Canceller une personne

Dans un article paru dans Le Devoir, on parle de l’opprobre qui a frappé le réalisateur Claude Jutras lorsqu’on a appris après son décès qu’il avait eu des penchants pédophiles.  Dans l’article, l’auteur emploie le mot honni canceller, mais le met entre guillemets.

Comme je l’indiquais dans un billet précédent, canceller vient du latin et existe dans plusieurs langues latines et en anglais aussi. Le terme continue d’être utilisé au Québec dans le sens d’annuler.

L’un des effets de l’idéologie du wokisme (voir mon texte à ce sujet) est ce qu’on appelle en anglais la cancel culture, expression plus ou moins bien traduite par culture de l’annulation. On pourrait dire culture du bannissement.

J’ai toujours trouvé absurde que le français ait rejeté canceller. Il y aurait lieu de le réhabiliter dans le contexte précis des personnes exclues d’un groupe, congédiées à cause de leurs idées, qui vont à l’encontre du discours idéologique en vogue.

La cancellation décrirait la situation de personnes qu’on veut à tout prix empêcher de parler, notamment en refusant de discuter de leurs idées et en lançant des accusations sans preuve pour les faire taire.

Ces deux mots seraient donc bien nichés et très utiles dans le débat actuel.

Parlez-en à l’autrice de Harry Potter, J.K. Rowling, Elle dénonce l’idéologie des genres depuis des années. Des militants ont tenté de la faire taire, bref de la canceller, et, devant leur échec, ils viennent de révéler l’adresse de ses enfants, qui n’ont rien à voir avec ce débat. Ce qu’on appelle doxer quelqu’un.

Malheureusement, canceller a un bel avenir devant lui.

Motion de non-confiance

Le gouvernement de Justin Trudeau vient d’échapper à une motion de non-confiance déposée par l’opposition conservatrice. Si elle avait été adoptée, le Canada aurait connu des élections rapides.

Les deux termes en italique sont des anglicismes. Il s’agit de traductions littérales de non-confidence vote et de quick elections.

Lorsqu’un parti veut retirer sa confiance au gouvernement, il dépose une motion de censure, il propose un vote de défiance. L’expression non-confiance est un calque grossier de l’anglais.

En Allemagne, l’opposition peut demander un vote de défiance constructive. Les parlementaires sont appelés à renverser le chancelier en poste et à le remplacer par une autre personne. L’un ne va pas sans l’autre. Le tout pour éviter des renversements à répétition du gouvernement sans offrir de solution de rechange.

Cette disposition n’existe pas en régime britannique. Le gouverneur général demande habituellement au chef de l’Opposition officiel de tenter d’obtenir la confiance de la Chambre et de former un nouveau gouvernement, ce que les conservateurs auraient été incapables de faire.

Le fait de renverser le gouvernement à la Chambre des communes aurait entrainé la tenue d’élections anticipées, puisque le mandat du gouvernement prend fin en 2025.

Challenge

Le mot « challenge » est un affreux anglicisme, pensent certains. Ils ont raison et ils ont tort.

Un challenge, nous dit le Robert, est : « Une entreprise dans laquelle on se lance pour gagner, comme par défi. » L’anglicisme vient du vieux français chalenge, qui signifiait débat, chicane.

Le mot a cours au Québec et il est prononcé à l’anglaise, d’où cette impression tenace qu’il s’agit d’un mot anglais pur jus. Or, environ 60 pour 100 du vocabulaire anglais vient du français, conquête normande oblige. Nous pourrions donc faire comme nos cousins d’outre-mer et prononcer le mot à la française.

Défi

Dans nos contrées jadis si enneigées, on parle plutôt de défi. Pourtant, ce n’est pas la première définition de ce mot. Un défi étant la sollicitation d’un combat singulier; une déclaration provocatrice pour tenir quelqu’un responsable de quelque chose; le refus de s’incliner ou encore un obstacle extérieur.

Cependant, le Larousse parle bel et bien de défi quand il définit challenge : « Situation difficile, se présentant à quelqu’un ou à un groupe, et constituant pour lui un défi à relever ; le défi lui-même. » C’est moi qui souligne.

Ce qui explique que le terme défi se voit aussi en Europe et ailleurs, et pas seulement au Québec.

Challengeur

Challenge nous a donné challengeur. Il peut s’agir d’un rival qui cherche à soutirer son titre à un champion. Dans un contexte plus général, en politique par exemple, un challengeur est un adversaire.

On peut penser à l’affreux duel qui se prépare aux États-Unis : Trump qui est le challengeur de Biden. Tout un défi pour la démocratie étasunienne.

Ne pas être une option

« L’échec n’est pas une option. » – Arnold Schwarzenegger

L’acteur austro-américain fait école. Les variantes de sa célèbre citation se multiplient : « Abandonner n’est pas une option. » « Perdre n’est pas une option. » Il y en a bien d’autres.

« Ne pas être une option » est une expression qui ne fait pas partie de l’arsenal traditionnel du français. Les dictionnaires ne la répertorient pas et elle apparait surtout dans des textes au Canada français, dans lesquels l’influence de la langue américaine se fait bien sentir. Ne manquent plus que des rafales d’armes automatiques et un véhicule qui explose.

Est-ce français?

Bien entendu, cette déclaration péremptoire résonne bien en français. En effet, une option est la possibilité de choisir entre plusieurs éléments aussi bien qu’une possibilité. Donc pas de problème… du moins en apparence.

Pourtant, le Robert donne une série de cooccurrences avec option, mais aucune d’entre elles ne comprend le verbe être.

La construction « être une option » n’est pas en soi fautive, mais il est très clair qu’elle s’inspire de l’anglais.

Autres options…

Les francophones qui veulent éviter de paraphraser Schwarzenegger pourront s’inspirer des tournures suivantes :

Un échec est impensable.

  • Abandonner n’est pas envisageable.
  • Revenir en arrière est impossible.
  • Tout recul est à écarter.
  • Refuser une telle offre est inimaginable.

Parler français est toujours une option.