Il n’y a qu’au Québec qu’on imagine une histoire pareille. Le slogan Go Habs Go scandé par les partisans du Canadien de Montréal a fait l’objet d’une plainte à l’Office québécois de la langue française.
Tout d’abord un état de la question et, en fin de billet, une réflexion non linguistique sur ce phénomène.
Un symbole national
Il faut dire qu’au Québec, le hockey est aussi capital que le foot peut l’être en Europe et ailleurs dans le monde. On ne badine pas avec notre sport national.
Le Canadien de Montréal est l’équipe emblématique du hockey. Jadis, elle symbolisait l’affirmation des Canadiens francophones, soumis au joug de la domination des anglophones canadiens. Ils nous opprimaient, mais nous gagnions la coupe Stanley, le championnat du hockey nord-américain. C’était en quelque sorte notre vengeance.
Cette symbolique persiste, même si le nombre de joueurs francophones au sein de la Sainte Flanelle s’est considérablement rétréci.
Traduire?
Toujours est-il que la plainte a mis l’Office dans une situation impossible. Elle a dû trancher et reconnaitre que l’expression en litige est bel et bien un anglicisme. Elle ne pouvait faire autrement, consciente pourtant que toute tentative de traduction reviendrait à marquer dans son propre filet.
Elle a donc proposé Allez Canadiens Allez, bref, une traduction littérale, plâtrée et irréaliste. Pensons-y. Peut-on imaginer une seule seconde les amateurs massés au Centre Bell y aller de ce nouveau cri du cœur? À moins d’avoir consommé des champignons hallucinogènes, peut-être…
Des variantes fantaisistes sont apparues, notamment sur les marquises des autobus municipaux, dont Allez Habitants Allez!
Pour ceux qui ne le savent pas, les Habitants est un surnom des Canadiens. Le H au milieu du logo ne signifie PAS « hockey ».
Le ministre responsable de la langue française a finalement admis que Go Habs Go est un québécisme de bon aloi. Il faut donc le garder.
Go
Le go est un jeu de stratégie chinoise. Pour beaucoup, la controverse entourant le slogan anglais est un bel exemple de chinoiserie linguistique.
Pourtant, le mot go a bel et bien percé en français, notamment pour donner le signal de départ de quelque chose. Mais là n’est pas vraiment la question.
Quelques réflexions
La controverse en question révèle deux choses.
- La volonté de protéger la langue française au Québec en essayant de traduire les expressions anglaises.
- Le poids écrasant de l’anglais avec sa concision et ses formules lapidaires.
Le simple fait d’essayer de traduire Go Habs Go déclenche l’hilarité. Pourtant, les Français encouragent leur équipe de football en criant « Allez les Bleus! » et personne ne semble trouver cela ridicule.
Ce qui échappe à tout le monde, c’est que personne n’a jamais cherché sérieusement à trouver une formule française adaptée. Le simple fait de soumettre cette idée suffit à recevoir une volée de rondelles.
Go Habs Go renvoie à une réalité plus large, celle de l’imbrication du français et de l’anglais dans la Belle Province. Le fait d’encourager une équipe emblématique du Canada français en employant des termes anglais est quelque peu déconcertant.
Les traductions proposées ne sont pas emballantes parce que trop près de l’anglais. Allez les Canadiens! Allons-y les Canadiens! seraient de meilleurs choix, mais encore une fois, qui va oser les employer?
Quoiqu’on fasse, nous finissons toujours par marquer dans notre propre filet.
Le Centre Bell
Autre élément symbolique, le nom du stade des Canadiens. Lui aussi vient de l’anglais. Quelle belle idée cela aurait été de le baptiser pour honorer un des héros des Canadiens, celui qui a tenu l’équipe sur ses épaules? Le Forum Maurice-Richard. Vous ne trouvez pas que c’est tellement mieux que l’appellation actuelle, platement commerciale?
J’attends maintenant vos mises en échec.