Passer une loi

« Le gouvernement va passer une loi pour réformer le mode de scrutin. »

Cette phrase innocente comporte une double faute. La première ne saute pas aux yeux : un gouvernement ne peut adopter une loi, à moins de se substituer au Parlement.

La deuxième est plus facile à repérer. L’expression passer une loi est un anglicisme. L’anglais n’est pas loin, en effet, to pass a law.

Mais on aurait tort de se passer de passer… Car une surprise nous attend au détour.

« Le gouvernement italien vient de faire passer une loi qui modifie et amende la législation antérieure… » – Parlement européen

« Le gouvernement a accéléré le processus législatif et prévoit de faire passer une loi sur le commerce électronique à la fin de 2001. » – Unesco

On peut donc supposer que, comme cela arrive souvent, l’anglais s’est inspiré du français pour sa propre expression. La langue de Shakespeare et celle de Molière sont des vases communicants, au Canada, de sorte que les francophones calquent l’expression anglaise sans se rendre compte de l’erreur. C’est la loi du plus fort…

Toutefois, une autre surprise les attend.

Le Petit Robert ajoute une nuance en donnant au verbe passer le sens d’être accepté, admis.

« La loi a passé. »

Donc, on ne passe pas une loi, on la fait passer; mais une loi a passé.

Au Canada, on dit souvent que la loi a des dents. Il s’agit bien sûr d’un autre calque. Le Multidictionnaire nous suggère : « La loi a du pouvoir. » Les loustics diront qu’elle a du mordant…

On pourrait également écrire qu’elle est efficace.

Enfin, ne pas oublier qu’une législation et une loi, ce n’est pas du tout la même chose. Vous lirez avec intérêt mon article sur cette question.

 

 

Inaugurer

L’élection présidentielle américaine approche à grands pas et un nouveau président prendra les rênes de la Maison-Blanche dès l’an prochain. Le nouvel élu prêtera serment sur les marches du Congrès en janvier. Cette cérémonie s’appelle en anglais inauguration.

Bon nombre d’analystes francophones se laissent berner par ce faux ami et parlent de l’inauguration de la présidence, voire, du président des États-Unis.

Il faut savoir qu’en français, on inaugure un monument, un bâtiment, une exposition. La Banque de dépannage linguistique du Québec donne comme exemples : une bibliothèque, une école primaire, le Salon de la femme. On ne peut donc pas inaugurer un président. Le président est assermenté.

Par conséquent, on parlera de la cérémonie d’assermentation et non d’inauguration.

Un président ne peut donc pas être inauguré; peut-il être intrônisé?

Un roi, un évêque, à la rigueur, parce qu’ils s’assoient sur un trône. Mais pas un président.

Certains seraient tentés de parler de l’inauguration de la présidence. Cette cooccurrence me paraît pour le moins douteuse, bien qu’on parle de l’inauguration d’une ère nouvelle. Il serait plus exact de dire le début de la présidence, le début du mandat de Johnson a été difficile.

La terminologie états-unienne recèle bien d’autres pièges. On pensera notamment au mandat présidentiel de quatre ans, qu’il ne faut surtout pas appeler un terme, autre anglicisme à fuir.

La langue italienne

Un séjour de cinq semaines en Italie comporte des délices infinis. Le langagier qui a appris l’italien en vient à se laisser ensorceler par les délices de la langue de Dante.

Moins influencé par les langues germaniques que le français, plus étanche à l’arabe que l’espagnol, l’italien est la langue la plus proche du latin.

Comme les lecteurs le savent sans doute, l’italien a fortement influencé le français à l’époque de la Renaissance. À l’époque on s’en plaignait beaucoup. Certains y verront une analogie avec la popularité de l’anglais chez les francophones. Il y a toutefois une différence de taille : les mots italiens se sont fondus dans le paysage français pour devenir presque invisibles. Que l’on pense à balcon, pittoresque, fiasco, cantatrice, pantalon, opéra, bellissime, etc.

En fait, un grand nombre de mots italiens se comprennent facilement, tant ils ressemblent au français. Un francophone comprend aisément le sens général d’un texte italien simple.

Toutes ces considérations ne doivent cependant pas laisser croire que l’italien est une langue facile. D’ailleurs, certains diront qu’il n’y a pas de langue facile; pas même l’anglais.

Conjugaisons, subjonctif et genres

Comme le français, l’italien comporte son lot de verbes irréguliers dont il faut apprendre la conjugaison. Le subjonctif existe aussi, et il n’est pas toujours employé de la même façon.

Bribe de conversation entendue dans la rue : « Me dice que sia amoroso. » Traduction : « Il me dit qu’il est amoureux. » L’italien emploie logiquement un subjonctif, puisqu’il y a un doute sur les réelles intentions du soupirant. En français, on imagine mal : « Il me dit qu’il soit amoureux. » Le doute est exprimé autrement.

Comble de malheur, l’imparfait du subjonctif obéit aux règles de concordances des temps; il est donc employé couramment.

Là où le français emploie l’imparfait (Si j’avais su), l’italien recourt à l’imparfait du subjonctif (Se io avessi saputo, et non Se io avevo saputo).

Pour mettre un peu de piment dans la sauce, ajoutons que les genres ne concordent pas toujours. La fleur est masculine en italien : il fiore. Dolore, colore sont aussi masculins…

Les faux amis

Les francophones du Canada subissent les traquenards des faux amis de l’anglais. Ils sont encore plus nombreux en italien, latinité oblige.

Commençons par les grands classiques.

Si un Italien vous dit qu’il ne peut pas vous sentir, il veut dire sentire, qui signifie entendre. Si votre ami veut salire du cinquième piano, ne craignez rien, il veut tout simplement sortir de son appartement situé au cinquième étage.

En italien, un piano (instrument de musique) se dit piano forte.

Allons au ristorante. Attention à cette appellation en Italie, car elle désigne un établissement de classe, à distinguer de l’osteria, qui ressemble davantage à un bistrot.

Le Nord-Américain risque d’être décontenancé par le menu. On y propose des antipasti (hors-d’œuvre), des primi piatti (entrées) et des secondi piatti (plats principaux). Ceux-ci s’accompagnent de contorni… De quels contours s’agit-il? Des légumes d’accompagnement.

Bien sûr, un bon repas s’accompagne de vin. Le serveur demandera qui veut l’assagiare. Personne ne veut s’assagir – surtout pas en buvant du vin ! Il cherche un goûteur, tout simplement. La boisson servie n’a rien à voir avec le vin de messe, même s’il est versé dans un calice, soit un verre sur pied.

Traverser une rue à Rome demande un certain courage. C’est encore plus périlleux à Naples… Il faut dire que les automobilistes italiens prennent des libertés avec le code de la route… tout comme les piétons… et les cyclistes. Et je ne vous parle pas des scooters, appelés vespa.

Les Québécois se retrouveront en pays de connaissance en traversant un peu partout, dans le milieu de la rue… Les chances de survie du piéton augmentent légèrement lorsqu’il traverse au semaforo. Inutile de sortir la corne de brume, il s’agit tout simplement des feux de circulation.

Le francophone qui prend le train s’amusera en constatant qu’il est dans la carrozza due del binario tre. Nul carrosse d’apparat, ici, et rien de binaire non plus. Le voyageur prend son train au quai trois et voyage dans la voiture deux.

Malgré tout, l’italien n’est pas une fausse amie du français, mais plutôt une bonne amie : le francophone qui fait quelques efforts pour s’adresser aux Italiens dans leur langue sera récompensé par une grande amabilité.