Des chroniqueurs et des institutions comme Le Robert dressent leur liste des mots clés de 2020, ceux qui ont fait leur entrée dans les ouvrages de langue. Le québécisme niaisage fait partie du lot, aux côtés de cyberharcèlement, infox (calqué sur intox, et qui emplace fake news), sans oublier l’incournable covidiot, enfant trisomique de la covid.
Quoi de mieux qu’un peu de prosecco, pour nous faire oublier 2020 ?
Personnellement, je retiendrais hygge, qui n’est tout à fait un néologisme, puisqu’on en parlait déjà depuis quelques années. Ce mot danois d’origine norvégienne pourrait se traduire en allemand par Gemûtlichkeit, même si le sens n’est pas exactement identique.
Le hygge traduit un art de vivre que l’on retrouve dans les pays scandinaves; il se caractérise par la quête de petits bonheurs quotidiens, de ces joies simples qui sont synonymes de confort, de relaxation. Bref rien d’extravagant, juste le plaisir d’être pleinement conscient de son bien-être. En français, on serait tenté d’utiliser convivialité, mais, là encore, la concordance n’est pas parfaite.
Pourquoi ce choix?
La pandémie de covid-19 nous a cloitrés dans nos quartiers. Certains perdant même leur emploi, tandis que d’autres étaient forcés de travailler à la maison. Malgré ces déboires, beaucoup ont redécouvert le plaisir d’être ensemble, en famille, sans obligation de se précipiter au boulot. Au fil des mois, les bricoleurs se sont lancés dans les rénovations, d’autres ont appris à se détendre davantage, à lire un bon livre, à écouter de la musique, à jouer à des jeux de société, etc. On a découvert ce que la vie pouvait être sans consommation frénétique dans les centres commerciaux. Faire une longue marche est bien moins stressant…
Le hygge est un des rares effets bénéfiques de la covid. Se redécouvrir, c’est précieux.
Un autre mot…
Celui-là est moins positif. C’est ce cri scandé partout au Québec par les anti-masques et les anti-vaccins, libarté. Il est très symbolique. C’est le cri de ralliement de tous les forcenés du je, me, moi que l’on voit trop souvent dans les sociétés anglo-saxonnes comme le Canada centrées sur l’individualisme. Cette incapacité d’une frange bruyante de la population de penser en termes collectifs, la société étant une juxtaposition d’individus aux droits souverains garantis par les chartes…
Mais toute la publicité que l’on donne aux anti-masques est un miroir aux alouettes. Il faut certes en parler, car ces gens finissent par faire beaucoup de tort, particulièrement quand ils vont festoyer dans le Sud et reviennent chez nous pour profiter de notre système de santé.
Je me réjouis cependant en voyant que la majorité des gens observent les règles sanitaires, même de façon imparfaite. Ces gens-là font leur effort de guerre. On en parle beaucoup moins dans les médias. Pour une écervelée comme Lucie Laurier, il y en cinq, dix, je ne sais pas, qui pensent un peu aux autres.
Pour terminer cette dernière chronique de l’année, je ne vous souhaite rien d’autre que beaucoup de hygge.
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André Racicot vient de faire paraître un ouvrage Plaidoyer pour une réforme du français. Ce livre accessible à tous est la somme de ses réflexions sur l’histoire et l’évolution de la langue française. L’auteur y met en lumière les trop nombreuses complexités inutiles du français, qui gagnerait à se simplifier sans pour autant devenir simplet. Un ouvrage stimulant et instructif qui vous surprendra.
On peut le commander sur le site LesLibraires.ca ou encore aux éditions Crescendo.