Gracier

Gracier, c’est faire grâce à quelqu’un, nous dit le Petit Robert. La grâce est un pardon, une remise de peine, poursuit le dictionnaire.

Dès son retour au pouvoir, le président américain s’est empressé de gracier les émeutiers qui, le 6 janvier 2021, ont tenté d’empêcher la certification par le Sénat de l’élection de Joe Biden. Ce que l’on appelle en langage clair une tentative de coup d’État.

Il n’est pas tout à fait exact de dire que le fou furieux de Washington a pardonné les insurgés. Il s’agit ici d’un calque de l’anglais. En français, on parler de gracier un condamné.

Pardonner

Bien entendu, le verbe pardonner a pour sens de renoncer à punir quelqu’un. Son emploi pour désigner la grâce accordée par Trump aux criminels du 6 janvier n’est pas entièrement dénuée de sens.

C’est pourquoi on peut à demi pardonner les journalistes qui ont utilisé le verbe pardonner, sans toutefois leur donner un pardon total.

Mais, comme on dit, faute avouée à demi pardonnée. Encore faudrait-il qu’il y ait aveu…

Golfe du Mexique

Peu importe où vous cherchez, que ce soit dans les grands dictionnaires ou les encyclopédies, ou bien sur des cartes préparées par des professionnels, vous lirez toujours golfe du Mexique. Pas moyen d’en sortir.

Alors, le président américain a-t-il le droit de changer le nom pour golfe de l’Amérique? Oui et non. À ce que je sache, il n’y a pas d’organisation internationale qui régit les toponymes et les exonymes, autre que les Nations unies. Et encore, son influence est limitée. Par le passé, la France a par exemple suggéré d’écrire Changhaï, mais c’est la graphie Shanghai qui s’est imposée. Imposée par qui? Par l’usage.

Exonymes

Un exonyme est : « … un nom géographique utilisée dans une langue donnée pour désigner un détail géographique situé hors de la région dans laquelle cette langue est la langue officielle. » – Source : les Nations unies

Quelques exemples : Le Cap est un exonyme pour Cape Town; Séville est le nom français de Sevilla en Espagne, nom qui se décline Seviglia en italien.

Il va sans dire que les noms officiels de ces entités demeurent ceux exprimés dans la langue du pays. Toutefois, rien n’empêche les francophones d’utiliser Le Cap dans leurs textes.

Le Groupe d’experts des Nations unis s’efforce de réduire le nombre d’exonymes sur la planète. Heureusement ou malheureusement, ses efforts ne donnent pas les résultats souhaités, car l’usage est fixé dans la plupart des cas. Les exonymes sont souvent bien commodes, comme dans le cas de Bois-le-Duc, qui, en néerlandais, se dit ‘sHertogenbosch

Golfe du Mexique

L’appellation de cette étendue d’eau est le fruit d’une convention qui date d’au moins deux siècles, sinon plus. Elle fait l’objet d’un consensus, qui vient d’être rompu par le fou furieux de la Maison-Blanche.

Rien n’empêche Trump de le rebaptiser golfe de l’Amérique, mais la communauté internationale n’est pas obligée de le suivre. Pas du tout. C’est pourquoi il faut continuer de parler du golfe du Mexique.

Endonymes

Les États ont évidemment toute latitude pour nommer les villes, régions, cours d’eau situés à l’intérieur de leur frontière. Ainsi, le président américain pourrait très bien rebaptiser New York… Trumpville. La communauté internationale éclaterait de rire, certes, mais ne pourrait rien faire. Cependant, les francophones, hispanophones et autres pourraient conserver l’appellation qu’ils utilisent habituellement, comme New York en français, et Nueva York en espagnol.

Conclusion

 

On ne peut que souhaiter que la communauté internationale se tiendra debout et conservera le golfe du Mexique. Le golfe de l’Amérique sera réservé aux Américains et ce sera bien assez ainsi.

***

Les noms géographiques de régions internationales sont toujours arbitraires. Lisez mon article à ce sujet.

Contre-tarif

La guerre commerciale lancée par le cinglé de la Maison-Blanche nous a donné ce farfadet malicieux : tarif (douanier). Tel le monstre du docteur Frankenstein, ses créateurs en ont perdu le contrôle. Il est maintenant dans tous les bouches, quasiment impossible à éradiquer.

Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Je connais deux vaillantes traductrices qui ont tenté en vain de corriger certains médias. Elles ont péri comme Jeanne d’Arc. Le raisonnement des scribes est limpide, à défaut d’être exact : si c’est tariff en anglais c’est sûrement tarif en français.

N’importe qui peut être traducteur.

Nos scribes auraient intérêt à lire la presse étrangère; ils finiraient (peut-être) par se poser des questions. En effet, comment se fait-il que les journaux européens relatant la guerre commerciale lancée par Trump contre le Canada et le Mexique… ne parlent pas du tout de tarifs?

Curieusement, il est question de droits de douane, même quand le Canada réplique au président Trump.

Contre-tarifs

La dernière création des médias canadiens est apparemment solide, mais elle s’appuie sur une faute de langue qu’ils ne veulent pas voir. Dans les textes européens, on ne parle pas de contre-tarifs, mais de droits de douane, cette fois-ci imposés par le Canada.

On pourrait parler de droits imposés en représailles. Et pourquoi ne pas y aller d’une formule plus courte comme : réponse, réplique, réponse tarifaire, mesures de rétorsion, comme l’écrivent certains médias européens.

Tout cela est bien beau, mais encore faut-il qu’il y ait une volonté de se corriger. Or il est très clair qu’elle n’existe pas.