anglais que font les Français diffèrent souvent de ceux des Québécois.

Le mot parking en est un bel exemple. Les Français l’ont emprunté à l’anglais, alors que nous disons plus souvent stationnement. Plus souvent en effet, mais pas toujours, car l’anglicisme « parking » s’entend fréquemment lui aussi, non par mimétisme pour le français parisien, mais bien parce que l’influence de l’anglo-américain est énorme ici.  

Autres langues

D’autres langues européennes en pourtant traduit le mot anglais parking.

Allemand : parkplatz

Espagnol : aparcamiento

Italien : parcheggio

Portugais : estacionamento

Néerlandais : parkeerplaats

En Europe, la recommandation officielle est parc de stationnement. La longueur de l’expression en rebute sans doute beaucoup.

Parking

Parquer sa voiture, c’est la mettre dans un parc de stationnement ou encore dans une aire de stationnement. Mais, entre nous, qui parle ainsi dans une conversation courante?

Toutefois, on dira que notre voisin gare sa voiture devant sa maison, car il ne la met pas dans un parc. Il y a donc une petite nuance qui disparait en anglais, puisque parking désigne l’action à la fois de mettre sa voiture dans un parc de stationnement ou de la garer devant sa maison ou dans son entrée.

Stationnement

Au Canada, on stationne son véhicule dans un terrain de stationnement, couramment appelé stationnement tout court. « J’ai perdu ma voiture dans le stationnement du centre commercial. » En Europe, le stationnement est l’action de garer sa voiture. Le mot « stationnement » dans le sens de parking est considéré comme un régionalisme.

Ce qui nous ramène à une question fondamentale : doit-on à tout prix importer les anglicismes franco-français? Non, surtout si les Québécois ont trouvé une autre manière de s’exprimer, comprise de tous, et qui permet d’éviter un anglicisme. Néanmoins, écarter parking sous prétexte que ce n’est pas français, eh bien c’est faire fausse route.

Clause dérogatoire

La fameuse clause dérogatoire, cette disposition particulière de la Charte des droits et libertés du Canada, fait encore couler beaucoup d’encre. Mais les médias ont enfin commencé à l’appeler par son nom exact : la disposition de dérogation, comme quoi il y a parfois espoir de faire évoluer la prose journalistique.

Par le passé, constitutionnalistes, juristes, politologues et journalistes ont tiré dans toutes les directions pour parler de la notwithstanding clause : clause nonobstant, clause de dérogation, clause dérogatoire, etc.

Quid?

Cette disposition de la Charte des droits et libertés permet à un gouvernement de mettre une loi à l’abri de l’application de ladite charte pendant cinq ans. Il s’agit de l’article 33 de la Charte.

Cette disposition a été adoptée en 1982 sous les pressions de gouvernements conservateurs de l’Ouest. Le gouvernement fédéral s’inquiète que le Québec et l’Ontario, notamment, recourent à cette disposition à titre préventif en adoptant une loi controversée. À l’origine, le recours à la disposition de dérogation devait être exceptionnelle. À présent, cette ligne rouge est de plus en plus franchie, d’où le débat actuel.

Sur le plan linguistique

Jadis, les rédacteurs nous assénaient l’anglicisme mal digéré de clause nonobstant, calque hideux de notwithstanding clause. Or, le mot « nonobstant », bien que faisant partie du vocabulaire juridique, ne s’emploie pas de cette manière.

Les langagiers s’interrogeaient également sur l’adjectif « dérogatoire » dans clause dérogatoire. Certains y voyait un beau cas d’usage abusif de l’adjectif : la clause ne déroge pas elle-même parce qu’elle permet de déroger. C’est pourquoi tant le Lexique constitutionnel du Bureau de la traduction que l’Office québécois de la langue française préconisent l’utilisation de l’expression disposition de dérogation.

Adjectivite

Clause dérogatoire serait donc un beau cas d’utilisation abusive de l’adjectif. Pourtant, ce genre de construction dans lequel le rapport entre l’adjectif et le substantif est indirect se voit couramment. Pensons aux poteaux électriques, autobus scolaires, journalistes sportifs, etc. Les poteaux ne sont pas en soi électriques, les autobus ne sont pas scolaires, mais à essence, et les journalistes qui couvrent le hockey ne sont pas nécessairement des athlètes.

Chose certaine, la fameuse clause dérogatoire marque un net progrès sur l’horrible clause nonobstant. Pour plus de prudence, utilisons plutôt disposition de dérogation.

Clause et disposition

Le mot « clause » s’applique lorsqu’il est question des dispositions d’un contrat ou d’un acte juridique. Il est donc préférable d’employer « disposition ».

Podiatre

Les anglicismes peuvent se cacher dans les mots les plus courants. Nous sommes tous allés faire soigner nos pieds chez un podriatre. La mienne m’a appris que ce mot vient de l’anglais podiatrist.

Retombé sur mes pieds, j’ai fait quelques vérifications pour constater que c’était vrai. Le terme français exact est podologue. Le Robert définit le podologue comme un spécialiste de la podologie, qui est l’étude du pied et de ses affections.

Quant au terme podriatre, il est présenté comme un canadianisme, et il renvoie à un médecin qui pratique la podiatrie.

Un régionalisme ?

Faudrait-il dire un podologue ? L’ennui, c’est que podriatre est bien implanté ici; bien entendu, on pourrait se donner un coup de pied au bon endroit et essayer d’implanter podologue, plus français, certes, mais moins bien connu.

Il y a un rapprochement entre le tandem podiatre/podologue et celui de condominium/copropriété. Dans les deux cas, l’anglicisme est très répandu au point d’en devenir invisible. Il est d’autant plus difficile de le remplacer par l’expression française exacte que l’anglicisme est déjà entré dans les dictionnaires de l’Hexagone.

Craque

Le mot craque est un autre faux ami de l’anglais. Son emploi, au Québec et au Canada français, peut étonner. Qu’on en juge :

La rue est pleine de craques. La Ville a dû asphalter.

Le plancher est craqué.

Dans la première phrase, le mot craque est un calque de l’anglais crack, qui a le sens de fissure. Dans la deuxième, le plancher était fissuré et non craqué.

On me permettra de citer Leonard Cohen : « There is a crack in everything, that’s how the light gets in. »  On peut traduire cette phrase de bien des manières, mais pas avec le mot craque.

En français

Dans notre langue, il n’est nulle part question de fissure. Une craque est un mensonge par exagération, un bobard.

J’ai remporté l’élection de 2020. Le vote était truqué.

Le verbe craquer a plusieurs sens :

Produire un bruit sec; se déchirer brusquement :

La toile de la piscine a craqué.

Le verbe évoque aussi la notion d’échec : s’effondrer; échouer, rater, avorter.

Le projet de réforme l’orthographe du français a craqué.

Craquer, c’est aussi succomber à la tentation; tomber sous le charme. Exemple :

Les jeunes mariés ont craqué pour cette belle maison de campagne.

Pousser des craques

Un dernier sens sidérant pour la francophonie : craque au sens de moquerie. Faire des remarques obliques et ironiques sur une personne ou une situation. Le président russe, un pince-sans-rire à ses heures, a déjà dit à propos d’un président américain : « Il est un homme intelligent et équilibré. »

Au Québec, on lui aurait répondu : « Tu me niaises! » Traduction libre : « Tu te fous de ma gueule. »

Néoprogressisme

En politique, on croit souvent réinventer la roue alors qu’on ne fait qu’appliquer de vieilles recettes avec une nouvelle sauce. Ce phénomène s’observe souvent par l’emploi du préfixe néo. Comme on dit souvent au Québec : « Faire du neuf avec du vieux. »

Néoprogressiste

Le terme néoprogressiste vient de faire son apparition pour remplacer l’omniprésent woke dont j’ai parlé dans un article précédent.

Le problème avec woke? Beaucoup sont d’avis qu’il s’agit d’un mot fourretout mal défini. En outre, il a pris une allure péjorative à cause de l’extrémisme de certaines personnes ou organisations qui défendent la culture de l’annulation envers ceux qui les contredisent.

Bref, les wokes n’ont pas nécessairement bonne presse et c’est pourquoi certains auteurs préfèrent parler de néoprogressisme. Cette nouvelle appellation ne change rien au phénomène, car les idées défendues par les wokes rejoignent en grande partie celles de l’extrême gauche traditionnelle.

Le définancement de la police

En 1917 Lénine publie L’État et la révolution dans lequel il présente l’État comme un appareil de répression visant à maintenir la domination de la bourgeoisie. Une fois la révolution accomplie, dit Lénine, la police deviendra superflue parce que les ouvriers seront au pouvoir.

La filiation consciente ou inconsciente entre l’élimination des policiers dans un régime communiste et l’idée de réduire le nombre de policiers par la diminution des crédits me parait évidente.

Au départ, l’idée est bonne : donner plus d’argent aux services sociaux pour combattre la misère, la maladie mentale, au lieu de multiplier le nombre de policiers pour protéger la paix publique. Les policiers n’ont pas les connaissances nécessaires pour traiter des cas de maladie mentale, d’où certains cas désolants de bavure des forces policières.

Mais est-il justifié de réduire les forces policières en pleine guerre de gangs de rue qui se canardent allègrement dans les lieux publics? C’est la question que se posent bien des gens.

Wokisme et pensée marxiste

Il serait extrêmement réducteur de dire que les néoprogressistes ne sont rien d’autre qu’une copie conforme des marxistes de jadis. Ils cherchent à imposer des thèmes qui auraient fait sursauter Marx ou Lénine : la décolonisation, le racisme, le féminisme (bien que très tolérant envers l’islamisme), la théorie des genres, l’appropriation culturelle, etc.

Les thèmes ont évolué, certes, mais la dynamique est la même : se sentir plus conscientisé que la moyenne et avoir la volonté d’imposer à la société un nouveau système de valeurs. Bref, le néoprogressisme est une forme d’extrême gauche, surtout s’il s’accompagne d’une intolérance aigüe aux points de vue opposés. La culture de l’annulation ressemble étrangement au sort réservé aux « ennemis du peuple », fusillés sous Staline ou déportés dans des goulags. Rien de nouveau sous le soleil.

Le progressisme

Mais attention! Il ne faut surtout pas confondre néoprogressisme et progressisme. La gauche traditionnelle est un aiguillon indispensable dans nos sociétés. Elle a été à l’origine de la Révolution française, de la fondation des grands syndicats et de l’État providence, des progrès accomplis dans la cause des femmes, de la lutte contre le racisme, etc.

Il est toujours sain d’ouvrir la discussion et de brasser des idées. Celles avancées par les néoprogressistes méritent d’être discutées, à condition de pouvoir le faire, ce qui est de moins en moins le cas, particulièrement dans les institutions d’enseignement.  

Mais revenons à la question d’hier dans mon article sur le néofascisme : les fascistes trumpistes ou bolsonariens sont-ils si « néo » que cela? On pourrait poser la même question pour les néoprogressistes wokes. Sont-ils si différents des militants marxistes d’hier? Je n’en suis pas certain.

Article sur l’origine du mot « woke »

Article sur le néofascisme

Bolsonaro et le néofascisme

L’assaut donné au palais présidentiel du Brésil par les partisans de Jair Bolsonaro, défait à la dernière élection, rappelle la tentative de coup d’État par des partisans républicains de Donald Trump, le 6 janvier 2021. Le maitre fait des émules.

Le président Lula a qualifié les assaillants de fascistes. Exagération? Sûrement pas.

Néofascisme

Ces dernières années, une droite radicale se fait jour. Une droite qui est de plus en plus clairement en conflit avec la démocratie, dans la mesure où elle ne reconnait plus le résultat des élections quand elle les perd. Le cas des républicains américains est symbolique, dont les éléments les plus radicaux sont en train de transformer ce vieux parti en maison de fous.

Comment qualifier ces mouvements? Populistes? Néoconservateurs? Des nuances s’imposent. Pour ce qui est de l’extrême droite, certains avancent le terme néofascisme.

Il n’y a rien de néo là-dedans. Le Fascisme est un régime populiste, souvent doté d’un leader charismatique, qui est opposé à la démocratie et impose une version autoritaire de l’État. Cette définition va comme un gant aux partisans de l’ex-président Bolsonaro, dont beaucoup, y compris l’ex-président lui-même, sont des nostalgiques de la dictature militaire.

À mon sens, dès qu’un parti refuse de reconnaitre le résultat des élections et cherche à commettre un coup d’État, eh bien il devient très difficile de parler de démocratie. La démocratie seulement si on gagne?

Populisme

Le populisme est une autre notion floue qui peut s’appliquer aussi bien à des mouvements de gauche que de droite. Les populistes prônent une forme de radicalisme qui s’écarte des positions défendues par les partis traditionnels, qu’ils soient conservateurs ou de gauche.

Les leaders populistes ne sont pas une espèce en voie de disparition. Les mouvements populistes comme ceux de la Hongrie et de la Pologne marquent un raidissement du pouvoir et l’affaiblissement de l’État démocratique, sans que l’on puisse vraiment parler de (néo)fascisme.

Même s’ils paraissent moins radicaux, les mouvements populistes sont à surveiller, car ils peuvent faire bien des dégâts. Pensons au Tea Party et à l’influence délétère qu’il a eu sur les républicains, ce qui a mené à l’élection de Donald Trump.

Le Rassemblent national et les Frères d’Italie

À cet égard, le succès grandissant du Rassemblement national en France est également inquiétant, d’autant plus que le parti a été fondé par un antisémite notoire, Jean-Marie Le Pen, dont la fille a pris la tête du mouvement. Marine Le Pen est une partisane de Vladimir Poutine. Par conséquent assimiler le RN à un parti de droite traditionnel me parait hautement risqué. Le populisme n’est pas toujours très loin du néofascisme.

C’est particulièrement vrai avec l’inquiétante prise du pouvoir par les Frères d’Italie. Certains considèrent que ce mouvement est populiste, mais sa présidente et nouvelle première ministre de l’Italie Giogia Meloni a milité pour la formation néofasciste Mouvement social italien. En accédant au pouvoir, elle a révisé ses positions sur Mussolini (qu’elle admirait) et sur la guerre en Ukraine (elle appuyait Poutine). Mais peut-on vraiment lui faire confiance? Et qu’arriverait-il si elle avait les coudées franches?

Conclusion

Pour des leaders comme Vladimir Poutine et Xi Jinping, la démocratie libérale est dépassée; les régimes autoritaires sont la voie de l’avenir. Ces deux tristes personnages sont clairs, au moins.

Le caractère antidémocratique des mouvements néofascistes et populistes ressort moins bien. Leur participation aux élections ne signifie pas nécessairement qu’ils appuient la démocratie.

Ce qui vient tout juste de se produire au Brésil est une sonnette d’alarme.

Demain : le néoprogressisme

Caddie

Les Français ont parfois un vocabulaire qui nous étonne au Québec. (Les Français pourraient dire la même chose au sujet des Québécois. Voir mon article sur les impropriétés.)

Les supermarchés européens n’ont rien à envier à ceux de l’Amérique du Nord, sauf que nos cousins entassent leurs achats dans un petit chariot qu’ils appellent caddie, terme inusité de ce côté-ci de l’Atlantique.

Caddie est en fait le nom d’une marque, comme Frigidaire ou Kleenex. Il vient du mot cart et désigne un type de chariot que l’on voit dans les supermarchés, mais aussi dans les gares et les aéroports. On s’en sert pour y mettre notre épicerie ou nos bagages.

Anglicisme : cachez ce sein que je ne saurais voir

Les Québécois sont prompts à dénoncer les anglicismes franco-français, alors qu’ils aspergent leur discours d’anglicismes de syntaxe sans jamais s’en rendre compte. Mais c’est un vieux débat. Dans le cas présent, caddie serait un autre anglicisme dont on pourrait se passer.

Mais comment le remplacer? Deux possibilités : 1) désigner le caddie sous le terme plus générique de charriot; 2) employer l’impropriété panier ou pire encore : carrosse.

Chariot

Ce mot englobe plusieurs significations : il peut s’agir d’un véhicule agricole aussi bien que d’une plateforme de cinéma permettant de réaliser des travellings. Charriot vient du verbe charrier qui, on l’aura noté, s’écrit avec deux R, d’où le charriot proposé par la réforme orthographique de 1990.

Panier et carrosse

Si charriot est correct, c’est loin d’être le cas pour l’autre terme employé par les Québécois : panier. Or, un panier peut se transporter sous le bras et il est doté d’une anse. Bien entendu on peut y mettre des provisions, d’où le lien fait avec le caddie. Mais un panier n’a pas de roues. C’est donc une erreur grossière de parler d’un panier au supermarché.

On entend aussi carrosse, qui n’a absolument rien à voir avec un charriot d’épicerie. Il s’agit d’une ancienne voiture à chevaux dont se servent parfois certains souverains pour parader devant la foule.

Alors, oubliez ce carrosse, à moins que vous ne fassiez l’épicerie avec votre jument… Comme diraient les Britanniques, henni soit qui mal y voit…