Les noms des partis

Les partis politiques se donnent généralement des noms simples et évocateurs, loin des discours emberlificotés de leurs dirigeants. En effet, il n’y a rien de mystérieux dans des titres comme le Parti libéral, le Parti conservateur ou le Nouveau Parti démocratique.

La Coalition Avenir Québec fait quelque peu exception, parce que son nom juxtapose trois substantifs. Néanmoins, il n’y a pas d’ambiguïté. Le problème vient toutefois du nom que l’on attribue à ses partisans et députés. C’est là que le bât blesse, comme on dit souvent.

Habituellement, ce nom dérive de l’élément déterminatif de l’appellation; par exemple, un membre du Parti libéral est un libéral. Cet élément déterminatif est le plus souvent une forme adjectivale que l’on transforme en substantif.

Mais, dans le cas de la Coalition (je déteste les sigles), il devient difficile de trouver un nom à partir d’une forme adjectivale inexistante. Le député aveniriste? Non, bien sûr. La solution qui s’impose est coalitioniste. Malheureusement, on a tôt fait dans la presse de se rabattre paresseusement sur l’acronyme CAQ et inventer le disgracieux caquiste, qui a immédiatement suscité l’hilarité. Si M. Legault avait eu un peu plus de leadership linguistique, il aurait pu imposer l’appellation de coalitionniste, à mon avis moins ridicule et très défendable.

Mais la tradition de s’inspirer des sigles est bien implantée, les sigles proliférant dans nos textes comme des nuées de sauterelles. L’ancêtre de la Coalition s’appelait l’Action démocratique du Québec; ses membres, au lieu d’être appelés actionnistes, sont devenus des adéquistes. vous n’aimez pas les actionnistes? Il me semble que c’est moins barbare que  les caquistes.

M. Legault aurait pu s’appuyer sur Québec solidaire, dont les députés sont tout naturellement qualifiés de solidaires, sans que personne n’y trouve à redire. ll faut dire qu’un nom issu du sigle QS (quéciste?) aurait été ridicule. Mais, en politique, le ridicule ne tue pas.

La mère des appellations siglées est péquiste. Mais avait-on le choix? René Lévesque lui-même considérait que Parti québécois était un trop beau nom, un nom lourd à porter. En effet, impossible de parler des députés québécois sans tomber dans la confusion; en outre, qualifier les députés péquistes de québécois était insultant pour les libéraux et autres, comme s’ils étaient des traîtres à la patrie. Il a donc fallu inventer le terme péquiste. 

Allons faire un petit tour du côté des anglophones. Le défunt Equality Party a été traduit par Parti Égalité. Cette traduction est servile, car nous avons deux substantifs juxtaposés, comme cela se fait en anglais. Imagine-t-on le Parti Liberté, le Parti Conservatisme? Une dénomination respectant le génie du français aurait été le Parti égalitaire, ou encore le Parti pour l’égalité.

Le Parti réformiste, toujours bien vivant sous sa cape d’invisibilité conservatrice, était une bonne traduction de Reform Party. Curieusement, certains journalistes francophones s’entêtaient à l’appeler sous son nom anglais. Allez comprendre pourquoi…

Mythes sur l’histoire du Canada (2e partie)

 

Dans l’article précédent, nous avons vu qu’une bonne partie de la vie politique canadienne repose sur des traditions. En effet, bon nombre d’éléments familiers de notre vie politique ne sont pas régis par des lois, ils ne figurent pas dans les textes constitutionnels. En voici quelques-uns.

Le premier ministre dirige le Cabinet.

Les textes constitutionnels ne parlent ni du premier ministre ni de l’existence d’un cabinet. Bref, ministres et premier ministre n’existent pas dans les textes constitutionnels. Ces postes sont officieux. Ce n’est que dans la Loi constitutionnelle de 1982 qu’on mentionne l’existence du premier ministre. Par ailleurs, l’existence du Cabinet remonte à plusieurs siècles. Les souverains britanniques s’entouraient d’un groupe de conseillers qui, à la longue, sont devenus le Cabinet. Ils se réunissaient dans une pièce distincte, appelée cabinet.

Le gouvernement est formé par le parti qui obtient le plus de sièges aux élections.

C’est une longue tradition qui va de soi. Qui d’autre pourrait former un gouvernement, s’il n’a pas la majorité des sièges au Parlement?

Le Parlement se compose de la Chambre des communes et du Sénat.

Pas tout à fait. La reine en fait aussi partie, chose incroyable. Il faut savoir que le Parlement était une concession du souverain qui acceptait de partager le pouvoir avec des représentants de l’aristocratie, le Sénat, et des représentants de la population, les Communes.

Le gouvernement est responsable devant la Chambre des communes.

Impensable de gouverner sans avoir la confiance du Parlement. Les projets ne peuvent être adoptés. De plus, le gouvernement doit rendre des comptes aux députés, répondre à leurs questions. C’est l’essence même de la démocratie.

Le gouvernement doit donc rendre des comptes aux députés et sénateurs. Il est responsable ou redevable. Le mot imputable est une faute de langue, qu’on se le dise.

Puisque la responsabilité des gouvernants n’est pas codifiée dans un texte constitutionnel, cela signifie-t-il qu’un gouvernement peut faire tout ce qu’il veut?

En théorie non.

Tout d’abord, il y a les mécanismes de contrôle officiels, que sont les parlementaires et les tribunaux. On a vu récemment que les juges peuvent barrer la route au premier ministre s’ils estiment qu’il viole l’esprit et la lettre de la constitution.

Et le gouverneur général a aussi un rôle à jouer. N’oublions pas qu’il est le garant des institutions et c’est pourquoi il doit être d’une neutralité irréprochable. Bien entendu, il agit en suivant les instructions du premier ministre. Mais, en théorie, il pourrait s’opposer à des décisions qu’il juge contraires aux traditions parlementaires canadiennes.

C’est ce qui aurait pu se produire en 2008, lorsque le premier ministre actuel a demandé la prorogation de la Chambre pour échapper à un vote de censure. Il est faux de prétendre que le premier ministre a prorogé la chambre. Attention à ce que vous lisez dans les journaux. Rigueur, rigueur, comme disait l’autre. Seul le gouverneur général peut proroger la Chambre.

La gouverneure générale de l’époque aurait pu refuser cette prorogation au premier ministre. Bien entendu, ce refus aurait créé une crise constitutionnelle, car nous sommes habitués à voir le gouverneur général suivre les instructions du chef du gouvernement. Mais, toujours en théorie, Mme Michaëlle Jean disposait de ce pouvoir, mais elle a choisi de ne pas l’exercer et de se rendre aux arguments du premier ministre. Certains diront qu’elle n’avait pas le choix. Mais dans ce cas, pourquoi s’est-elle entretenue si longtemps avec le premier ministre avant de donner son approbation à la prorogation de la Chambre?

Existe-t-il d’autres contrepoids?

L’opinion publique et la presse. N’importe quel gouvernement doit revenir devant les électeurs à la fin de son mandat et rendre compte de son action. On peut penser qu’un gouvernement qui commettrait de graves abus de pouvoir finirait par en payer le prix.

Après tout, nous sommes en démocratie, n’est-ce pas?

 

Mythes sur l’histoire du Canada (1re partie)

Mon texte précédent sur les mythes de la constitution canadienne ayant suscité beaucoup d’intérêt, je me permets de récidiver. Tout d’abord quelques mythes sur l’histoire du Canada.

Les Britanniques ont décidé de nommer notre pays le Canada.

FAUX. Jacques Cartier a repris cette expression d’un chef iroquois qui désignait ainsi son village. Canada signifie « amas de cabanes ». Par la suite, les colons français en sont venus à se désigner comme des Canadiens, parce qu’ils avaient quitté la France depuis longtemps et ne s’identifiaient plus à elle.

Le terme « Canadien » qualifiait jusqu’au début des années 1960 les Canadiens français, par opposition aux Anglais, les Anglo-Canadiens. Ces derniers en sont finalement venus à se nommer Canadians et lorsque le nationalisme québécois a pris son envol, dans les années 1960, le terme Québécois a remplacé Canadien français.

Les Britanniques ont adopté la feuille d’érable comme symbole national et l’hymne national Ô Canada.

FAUX. La feuille d’érable, tout comme le castor, était un symbole national canadien-français. Les deux ont été repris par les colonisateurs britanniques. Il en va de même pour l’Ô Canada, composé par Basile Routhier et Calixa Lavallée, pour répondre à une demande de la Société Saint-Jean Baptiste. L’Ô Canada n’est rien d’autre qu’un chant patriotique canadien-français. Il est devenu hymne national du Canada en 1980. Auparavant, l’hymne officiel de notre pays était… le God save the Queen, croyez-le ou non.

Le Canada est devenu indépendant en 1867.

FAUX. Le 1er juillet 1867, le Canada continue d’être une colonie britannique, mais il est désormais dirigé par un gouvernement qui doit rendre des comptes au Parlement d’Ottawa. Toutefois, le Canada n’est pas maître de sa politique étrangère, raison pour laquelle son ministère des Affaires étrangères s’appelle ministère des Affaires extérieures. Cette appellation sera enfin changée en 1993.

La politique étrangère canadienne est assujettie à celle de la Grande-Bretagne. Le Canada ne peut signer de traité en son propre nom. Il le fera pour la première fois en 1919 en paraphant le Traité de Versailles. Le gouvernement de Londres l’autorise à agir en État pleinement souverain, pour souligner les exploits de l’armée canadienne sur les champs de bataille européens, lors de la Grande Guerre. D’ailleurs, la bataille de Vimy en 1917 est considérée au Canada anglais comme l’acte de naissance d’une nation anglo-canadienne affranchie de la mère patrie anglaise.

Le Canada est devenu indépendant en 1931, après l’adoption du Statut de Westminster, qui visait aussi l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Le Canada fédéral est une création des provinces.

FAUX. Bien sûr, les premiers ministres canadiens se sont réunis à Charlottetown pour jeter les bases de la soi-disant Confédération, mais ils n’agissaient pas en tant qu’États souverains. Tout ce qu’ils pouvaient décider demeurait assujetti au bon vouloir des autorités britanniques. D’ailleurs, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, qui crée officiellement le nouveau pays, le dote d’un Parlement et répartit les pouvoirs entre le gouvernement central et les provinces, est une loi britannique. Le pivot de la constitution canadienne était à Londres. Les parlementaires britanniques auraient très bien pu choisir d’ignorer les demandes des Canadiens. Donc, le Canada moderne est une création de la Grande-Bretagne.

Les provinces sont un palier de gouvernement, tout comme le fédéral.

DOUTEUX. Ici deux écoles s’affrontent : ceux qui considèrent que les provinces possèdent des pouvoirs exclusifs et souverains; ils parlent d’ordre de gouvernement. Les autres, plus centralisateurs, estiment que les provinces sont des entités subalternes du fédéral; ils parlent alors de palier de gouvernement.

L’expression Dominion of Canada est tirée de la Bible.

VRAI. Elle provient du psaume 72 : He shall have dominion also from sea to sea and from the river unto the ends of the earth.

L’expression Dominion of Canada n’est plus usitée. On l’a rendue par Puissance du Canada. On remarquera l’origine de la devise D’un océan à l’autre, qui vient également de ce psaume.

Pierre Elliott Trudeau a instauré le bilinguisme au Parlement.

FAUX. La Loi constitutionnelle de 1867 instaure le bilinguisme dans les deux chambres. Officiellement, députés et sénateurs avaient le droit de s’exprimer en français, mais bien peu le faisaient, car ils voulaient être compris, disaient-ils…

Le premier ministre Trudeau a fait adopter la loi sur le bilinguisme qui confère au français un statut officiel dans la fonction publique fédérale.

Les députés créditistes sont à l’origine de l’interprétation simultanée au Parlement.

VRAI. Ces députés provenaient des régions rurales du Québec et ils ne parlaient à peu près pas anglais. Leurs interventions suscitaient un certain émoi sur les banquettes…On a alors décidé d’embaucher des interprètes.

Le Canada, à l’instar de la Grande-Bretagne, n’a pas de véritable constitution.

VRAI. Les deux pays se gouvernent en fonction d’une série de lois, de décrets, qui, mis bout à bout, forment le tissu constitutionnel, si je puis dire. Mais il n’y a pas un document comme tel dont on peut dire qu’à lui seul il représente la constitution canadienne.

Le Canada se gouverne en vertu d’une série de lois à portée constitutionnelle et de traditions parlementaires scrupuleusement observées depuis presque 150 ans, et qui continueront de l’être, souhaitons-le.

Cette situation est étonnante, de prime abord. Mais on comprend mieux quand on regarde du côté de la Grande-Bretagne qui se gouverne aussi en suivant une longue série de traditions non écrites. Un peu comme la common law qui, contrairement au droit français, s’appuie davantage sur des coutumes, sur ce qui se fait habituellement, plutôt que sur des textes de loi précis.

Le premier ministre Harper est le chef d’État du Canada.

FAUX. Il est le chef de gouvernement, le premier ministre, point à la ligne. Le chef d’État du Canada est encore et toujours le souverain anglais. Le Canada est une monarchie constitutionnelle et tous les textes de loi doivent être approuvés par la reine Élisabeth II. Comme elle ne peut s’acquitter de cette tâche, puisqu’elle est chef d’État d’un grand nombre de pays, le gouverneur général agit en son nom.

En tant que chef d’État adjoint — on l’appelle vice-roi — il accueille les autres chefs d’État (rois, empereurs, présidents, etc.) et rend officiels les lois, décrets, nominations, etc.

Le premier ministre nomme les ambassadeurs, les ministres, le gouverneur général, les juges à la Cour suprême, les sénateurs et les membres de son gouvernement.

FAUX ET ARCHIFAUX. C’est le gouverneur général qui s’acquitte de cette tâche. Le premier ministre propose les candidats et le vice-roi suit habituellement ses recommandations.

Le gouvernement adopte des lois.

FAUX. Un autre raccourci journalistique. Le Parlement (les Communes et le Sénat) adopte les lois. Le gouvernement les propose aux deux chambres qui les étudie. C’est ainsi que les députés peuvent exercer un certain contrôle sur les décisions de l’exécutif. Si le gouvernement adoptait vraiment les lois, nous serions en pleine dictature.

Vous lirez avec intérêt l’article précédent sur les mythes de la constitution canadienne.

À SUIVRE

Mythes et constitution

Il se dit et s’écrit bien des inexactitudes sur la constitution canadienne et, à force de les entendre, on a l’impression qu’elles sont le reflet exact de la réalité. Or il n’en est rien. Les journalistes cherchent à simplifier certaines situations complexes et, d’approximation en approximation, en viennent à déformer la réalité.

Mythe no 1 : le Québec est exclu de la constitution canadienne.

On parle souvent de l’exclusion du Québec de la constitution, parce qu’il n’a pas signé la soi-disant constitution de 1982. Rien de tout cela n’est vrai.

Il est temps que l’on en finisse avec ce mythe. C’est une fausseté et une absurdité colportée par les médias et les politiciens. À ce que je sache, le Québec ne jouit pas d’un statut particulier au Canada, il ne vit pas dans des limbes constitutionnelles. Toutes les dispositions constitutionnelles s’appliquent au Québec, comme partout ailleurs au Canada,  y compris celles adoptées en 1982. Autrement, la sacro-sainte Charte des droits et libertés ne serait pas en vigueur au Québec.

Mythe no 2 : l’Acte de l’Amérique du Nord britannique est la constitution canadienne.

Il faudrait aussi s’entendre sur ce qu’on entend par constitution canadienne. La plupart des gens s’imaginent que l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, signé en 1867, est la constitution du Canada. C’est faux. Et si c’était le cas, comment expliquer qu’on parle de la constitution de 1982?

La Loi constitutionnelle de 1867, anciennement appelée Acte de l’Amérique du Nord britannique, est de loin la plus importante, puisqu’elle institue le régime fédéral canadien, crée la Chambre des communes et le Sénat. Malgré tout, elle n’est qu’une loi constitutionnelle parmi d’autres.

En fait, il faut regarder la constitution comme une pile de livres. On y retrouve la Loi britannique sur la succession au Trône de 1701, aussi bien que le Statut de Westminster de 1931 qui octroyait une quasi-indépendance au Canada.

Mythe no 3 : le Canada a changé de constitution en 1982.

Autre mythe tenace.

Peu de journalistes et de politiciens semblent savoir que la constitution canadienne est un ensemble de lois, 14 votées par le Parlement britannique, 7 par celui du Canada, en plus de 4 décrets du Conseil privé britannique.

La Loi constitutionnelle de 1982 n’abroge pas tous les textes précédents : elle y ajoute certains éléments, dont la fameuse charte de Pierre Elliott Trudeau, une procédure de révision, faussement appelée formule d’amendement. Cette procédure permet au Canada de changer lui-même sa constitution, sans passer par le Parlement de Westminster. C’est la raison pour laquelle notre pays n’était pas entièrement indépendant, avant l’adoption du Statut de Westminster.

Pourquoi? Parce qu’avant 1931, le Canada n’avait pas officiellement le droit de signer des traités sans la permission du Foreign Office de Londres, croyez-le ou non. Le Canada s’est affranchi de ce lien grâce au Statut de Westminster, mais comme le gouvernement fédéral et les provinces n’arrivaient pas à s’entendre sur une formule de révision de la constitution, il fallait encore passer par Londres pour changer notre loi fondamentale. Cette anomalie a été corrigée en 1982.

Sur le plan linguistique, soulignons qu’on ne peut amender une constitution. En français, on amende un projet de loi et on modifie une loi. La constitution étant une loi, elle ne peut être amendée. Autre grande ignorance des temps modernes.

Le Canada n’a donc pas changé de constitution en 1982; le gouvernement fédéral et les 9 provinces canadiennes-anglaises se sont entendus sur une révision de la constitution. Il faut voir la loi de 1982 comme un livre qu’on ajoute sur la pile.

Mythe no 4 : la constitution a été rapatriée en 1982.

On parle beaucoup du soi-disant rapatriement de la Constitution, orchestré par le premier ministre Trudeau. Il s’agit d’une demi-vérité. Le Canada n’a pas «rapatrié» les 14 lois britanniques et les 4 décrets du Conseil privé de Sa Majesté. D’ailleurs, comment peut-on «rapatrier» des textes de loi qui n’ont jamais été canadiens? En anglais, on parle plutôt de patriation. Les francophones s’en tiennent à l’impropriété rapatriement.

Mythe no 5 : le Canada est une confédération.

Dernière inexactitude : le Canada n’est pas une confédération, mais plutôt une fédération, c’est-à-dire un pays subdivisé en États dotés de pouvoirs précis définis dans la constitution. L’Allemagne, les États-Unis sont des fédérations. Une confédération est un regroupement d’États souverains qui délèguent certains pouvoirs à des organismes supranationaux. L’Union européenne est un exemple de confédération.

Si le Canada était vraiment une confédération, le Québec, l’Ontario, l’Alberta seraient des pays membres des Nations Unies. Le terme confédération est une erreur qui remonte à 1867.

Modifier la constitution?

Pour ceux que la question intéresse : pour modifier la constitution, il faut que 7 provinces sur 10 représentant plus de la moitié de la population s’entendent sur une révision. Aucune province ne dispose du droit de veto.

Par ailleurs, il faut l’unanimité des provinces et du gouvernement fédéral pour modifier certains aspects de la constitution. Ce sont : 1) la monarchie; 2) la composition de la Cour suprême; 3) les langues officielles; 4) la procédure de révision de la constitution; 5) le droit d’une province de conserver aux Communes un nombre de députés égal au nombre de sénateurs auquel elle a droit.

Dans les faits, il devient presque impossible de modifier ces éléments fondamentaux. Même si l’unanimité est atteinte, la population de certaines provinces peut désavouer son gouvernement par référendum. Ce qui signifie en clair que tout gain du Québec en vue de régler le contentieux constitutionnel sera soumis au jugement des électeurs de l’Alberta, de l’Ontario, de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan…

Bonne chance aux intéressés.

PROCHAIN ARTICLE : Autres mythes sur la constitution canadienne.

L’auteur possède une maîtrise en science politique. Il se spécialise dans les systèmes politiques fédéraux.

Les slogans électoraux

Les slogans retenus par les principaux partis pour la campagne électorale sont plutôt désolants, pour ne pas dire plus. Manque d’imagination, langue relâchée.

Commençons par le parti des élections à date fixe, le Parti québécois. Plus prospère, plus fort, plus indépendant, plus accueillant.

Il y a bien des non-dits dans ce refrain. Plus accueillant que qui? Plus fort que qui? Ces formulations sont des faux comparatifs, que l’on voit ironiquement en anglais. Par exemple, les smaller enterprises deviennent en français les petites entreprises, et non les entreprises plus petites.

Le Parti libéral veut parler des vraies affaires. Ici, c’est un problème de niveau de langue. Il s’agit d’une formulation qu’on entendrait dans la rue, mais, on le sait, au Québec il est toujours préférable d’abaisser son niveau de langue pour ne pas se faire traiter de snob et se faire dire d’aller vivre en France.

Que diriez-vous de Ensemble, attaquons-nous aux vrais problèmes?

Les campagnes électorales étant essentiellement des campagnes de publicité, on recourt un peu aux mêmes stratagèmes que les firmes de communication pour attirer la sympathie du public. Laissons un peu de temps à M . Couillard, il va peut-être finir par sacrer à toutes les phrases…

On se donne Legault. Un ingénieux jeu de mots, lui aussi à saveur populiste, mais pas tout à fait du français le plus relevé. Il faut dire que son chef parle aussi une langue maladroite, hélas.

Québec solidaire a mieux réussi. Je vote avec ma tête. Suivi d’un petit cœur… Charmant et intelligent. Aucun doute : personne ne va lancer sa chaussure sur les affiches de ce parti de gauche.

Quant à Option nationale, je n’ai vu son slogan, mais il nous sert une désopilante fricassée linguistique, sous forme de question à Mme Marois : Oui ou non, entreprendrez-vous un référendum dans le prochain mandat pour un Québec indépendant?

Cette question du chef Sol Zanetti est renversante sur le plan linguistique. Elle montre que le français au Québec, avec des amis pareils, n’a vraiment pas besoin d’ennemi.

En français : Organiserez-vous un référendum sur l’indépendance du Québec au cours du prochain mandat?

 

Pléonasmes et élections

Mon article précédent sur les pléonasmes avait suscité un certain intérêt. Je reviens donc à la charge encore une fois en espérant ne pas être redondant ni trop répétitif, comme aurait dit La Palice.

Une bonne méthode pour déterminer si nous allons commettre un pléonasme est de comparer ensemble les deux mots, le mieux étant d’ouvrir le dictionnaire. À moins d’un hasard imprévu, vous devriez y voir plus clair. Cela vous évitera de répéter deux fois la même chose.

Parlons un peu d’élections, puisque nous y sommes. À quand une loi sur des élections précipitées à date fixe? Car nos valeureux politiciens se dévisagent mutuellement en s’accusant d’être responsables de ce scrutin inutile. Bien sûr, ils n’ont pas le monopole exclusif de la duplicité et du mensonge trompeurs, mais pourquoi jurent-ils tous, la main sur le cœur, qu’ils feront de la politique autrement, pour aussitôt retomber dans les manœuvres électoralistes? D’ailleurs, essayez d’en trouver un qui réponde directement aux questions, par exemple en commençant sa phrase pour «oui» ou «non».

De fait, ils ne divulguent jamais publiquement le fond de leur pensée. Sur ce plan, ils sont plutôt solidaires les uns des autres.

Cynique moi? Bien oui, c’est une évidence qui crève les yeux.

Un dernier mot avant de finir. Triste de voir M. Couillard se sentir obligé de glisser des phrases en joual dans ses discours, pour faire plus «vrai». Il est un des rares politiciens à manier la langue avec élégance. Bien dommage.

 

Seconde ou deuxième guerre mondiale?

On s’entend pour considérer les conflits de 1914-1918 et 1939-1945 comme étant des conflits mondiaux. Certains historiens considèrent la Guerre de Sept Ans (j’assume les majuscules) comme une sorte de guerre mondiale, ce qui me paraît quelque peu contestable. C’est à la suite de cette guerre, qui a mis aux prises plusieurs grands empires européens, que la France a cédé le Canada à la Grande-Bretagne.

La plupart des ouvrages et rédacteurs s’entendent pour écrire le nom des deux guerres mondiales avec majuscule. Il y a bien, ici et là, quelques esprits minimalistes qui veulent supprimer la majuscule de tous les noms propres, des gens qui, par exemple, écrivent le parti communiste. Ces personnes écriront la première guerre mondiale comme s’il s’agissait de la trompette du musicien.  Je m’élève contre ce réductionnisme absurde, qu’on ne voit pas dans les langues sœurs comme le portugais, l’espagnol ou l’italien.

J’ai déjà dénoncé ce réductionnisme dans un précédent article sur les noms des périodes historiques.

Bien entendu, la Première Guerre mondiale ne s’est pas appelée ainsi d’emblée. À l’époque, on croyait et on espérait que l’humanité ne serait pas encore assez folle pour se lancer dans une autre boucherie du genre. C’est pourquoi ce nouveau conflit a été baptisé la Grande Guerre, avec deux majuscules. Les règles tatillonnes sur l’emploi des majuscules étaient respectées.

Normalement, le mot guerre s’écrit en minuscule et l’élément déterminatif qui suit doit prendre la majuscule initiale, s’il s’agit d’un substantif. On dira la guerre du Péloponnèse, la guerre d’Indépendance américaine. Mais si le mot guerre est suivi d’un simple adjectif, alors aucune majuscule nulle part. Sidérant. Ainsi : la guerre froide.

Alors pourquoi la double majuscule dans la Grande Guerre? Tout simplement parce que l’adjectif précède le substantif et qu’il fait partie intégrante du nom. On ne pourrait, par exemple, écrire lénorme guerre. Le mot Grande n’est pas fortuit, il fait partie du nom.

Je vous laisse mesurer toute l’ineptie de ce genre de distinction.

Il y eut malheureusement un second conflit mondial. On abandonna l’appellation Grande Guerre pour parler de la Première Guerre mondiale. Quant à la suivante, elle fut qualifiée de Deuxième Guerre mondiale. Pendant longtemps, cette appellation a été décriée, certains argüant que le mot deuxième laissait entendre qu’il y en aurait une troisième. Ils préféraient donc le terme Seconde Guerre mondiale.

Certains rédacteurs, traducteurs et grammairiens débattent encore de la question. Voici ce qu’en dit Le Petit Robert : La règle selon laquelle deuxième s’emploierait lorsque le nombre des objets dépasse deux, et second lorsqu’il n’y en aurait que deux, est selon Littré « tout arbitraire », mais observée cependant par certains puristes.

Assez drôle de voir un dictionnaire en citer un autre…

Joseph Hanse, dans son Nouveau Dictionnaire des difficultés du français moderne, tranche la question : Jamais la langue n’a fait couramment entre les deux (deuxième et second) la distinction que des théoriciens ont voulu établir.

Par conséquent, les deux appellations Seconde Guerre mondiale et Deuxième Guerre mondiale sont aussi valides l’une que l’autre.

On remarquera, toutefois, qu’une désignation générique, qui s’écarte des termes consacrés, ne prendra pas de majuscule. Ainsi :  Les deux conflits mondiaux ont fait des dizaines de millions de morts.

Élections et anglicismes

Le Canada ira aux urnes le 19 octobre, mais il n’ira pas en élection, un calque de l’anglais. Dans le merveilleux monde de la politique, et des élections, les anglicismes pullulent, comme partout ailleurs.

Le prochain gouvernement aura un mandat de quatre ans. Il serait erroné d’écrire « la prochaine administration aura un terme de quatre ans. »

Le gouvernement sortant n’a pas dissous le Parlement, pas plus que le premier ministre, d’ailleurs. Cette prérogative revient au gouverneur général, qui représente la reine dans notre pays. Seule le gouverneur général a le pouvoir de déclencher un scrutin et, par la suite, de désigner le premier ministre.

Toutefois, le gouvernement aurait pu être renversé au Parlement par un vote de censure, de défiance ou de blâme. L’expression vote de non-confiance est un autre calque de l’anglais.

Le Parlement examine les projets de loi. Ils peuvent faire l’objet d’amendements, avant d’être adoptés. En français, on amende un projet de loi mais on modifie une loi. Amender une loi est un autre anglicisme.

Au Parlement, il y a deux catégories de députés : ceux d’arrière-ban (et non d’arrière-banc), communément appelés backbenchers. Ceux qui siègent dans les premières rangées s’appellent des députés de premier rang, désignés en anglais sous le nom de frontbenchers.

On compte aussi deux catégories de ministres : les ministres influents ou de premier plan, souvent appelés ministres séniors par ceux qui ont perdu leur français; les ministres moins importants, ceux de second plan, de second rang, sont affublés du titre un peu dérisoire de ministres juniors. Portent-ils la culotte courte?

Le caucus des députés de chaque parti se réunit à huis clos, belle expression française déclassée par l’affreux derrière les portes closes.

Les députés ne passent pas les lois, mais les adoptent. Avis (encore une fois) aux journalistes : une loi n’est PAS une législation. Un ensemble de lois est une législation dans un domaine précis.

Enfin, les députés commettent un anglicisme quand ils répètent « Ce gouvernement… ». Un autre calque de l’anglais. En français, on dénonce LE gouvernement.

Des Russes ethniques?

Le conflit en Ukraine met en lumière l’existence de minorités russes en Ukraine. Elles sont regroupées en Crimée, que vient d’envahir la Russie, et dans la partie orientale du pays, où sont situées des villes comme Kharkiv et Donetsk. Les Pays baltes comptent aussi des minorités russes.

En anglais, on parle d’ethnic Russians, que l’on ne doit absolument pas traduire par Russes ethniques. 

Car, à son compte-là, les Ukrainiens sont aussi ethniques. Je m’explique.

En français, est ethnique ce qui est relatif à une ethnie. En anglais, le mot a pris un sens très différent et désigne les personnes appartenant à une minorité ethnique. Donc, les ethnic Russians sont les Russes de souche vivant en Ukraine.

Sinophones et magyarophones

Le nom des locuteurs d’une langue dérive généralement du nom de cette langue. Ainsi, les francophones parlent le français, les anglophones l’anglais, les russophones, le russe, les arabophones, l’arabe.

Mais ce n’est pas toujours aussi simple. Par exemple, il n’y a pas d’alémanophones, même si on dit la Suisse alémanique; on parle plutôt de germanophones, ce qui est quand même logique; pensons aux peuples germaniques. On sait tous que le nom anglais de l’Allemagne est Germany.

Le cas de l’Espagne est intéressant. Les locuteurs de l’espagnol ne sont pas des espagnophones ni des ibérophones (pensons à la péninsule Ibérique). Non, on parle plutôt d’hispanophones, du latin Hispanicus.

Les personnes parlant le portugais subissent un peu le même sort, puisqu’elles sont désignées sous le nom de lusophones. Cette fois-ci le lien vient de Lusitanie, nom du Portugal à l’époque romaine.

Les Grecs se faisaient jadis appeler Hellênos. Le nom officiel de la Grèce est la République hellénique, et les personnes parlant le grec s’appellent des hellénophones. Non, les grécophones n’existent pas.

Pas plus que les hongarophones, d’ailleurs. Les Hongrois se désignent eux-mêmes comme Magyars, donc les locuteurs du hongrois s’appellent magyarophones.

Un spécialiste de la Chine est appelé sinologue. L’adjectif composé sino se voit dans plusieurs expressions, comme les relations sino-américaines, le conflit sino-soviétique. D’où vient cette racine? Voici ce qu’en dit le Petit Robert : Élément du latin médiéval Sinae (nom grec d’une ville d’Extrême-Orient) signifiant « de la Chine ». On ne sera donc pas étonné d’apprendre que les locuteurs du chinois sont des sinophones.

Un dernier cas intéressant, celui du Japon, qui nous a donné l’adjectif nippon. On parle encore de l’empire nippon, de l’économie nipponne, mais jamais des nippophones, ce qui serait pourtant très logique. Le terme japanophone est également inusité. Les méandres de l’usage, encore une fois.