Bâdrer

«Bâdre-moi pas avec ça!» C’est ce que mon père disait lorsqu’on l’importunait. Il ne fallait pas l’achaler avec telle ou telle chose.

Nos amis européens reconnaissent peut-être achaler, un canadianisme qui viendrait de l’ouest de la France. Mais bâdrer? Sûrement pas. De fait, l’expression vient de l’anglais bother, déranger. J’étais naguère convaincu qu’il s’agissait du français de nos ancêtres. Not at all.

Les Canadiens ont énormément emprunté à l’anglais à cause de la proximité du monde anglo-saxon. Très souvent, il s’agit d’emprunts lexicaux. Le monde automobile en regorgeait : tire, flat, windshield, bumper, etc. Des efforts considérables ont été investis dans la francisation et ces termes sont moins fréquents qu’avant.

Curieusement, certains anglicismes ont revêtu des habits français pour mieux se fondre dans la langue. C’est le cas de bâdrer. On peut aussi penser à ce charmant bécosse, francisation de back house, ce cabanon où les colons allaient faire leurs besoins.

Donc si vous venez au Canada, n’hésitez pas à demander où sont les bécosses, personne ne va se bâdrer pour cela.

Juif

L’acteur William Shatner, qui incarnait le capitaine Kirk dans la série Patrouille du Cosmos, est juif. À moins qu’il ne soit Juif, avec la majuscule?

L’emploi de la majuscule en français est problématique, on le sait. Mais souvent cette lettre capitale peut signaler une nuance importante.

Les gens pratiquant la religion juive sont des juifs, avec minuscule initiale. Dans ce cas, on suit la même règle que pour d’autres religions :

Jean Sébastien Bach était protestant.

L’acteur Richard Gere est bouddhiste.

Yuko est shintoïste.

D’ailleurs, le nom des religions se décline avec la minuscule. Le judaïsme, l’islam, le christianisme sont les trois religions monothéistes.

Alors pourquoi voit-on parfois le mot Juif écrit avec la majuscule initiale? Quand ce mot désigne un peuple.

On appelle Juif tout descendant du peuple sémitique qui vivait en Palestine durant l’Antiquité et qui portait le nom d’Hébreu. On écrit alors Juif avec la majuscule initiale.

Donc tout dépend de l’angle sous lequel on aborde la question. Si on veut mettre en évidence l’appartenance au peuple juif, comme s’il était question d’une nationalité davantage qu’une orientation religieuse, alors il faut parler d’un Juif ou d’une Juive.

C’est pourquoi on parle de la déportation des Juifs par l’Allemagne nazie. Le gouvernement allemand voyait en eux une « race » maudite devant être exterminée, et non pas les tenants d’une religion diabolique.

On peut donc affirmer que William Shatner est juif en raison de sa religion, tout comme on dirait qu’un autre William, appelé Bill Clinton, est méthodiste.

La plupart du temps, lorsqu’on mentionne qu’une personne est juive, c’est davantage de sa religion dont il est question. Car William Shatner est canadien, le capitaine Dreyfuss était français et Albert Einstein était allemand, avant de devenir américain.

Autre article : antisémitisme.

Exonymes

Le Petit Larousse définit un exonyme comme suit :

Nom étranger d’un toponyme. (Exemple : Parigi est l’exonyme italien de Paris.)

Des exonymes sont adoptés dans toutes les langues pour ne pas utiliser des noms étrangers qui peuvent être imprononçables ou trop difficiles à écrire. Parfois, on adopte tout simplement l’endonyme, mais uniquement s’il n’est pas trop compliqué. Un bel exemple est Beijing, utilisé en anglais; cet endonyme remplace Peking, que l’on utilisait jadis.

Le français a adopté quantité d’exonymes, surtout pour les pays voisins avec qui il a eu des relations suivies, que ce soit sur le plan culturel, politique ou… militaire.

L’Italie vient en tête de liste, en raison de son importance historique et culturelle. Les exonymes les plus connus sont Rome, Florence, Milan, Naples, Pérouse, Venise. L’Espagne suit de près avec Barcelone, Séville, Grenade et bien d’autres. La Belgique aussi, où les noms flamands sont traduits : Gand, Anvers, Mons et… Bruxelles, ancienne ville flamande dont le nom original est Brussel, qui se dit d’ailleurs Brüssel en allemand.

Parlons-en de l’Allemagne. Cologne, Hambourg, Munich, Francfort, tous des exonymes pour Köln, Hamburg, München, Frankfurt. Il va sans dire que ces noms sont déclinés de manière différente dans d’autres langues. Par exemple, München se dit Monaco en italien, ce qui pourrait irriter nos amis français, car, pour eux, Monaco… eh bien c’est Monaco, voilà.

Les exonymes sont donc des adaptations. On cherche parfois à imiter la prononciation originale, sans pour autant y parvenir. Certains voudraient les abolir complètement pour que l’on emploie les noms originaux, les endonymes. Ce n’est pas demain la veille, comme on dit souvent.

Les exonymes existent parce qu’ils sont utiles. À moins de se résoudre un jour à remplacer Le Caire par al-qāhira.

Pékin

Une version actualisée de cet article peut être lue ici.

La question s’est posée lors des Jeux olympiques de 2008 : fallait-il dire Pékin ou Beijing? Cette question en amène une autre : pourquoi deux graphies pour une seule ville? Il y a pourtant belle lurette que nous disons Londres au lieu de London, Barcelone au lieu de Barcelona ou Moscou au lieu de Moskva.

La France utilise toujours un système de romanisation du chinois mis au point au XVIIe siècle par des jésuites. C’est ce système qui nous a donné Pékin, Nankin et Canton. À la fin des années 1950, le président Mao a demandé que l’Occident utilise le système pinyin. Celui-ci a entraîné une mutation spectaculaire de certains noms, dont celui du Grand Timonier, devenu Mao Zedong.

Des villes comme Pékin, Nankin et Canton ont brusquement changé de nom pour devenir Beijing, Nanjing et Guangzhou. Une mère ne reconnaitrait plus son enfant. Les anglophones ont adopté ces nouvelles appellations, tandis que les francophones, plus conservateurs, s’en tiennent aux graphies plus traditionnelles. Il semble que les anglophones acceptent plus facilement les endonymes, ces noms de lieu qui correspondent à ce que l’on dit dans la langue d’origine.

Tant les journaux que les dictionnaires de la francophonie continuent de parler de Pékin et non de Beijing. Ce dernier nom est parfois mentionné dans les ouvrages de référence, mais l’entrée principale est toujours à Pékin.

Il est donc très clair qu’en français on dit Pékin. Le nom de la capitale chinoise peut être vu de deux manières : une transcription maladroite du chinois ou encore une traduction. Par exemple, Florence est une traduction de l’italien Firenze. Dans les deux cas, il s’agit d’exonymes.

Quoi qu’il en soit, force est de constater qu’en français on dit Pékin dans l’immense majorité des cas. Certains font valoir que le nom officiel est bel et bien Beijing. Il est vrai, par exemple, que Bombay est maintenant appelée Mumbai et que ce nom est souvent repris en français. Mais n’oublions pas que bien d’autres noms officiels continuent d’être traduits en français : Belarus qui demeure Biélorussie, New Mexico qui demeure Nouveau-Mexique; Lisboa qui demeure Lisbonne.

On peut en discuter longtemps, mais le français, à tort ou à raison, n’adopte pas systématiquement toutes les nouvelles appellations officielles. Comme c’est souvent le cas, il n’y pas de logique précise dans ce qui est adopté et ce qui ne l’est pas. Par exemple, le Zaïre est devenu la République démocratique du Congo, tandis que la Biélorussie continue de désigner cet État appelé Belarus aux Nations unies.

Par conséquent, il me parait souhaitable et logique que nous continuions d’appeler la capitale chinoise Pékin.

Arguer

Le verbe arguer fait partie de cette cohorte hélas trop nombreuse de mots français dont l’orthographe est trompeuse. Même les plus érudits se font prendre en le prononçant ar-<G dur>-é, c’est-à-dire exactement comme il s’écrit. Bref, guer comme dans guérisseur.

Piège. Arguer est prononcé de la même manière que bilinguisme, en ce sens que le GU est diphtongué. Normalement, on devrait écrire argüer et c’est d’ailleurs ce que proposaient les rectifications orthographiques de 1990. Ces rectifications, curieusement, ne prévoyaient pas de tréma pour bilinguisme, probablement parce que c’est un mot courant que tout le monde sait comment prononcer. À mon sens, ce raisonnement ne se justifie pas.

On le sait, les timides rectifications de 1990 sont en grande partie restées lettre morte. Pure hérésie pour bien des Européens que cette idée de rendre le français un tout petit peu plus logique. Pour d’autres, comme moi, les rectifications sont à l’enseigne de la pusillanimité, comme un train qui s’arrête en plein champ.

Au Québec comme en France, les grands écrivains, journaux, périodiques et éditeurs n’en tiennent pas compte, de sorte qu’elles sont largement ignorées. Ce qui explique que des graphies absurdes comme arguer et bilinguisme persistent.

De Gaulle et le Québec

De Gaulle

Le général de Gaulle n’est pas perçu de la même façon au Québec et en France. Pour les Français, il est le père de la Cinquième République, celui qui a réformé le système politique de l’Hexagone, pour le rendre viable. Mais beaucoup le considèrent comme une figure politique du passé. Pour les Québécois, il est celui qui a osé mettre le Québec sur l’échiquier politique international.

Découvrir un peuple

Dans les manuels d’histoire en France, la colonisation du Canada était une toute petite parenthèse. Une amie Parisienne m’a confié qu’on en parlait pendant à peu près deux minutes au lycée…

Le Canada moderne, c’était cette étrange nation britannique sise au nord d’une contrée fabuleuse, les États-Unis d’Amérique. L’histoire de cette nation courageuse, colonisée par les Britanniques leur échappait. Ils ignoraient le long combat des Canadiens pour survivre et ne pas être assimilés comme le furent plus tard les Louisianais.

Un esprit libéral, lord Durham, considérait que ce serait rendre un service aux Canadiens de les faire disparaître une fois pour toutes…

Ce sont ces Canadiens (par opposition aux Anglais) que le général de Gaulle a découvert avec surprise lorsque les Alliés sont venus libérer la France du joug nazi. Or le Général avait le sens de l’histoire. Il a reconnu dans ces « Français du Canada », comme il le disait, de dignes descendants des Français.

D’autres l’avaient vu avant lui, mais ces éclairs de lucidité se sont vite éteints. Peu de gens le savent, mais le premier ministre Honoré Mercier a été reçu avec les grands honneurs à Paris, en 1888, où on lui a décerné la Légion d’honneur.

Presque cent ans plus tard, en 1960, le président de la République Charles de Gaulle recevait le premier ministre Jean Lesage avec le même faste que s’il était un chef d’État.

Cette fois-ci était la bonne. Les relations entre la France et le Québec prirent leur envol.

Dans ses Mémoires, de Gaulle avait déjà pris conscience des « réalités profondes qui font de la Fédération canadienne un État perpétuellement mal à l’aise, ambigu et artificiel. » Il exprima à Jean Lesage sa conviction profonde que le Québec était appelé à devenir un État souverain. [1]

Vive le Québec libre

Contrairement à ce que beaucoup ont laissé croire, le fameux cri du général de Gaulle n’était pas entièrement spontané. Il était résolu à corriger ce qu’il appelait la lâcheté de la France.

Lâcheté, vous dites? La France n’avait pas engagé assez de troupes pour défendre le Canada et semblait peu intéressée par le sort de sa colonie, ces fameux « arpents de neige », selon Voltaire. Après la défaite de 1760, elle avait abandonné ses colons canadiens aux Britanniques par le traité de Paris en 1763. Par la suite, la France avait fourni un appui militaire aux rebelles américains qui ont arraché leur indépendance en 1776. Les Canadiens de l’époque en voulaient beaucoup à la mère patrie. Pis encore la France a par la suite oublié l’existence même de ces Canadiens, devenus par la suite des Québécois, pour une bonne partie d’entre eux.

« Ils vont m’entendre. », clamait le Général avant d’entamer sa visite au Canada, à l’occasion du centenaire de la fédération canadienne. De Gaule aurait même exercé des pressions sur le premier ministre Johnson pour l’inciter à réaliser l’indépendance du Québec[2]. Johnson ne se sentait nullement prêt à aller dans cette direction.

Le Général a été accueilli dans ce qu’il a lui-même appelé « une atmosphère de Libération ». C’étaient des mots puissants venant du chef de la Résistance française.

Tout au long de son parcours, sur le chemin du Roy, s’étalaient des bannières « France libre Québec libre ». Nul doute qu’elles ont stimulé les ardeurs du Général. À l’hôtel de ville de Montréal, un micro fut mystérieusement placé sur le balcon, alors qu’il n’était pas prévu que l’auguste visiteur prendrait la parole. Entraîné par la foule majoritairement indépendantiste, le Général lança le fameux « Vive le Québec libre! » Catastrophé, le premier ministre Johnson lui reprocha d’avoir repris le slogan de ses adversaires du RIN. De Gaulle n’en fit pas grand cas.

Cette déclaration lapidaire a provoqué un incident diplomatique avec le Canada et le Général plia bagage avec sans doute le sentiment du devoir accompli.

Un chemin différent

On connaît la suite. Les Québécois ont refusé par deux fois d’emprunter le chemin de l’indépendance. Ils préfèrent demeurer un État fédératif dans le grand ensemble canadien, quitte à se faire conspuer abondamment par ce peuple canadien-anglais convaincu, lui, de ne pas être raciste du tout. My foot.

Je n’ose pas imaginer ce que le Général penserait de cette situation.


[1]  « Il y a 50 ans, le Québec à Paris -2 – Un grand élan diplomatique, Le Devoir, le 11 octobre 2011.

[2]  Voir Pierre Godin, Daniel Johnson, Montréal, éditions de l’Homme, 1980.

Violence américaine

En observant – médusés – le drame qui se déroule aux États-Unis, on ne peut qu’être frappé par la violence coutumière qui embrase ce pays.

J’ai toujours aimé les États-Unis et les Américains. Je garde de beaux souvenirs de mes vacances d’adolescent à la plage d’Atlantic City, avant l’arrivée des casinos. Le Boardwalk enchanteur qui longeait l’océan, les bâtiments désuets qui s’alignaient le long de ces avenues dont le nom avait inspiré les créateurs du jeu de Monopoly.

Ce pays ressemblait tellement au Canada. Jeune ado, j’avais remarqué la présence de Noirs dans les rues, ce qu’on ne voyait à peu près pas chez nous. J’avais voulu aller voir des Noirs qui habitaient en face de notre motel, mais ma mère m’en avait dissuadé, car c’était dangereux. Ah bon.

Plus tard, j’ai commencé à m’intéresser à l’actualité et fait des études de science politique à l’université. Mon opinion à propos des Américains a commencé à s’infléchir.

Un grand peuple

Au départ, j’éprouvais beaucoup de sympathie envers les Américains – et c’est toujours le cas aujourd’hui, malgré tout. Ces fiers soldats venus mourir sur les plages françaises pour libérer l’Europe du joug nazi. Ces touristes débonnaires qui débarquaient à Montréal, charmés par la magie du français, tout autour d’eux. D’ailleurs, je n’éprouvais pas de malaise à pratiquer mon anglais maladroit avec eux, car je savais qu’ils n’avaient pas d’aversion envers les francophones, contrairement à ce qui se produisait dans mon propre pays.

Politologue en herbe, j’ai étudié avec ravissement la Constitution américaine, texte génial inspiré des philosophes français. Il était fascinant de lire cette loi fondamentale ainsi que toutes ces réflexions profondes sur l’édification d’un système politique équilibré mettant la population à l’abri d’une dictature.

Et comment ne pas être ébahi devant l’ascension fulgurante de cette nation devenue à l’aube du XXe siècle un géant économique, avant de devenir un colosse politique?

La violence dès le berceau

La violence a imprimé un sceau indélébile sur la mentalité américaine. Les États-Unis sont nés dans la violence. La Révolution américaine est une révolte contre le pouvoir jugé despotique du roi anglais George III. Cette révolution est primordiale pour comprendre la mentalité du peuple américain. Elle a ancré l’idée que la violence peut être un moyen légitime de régler un problème.

Et la violence allait imprégner la société américaine de multiples manières. C’est peut-être dans le système économique qu’elle est la plus perceptible. Les Américains ont une foi absolue dans l’économie libérale; celle-ci départage les gagnants, ceux qui travaillent dur, des perdants, des fainéants, des maladroits, brutalement écartés de la richesse collective. Dans cette foire d’empoigne qu’est l’économie libérale, chacun a exactement ce qu’il mérite et l’État n’a pas à s’en mêler. En fait, le gouvernement c’est le problème, pour paraphraser Ronald Reagan. Certains extrémistes en viennent à voir dans l’État un ennemi potentiel des libertés individuelles – présentées comme sacrées et protégées par le Bill of RIghts – d’où ces théories délirantes du deep state qui cherche par tous les moyens à surveiller les individus.

Cette foi totale dans l’économie de marché remonte au XIXe siècle. Depuis lors, les pays occidentaux se sont ravisés après avoir constaté les inégalités criantes qu’elle amène. Lisez Dickens. Tant au Canada qu’en Allemagne ou au Danemark, il va de soi que tous les citoyens doivent bénéficier d’un régime public d’assurance-maladie. Aux États-Unis, c’est une hérésie pour une couche importante de la population. Le fameux Obamacare, qui étendait la protection médicale aux couches plus démunies de la population, a suscité une immense controverse chez nos voisins du sud. Beaucoup en faisaient une question de principe : l’État n’a pas à offrir une protection à des losers qui ne travaillent pas assez fort pour s’enrichir. Pourquoi moi je paierais pour eux? C’est leur problème.

Exclure brutalement les pauvres des soins de santé est une forme de violence.

Les Noirs

Dans la Constitution de 1787, on parlait de ces « autres personnes » pour désigner les esclaves. Des présidents comme Washington et Jefferson possédaient des esclaves.

L’esclavagisme était une plaie pour la jeune nation américaine et il allait conduire le pays à une guerre civile particulièrement dévastatrice. Cent ans après, il ne s’en était toujours pas remis et le pasteur Martin Luther King clamait devant la foule qu’il avait un rêve, celui de l’égalité raciale.

À cette époque, les Noirs n’étaient pas admis dans bien des hôtels et des restaurants. Il y avait des toilettes séparées pour les Blancs et les Noirs. Comme en Afrique du Sud, un État qui, lui, s’affichait ouvertement raciste.

Le racisme systématique et systémique est un acte violent. Il touche aussi les Autochtones, que l’on a exterminés à coups de fusil avant de les entasser dans des réserves. Heureusement, il n’y pas eu de solution finale pour les Noirs, mais les extrémistes blancs en rêvent sûrement. Certains brûlent des croix et glorifient Hitler.

Le Deuxième Amendement

Et il y a les armes à feu. Il peut être amusant de regarder à la télé les grands classiques du western, avec tous ces gens qui s’entretuent à qui mieux mieux. Les Amérindiens sont toujours les méchants, on voit très peu de Noirs sauf dans le rôle de palefreniers ou de serviteurs. Mais, surtout, le fait de tuer une autre personne à coup de pistolet est tout ce qu’il y a de plus banal. Là encore, l’utilisation d’une arme à feu, soit pour se défendre soit pour faire justice, est parfaitement légitime. On en revient à la Révolution américaine. On tire d’abord, on s’explique ensuite.

La sacralisation des armes à feu est imprégnée dans la culture américaine, au point qu’elle a été consacrée dans le Deuxième Amendement de la Constitution américaine. Un phénomène unique dans les pays occidentaux. En fait, les Américains sont très étonnés de savoir qu’au Canada ou en France, personne ne ressent le besoin de posséder un pistolet. « Comment faites-vous pour vous défendre? », demandent-ils, intrigués.

Le lien entre les centaines de tueries qui surviennent chaque année aux États-Unis et la libre possession d’armes à feu n’échappe pas à un enfant de cinq ans. Pourtant, on entend régulièrement des sophismes de tout genre pour défendre la libre circulation des armes. Comme : « Ce ne sont pas les armes qui tuent, mais les gens. » C’est en partie vrai. Les États-Unis sont malheureusement une société violente à divers degrés, comme j’essaie de le démontrer. Ce sont en effet les gens qui tuent, qui décident d’ouvrir le feu lors d’une altercation avec un voisin, quand quelqu’un les dépasse sur l’autoroute, quand ils entendent un bruit suspect dans la maison et descendent leur propre enfant qui rentrait un peu tard. Ce sont aussi des gens qui décident de massacrer leurs collègues au bureau, leurs collègues à l’école secondaire. Le lien entre cette violence outrancière et la disponibilité des armes à feu est évident.

Sans parler de ces bons parents qui amènent leur enfant de dix ans à une foire d’armes à feu. La vénération des fusils et des armes d’assaut commence jeune.

Parlons-en des enfants. Même le massacre de 20 enfants à l’école primaire de Sandy Hook, en 2012, n’a pas convaincu les parlementaires de modifier les lois. Le Deuxième Amendement l’emporte sur toute autre considération.

Un pays irréformable?

Dans un autre texte, je faisais état du dysfonctionnement de certaines institutions américaines. La Constitution géniale de 1787 se dégonfle au fur et à mesure que les États-Unis s’enfoncent dans une décadence de plus en plus évidente. L’élection comme président d’un homme malade et inapte, un boutefeu irresponsable, vient accélérer la tendance.

Mais nos voisins du sud n’ont pas toujours été dirigés par des abrutis. Obama était un président inspirant, l’un des plus intelligents jamais vus. Pensons aussi à l’autre Roosevelt, Theodore, qui a créé les grands parcs nationaux.

La politologue et chroniqueure Josée Legault parlait d’un pays individualiste, obsédé par l’argent et irréformable. L’avenir dira si elle a raison.

Mais l’avenir des nations tient souvent aux leaders qu’elles choisissent. En 1932, les Américains ont élu Franklin Delano Roosevelt qui allait lancer le New Deal, un programme de dépenses publiques dont l’objectif était de donner du travail aux masses de chômeurs jetés dans la rue par le krach boursier. Roosevelt allait à l’encontre de la philosophie individualiste qui imprégnait la société américaine.

À mon sens, l’espoir réside dans la jeunesse. C’est peut-être elle qui lancera les réformes nécessaires pour mettre les États-Unis au diapason des autres pays occidentaux. Joe Biden serait bien avisé de choisir une colistière noire et jeune comme Kemala Harris.

Mais le chantier est vaste et les forces réactionnaires particulièrement virulentes et bien armées. Surtout que certaines réformes impliquent un changement radical de la mentalité américaine. La fracture de la société américaine n’est pas que raciale : elle divise les Américains en deux camps : les progressistes qui s’alignent sur les autres pays occidentaux et les conservateurs opposés à toute forme de changement. La bataille s’annonce rude et violente.

Le subjonctif italien

L’apprentissage du subjonctif français est sûrement l’une des tâches les plus redoutables pour tous ceux qui apprennent notre langue. Je remarque que les anglophones essaient d’éviter son emploi en tournant la phrase autrement… En effet, le subjonctif ne pardonne pas : « Je veux que tu sais que je suis avec toi. » dirait notre collègue anglophone, avant de s’exprimer autrement.

Le subjonctif français comporte deux lames sur lesquels tous ceux qui apprennent notre langue peuvent s’embrocher :

  1. Décider s’il faut employer le subjonctif.
  2. Connaitre la bonne conjugaison.

Le cas de l’italien

Apprendre la langue de Dante est relativement facile pour un francophone. Bien des mots sont transparents et on peut intuitivement deviner comment on dit une chose dans beaucoup de cas. Bien sûr, ça ne fonctionne pas à tous les coups et, comme avec l’anglais, il y a des faux amis. Salire pour monter; fermare pour arrêter.

Les francophones qui s’attaquent au subjonctif italien comprennent très vite ce que peuvent éprouver anglophones ou germanophones qui apprennent le français. Il n’y a pas d’équivalence systématique entre le français et l’italien, bien que dans la plupart des cas la convergence soit au rendez-vous.

Des locutions comme benche, senza che, affinche, perche, prima che commandent le subjonctif comme leurs équivalents français bien que, sans que, afin que, pour que, avant que.

Des phrases exprimant le doute, le regret, la volonté ou la crainte exigent aussi le subjonctif dans les deux langues.

Je veux que tu viennes / voglio che tu venga (au lieu de vieni à l’indicatif).

Jusqu’ici, pas de problème.

Mais dans d’autres cas, le français semble baisser la garde et ne respecte plus la logique initiale du subjonctif. Considérons les cas suivants :

J’espère que tout va bien. -> Sprero che tutto vada bene.

Je crois qu’elle est malade. -> Penso che sia malata.

J’imagine qu’il a eu une panne. -> Immagino che abbia avuto un guasto.

Il me semble que ce n’est pas la bonne réponse. -> Mi sembre che non sia la risposta giusta.

Il me dit qu’il est amoureux. Mi dice che sia amoroso.

La dernière phrase a été captée par hasard dans les rues de Rome. La jeune femme qui parlait à une amie exprimait un doute sur les intentions réelles de son copain. Logiquement, elle recourt au subjonctif, alors qu’une Française se sert de l’indicatif.

Comme on le voit, l’italien est à la fois plus logique et plus systématique dans l’emploi du subjonctif. Le francophone qui apprend l’italien a donc une toute petite idée des affres que subissent les anglophones qui décident d’apprendre la langue de Molière. Employer le subjonctif ou ne pas l’employer, voilà la question.