Racisme

On parle beaucoup du racisme, en bonne partie à cause du meurtre ignoble de Goerge Floyd aux États-Unis. Il est évident que dans ce pays les Noirs sont racisés.

Racisés ou racialisés? Là est la question, comme dirait l’autre.

Commençons par démêler les deux termes. La Ligue des droits et libertés pas plus que Termium ne fait de différence. Dans les deux cas, on renvoie à des personnes ayant subi de la racisation. On aurait pu dire de la racialisation. Tous ces mots sont de beaux néologismes signalant l’évolution de la langue.

Néologismes vraiment? Le Petit Robert nous apprend que le mot racisé existe depuis au moins 1907… La définition est claire :

Personne touchée par le racisme, la discrimination.

Assez curieusement, le mot racisé ne figure pas dans le Petit Larousse. Néanmoins, un exemple intéressant de mot revenu en force tout simplement parce qu’il n’a pas perdu sa pertinence.

Dans l’usage courant, il est clair que personnes racisées et racisation ont la cote. Ces deux dérivent d’ailleurs du mot race et sont liés au racisme, sur lequel je reviens en fin de billet.

La notion de race

La Ligue relève la confusion que sème dans bien des esprits la notion de race.

Notons que, les « races » et les groupes dits « raciaux » ou « ethniques » sont souvent un mélange des genres : on les invoquera ou les supposera en parlant par exemple de musulman-e ou de Juif, juive (religion), de Noir-e (couleur de peau), d’Arabe (langue) ou d’Asiatique (continent).

Cette précision est importante, car assimiler les Noirs ou les Arabes à une race constitue une erreur; de la même manière on ne peut prétendre que l’islam est une race.

Soit dit en passant, le Larousse prend ses distances avec le mot race dans la définition qu’il donne du racisme :

Idéologie fondée sur la croyance qu’il existe une hiérarchie entre les groupes humains, les « races » ; comportement inspiré par cette idéologie.

Le plus grand respect accordé aux membres de minorités ethniques et sexuelles a entraîné une mutation du vocabulaire.

La notion de race a d’ailleurs cédé le pas à celle d’ethnie, dans la mesure où l’on peut considérer qu’il n’y a qu’une seule race humaine, et non plusieurs comme on le soutenait jadis. De toute manière, cette question relève davantage de l’anthropologie que de la linguistique.

Une nation se compose souvent de plusieurs ethnies, qu’on pourrait à la rigueur appeler « peuples ». Par exemple, la Grande-Bretagne comporte les ethnies suivantes : Anglais, Écossais, Gallois. Ce ne sont évidemment pas des races.

Raciste

Tout d’abord, ne pas confondre avec racial : relatif à la race. Est raciste une personne qui pratique le racisme. Selon le Larousse, le racisme c’est :

Idéologie fondée sur la croyance qu’il existe une hiérarchie entre les groupes humains, les « races » ; comportement inspiré par cette idéologie.

L’exemple le plus percutant est celui de l’Allemagne nazie qui a mis en place une hiérarchisation des peuples, certains étant considérés supérieurs et d’autres inférieurs. On peut aussi penser à la Chine d’aujourd’hui qui est en train de détruire les peuples Tibétains et Ouïghours. Voilà de beaux exemples de populations racisées.

Sino

On parle beaucoup de la Chine ces temps-ci et on peut prévoir que certaines expressions apparaîtront quant aux rapports aussi bien conflictuels que commerciaux qu’entretient le régime de Pékin avec le reste de la planète. Certaines expressions seront peut-être formées à partir du préfixe sino.

Ce préfixe vient du latin médiéval Sina, qui signifie Chine. Un certain nombre de mots et d’expressions comportent ce préfixe pour indiquer qu’elles sont liées à l’Empire du Milieu.

La sinologie est l’étude de la langue, de la civilisation et de l’histoire de la Chine. Un spécialiste de ce pays est un sinologue. Le préfixe en l’objet a amené le verbe siniser qui, on l’aura deviné, a le sens de rendre chinoise la culture d’un pays. D’ailleurs, l’anglais possède un verbe semblable : sinicize.

Dans le même optique, il sera logique de dire qu’une personne pouvant s’exprimer en chinois est un sinophone.

Le préfixe sino a déjà servi à former des expressions composées, comme le conflit sino-soviétique, dans les années 1960, à l’époque où la Chine et l’Union soviétique ne s’entendaient pas sur la manière de construire le socialisme.

Dans la même veine, on peut parler des relations sino-canadiennes qui sont particulièrement tendues à cause de l’arrestation de Meng Wanzhou au Canada et de la prise en otage subséquente par le régime de communiste des deux Canadiens Michael Spavor et Michael Kovrig. Cette expression est un synonyme (sinonyme?) commode de relations entre la Chine et le Canada. Bien sûr, il sera toujours possible de parler des relations canado-chinoises.

L’émergence de la Chine comme puissance commerciale ainsi que sa diplomatie brutale a entraîné une réponse occidentale dont le leadership est assumé par les États-Unis. On parlera sûrement du conflit sino-américain, si la situation continue de s’envenimer.

Pékin ou Beijing?

La dénomination à employer en français pour désigner la capitale chinoise fait toujours l’objet de discussions, bien que l’usage semble avoir tranché. Lire mon article à ce sujet.

D’autres préfixes…

Certains préfixes particuliers sont employés pour la Grèce, l’Espagne, la Hongrie… À vous de les découvrir dans cet autre article.

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André Racicot vient de faire paraître un ouvrage Plaidoyer pour une réforme du français.  Ce livre accessible à tous est la somme de ses réflexions sur l’histoire et l’évolution de la langue française. L’auteur y met en lumière les trop nombreuses complexités inutiles du français, qui gagnerait à se simplifier sans pour autant devenir simplet. Un ouvrage stimulant et instructif qui vous surprendra.

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Féminicide

La langue française ne cesse d’évoluer et les néologismes viennent l’enrichir. Le mot féminicide commence à se propager dans nos médias notamment à cause du meurtre récent au Québec de nombreuses femmes, victimes d’un conjoint dominateur.

Ces assassinats étaient jadis qualifiés de « drame familial », « drame conjugal » ou de « crime passionnel » dans les médias. Heureusement, la terminologie a évolué car ces expressions étaient grossièrement inexactes.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la situation s’envenime. L’Observatoire canadien du féminicide estime que 160 Canadiennes ont été victimes de féminicide en 2020, ce qui signifie qu’une femme est assassinée aux deux jours. À ce sujet, je vous conseille de lire la chronique de Francine Pelletier dans Le Devoir.

Un néologisme bienvenu

C’est clair, féminicide est un néologisme de bon aloi, comme on disait jadis. Il est logique et respecte les règles du français en plus de décrire parfaitement la situation.

Selon Wikipédia, le terme serait apparu à la fin du XIXe siècle. Il est calqué sur le mot homicide. En anglais, femicide est aussi apparu auXIXe siècle. Sa définition est la même qu’en français : le meurtre d’une femme à cause de son genre.

On peut le qualifier de néologisme parce que sa diffusion dans les médias est plutôt récente. Bien entendu, le phénomène existe depuis très longtemps; certaines sociétés et certaines religions véhiculent la notion de « crime d’honneur », qui touche surtout les femmes, particulièrement celles qui cherchent à s’émanciper de la tutelle des hommes.

Il était donc temps que le meurtre des femmes soit qualifié correctement.

D’autres néologismes…

Le mot féminicide brille de tous ses feux quand on le compare à d’autres tentatives de modernisation du français, sous l’influence de la rectitude politique. On a qu’à penser aux sourds et aux aveugles devenus des malentendants et des malvoyants, mots imprécis qui peuvent aussi bien désigner les personnes partiellement ou totalement sourdes ou aveugles. À mon sens, ce n’est pas un progrès d’utiliser ces expressions.

J’en ai parlé dans un billet précédent, le remplacement du mot étranger par international amène son lot d’imprécisions et d’absurdités, comme en témoigne l’expression étudiants internationaux, hélas largement utilisée.

Autre raison de saluer féminicide, en souhaitant que ce terme devienne un jour désuet.

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Téléjournal et publicité

Vous avez marre de la pub envahissante au Téléjournal de Radio-Canada? Voici la lettre que j’ai fait parvenir au ministre du Patrimoine canadien, Steven Guilbault.

Je vous écris pour porter plainte au sujet de la publicité de plus en plus envahissante qui saccage le Téléjournal de 22 heures, à Radio-Canada. Lors de l’émission du 22 mars, j’ai recensé 39 annonces en une heure. Ce qui signifie qu’environ 195 publicités sont diffusées pendant la semaine, sans compter celles de la fin de semaine. Vous conviendrez que c’est énorme.

Je m’ennuie énormément de cette belle époque, il y a une quinzaine d’années, où Bernard Derome animait un Téléjournal d’une heure, sans AUCUNE publicité. Malheureusement, Radio-Canada étant dramatiquement sous-financé, on a décidé d’insérer des pubs dans les bulletins de nouvelles. Au départ, les messages étaient plutôt discrets, mais ils ont depuis envahi le bulletin, surtout vers la fin, où chaque reportage est suivi d’un lot de pubs. Environ un quart de l’émission, sinon plus, passe en publicité. Le Téléjournal est devenu une sorte de fanfare publicitaire; il n’est presque plus écoutable.

Comment se fait-il que le Canada, un pays riche membre du G7, n’est pas capable d’offrir un Téléjournal exempt de publicité?

Des pays comme la France et la Grande-Bretagne, qui sont plus endettés que le Canada, le font. Le déficit et la pandémie ne sont pas des raisons valables pour ne pas agir. Comme le précise un rapport diffusé par Radio-Canada, le Canada arrive au 16e rang des 18 grands pays occidentaux pour le financement accordé à la radiodiffusion publique. C’est honteux.

Monsieur le Ministre, vous avez le pouvoir de mettre fin à cette situation qui ne cesse de se détériorer depuis quelques années. Les Canadiens méritent mieux qu’un Téléjournal qui n’est plus que l’ombre de lui-même.

Chirurgical

La notion d’attaque chirurgicale est apparue lors de la Guerre du Golfe en 1991. Cette expression n’est rien d’autre qu’un artifice de propagande visant à faire croire que ces attaques de haute précision épargnaient miraculeusement les civils.

Le terme venait bien de l’armée américaine et il s’est infiltré dans la langue française, au point de trouver sa place dans Le Petit Robert : « Attaque, frappe chirurgicale, d’une extrême précision. »

Le contexte est militaire, certes, mais le terme en l’objet a rapidement débordé dans d’autres domaines, particulièrement lorsqu’il est question de précision. Quelques exemples glanés dans le Web :

Ce cas montre bien que si on comprend les mécanismes du cerveau, on peut intervenir en thérapie avec une précision chirurgicale.

Des centaines de robots travaillent avec une précision chirurgicale : ils mettent en place les différentes pièces de tôlerie.

Des palettes localisées derrière le volant, et qui permettent des changements de rapports d‘une précision chirurgicale.

Le mot « chirurgical » est évocateur : on voit tout de suite le médecin qui manie le scalpel avec grand doigté, cherchant à épargner les tissus sains. Cette expression est reportée à des frappes militaires censées obtenir le même résultat, comme je l’ai dit.

Il n’en demeure pas moins que l’expression vient de la langue états-unienne et que bien des langagiers voudront la contourner. Alors, que dire?

En paraphrasant le Robert : d’une extrême précision, d’une grande précision; des mesures (très) ciblées, ultra précises; bien centrées, des mesures focalisées. Et pourquoi pas « des mesures qui s’attaquent directement au problème »? Je sais, le mot tabou problème vient d’être prononcé… Pour une fois, épargnons-nous ces ridicules enjeux

Comme on le voit, ce n’est pas une opération bien compliquée d’éviter le mot « chirurgical ».

Prochain article : le Téléjournal de Radio-Canada, massacré par les publicités envahissantes.

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Téléjournal

Petit intermède de douce moquerie sur les tics langagiers qui fleurissent dans les médias. Combien en voyez-vous dans ce texte fantaisiste, mais pas si loin de la réalité?

L’envoi de vaccins est un enjeu significatif dans cette course contre les variants du coronavirus. Les autorités ont en effet eu des problématiques avec l’approvisionnement venant d’Europe et les délais font en sorte que le calendrier de vaccination risque de ne pas être respecté.

Clip d’un responsable gouvernemental : « C’est évident qu’à ce moment-ci, nous ne pouvons rencontrer nos échéances. C’est définitivement un défi qui nous interpelle. »  Question du journaliste : Pourquoi au juste? Réponse : « Parce que plus de monde va tomber malade éventuellement. » 

C’est tout un enjeu pour le gouvernement et l’impact de ces délais pourrait faire la différence. Notre correspondant Christian Lalancette, basé à Trois-Rivières, est allé voir comment se déroule la vaccination là-bas. Bon matin Christian :

La mairie suit la situation sur une base régulière pour faire en sorte que les impacts ne soient pas trop importants dans la Mauricie. Pourtant les arrivages arrivent à temps à toutes fins utiles et les Trifluviens affluent aux centres de vaccination.

Images d’aiguilles que l’on prépare suivie de quatre scènes d’injection dans l’épaule en gros plan.

Les vaccinés sont interviewés à la caméra.

– Y’était temps que ça arrive.

– On va pouvoir sortir!

– Mon mari est contre, pis moi je viens pareil.

Vieille dame en chaise roulante : « C’est ma fille qui m’amène. »

Les responsables de la Ville ont été rencontrés par des représentants fédéraux et disent qu’ils voient la lumière au bout du tunnel. Beaucoup de gens se font dépister, également.

Le maire de la ville, Lucien Laurier, souligne qu’un nombre historique de citoyens ont été vaccinés aujourd’hui, plus de 5 000, un record absolu et jamais égalé.

L’animateur : on va continuer de suivre ça… Merci Christian. En terminant, une histoire incroyable de girafe qui a accouché d’un rhinocéros… Après la pause.

Une douzaine de spots publicitaires explosent à l’écran, dont deux qui se répètent. Le rythme de l’émission est complètement brisé. Pseudo-reportage qui reprend les grandes lignes d’une émission d’affaires publiques diffusée plus tard en semaine. Douze autres annonces. Arrive le reportage sur la girafe.

Bon matin tout le monde…

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Muséum

Le Museum d’Histoire naturelle de Paris était jadis appelé le Jardins des Plantes. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le mot muséum n’est pas un autre emprunt à l’anglais; le mot vient du latin.

Il fait figure d’incongruité dans le paysage du français, car il n’est utilisé que pour désigner les musées d’histoire naturelle. L’exception étonne. Car les autres institutions du genre reçoivent l’appellation de musée, par exemple, le Musée des sciences et de la technologie ou le Musée canadien de la nature.

La majuscule

Le Museum d’Histoire naturelle est une curiosité à un autre égard : par l’utilisation de la majuscule, et ce, deux fois plutôt qu’une!

Les règles de typographie du français en ce qui a trait aux majuscules sont alambiquées et inutilement compliquées. Voir mon article à ce sujet. En Europe, on écrit musée avec la minuscule initiale et c’est l’élément déterminatif qui prend la majuscule. Ce qui donne :

Le musée du Louvre

Le musée des Offices

Curieusement, on fait exception pour le Museum d’Histoire naturelle dont le générique reçoit la majuscule, tout comme le déterminatif Histoire naturelle.

Appellations administratives

Normalement, ce genre d’appellation suit le modèle très simple qui coiffe de la majuscule initiale l’élément générique du début de l’appellation : la Direction des communications. Pour des raisons incompréhensibles, le nom des musées suit la logique inverse… sauf pour notre Museum d’Histoire naturelle.

Au Canada, on a renoncé à cet illogisme et toutes les appellations muséales prennent la majuscule initiale à l’élément générique, par exemple le Musée des beaux-arts de Montréal, et non le musée des Beaux-Arts.

Lueur d’espoir? Toujours est-il que les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique étalent une triple majuscule! C’est exactement le genre de graphie que je préconise dans mon ouvrage Plaidoyer pour une réforme du français, paru aux éditions Crescendo.

Le français distribue ses majuscules comme un avare ses deniers. Il est temps que cela change.

Abolir la monarchie?

La reine Élisabeth vient de rendre l’âme et sa disparition a immédiatement suscité un débat sur la place de la monarchie au Canada. Beaucoup réclament la fin du lien avec la monarchie britannique, mais peu s’entendent sur le type de régime que le Canada pourrait adopter par la suite. Quel chef d’État pourrait avoir le Canada?

Essayons de mettre un peu d’ordre dans tout cela.

Abolir la monarchie au Canada?

La question demeure controversée au Canada anglais, bien qu’un nombre croissant de nos voisins estiment que la monarchie constitutionnelle au Canada est quelque peu dépassée. Bien entendu, la réaction est tout autre au Québec, car les habitants ont bien du mal à s’identifier à Charles III, le britannique.

La vraie question à se poser est la suivante : est-il possible d’abolir la monarchie au Canada?

L’ennui, c’est que même un consensus d’un océan à l’autre sur la nécessité d’en finir avec la Couronne britannique ne suffirait pas. En effet, conformément à la Loi constitutionnelle de 1982, il faut que les dix provinces canadiennes ainsi que les deux chambres du Parlement donnent leur accord pour que le Canada devienne une république. On conviendra qu’une pareille situation est hautement improbable à moins qu’on découvre soudain que la famille royale est composée de pédophiles satanistes…

La nécessité d’avoir un chef d’État

Tous les États, quels qu’ils soient, démocraties ou autocraties, ont besoin d’un chef pour sanctionner les lois, accepter les lettres officielles des ambassadeurs étrangers et se charger de diverses tâches officielles. Le président de la République, le roi, l’empereur, etc. doivent aussi participer à toute une ribambelle de cérémonies protocolaires ennuyeuses. Parlez-en à Julie Payette…

Dans beaucoup de pays, les rôles de chef d’État et de chef de gouvernement sont distincts, justement parce que leur cumul est exigeant. Les fonctions les plus protocolaires échoient à une personne ne jouant aucun rôle politique, sauf dans certaines situations. Cette division des tâches permet à la personne dirigeant le gouvernement de se consacrer entièrement à son travail.

Dans une monarchie, le souverain s’occupe des tâches protocolaires. Des pays comme la Grande-Bretagne, la Norvège, les Pays-Bas, le Japon, la Thaïlande, l’Espagne, etc. sont des monarchies.

Les républiques les plus connues sont les États-Unis, la France, l’Allemagne, l’Italie, Israël, l’Argentine, la Russie, etc.

Une république? Puis après?

Le fait de transformer le Canada en république n’est pas la panacée qu’on imagine. Sorry to be positive about that.

Les fonctions protocolaires ne disparaissent pas avec la monarchie. Même si le Canada arrivait à rompre avec les Windsor, il devrait se choisir un chef d’État pour les raisons exposées ci-dessus. Ce chef pourrait être :

  1. Le premier ministre
  2. Une personne désignée par le premier ministre
  3. Une personne choisie par le Parlement
  4. Une personne choisie par une assemblée spéciale
  5. Une personne élue par la population

Examinons ces options. La première a peu de chance d’être adoptée, le premier ministre étant déjà suffisamment occupé.

Actuellement, le gouverneur général est nommé par le roi sur proposition du premier ministre (option 2). Par conséquent, il n’y aurait pas de changement avec le gouverneur général… Belle affaire!

Les options 3 et 4 sont celles retenues par beaucoup de pays. En Allemagne, par exemple, le président est désigné par l’Assemblée fédérale, qui regroupe des députés et des représentants des Länder, les États fédératifs allemands. Un ancien politicien respecté de tous est souvent choisi par cette assemblée.

Les pays cherchent en effet des personnes qui pourront, le cas échéant, jouer le rôle d’arbitre ou de conciliateur impartial en cas de conflit politique aigu entre les partis. Soit dit en passant, c’est exactement le rôle que joue le gouverneur général.

Quant à l’option 5, elle comporte des risques. Une personne élue par la population pourrait finir par avoir plus de légitimité que le premier ministre lui-même. Ce dernier est le chef du parti majoritaire, certes, mais il n’est pas élu directement par la population à ce titre. D’ailleurs, si son parti choisit de l’évincer, son successeur sera désigné par le cabinet ministériel, soit une trentaine de personne.

L’élection directe par la population de l’éventuel président ou gouverneur du Canada pourrait donner lieu à une sorte de surenchère politique, le candidat élu pouvant venir d’un parti d’opposition, aussi bien que des rangs populistes. En fin de compte, l’élection du chef d’État pourrait devenir une joute politique, voire une foire d’empoigne, alors qu’il s’agirait de choisir de choisir un gouverneur/président n’ayant pas plus de pouvoir que le gouverneur général actuel.

Le gouverneur général

La controverse entourant le départ de Julie Payette a relancé le débat sur l’utilité du gouverneur général. Pour beaucoup, cette fonction représente une dépense inutile et mieux vaudrait la faire passer par la trappe.

On voit tout de suite que les personnes préconisant cette solution ne connaissent rien au régime constitutionnel canadien.

Or le Canada ne peut faire partie du Commonwealth sans que son chef d’État ne relève de la Couronne britannique. Et, comme nous venons de le voir, le poste de chef d’État est indispensable.

Donc, que ça nous plaise ou non, le Canada continuera d’avoir le roi de Grande-Bretagne comme chef d’État, tant et aussi longtemps qu’il demeurera une monarchie constitutionnelle. Ce qui signifie qu’un gouverneur général sera toujours dans le paysage pour assumer des fonctions protocolaires dont le roi ne peut se charger, étant chef d’État d’une quinzaine de pays.

Remplacer Charles III par une autre personne n’est donc pas si simple que cela. Un débat national reste à faire.

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Rangoun

On disait Birmanie, on dit maintenant Myanmar. L’ancienne capitale s’appelle Rangoun, jadis orthographiée Rangoon. Mais certains écrivent Yangon. Pourquoi tous ces noms?

Dès que l’on traite de la Birmanie, la question de la traduction des exonymes reprend le devant de la scène. Faut-il traduire en français le nom des pays, villes et régions de l’étranger? J’ai traité de cette problématique dans plusieurs articles.

La Birmanie a été sous domination britannique de sorte que les noms de lieux ont été énoncés à l’anglaise. Ainsi en va-t-il de l’ancienne capitale et métropole Rangoon, dont l’orthographe a été francisée : Rangoun. Cette appellation dérive du birman Yangoun.

Myanmar et Yangon

Les ouvrages français retiennent l’exonyme traditionnel de Birmanie. Toutefois, l’appellation Myanmar, et son gentilé Myanmarais, ont fait une percée dans la presse écrite française. Les journaux canadiens favorisent Myanmar.

Mais la situation est tout autre quand il s’agit de l’ancienne capitale, le terme Yangon – nom officiel de la ville depuis 1989 – se faisant rare. C’est donc dire que les médias francophones font cohabiter l’appellation traditionnelle Rangoun tantôt avec Birmanie et tantôt avec Myanmar.

Il est clair qu’encore une fois le français penche vers un certain conservatisme.

Il me semble que pour être le moindrement logique, il conviendrait soit d’utiliser les deux appellations traditionnelles Birmanie-Rangoun soit les deux plus récentes Myanmar-Yangon.

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Le français au Québec et en France

En lisant mon fil Twitter, j’ai fait une constatation stupéfiante : des Québécois estiment qu’ils parlent mieux leur langue que les Français eux-mêmes!

Cette affirmation farfelue peut s’expliquer en partie par une ignorance crasse et par cette relation troublée d’amour-haine envers la mère patrie.

Dans plusieurs billets, j’ai reproché aux Français leur fascination infantile à la fois pour la langue américaine et pour cette nation phare qu’ils appellent « Amérique », c’est-à-dire les États-Unis. Ces commentaires ont pu laisser croire que je partageais cette vision négative de la France si courante au Québec, alors qu’il n’en est rien.

Une grande nation

S’en prendre systématiquement et aveuglément à la France, c’est renier sa propre mère. Je suis fier d’être un descendant de la France. Si cette dernière offrait la possibilité d’obtenir la double citoyenneté canadienne et française, sans devoir immigrer, je serais le premier à présenter une demande.

Les Français semblent l’oublier, mais ils possèdent une culture admirée partout dans le monde. D’ailleurs, la France est le pays le plus visité dans le monde et ce n’est pas uniquement à cause des vins et des fromages! La société française est extraordinairement raffinée. Que l’on pense à la littérature, l’architecture, la peinture, la mode ou le design.

Les Français ont du panache, ils sont fiers et cocardiers. Qui oserait le leur reprocher?

D’où l’étonnement que suscite au Québec leur fascination pour la langue anglaise.

Les anglicismes en France

La dénonciation des anglicismes qui pullulent en France fait consensus au Québec. Il est de bon ton de rapporter chaque nouvelle importation du vocabulaire américain dans la littérature aussi bien que dans les médias. Les moqueries fusent quant aux prononciations fantaisistes des termes anglais entendus à la télévision française. Comme dirait le loustic, c’est voir la paille dans l’œil du voisin en oubliant le poteau d’Hydro-Québec qui est planté de notre œil à nous.

En réalité, l’anglicisation du Québec est beaucoup plus profonde que celle de la France.

Disons-le clairement, les Français ont une bien meilleure maîtrise de notre langue, en dépit de leurs petites escapades anglophiles. Les Français parlent une langue fluide ; le vocabulaire est précis et nuancé, les phrases s’enchaînent sans heurt. Ils sont diserts au point d’en étourdir les Québécois.

Une telle aisance avec la langue se voit rarement au Québec. Adresser des reproches aux Français, qui parleraient moins bien que nous parce qu’ils disent parking ou week-end, relève du plus haut ridicule.

Le français au Québec

La situation est beaucoup plus préoccupante au Québec, car non seulement on y voit des emprunts lexicaux – souvent différents de ceux des Français – mais aussi des calques sémantiques et syntaxiques, eux bien plus insidieux. La menace est là.

Nous parlons une sorte de charabia franco-anglais que certains voudraient élever au rang de langue nationale. Un charabia au vocabulaire étriqué, ponctué d’anglicismes, d’impropriétés de toutes sortes. Une syntaxe bancale, comme une vieille bâtisse vermoulue sur le point de s’écrouler.

« La fille que je sors avec. »

« L’enjeu qu’il est question. »

Au Québec, le délabrement de la langue s’observe dans toutes les sphères de la société : parler mal n’est pas l’apanage des classes populaires, des gens moins instruits. Des professeurs d’université, des avocats, des gens d’affaires, des journalistes et des politiciens s’expriment atrocement mal. Pas tous, mais un grand nombre d’entre eux.

Le charabiamédia

À cela s’ajoute le charabia distillé par les médias; du kérosène lancé par des étourdis dans un brasier. Un exemple puisé dans un journal d’Ottawa : « Le conseiller municipal compte apporter l’item à la prochaine réunion du conseil. » Tout le monde a compris? Bring the item : soulever la question.

Vous en voulez d’autres?

« Le ministre n’a pas voulu se commettre. » – Il n’a pas voulu s’engager.

« La députée siège sur un comité. » – Elle siège à un comité.

« Le conseil scolaire est imputable de l’éclosion. » – Il est responsable.

Je pourrais en écrire des pages et des pages.

Certains mots sont tellement influencés par l’anglais, qu’il devient impossible d’en extraire le véritable sens français, tant l’usage est devenu confus. Par exemple le mot délai (échéance à respecter) est confondu avec le delay anglais (retard). Certaines phrases deviennent incompréhensibles si on ne parle pas anglais.

« Il y a eu de nombreux délais à l’aéroport. Cette grève pourrait occasionner des délais dans la livraison du programme (sic). »

Idem pour éventuellement (peut-être), confondu avec le sens anglais de « par la suite, finalement ».

Trop souvent, les médias québécois et canadiens-français contribuent à propager des fautes de langue qui, dans l’esprit populaire, sont frappées du sceau de l’acceptabilité, puisqu’on les entend partout sur nos ondes.

Cet amour-haine envers notre propre langue

Des commentateurs comme moi suscitent le mépris chez bon nombre de Québécois. Nous sommes des puristes, des chiens dans un jeu de quilles.

Car les Québécois cultivent une ambivalence troublante envers leur propre langue. Nous parlons la langue de nos ancêtres et de la mère patrie qui nous a abandonnés à la Grande-Bretagne en 1763 pour ensuite nous oublier complètement pendant 200 ans. Derrière la langue française se cache un ressentiment profond envers la France, ce qui mène à des situations absurdes.

Incroyable mais vrai, parler correctement, sans affectation, est mal vu. On se fait reprocher de parler comme des Français, des gens suffisants par définition. L’érudition suscite la méfiance, trop souvent.

Cette étrange attitude s’abreuve à un climat d’anti-intellectualisme typique en Amérique du Nord. Si les présidents français se font une gloire de discuter de littérature, d’écrire eux-mêmes leurs livres et de faire construire une grande bibliothèque pour les générations futures, notre premier ministre François Legault se fait reprocher de lire des livres québécois avant d’aller au lit! Des contempteurs de toute forme de culture lui ont dit d’arrêter de perdre son temps ainsi et d’administrer le Québec. Aliénation est un mot qui trouve tout son sens au Québec et au Canada français.

En fait, les leaders politiques québécois se gardent bien de parler de leurs goûts littéraires, de peur d’être accusés de snobisme. Les Québécois, contrairement aux Français, manquent d’assurance. Toute personne un peu trop sûre d’elle-même dérange. On préfère le nivellement par le bas, d’où cette tendance pour des gens plus instruits à parler comme des prolétaires pour se faire accepter par tout le monde.

À l’université, on m’a reproché de ne pas jurer à chaque phrase, comme beaucoup de Québécois le font, qu’ils soient instruits ou pas. Ces jurons à connotation religieuse amusent les Français, mais ils témoignent à leur tour du délabrement de la langue. Que bien des gens de tous les milieux ponctuent leurs phrases de jurons, pour étoffer leur discours, est désolant. Un peu comme si des Français glissaient des « Nom de Dieu » et des « putain » tout au long de leur discours. Certains Québécois se font une gloire de parler ainsi. Leur vulgarité les dédouane de toute accusation de snobisme. Autrement, ils pourraient passer pour des « maudits Français ».

L’écrivaine et journaliste Denise Bombardier est appréciée en France. Au Québec, elle est l’objet d’une haine sans retenue. Certes, son attitude est cassante. Mais, surtout, elle parle un français châtié et elle a étudié à Paris, comble de malheur. Bien des lecteurs lui disent d’aller vivre en France, si elle n’est pas contente.

Malgré ses attitudes clivantes, il me semble qu’on devrait l’admirer. Elle est l’une des rares Québécoises à être publiée en France. Une honte?

Conclusion

Le Québécois est donc un être aussi paradoxal que tourmenté. Il dit chérir le français mais est profondément agacé quand on lui signale ses fautes, arguant que « c’est pas important, tout le monde comprend. »

Et des fautes il y en a partout, partout, partout dans les affichages, les petites annonces en ligne. On dirait que tout le monde a arrêté ses études en quatrième année du cours primaire.

Mais le Québécois se dit prêt à défendre le français à la condition de ne pas avoir d’effort à faire. Il attend des mesures énergiques de la part du gouvernement pour soutenir notre langue nationale. Entretemps, il continue de traiter le français comme une vieille carpette sale en le parlant et en l’écrivant n’importe comment. Mais il est fier d’être francophone… Comprenne qui pourra.

Pendant ce temps, la métropole québécoise, Montréal, s’enlise dans les sables mouvants de l’anglicisation. Les affichages en anglais seulement se multiplient; bien des commerçants ne parlent pas français. Le tout dans une relative indifférence.

On peut bien dénoncer les anglicismes des Français, mais ne perdons pas de vue l’ensemble de la situation. Nous devons retrousser nos manches, nous cracher dans les mains et poursuivre notre combat séculaire afin d’assurer la survie de notre langue nationale. Le problème, ce n’est pas les Français, c’est nous.

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André Racicot vient de faire paraître un ouvrage Plaidoyer pour une réforme du français.  Ce livre accessible à tous est la somme de ses réflexions sur l’histoire et l’évolution de la langue française. L’auteur y met en lumière les trop nombreuses complexités inutiles du français, qui gagnerait à se simplifier sans pour autant devenir simplet. Un ouvrage stimulant et instructif qui vous surprendra.

On peut le commander sur le site LesLibraires.ca ou encore aux éditions Crescendo.