Le Larousse francise Détroit

Dans ce blogue, j’ai traité abondamment de la défrancisation des noms de villes étrangères dans les publications françaises.

Or le Petit Larousse donne maintenant priorité aux graphies Détroit, Saint-Louis et Bâton-Rouge dans son corpus. Pendant des décennies, cet ouvrage écrivait ces noms à l’anglaise, comme le fait d’ailleurs encore le Petit Robert des noms propres. Ces villes refrancisées rejoignent La Nouvelle-Orléans qui, elle, n’a jamais perdu ses galons.

Cette situation était très choquante pour les francophones parce toutes ces villes ont été fondées par des Français. On comprend aisément que les États-Uniens aient, en toute logique, choisi d’en angliciser la graphie. Mais les reprendre en français n’avait aucun sens.

D’autant plus que des explorateurs français ont sillonné le territoire états-unien et l’ont colonisé. Bon nombre de bourgades ont pris de l’expansion et portent toujours des noms français. Il suffit de lire une carte du pays pour découvrir les Montpelier, Racine, Juneau, Pierre, etc.

D’ailleurs, un grand nombre de toponymes américains ont été traduits. Avec l’Italie, l’Espagne, la Belgique et les Pays-Bas, les États-Unis figurent au sommet des pays dont les noms sont traduits en français.

Pensons à la Nouvelle-Angleterre, aux États suivants : Nouveau-Mexique, Californie, Floride, Caroline du Nord, Caroline du Sud, Dakota du Nord, Dakota du Sud, Pennsylvanie, Géorgie, Virginie, Louisiane.

Comme cela arrive souvent, les traductions ne sont pas toujours logiques. Si nous avons le Nouveau-Mexique, il nous faut composer avec le New Hampshire et le New Jersey. Cela sans compter l’État de New York.

Détail intéressant, la version 1934 du Petit Larousse écrivait New-York, graphie non reprise dans l’édition de 2017.

En terminant, petite question piège : Quelle est la seule ville des États-Unis dont le nom anglais est traduit en français? Réponse en fin de chronique.

***

Les lecteurs qui ont apprécié cet article liront avec intérêts mes deux billets précédents sur la défrancisation des noms de villes.

Réponse : Philadelphie.

Tueries aux États-Unis : quand vont-elles cesser?

La tuerie d’Orlando n’est que la dernière d’une longue litanie. Chaque fois, une vallée de larmes, des veillées aux chandelles sont suivies d’appels au contrôle des armes à feu.

Et survient une autre tuerie, dans la rue, sur un campus universitaire, quand ce n’est pas un jeune enfant qui abat sa mère par mégarde en saisissant un pistolet qui traînait quelque part…

Les chiffres sont aussi étourdissants que l’aveuglement des Américains. Chaque jour, en moyenne, est ponctué par une tuerie. Il y en a tellement qu’on n’en parle même plus.

Cette année, environ 5000 personnes ont été tuées par des armes à feu chez nos voisins du Sud. On peut donc prévoir qu’un nombre égal de personnes périront jusqu’à Noël. Durant les dix prochaines années, plus de 100 000 Américains seront tués par des pistolets, des carabines, des fusils d’assaut et autres engins du genre.

Pourtant rien ne change. On entend encore et toujours les mêmes sophismes : ce ne sont pas les armes qui tuent, ce sont les gens. Ou encore : si tout le monde était armé, ce genre d’incident n’arriverait plus.

On reste pantois que des adultes vaccinés puissent avancer de telles âneries.

Quant à y être, devrait-on fournir un arsenal aux bambins dans les garderies pour qu’ils puissent se défendre contre un éventuel forcené???

L’impuissance du président Obama devant cette hécatombe est pathétique. Pourquoi en est-on rendu là?

Pour arriver à comprendre il faut considérer deux éléments : la mentalité américaine et l’histoire des États-Unis.

La violence banalisée

Les États-Unis sont un pays malade de violence.

C’est un lieu commun de dire que la violence est aussi américaine que la tarte aux pommes. Pourtant, ce pays a été fondé dans la violence.

L’emploi de la force n’est donc pas nécessairement condamnable. En fait, la violence imprègne beaucoup de comportements. Par exemple, la manière brutale dont le système socio-économique américain écarte tous ceux qui n’arrivent pas à s’enrichir.

Il y a dans ce pays une sorte de darwinisme social impitoyable. Si vous ne réussissez pas, c’est votre faute, alors n’attendez pas d’aide de l’État. Fondez une entreprise, gérez-la bien, et le succès viendra.

D’où l’hérésie ressentie devant l’avènement d’un régime d’assurance-maladie étatisé mis de l’avant pas le président Obama, comme on en voit partout en Occident. Bien des parlementaires américains en ont juré la perte; ils en font une question de principe.

Violence aussi dans les rapports avec des pays amis : pensons à cette interminable épreuve de force avec le Canada sur le bois d’œuvre. Le Canada est pourtant un pays ami.

Regardons aussi le traitement honteux que les policiers américains réservent aux Noirs américains.

La violence éclabousse les productions américaines et personne ne semble s’en inquiéter outre mesure. Quand j’étais plus jeune, je regardais le Bugs Bunny and Roadrunner Hour. Devenu adulte, j’ai été sidéré de constater qu’on se tire dessus à qui mieux mieux. Mais personne ne meurt! Non Daffy Duck a le visage roussi quelques secondes, puis il se porte très bien.

C’est ce qu’on montrait aux enfants. Tirer sur quelqu’un, c’est pas grave.

Alors, comment se surprendre que certains individus en viennent à vouloir régler les problèmes à coups de fusil?

Je me se souviens de ces paroles d’un membre du Congrès américain au sujet du Parti québécois, à l’époque où René Lévesque était premier ministre : « Ici, on les passerait tous par les armes, après on s’expliquerait. » Imagine-t-on pareils propos au Canada?

Le Second Amendement

Les Américains sont donc un peuple violent. (Quatre présidents tombés sous les balles pourraient en témoigner.)

Ils sont aussi un peuple obsédé par les armes à feu. En fait, ils les adorent et ils les vénèrent. On reste consterné de voir partout des foires d’armes à feu auxquelles des parents invitent leurs enfants. Au Canada, on les amène à l’aréna.

Pourquoi cette fascination?

Les Américains se sont libérés de l’emprise britannique par le fer et le sang; ils ont spolié les Amérindiens à coups de carabine, les chassant comme des bisons de leurs terres ancestrales.

Le pistolet, le fusil sont instruments d’avancement, de libération. Ils symbolisent le droit fondamental qu’a l’individu de se défendre.

Le culte des armes est donc un des mythes fondateurs de la Révolution américaine, à un point tel qu’un des premiers amendements votés à leur Constitution était justement de garantir le droit d’en posséder.

En fait, le texte n’est pas aussi clair. Il se lit comme suit : « Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un État libre, il ne pourra être porté atteinte au droit du peuple de détenir et de porter des armes. »

Une milice ? Ce texte doit être compris dans un contexte où l’on repoussait sans cesse la frontière occidentale des USA. Les nouveaux territoires conquis devaient être défendus par des milices armées de citoyens américains. À la longue, on a fini par interpréter très librement le Second Amendement, compris comme le droit inaliénable de tout Américain de posséder des armes à feu.

Ce droit est devenu un véritable dogme politique. La puissante National Rifle Association, en est le héraut et défend farouchement le maintien du Second Amendement. Toute tentative de réglementer le commerce des armes est perçue comme une attaque visant un des droits fondamentaux des Américains. Être contre les armes, c’est être contre les États-Unis, contre la liberté individuelle, et on ne badine pas avec ça. Essayez de discuter du Second Amendement avec un Américain, et il s’emporte très vite.

Même la tuerie de Sandy Hook, au Connecticut, en 2012, lors de laquelle 20 enfants d’une école primaire ont été massacrés, n’a rien changé. Le Congrès n’a pas bougé.

La méfiance envers l’État

Un autre mythe fondateur des États-Unis est la méfiance envers le pouvoir d’État, que l’on perçoit facilement comme abusif. Le président Reagan illustrait très bien cet état d’esprit lorsqu’il disait : « Le problème, c’est le gouvernement. »

On oublie trop vite l’attentat d’extrême droite commis à Oklahoma City, en avril 1995. Un forcené a fait exploser un camion piégé devant un édifice fédéral pour protester contre le gouvernement tyrannique des États-Unis.

La Révolution américaine est le résultat d’une révolte contre le pouvoir jugé abusif par les colons américains du roi britannique George III. Les pères de la démocratie américaine se sont efforcés de mettre sur pied un gouvernement étroitement encadré par le Congrès et la Cour suprême. Le but étant d’empêcher un pouvoir dictatorial de s’imposer. C’est d’ailleurs pour cela que les Américains confient au Collège électoral le rôle d’élire officiellement le président des États-Unis. La population pourrait finir par élire un despote… Ce n’est pas une blague.

Le résultat, c’est que le président n’est pas le monarque tout-puissant que l’on imagine. Ses pouvoirs sont bien plus limités qu’on le croit et il doit continuellement négocier avec le Congrès pour faire avancer ses projets. Voilà pourquoi Obama ne peut intervenir. Toute initiative de sa part sera bloquée par le Congrès.

Mais que pensent donc les parlementaires américains ? Ne voient-ils pas ce qui se passe ?

Bien sûr. Mais l’influence des lobbies, dont la National Rifle Association, et la peur de violer le Second Amendement sont autant d’éléments paralysants.

Dans ce dossier, les Américains se démarquent clairement de toutes les autres nations occidentales.

Ce qui va de soi au Danemark, en Australie ou au Canada n’est pas compris aux États-Unis. En fait, les Américains n’ont aucune idée de la manière dont ces pays se gouvernent et ils ne s’en soucient pas.

C’est justement là le problème. L’ignorance généralisée des réalités étrangères les empêche de faire des comparaisons. Les Américains sont incapables de prendre du recul et de réfléchir à leurs politiques, parce qu’ils n’en connaissent pas d’autres. Ils deviennent alors prisonniers de leurs traditions, de dogmes politiques présentés comme des vérités éternelles, surtout quand ils sont coulés dans le béton de leur Constitution

C’est l’impasse.

Quand les tueries vont-elles cesser ?

À mon avis, ce n’est pas demain la veille.

L’idée commence à faire son chemin de restreindre l’achat d’armes à feu pour des personnes soupçonnées de terrorisme. On croit rêver. Cette restriction, considérée comme une percée prometteuse chez nos voisins du Sud, relève de l’évidence pour toute personne normalement constituée.

Mais le champ reste libre pour tous les autres individus. Récemment, une journaliste américaine est parvenue à acheter EN SEPT MINUTES un fusil d’assaut semblable à celui utilisé à Orlando.

Alors, si vous n’êtes pas l’une des quelques centaines de personnes soupçonnées de terrorisme, vous pouvez encore vous procurer sans problème une arme semi-automatique tirant des dizaines de balles à la minute.

Vos antécédents, le genre de personne que vous êtes importent peu. Votre droit inaliénable d’acheter une arme à feu ne doit pas être entravé et l’emporte sur toute autre considération. Vous souffrez de problèmes mentaux ? Vous êtes un caractériel violent ? Vous voulez régler son compte à votre voisin bruyant ou vous amuser à tirer sur la foule ? Pas de problème. On ne veut pas le savoir.

Il est possible, toutefois qu’on vous retire le droit de voyager en avion ou de conduire un véhicule. Mais pas celui d’acheter un pistolet.

Alors quand tout cela va-t-il cesser ?

Ma réponse en étonnera beaucoup.

Le jour où vous pourrez aller dans un cinéma américain et visionner un film français, suédois ou tchèque qui n’aura pas été refait au complet avec des acteurs américains. Je blague? Pas du tout. Parce que ce jour-là, cela voudra dire que les Américains se seront enfin ouverts au monde et auront commencé à s’intéresser à ce qui se passe ailleurs.

Et qu’ils auront peut-être remis certaines choses en question.

Car c’est justement l’ignorance dont je parlais tantôt qui est à la source de tous les maux.

Pour l’instant, des millions d’Américains s’apprêtent à voter pour Donald Trump à la présidence des États-Unis. Il est trop simple de le dépeindre comme un matamore hors norme. Justement pas. Des dizaines de membres du Congrès pensent exactement la même chose que lui, sauf qu’ils ne sont pas fantasques comme le milliardaire républicain.

Ce sont eux qui veulent garder intact le Second Amendement. Ce sont eux qui défendent mordicus la vente libre d’armes à feu.

Et qui vote pour ces parlementaires? Qui soutient les extrémistes du Tea Party? Les électeurs américains.

 

Supporter

Trouvez-vous le mot supporter (prononcé supportaire) insupportable?

Eh bien, vous devrez vous habituer, car il est déjà entré dans les mœurs sportives. À moins que vous ne préfériez être un fan, diminutif de fanatique, qui nous vient aussi de l’anglais. Bien entendu, les amateurs falots diront partisans, mais là, vraiment, vous êtes des tièdes.

En français, le verbe supporter a un sens bien délimité : « Soutenir quelque chose, lui servir d’appui, d’assise. » nous indique le Petit Larousse. Il peut aussi avoir le sens de « Subir quelque chose en y résistant, en y faisant face. »

Nulle part ne voit-on ce verbe décliné dans un contexte sportif. J’ai déjà parlé de ce phénomène des mots orphelins : substantif et verbe concomitant n’ont pas exactement le même sens : spécifier, spécifique.

Comme cela est souvent le cas, le support anglais possède un champ sémantique autrement plus vaste que notre timide supporter. Ainsi, les anglophones peuvent supporter une autre personne (l’appuyer); ils peuvent aussi supporter une entreprise, une cause, etc. Il est donc logique pour eux de supporter une équipe de hockey ou de football.

De là vient le substantif supporter, repris en français. Certains l’écrivent supporteur.

Toutefois, le français se permet quelques variations en puisant dans d’autres langues : aficionado, tifosi. Quand le fanatisme devient violent, on parle même de hooligans.

Le premier mot est un legs de l’espagnol; il désigne un amateur de course de taureaux. Mais son emploi est beaucoup plus généralisé dans notre langue. On peut parler des aficionados du cigare, du whisky, par exemple.

Quant à tifusi, il désigne les partisans italiens de football et de cyclisme.

Les hooligans, eux, constituent un public encore plus ciblé. On parle ici de jeunes partisans violents qui se déchaînent lors de manifestations sportives, par des actes de vandalisme. On se souvient des tragiques évènements survenus en Belgique, il y a une trentaine d’années.

Les incidents d’aujourd’hui à Paris, pendant la période sacrée de l’Euro, viennent nous rappeler que ces tristes individus sévissent toujours. Soit dit en passant, hooligan peut aussi s’écrire houligan, mais attention à votre dentition!

Le tandem supporter (verbe) et supporter (substantif), nous rappelle l’influence déterminante, voire envahissante, de l’anglais dans le vocabulaire des sports.

Élection ou élections?

Les participants qui assistaient à mes ateliers sur le système politique canadien me posent souvent cette question : doit-on dire « les élections fédérales » ou bien « l’élection fédérale »

De prime abord, on peut penser que les deux se disent, et c’est exact. Sauf qu’il faut savoir dans quel contexte.

Le Petit Robert nous met sur une piste grâce aux exemples qu’il présente au lecteur. Au pluriel :

Élections municipales, sénatoriales, législatives, européennes.

Dans tous ces scrutins, on élit des conseillers municipaux, des sénateurs, des députés.

Le même ouvrage propose le singulier lorsqu’une seule personne peut être élue.

Élection présidentielle, élection d’un académicien, d’un pape.

On parlera donc des élections fédérales et non d’une élection fédérale.

Que ce soit une ou des élections, l’anglicisme nous guette. J’ai écrit deux articles à ce sujet.

Être en élection : article.

Aller en élection : article.

Ainsi, on écrira : « Aux États-Unis, les élections à la Chambre des représentants se déroulent en même temps que l’élection présidentielle. »