Box

Le mot anglais box est rarement utilisé au Canada, à moins d’aimer l’équitation ou de suivre l’actualité juridique de près.

En effet, les chevaux sont logés dans un box, c’est-à-dire un enclos qui leur est réservé. Les accusés à un procès possèdent aussi leur box, soit un compartiment cloisonné dans la salle du tribunal. On parle du box des accusés.

Jusqu’à maintenant, tout est clair. Les autres acceptions en Europe étonnent de ce côté-ci de l’Atlantique. Un box dans un garage ou un dortoir… pas vraiment ici. On parlera plus simplement d’un espace.

Si vous désirez vraiment mettre un Canadien francophone en boite… eh bien parlez-lui d’un « Coffret cadeau thématique donnant accès à des prestations… » ou encore « … à des produits thématiques ». Vous achetez un nouvel ordinateur et la vendeuse au cœur d’or vous donne un ensemble-cadeau… avec des autocollants, une souris et son tapis personnalisé. « Je vais vous chercher un box », a-t-elle annoncé… Vous auriez compris? Pas moi.

Box-office

Comme je l’ai indiqué dans un autre billet, les anglicismes sont très fréquents dans le monde du spectacle, et box-office est l’un d’entre eux. Les médias l’emploient continuellement, sans que personne ne pense à parler des succès aux guichets de tel ou tel film. Ou encore une pièce de théâtre qui a fait des recettes extraordinaires. Il y a de quoi boxer tous ces rédacteurs.

Morale de cette histoire

Les emprunts à d’autres langues acquièrent une vie qui leur est propre. Leur sens s’étire et s’éloignent du sens original. De plus, leur utilisation peut varier d’un pays à l’autre de la francophonie.

Bipeur

Les membres du groupe terroriste Hezbollah ont récemment eu une petite surprise dans leur poche. Leur bipeur a explosé. Des morts et des blessés. Mais surtout une fierté quelque peu écorchée.

Le terme biper ou bipeur est un anglicisme tout de suite adopté dans la francophonie. On le voit sous deux graphies, mais les médias français semblent préférer la forme francisée, ce qui est en soi une consolation.

L’anglicisme a engendré un verbe, biper, qui a l’avantage de sonner français et d’avoir une certaine logique. Car un bipeur émet un bip, après tout. On peut donc biper à qui mieux mieux, mais oubliez vos copains du Hezbollah…

Les Québécois ont tenté de franciser ce terme, ce qui a donné pagette, qui ne figure pas dans le Robert et le Larousse. L’usage de l’anglicisme déguisé en mot français l’a largement emporté.

D’ailleurs, les journalistes québécois, que ce soient des médias écrits ou des médias électroniques, ont repris le bipeur sans se poser de question, ignorant sans doute qu’il s’agissait d’un emprunt à l’anglais.

Francisation de certains toponymes

La francisation des toponymes est une mer houleuse soumise à tous les caprices de l’usage.

Dans un autre billet, j’ai déjà relaté la francisation du toponyme Détroit, que l’on écrit encore à l’anglaise, Detroit dans bien des publications françaises. Dans ce cas précis, il s’agissait d’un retour aux sources, car la ville de l’automobile a été fondée par les Français.

Bien des noms de lieux, écrits à l’anglaise et sans accent, pourraient facilement être francisés, sans que le paysage linguistique en soit bouleversé. Nous avons déjà Monténégro, alors pourquoi ne pas continuer?

(Matière à réflexion : on écrit Monténégro, mais Montevideo. Cherchez l’erreur.)

Certains toponymes étrangers pourraient facilement être francisés tout simplement en ajoutant un accent aigu. Bref, aucun changement radical. Allons-y donc : je suggère les graphies suivantes : Bélize, Guatémala, Kénya, Montévidéo, Nébraska, Nigéria, Nioué, Orégon, et Vénézuéla.

Certains feront valoir qu’il s’agit de noms étrangers et qu’il n’est pas nécessaire de les traduire. Cet argument ne tient pas. Des milliers de toponymes, comme Florence, Nouveau-Mexique, Le Cap, etc. ont été traduits et le français ne s’en porte pas plus mal. Personne n’écrirait Firenze, New Mexico, Cape Town.

Et je vous ramène Monténégro; si le nom de cet État du sud de l’Europe a été francisé, comment justifier l’absence d’accent aigu pour les huit cas mentionnés ci-dessus?

À l’international

Au bulletin de nouvelles : « À l’international maintenant, le conflit israélo-palestinien s’éternise… » Dans une conversation : « Il travaille à l’international… »

Fautes grossières que tout cela? On me pose souvent la question. Instinctivement, je me disais qu’il s’agissait d’un nouveau tic linguistique dont les médias ont le secret. Mais était-ce vraiment une faute?

Surprise! À l’international se trouve bel et bien dans les dictionnaires. Selon le Larousse et le Robert, l’expression renvoie aux échanges commerciaux. Or ce n’est pas tout à fait dans ce sens qu’on l’entend au Québec.

Pour la Vitrine linguistique de l’Office québécois de la langue française, il s’agit d’une ellipse pour remplacer sur le plan international ou au niveau international.

Il n’y a donc pas lieu de s’alarmer.

Palace

Le français emprunte beaucoup à l’anglais et certains mots s’acclimatent à notre langue au point de prendre leur envol et de s’affranchir de leur sens originel. C’est un peu ce qui est arrivé au mot palace.

Le terme anglais a le même sens que palais, soit un bâtiment luxueux habité par un monarque ou un président. Mais le français a retenu le sens plus générique de « large splendid house or other building », comme le précise le dictionnaire Collins.

N’est pas palace qui le veut, car, dans notre langue, un palace est un hôtel de luxe, point à la ligne. On peut certes qualifier de palace sur mer un paquebot de luxe, mais la référence implicite est toujours un hôtel de grande classe, et non un palais royal.

Les emprunts à d’autres langues enfilent parfois des costumes d’Halloween au point d’en être méconnaissables. Pensons à portmanteau en anglais qui désigne un objet pouvant servir à plusieurs fins. Rien à voir avec le sens français.

En conclusion, on pourra dire que le Manoir Richelieu de La Malbaie, l’hôtel Crillon à Paris et l’hôtel Savoy à Londres sont des palaces.

Fun

« Le fun est pris dans la cabane. » A priori, il est certain qu’un Européen ne comprendrait pas un traitre mot à cette phrase saugrenue. En êtes-vous certain? Québécois et francophones canadiens sont convaincus d’être les importateurs exclusifs de ce mot anglais, alors qu’il a cours outre-Atlantique.

Une petite promenade dans le Larousse et le Robert nous amène à l’entrée fun. Le fun est cassé.

Comme on peut le deviner, le terme est défini comme un synonyme d’amusement, de plaisir. Le Robert donne quelques exemples : « C’est le fun ! » et « Jouer pour le fun. » On se croirait au Québec.

L’usage diverge cependant lorsque fun est employé comme adjectif invariable. « Des aventures fun… De l’ambiance fun. » Par chez nous, on dirait plutôt : « Des aventures le fun. »

En effet, au Québec on joue juste pour le fun.

Le croiriez-vous, Victor Hugo avait du fun lui aussi. Stupéfiante citation de l’auteur de Notre-Dame de Paris : « Elle ne haïssait point le fun, la farce taquine et hostile. »

Amusant, parce que j’ai toujours cru que le mot en question était une importation canadienne exclusive; les Français et les autres Européens nous l’avaient dérobé. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le génial Victor vient de gâcher mon fun.