Il est toujours délicat pour un francophone de se prononcer sur une question de syntaxe anglaise, mais je ne puis m’en empêcher.
La question du singular they suscite encore beaucoup la controverse chez nos amis anglophones, même si l’usage penche nettement en sa faveur. Mes réflexions valent ce qu’elles valent; ce sont celles d’un francophone qui parle une langue analytique et plus abstraite que l’anglais.
D’emblée, il faut préciser que le singular they comble une lacune de l’anglais qui n’a pas de pronom neutre englobant he et she… d’ailleurs pas plus que le français quand on y pense, pour il et elle.
Notre langue employait jusqu’à tout récemment le pronom il en partant du principe (contesté) que le masculin l’emporte sur le féminin. Certains font d’ailleurs valoir que le genre masculin doit être considéré comme neutre et que, par conséquent, la féminisation des titres est vaine, puisque le masculin est épicène.
Je réfute cette argumentation. Il suffit de lire les textes du XVIIe siècle pour constater que le masculin a été choisi en raison de la supériorité du mâle sur la femelle, comme on disait à l’époque…
L’anglais a aussi utilisé le he en tant que pronom neutre. Je relisais les règles d’un jeu de diplomatie acheté il y a une trentaine d’années. Le pronom pour the player était he; parions qu’aujourd’hui ce serait they.
L’anglais a une grammaire moins contraignante que le français. De plus, il est plus près de la réalité, comme en témoigne la phrase suivante :
The police was called immediately. They arrived within two minutes.
En français, il serait facile de contourner la difficulté en disant les policiers. Toutefois, s’il fallait utiliser un pronom, nous aurions la traduction suivante :
On a appelé la police immédiatement et elle est arrivée en moins de deux minutes.
La logique grammaticale prévaut. En anglais, on voit plutôt la police comme un groupe de personnes et il devient alors logique de recourir à un pronom masculin. C’est donc dire que des ensembles de personnes, comme une direction, un comité, une entreprise seront ensuite désignés par le pronom they.
À ce sujet, le ministère de la Justice du Canada recommande d’employer le singular they pour remplacer les pronoms suivants : anybody, everybody, no one, nobody, every one, every body, person, every applicant, any officer, every judge, manufacturer, officer, taxpayer.
Pour un francophone, il est toujours curieux de lire des phrases comme :
The officer examines the request and they provide an answer in the next two weeks.
Les défenseurs du singular they font valoir que, dans ce cas, le pronom they remplace le he et le she, qu’il permet d’éviter le disgracieux hiatus he/she. Le pronom est neutre et singulier.
Je veux bien, mais quelle drôle d’idée de prendre un pronom existant qui est pluriel par surcroît. En outre, si le pronom en question est singulier, pourquoi le verbe, lui, reste-t-il au pluriel? Ne devrait-on pas dire :
The officer examines the request and they provides an answer in the next two weeks.
Cette fois-ci, ce seront les anglophones qui auront l’oreille écorchée.
Il n’en demeure pas moins que, neutralité ou pas, la première phrase déraille sur le plan grammatical, puisque le premier verbe examines est clairement un singulier, tandis que le second, provide, est un pluriel. À mon sens, il est un peu difficile de soutenir que le singular they représente un singulier, alors que le verbe qui suit ne l’est pas.
On pourrait bien sûr employer le it, singulier et neutre, mais il semble que cette solution n’ait jamais été envisagée sérieusement. Alors ne reste plus qu’à créer un tel pronom, pour éviter l’illogique singular they, mais je ne me fais pas trop d’illusions…
En effet, des auteurs réputés comme Shakespeare l’ont employé. Un ouvrage comme le Cobuild Advanced Learner’s Dictionary l’emploie continuellement, sans compter les journaux, les magazines et les auteurs en général.
Les articles qui encensent le singular they ne manquent pas. Je vous signale entre autres celui-ci : http://motivatedgrammar.wordpress.com/2009/09/10/singular-they-and-the-many-reasons-why-its-correct/