Thématique

Le mot thématique est très en vogue ces temps-ci. Il figurait en bonne place sur la page d’accueil de la fête nationale du Québec. La thématique en question, c’était les huit millions d’étincelles qui symboliseraient l’ensemble de la population du Québec.

Un autre site, sur les recettes du Québec, parlait des thématiques culinaires : 15 recettes de sauces à spaghetti…

Le terme fait partie de l’arsenal des mots fétiches propagés par les médias. Comme cela arrive souvent, personne ne semble s’être interrogé sur le sens véritable du terme. Alors, nous avons des thématiques partout, parce que les rédacteurs le trouvent plus joli que thème et que tout le monde l’emploie sans discernement. Même histoire avec son cousin lointain, problématique. Quand un mot devient galvaudé, il perd souvent son sens originel. C’est le prix à payer pour hurler avec les loups.

Une thématique n’est pas un thème. Les grands dictionnaires définissent une thématique comme un système organisé de thèmes; c’est un mot bien plus lourd de signification qu’un simple thème. On devrait donc l’employer dans un contexte précis et avec circonspection.

Par exemple, l’environnement pourrait être la thématique d’un congrès, et l’acidification des lacs l’un des thèmes traités.

Le mot thématique est aussi un adjectif, qui signifie ce qui est relatif à un thème.

On peut penser à une soirée thématique à des parcs thématiques.

Acheter du temps

Un vendeur soucieux de votre bien-être vous propose de choisir telle option dans votre police d’assurance. Vous achetez cette idée que vous aurez la paix de l’esprit en étant protégé contre les chutes d’astéroïde.

Par contre, vous n’achetez pas l’argument voulant qu’un chef de gouvernement maladivement contrôlant ne savait pas ce qui se passait autour de lui.

Votre patron vous harcèle pour que vous remettiez votre projet trois jours avant le délai prévu. Vous tentez d’acheter du temps en objectant la difficulté du projet en question.

Toutes ces formulations sont courantes; pourtant elles sont la transposition d’une syntaxe anglicisée.

Avec votre assureur, vous pouvez adopter son idée, l’accepter.

Mais vous ne vous rendez pas à l’argument de ceux qui défendent un premier ministre contrôlant mais naïf.

Et, bien entendu, vous cherchez à gagner du temps auprès de votre patron exigeant.

En français, le verbe acheter s’emploie surtout pour des choses concrètes : acheter une maison.

Mais il faut se méfier des calques de l’anglais. Comme toujours.

La technologie envahissante

En cette fin d’été, on s’écarte un peu du champ linguistique. Je voudrais amorcer une réflexion sur l’importance grandissante des appareils électroniques dans nos vies.

D’entrée de jeu, j’aimerais souligner que je ne suis pas un dinosaure. J’ai beaucoup de plaisir à utiliser mon téléphone intelligent et je ne m’en passerais plus. J’apprécie tout autant de pouvoir envoyer textes et photos à l’autre bout du monde par courriel; de pouvoir communiquer avec mon épouse par Skype quand elle séjourne à Florence. La liste est sans fin.

Il faut néanmoins constater que l’électronique s’immisce partout et que nous n’avons plus le choix, il faut l’accepter ou périr.

Jeune adulte, j’ai lu Les robots d’Isaac Asimov. L’auteur américain y décrivait l’importance grandissante que prenaient ces engins qui devaient servir les humains.

Nous assistons au même phénomène, tout d’abord avec les répondeurs automatiques. Il est devenu impossible de parler à un être humain lorsqu’on communique avec une entreprise. Ces répondeurs entraînent le client dans une toile d’araignée de menus et de sous-menus qui mènent souvent à un cul de sac… ou au mensonge éhonté « Votre appel est important pour nous… » Ah oui? Alors pourquoi ne répondez-vous pas tout de suite?

Attraper un téléphoniste relève de l’exploit. Il faut finasser avec le répondeur.

Heureusement, le courriel est plus coopératif. Il permet souvent de rester en contact avec des gens dont nous sommes éloignés. Grâce à lui, se tissent des rapports qui n’auraient peut-être jamais existés.

Les appareils électroniques nous entraînent dans une spirale vers le haut. L’obsolescence survient à peine quelques mois après l’achat d’un téléphone intelligent, d’un ordinateur. Déjà, des fonctionnalités se sont ajoutées, votre outil n’est plus aussi vif qu’au début. Il faut faire des mises à jour.

Même les automobiles y passent. Gavées de contrôles électroniques, leur degré d’usure ne se mesure plus uniquement par la mécanique. Non, vous n’avez pas de caméra de recul? De capteur pour les angles morts? Pas de prise USB? Pas de navigateur intégré? Une vraie antiquité votre bolide de 2012…

Toutes ces avancées obligent l’utilisateur à constamment se tenir à jour. Je vous parle d’un autre livre : Le choc du futur, d’Alvin Toffler. L’auteur prédisait que le rythme des changements s’accélérerait. Il n’avait pas tort.

Vous achetez une télé? Il ne suffit plus régler les couleurs, comme jadis. Il faut maintenant la programmer. L’installation d’un enregistreur numérique nécessite aussi un effort. Mais si vous tentez de coordonner le branchement de votre chaîne stéréophonique pour écouter vos émissions plein son, bonne chance. On y arrive, mais à la condition de ne faire aucune erreur. Malheur à vous si un fil n’est pas branché à la bonne place…

L’humain est condamné à suivre le triple galop de la technologie. Des machines s’implantent partout, qu’on le veuille ou non. Même dans les terrains de stationnement.

Je me souviens de ces mélomanes médusés, dans un parking extérieur, qui devaient déchiffrer le fonctionnement d’un horodateur, qui distribuait les billets prouvant que l’on avait payé. Chaque couple qui s’avançait vers le monstre impassible plissait les yeux, essayait de comprendre l’agencement des boutons et de deviner comment on payait par carte de crédit ou comptant…

Les parkings intérieurs font maintenant l’économie de guichetiers. Il faut payer son billet à une machine AVANT de s’avancer vers la sortie, parce qu’il n’y a plus d’humain pour accepter vos précieux billets. Chaque fois, je dis une petite prière pour que le paiement effectué à la machine se soit fait correctement et que la barrière automatique accepte mon billet…

Une machine aussi simple qu’un photocopieur peut représenter un autre défi à l’intelligence. Nouvelle configuration de boutons, où est le plateau pour les feuilles? Et surtout, où est le maudit bouton pour lancer l’impression? J’ai vécu ce genre d’humiliation récemment : le bouton n’existe plus, il faut se servir de l’écran tactile.

Et vous avez de la chance si l’appareil ne combine pas un scanneur et un télécopieur, parce qu’alors, des boutons, il y en a une pléthore.

Je vous fais grâce des dizaines de mots de passe que nous ne sommes pas censés écrire nulle part. Encore une chance si on précise le FORMAT du mot de passe. Encore une fois, les informaticiens s’imaginent que parce qu’eux en connaissent les paramètres, vous allez automatiquement les deviner.

Les appareils photos résument bien l’état de la technologie actuelle. Ils multiplient les possibilités, mais rendent compliqué l’accès à certaines fonctions élémentaires. Jadis, on pouvait modifier l’entrée de lumière ou la vitesse d’obturation en tournant une roulette. Maintenant il faut chercher ces fonctions quelque part dans les menus.

Un exercice darwinien d’adaptation, voilà ce à quoi nous convie l’électronique. Apprendre et réapprendre sans cesse.

Heureusement, la technologie sait nous récompenser de nos efforts.

On peut maintenant dialoguer avec son iPhone. Lui poser des questions comme « Où se trouve la pharmacie la plus proche? » Ou encore lui donner des ordres : « Ouvre le dictaphone. » Et c’est fait.

Mon téléphone m’a fait découvrir un optométriste dont j’avais oublié l’existence. J’y ai acheté mes nouvelles lunettes.

Certaines personnes s’amusent à entretenir des dialogues farfelus avec leur téléphone. Celui-ci est programmé pour donner des réponses précises et réagir aux obscénités, par exemple. Mais ces dialogues ne demeureront pas rudimentaires bien longtemps, avec l’expansion exponentielle des capacités électroniques.

Lorsque les conversations deviendront plus complexes, ces appareils pourraient-ils finir par remplacer les humains? Certains individus asociaux en viendront-ils à les voir comme de véritables amis et à limiter leurs rapports avec leur cell?

Je me suis amusé à essayer d’imaginer où nous en serions dans dix ou quinze ans. Y aura-t-il encore des caissiers dans les cinémas, les épiceries? Des appareils feront-ils le ménage dans nos maisons? On commence à parler d’automobiles qui se conduiront toutes seules… Ce serait une bénédiction dans bien des cas, surtout au Québec…

Se projeter dans le futur devient étourdissant.

Vous lirez avec intérêt : les informaticiens et le français.

Encore un roman?

Encore un roman? Mais vous êtes complètement fou, Mortimer!

Dans les articles précédents, je relatais les affres de l’écriture. Ce bonheur suprême transformé en supplice de la goutte. Un récit qui évolue en méandres capricieux, contre le gré de l’auteur. Ces idées de génie tombées du ciel mais qui mènent à des impasses. Les multiples contradictions qui surgissent en cours de route, sans oublier les anachronismes insidieux rattrapés à la toute dernière lecture, juste avant d’aller présenter notre opus à un éditeur…

Les personnages envahissants qui réorientent toute l’histoire, et ce plan jamais tout à fait respecté, ne sont rien quand on les compare aux doutes et remises en question douloureuses qui assaillent l’auteur.

Le prix de ce labeur étant des lettres de refus polies.

L’auteur qui persévère pourrait se faire traiter de cinglé. Cette épithète est une litote.

Car le feu de la création peut être ramené à des braises apparemment refroidies. C’est fini, l’incendie est éteint et seuls persistent les relents de la combustion, celle des cellules cervicales.

Pourtant, le brasier reprend. En fait, il couve depuis des mois, voire des années. Il s’alimente de vagues projets esquissés sous la forme de quelques notes innocentes enfouies dans une chemise, tout en dessous de la pile.

Naïf, l’auteur n’a pas encore achevé le projet sur lequel il s’esquinte depuis des années, mais s’imagine que les quelques idées qui dorment sur sa table de travail seraient bien plus faciles à concrétiser.

Cette fois-ci, ce ne sera pas un bourbier. Tout est clair, tout est simple. Ça va aller tout seul.

Il oublie qu’il avait les mêmes impressions quand il a entrepris la rédaction de son roman…

Le second opus est déjà amorcé, de la main gauche; le synopsis est écrit, quelques chapitres ont été rédigés quand le premier projet était remis en question.

À présent, il attend la réponse des derniers éditeurs, se promettant de tirer un trait sur le premier roman, après des années de labeur. Sans trop de conviction, il reprend le deuxième projet.

Mais cette fois-ci, il sait ce qui l’attend : pannes d’inspiration, le goût de tout balancer au panier, les appréhensions quant au jugement des éditeurs, des critiques s’il est publié. Il sait que certains personnages vont flipper, tandis que d’autres vont flopper… Aux passages à vide succéderont les épisodes d’hyperactivité…

Pourtant, d’immenses surprises l’attendent.

Pour se remettre dans le bain, il relit la centaine de pages déjà écrites. Il est rassuré : tout se tient. En plus, il est en vacances. Il peut donc enfin consacrer deux ou trois heures quotidiennes à l’écriture. Les astres sont alignés.

Première constatation : les idées sont claires. L’impression de filer comme un train express. Les éléments du récit s’emboîtent comme par magie, le train s’emballe, l’auteur aussi. Wagon tiré par la locomotive de l’inspiration, le voilà débordé.

Le roman s’écrit tout seul. Il fonce comme une flèche vers sa destination. Le transsibérien ne déraille pas; les arrêts en gare sont rares. Les doutes qui l’assaillaient dans le premier livre sont choses du passé. Le récit est tellement limpide qu’il n’y a plus d’hésitation.

L’auteur est tout aussi conscient des failles de son histoire et de ses personnages, mais il ne s’en formalise pas. Après tout, un premier jet est un premier jet. Et déjà, des chapitres imprévus s’insinuent dans la trame rectiligne du récit et donnent plus de consistance aux personnages.

Sidéré, l’auteur constate que les ajouts inévitables des versions subséquentes s’imposent déjà à son esprit dès le premier jet. Le récit commence à s’approfondir. On dirait un prématuré qui veut à tout prix sortir du ventre de la mère.

Le démon tyrannique de l’inspiration finit par ralentir la course folle du train. Il doit à présent emprunter quelques voies secondaires pour étoffer une histoire de moins en moins esquissée. Dans la tête de l’auteur, les détails se bousculent. Il jette des tonnes de notes sur sa tablette papier et les transcrit dès aussitôt en langage romanesque.

Le premier jet est un peu le deuxième.

Que s’est-il donc passé? Le plumitif est une chrysalide qui se mue en auteur expérimenté. Il sait. Le premier jet sera plein de failles; il ne s’en émeut plus. Les autres permettront de dégrossir certains personnages, tandis que le récit s’affinera. On ne peut y arriver du premier coup.

Mais il y a aussi ce temps précieux dilapidé ailleurs. L’été est un moment de grâce. L’auteur s’installe dans son jardin et tape sans relâche, voyant son imaginaire s’aligner en petits caractères malins sur son écran. Et il se livrera à sa passion demain, et après-demain… Tout est tellement plus facile. Il rêve à sa retraite et imagine les piles de romans qu’il pourra enfin écrire. L’un d’entre eux sera publié, c’est certain.

Douce folie.

Parti de Vladivostok, le transsibérien traverse à toute allure les steppes de la Sibérie et finira bien par arriver à Istanbul.

 

Chapitre

On parle beaucoup de la résurrection du groupe de motards criminalisé des Hells Angels. Leur apparition dans certaines régions a suscité un certain émoi.

Les médias ont souligné la création de chapitres du groupe un peu partout au Québec. Dans ce contexte, le mot chapitre est un anglicisme. Il serait plus exact de parler de sections du groupe de motards.

Pour ce qui est du mot chapitre, on s’en tiendra à la définition de l’Office québécois de la langue française : « Division numérotée ou titrée d’un document écrit, qui se suffit généralement à elle-même mais qui est en relation avec les divisions qui la suivent ou qui la précèdent. »

Garder en tête que ce mot ne prend pas l’accent circonflexe.

Être en élection

Le premier ministre l’a annoncé le dimanche 2 août,  le Canada est en élection. C’est exact sur le plan politique mais erroné sur le plan linguistique.

L’expression «être en élection» semble provenir de l’anglais to be in election mode. On entend parfois que le Canada est en mode électoral. Quant à «être en élection», elle pourrait être un raccourci pour «être en mode électoral».

Chose certaine, les dictionnaires français ne mentionnent pas les deux expressions précitées. Il convient donc de s’en méfier.

Il serait plus exact de dire que le Canada va aux urnes. Ou encore que des élections ont été déclenchées au Canada.

Les politiciens seront en campagne pour les 78 prochains jours. Où est l’erreur, cette fois-ci? Certains condamneront politiciens, anglicisme passé en français, mais dont le sens original était péjoratif. L’adjectif a toujours une connotation négative, notamment dans l’expression des promesses de politicien; une réponse de politicien.

Toutefois, le terme politicien a été neutralisé pour désigner toute personne qui fait de la politique. En France on désigne ce genre de personne sous le nom de politique. Par exemple : «Les politiques sont alarmés par la montée du terrorisme.» Cet usage est moins répandu au Canada.

Les politiciens sont bel et bien en campagne. Cette expression est souvent confondue avec à la campagne. On va à la campagne pour y respirer le bon air, mais on ne peut aller en campagne uniquement qui si on part faire la guerre ou si on participe à une campagne électorale.

Dans un article précédent, j’analyse l’anglicisme aller en élection.