Archives de catégorie : Anglicismes

Broadway

L’avenue Broadway est semblable à une incision transversale au cœur de l’ile de Manhattan. Elle permet de traverser la grille new-yorkaise en biais tout en évitant un grand nombre d’intersections et des virages parfois périlleux. (Attention aux taxis!)

Broadway, c’est également le quartier des spectacles, une marmite d’énergie sans fin. Toute pièce qui y prend l’affiche attire l’attention.

Mais tous les producteurs n’ont pas le privilège d’investir la Grande Transversale et leur troupe de saltimbanques est parfois reléguée à l’extérieur de la célèbre avenue. On dit alors que le spectacle est off Broadway.

La traduction de cette expression ne saute pas aux yeux. La pièce est présentée près de Broadway, autour de Broadway, non loin de Broadway; ailleurs que Broadway; certains diront une pièce en banlieue de Broadway et, pourquoi pas, para-Broadway. Mais la plus intéressante traduction me parait être hors Broadway. En tout cas mieux que sous-Broadway, que j’ai lu quelque part.

Mais la Grosse Pomme est une mégalopole et les spectacles ne sont pas limités aux environ de la prestigieuse avenue. Ils sont parfois présentés dans un autre quartier; on parle alors d’un spectacle off off Broadway.

Donc, loin de Broadway, (vraiment) à l’écart de Broadway. Vous avez peut-être d’autres idées.

Faut-il traduire?

C’est sans illusion que je vous propose ces traductions, bien conscient que les termes anglais prévaudront. Néanmoins, il peut être pertinent de préciser le sens de ce jargon pour des lecteurs peu au fait des réalités new-yorkaises.

Vous lirez avec intérêt mon article sur New York.

En termes de

En termes de stratégie, Kamala Harris aurait pu faire mieux.

Voilà, résumée grossièrement, l’analyse que de nombreux chroniqueurs font de la campagne de la candidate démocrate.

Un certain nombre de lecteurs auront tiqué en lisant le début de ma phrase. L’affreux « en termes de », ce calque ignoble de l’anglais. D’autres opineront du bonnet : aucun problème avec cette expression.

Une cheville répandue

« En termes de » est une cheville fort commode que l’on peut assez facilement remplacer : sur le plan de; en ce qui a trait à; pour ce qui concerne; relativement à.

Il faut toutefois être conscient qu’elle est fortement critiquée.

 La locution incriminée a exactement le même sens que l’anglais in terms of. Pour certains langagiers, elle est condamnable. Il faut dire que les dictionnaires généraux n’en font pas mention, bien que « en termes de » se voie dans la presse française.

Notons toutefois que l’Académie française considère l’expression comme un anglicisme. Le Figaro va dans le même sens, en citant l’Académie :

Non seulement la formule est incorrecte car elle est un produit directement importé de nos voisins anglais, donc un anglicisme, mais elle est abusive car elle ne peut en aucune façon remplacer son hypothétique équivalent « en matière de ».

La Vitrine de la langue française apporte une petite nuance :

La locution est aussi souvent utilisée par des auteurs reconnus et est assez courante dans la presse, et ce, non seulement au Québec, mais dans toute la francophonie. On ne saurait donc le déconseiller, du moins dans la langue courante.

Comme c’est souvent le cas, l’usage finira par trancher.

En termes de, utilisation correcte

La locution « en termes de » existait bien avant sa transformation sous l’influence de l’anglais. Elle signifie « dans le vocabulaire de, dans le langage de ». Par exemple, en termes de sport, set signifie « manche » dans une partie de tennis.

Le croiriez-vous, même l’auguste Balzac l’utilisait dans Un début dans la vie: « On appelle, en termes d’atelier, croquer une tête, en prendre une esquisse, dit Mistigris d’un air insinuant. »

Soit dit en passant, on peut aussi faire l’élision : en peinture, le mot italien sfumato est employé pour décrire la technique pratiquée par Léonard de Vinci.

Terme tout court

Le mot terme revêt plusieurs significations, particulièrement celle d’un mot dans sa valeur de désignation, comme dans l’exemple du mot set en langage de tennis.

Un terme peut également être une échéance, la date présumée de la fin d’une grossesse, un point où se termine un déplacement : arriver au terme du voyage.

Attention toutefois à la notion de mandat, en politique. Un gouvernement est généralement élu pour un MANDAT de quatre ans, et non pas pour un terme de quatre ans. Le mandat de ce gouvernement vient à terme après quatre ans.

Président élu

Le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis aura toutes sortes de conséquences. L’effet se fera également ressentir sur le plan de la langue.

Président élu

M. Trump a été élu le mardi 5 novembre, mais il ne prendra ses fonctions que le 20 janvier, lors d’une cérémonie protocolaire qui se déroulera au pied du Capitole. Entretemps, le nouveau président préparera la passation des pouvoirs et choisira les membres de son futur cabinet.

Pendant cette période, Joe Biden continuera d’être président des États-Unis, tandis que M. Trump sera le président élu. Cette expression est un calque de l’anglais president-elect. On ne peut cependant pas affirmer qu’il s’agit à proprement parler d’une grave faute de langue, car le républicain est bel et bien le président élu.

On voit aussi le terme président désigné, qui constitue une excellente solution de rechange, et ne suit pas la démarche de l’anglais. On pourrait aussi parler du futur président, comme le signale l’Office québécois de la langue française.

Inauguration

Il y a quatre ans, j’avais mené une guerre sainte contre cet anglicisme totalement inacceptable en français en alertant plusieurs journalistes canadiens.

En anglais on inaugure un président, mais transcrire cette expression dans notre langue me fait voir… orange.

Le plus souvent, on inaugure un édifice ou un monument. Rarement est-il question d’un concept abstrait, bien qu’on puisse inaugurer une nouvelle politique, comme le signale le Robert. Une inauguration peut être le commencement, le début de quelque chose. Mais inaugurer une présidence me parait quelque peu forcé en français.

La question qui se pose est la suivante : peut-on inaugurer un président? Est-ce que Donald Trump sera inauguré le 20 janvier prochain? La réponse me semble évidente : NON.  Il serait plus juste de parler de l’assermentation, de la prestation de serment du nouveau locataire de la Maison-Blanche.

J’ai étudié plus en détail l’emploi abusif d’inauguration dans un article précédent.   

Ordre exécutif

Lorsqu’il prendra ses fonctions, le nouveau président aura le pouvoir de faire adopter des décrets, appelés executive orders, en anglais. Là encore, le calque est tentant et beaucoup s’y laisseront prendre. Pourtant, les ordres exécutifs ne sont rien d’autre que des décrets.

Tarifs

Le futur président américain est protectionniste, comme ses prédécesseurs. Il projette d’imposer des tarifs élevés pour les importations, ce qui affecte le Canada. Sans doute un raccourci pour tarifs douaniers.

Il serait plus exact de parler de droits de douane.

Lindbergh

Le chanteur québécois Robert Charlebois a composé une chanson intitulée Lindbergh, ma foi fort amusante à écouter. Le lien ici. Belle introduction à ce billet sur le monde aérien.

Monde agité par des turbulences anglo-saxonnes que l’on pourrait facilement éviter. Encore une fois, des différences notables entre l’Europe et le Québec.

Envolons-nous avec quelques anglicismes.

Tout d’abord, le personnel aérien. Nous avions jadis des hôtesses de l’air, jeunes, jolies et souriantes. C’était la norme naguère. Se sont joints à elles des hommes, que l’on appelle des stewards. Poche d’air… Deux noms complètement différents pour les mêmes fonctions. Heureusement, l’expression personnel de cabine nous sert de parachute, mais le doublet mal assorti existe toujours. Comme on dit au Québec, ça vole bas…

Au Québec, on parle tout simplement des agents de bord. Le terme se décline aisément au masculin et au féminin, sans avoir le vertige ni la nausée. Le mal de l’air, vous connaissez?

Si vous voyagez en Europe, vous prendrez peut-être un charter, c’est-à-dire un vol nolisé. Selon le Larousse un charter se définit comme suit : « Avion affrété par une organisation de tourisme dans le cadre d’un service non régulier. » Vol nolisé est donné comme synonyme.

Enfin, le tout nouveau low cost, un Icare aux ailes de cire, d’une inutilité flagrante, qui se rend par vol à bas prix ou vol à bas coût, nous disent les dictionnaires. Wright on, dirait-on en anglais.

Pour terminer cette chronique aérienne, je vous suggère d’écouter les vidéos particulièrement instructives de cette fausse hôtesse de l’air, Karine de Falchi. Son site s’appelle Air Exxion… Elle est aussi rigolote que coquine, mais on y apprend un tas de choses.

Elle donne des ailes au français.

Bon voyage!

Les douanes

Les Québécois adorent aller se faire bronzer sur les plages américaines, quand ce n’est pas d’aller visiter des villes fabuleuses comme New York, Boston ou Washington.

Les touristes québécois et canadiens courent cependant un risque : celui d’être refoulés aux douanes américaines. Pourquoi? Parce qu’ils portent un nom de famille identique à celui d’un criminel notoire. Les douaniers états-uniens ne sont pas des rigolos, surtout depuis les attentats islamistes du 11 Septembre.

Les touristes malchanceux peuvent être carrément refoulés à la douane américaine.

Les douanes?

Les lecteurs européens, africains et asiatiques ont peut-être tiqué en lisant les douanes. Normalement, on parle de la douane; on pourrait dire aussi la frontière, quand le contexte est clair.

Le pluriel les douanes s’entend continuellement dans les médias francophones canadiens et il s’agit d’un anglicisme. L’anglais nous parle des customs. Il s’agit donc d’un calque syntaxique, insidieux, qui passe inaperçu de ce côté-ci de l’Atlantique.

Les dictionnaires français donnent des exemples seulement au singulier : payer la douane, s’arrêter à la douane, être exempté de douane.

On peut aisément remplacer douane par poste frontière ou poste frontalier.

Un anglicisme?

Le calque me parait évident. Bien entendu si on parle d’un ensemble de postes frontières, on pourra dire les douanes. Mais l’usage penche nettement pour le singulier dans l’ensemble de la francophonie, sauf au Québec.

Autre anglicisme à éviter : les lignes américaines. En français on parle de la frontière américaine.

Box

Le mot anglais box est rarement utilisé au Canada, à moins d’aimer l’équitation ou de suivre l’actualité juridique de près.

En effet, les chevaux sont logés dans un box, c’est-à-dire un enclos qui leur est réservé. Les accusés à un procès possèdent aussi leur box, soit un compartiment cloisonné dans la salle du tribunal. On parle du box des accusés.

Jusqu’à maintenant, tout est clair. Les autres acceptions en Europe étonnent de ce côté-ci de l’Atlantique. Un box dans un garage ou un dortoir… pas vraiment ici. On parlera plus simplement d’un espace.

Si vous désirez vraiment mettre un Canadien francophone en boite… eh bien parlez-lui d’un « Coffret cadeau thématique donnant accès à des prestations… » ou encore « … à des produits thématiques ». Vous achetez un nouvel ordinateur et la vendeuse au cœur d’or vous donne un ensemble-cadeau… avec des autocollants, une souris et son tapis personnalisé. « Je vais vous chercher un box », a-t-elle annoncé… Vous auriez compris? Pas moi.

Box-office

Comme je l’ai indiqué dans un autre billet, les anglicismes sont très fréquents dans le monde du spectacle, et box-office est l’un d’entre eux. Les médias l’emploient continuellement, sans que personne ne pense à parler des succès aux guichets de tel ou tel film. Ou encore une pièce de théâtre qui a fait des recettes extraordinaires. Il y a de quoi boxer tous ces rédacteurs.

Morale de cette histoire

Les emprunts à d’autres langues acquièrent une vie qui leur est propre. Leur sens s’étire et s’éloignent du sens original. De plus, leur utilisation peut varier d’un pays à l’autre de la francophonie.

Bipeur

Les membres du groupe terroriste Hezbollah ont récemment eu une petite surprise dans leur poche. Leur bipeur a explosé. Des morts et des blessés. Mais surtout une fierté quelque peu écorchée.

Le terme biper ou bipeur est un anglicisme tout de suite adopté dans la francophonie. On le voit sous deux graphies, mais les médias français semblent préférer la forme francisée, ce qui est en soi une consolation.

L’anglicisme a engendré un verbe, biper, qui a l’avantage de sonner français et d’avoir une certaine logique. Car un bipeur émet un bip, après tout. On peut donc biper à qui mieux mieux, mais oubliez vos copains du Hezbollah…

Les Québécois ont tenté de franciser ce terme, ce qui a donné pagette, qui ne figure pas dans le Robert et le Larousse. L’usage de l’anglicisme déguisé en mot français l’a largement emporté.

D’ailleurs, les journalistes québécois, que ce soient des médias écrits ou des médias électroniques, ont repris le bipeur sans se poser de question, ignorant sans doute qu’il s’agissait d’un emprunt à l’anglais.

Palace

Le français emprunte beaucoup à l’anglais et certains mots s’acclimatent à notre langue au point de prendre leur envol et de s’affranchir de leur sens originel. C’est un peu ce qui est arrivé au mot palace.

Le terme anglais a le même sens que palais, soit un bâtiment luxueux habité par un monarque ou un président. Mais le français a retenu le sens plus générique de « large splendid house or other building », comme le précise le dictionnaire Collins.

N’est pas palace qui le veut, car, dans notre langue, un palace est un hôtel de luxe, point à la ligne. On peut certes qualifier de palace sur mer un paquebot de luxe, mais la référence implicite est toujours un hôtel de grande classe, et non un palais royal.

Les emprunts à d’autres langues enfilent parfois des costumes d’Halloween au point d’en être méconnaissables. Pensons à portmanteau en anglais qui désigne un objet pouvant servir à plusieurs fins. Rien à voir avec le sens français.

En conclusion, on pourra dire que le Manoir Richelieu de La Malbaie, l’hôtel Crillon à Paris et l’hôtel Savoy à Londres sont des palaces.

Fun

« Le fun est pris dans la cabane. » A priori, il est certain qu’un Européen ne comprendrait pas un traitre mot à cette phrase saugrenue. En êtes-vous certain? Québécois et francophones canadiens sont convaincus d’être les importateurs exclusifs de ce mot anglais, alors qu’il a cours outre-Atlantique.

Une petite promenade dans le Larousse et le Robert nous amène à l’entrée fun. Le fun est cassé.

Comme on peut le deviner, le terme est défini comme un synonyme d’amusement, de plaisir. Le Robert donne quelques exemples : « C’est le fun ! » et « Jouer pour le fun. » On se croirait au Québec.

L’usage diverge cependant lorsque fun est employé comme adjectif invariable. « Des aventures fun… De l’ambiance fun. » Par chez nous, on dirait plutôt : « Des aventures le fun. »

En effet, au Québec on joue juste pour le fun.

Le croiriez-vous, Victor Hugo avait du fun lui aussi. Stupéfiante citation de l’auteur de Notre-Dame de Paris : « Elle ne haïssait point le fun, la farce taquine et hostile. »

Amusant, parce que j’ai toujours cru que le mot en question était une importation canadienne exclusive; les Français et les autres Européens nous l’avaient dérobé. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le génial Victor vient de gâcher mon fun.

Mpox

Ces jours-ci, on entend de plus en plus parler d’une nouvelle maladie qui menace les populations africaines et, par ricochet, celles du reste de l’humanité.

On l’appelle mpox; en langage courant il s’agit de la variole simienne ou encore de l’orthopoxvirose simienne. L’adjectif simienne vient du mot « singe », parce que ces primates ont été les premiers vecteurs de la transmission de cette maladie aux humains.

Alors que vient faire le M dans mpox? Il vient de l’anglais monkey. Encore une fois, la langue de Shakespeare s’impose comme un vecteur universel… L’appellation est proposée par l’Organisation mondiale de la santé afin d’avoir une désignation universelle de la maladie dans toutes les langues.

Il va sans dire que la facilité l’emporte dans la francophonie. En effet, mpox s’impose un peu partout, car il est nettement plus aisé d’adopter ce terme que de s’écarteler en parlant de l’orthopoxvirose simienne. Pourtant, il me semble que variole simienne fait très bien l’affaire.

D’ailleurs, l’Office québécois de la langue française nous dit : « L’emploi de l’emprunt intégral à l’anglais monkeypox est déconseillé. En effet, il est formé de deux noms anglais et ne s’intègre pas aisément au français. »

Encore une fois, le français singe l’anglais.