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Micro-trottoir

Vox populi, vox Dei, dit l’adage. À la lumière de ce qui se passe dans les médias électroniques ces temps-ci, je serais porté à dire Vox populi, vox niaiseries.

La prolifération des micros-trottoirs dans les bulletins télévisés, tant au Canada qu’en France, est exaspérante. J’y reviens ci-dessous.

Sur le plan linguistique

Le phénomène est bien répertorié dans les deux grands dictionnaires. Il s’agit d’une enquête faite auprès de passants, sélectionnés au hasard, à qui on demande de se prononcer sur un sujet de l’heure.

Micro-trottoir est un mot composé dont le pluriel est micros-trottoirs. Certains s’interrogeront sur le pluriel de micro, qui, dans le cas présent, n’est pas un préfixe signifiant « très petit », mais bien un diminutif de microphone. D’où l’accord.

On entend parfois l’expression vox populi pour désigner ces entrevues spontanées.

Sur le plan journalistique

Dans l’immense majorité des cas, les entrevues de passants n’apportent aucun élément d’information valable. Très souvent, les personnes interrogées n’ont aucune connaissance du problème évoqué; leur réaction est primaire et ne présente aucun intérêt. La mièvrerie envahit nos ondes.

Le phénomène se propage malheureusement. Les infos françaises commencent elles aussi à multiplier micros-trottoirs. Une différence notable, toutefois, le Français moyen arrive quand même à s’exprimer beaucoup mieux que le Québécois rencontré sur la rue. Ses phrases sont mieux construites, même si le propos n’est guère plus élevé.

Alors pourquoi s’entêter à réaliser des micros-trottoirs sur tout et sur rien? La prolifération de ces entrevues inutiles devient exaspérante.

Quelques cas de figure.

Le prix de l’essence augmente. Les personnes interrogées à la pompe sont toutes fâchées : on se fait avoir, ça monte tout le temps, etc. On n’entendra jamais personne dire que, finalement c’est une bonne chose, et que ça rend les gens plus conscients du prix réel de l’énergie.

Un père tue sa femme et ses enfants. Le voisinage est consterné, un si gentil monsieur, on ne se doutait de rien, c’est bien terrible. Le journaliste s’attendait à quoi au juste? Bien content qu’ils soient tous morts, leur chien jappait tout le temps?

Le prix Darwin revient à un brave journaliste de Radio-Canada Outaouais. Les enfants d’une école primaire sont séquestrés, car on craint qu’une personne armée ne fasse un carnage. L’alerte est levée. Le brave galopin en quête d’un prix Pulitzer se tient à côté d’une mère énervée. Elle voit apparaitre sa fille et le galopin en question lui demande « Comment vous sentez-vous? » Elle ignore le type et court vers sa fille.

Du grand journalisme.

Car nous en sommes là : l’émotion, la spontanéité remplacent le journalisme d’enquête.

Des solutions

Revenons au prix de l’essence. Au lieu d’interroger « le vrai monde », on pourrait peut-être enquêter sur la collusion des pétrolières pour fixer le prix de l’essence. Évidemment, c’est plus compliqué…

Le meurtre d’une famille par le père. Une petite enquête sur ce phénomène, son origine et les moyens pris par les autorités publiques pour le combattre. Mais c’est tellement plus simple de poser des questions aux gens.

Des réactions

Ma lettre à la directrice de l’information de Radio-Canada n’a reçu aucune réponse. Mes messages à divers journalistes locaux et nationaux n’ont rien donné, sauf dans le cas d’’une reporter du Téléjournal qui m’a dit qu’elle transmettrait mon message avec plaisir aux responsables de cette politique populiste.

Tiens donc. Ils ne sont pas tous d’accord avec la direction…

Sans doute

La locution sans doute est un bel exemple du danger de prendre une expression au sens littéral. Les synonymes qui nous viennent naturellement sont certainement, assurément, incontestablement.

Pourtant, dans l’usage populaire, ce n’est pas tout à fait ce que l’on veut dire. C’était du moins mon impression. Quand on dit sans doute, eh bien c’est un peu comme s’il y avait un soupçon d’incertitude.

Il n’a pas encore appelé; son vol a sans doute été retardé.

Elle a quitté son poste d’enseignante; c’est sans doute à cause des tâches administratives, dont elle se plaignait beaucoup.

Ajoutons un tout petit mot aux phrases précédentes :

Il n’a pas encore appelé; son vol a sans nul doute été retardé.

Elle a quitté son poste d’enseignante; c’est sans aucun doute à cause des tâches administratives, dont elle se plaignait beaucoup.

La deuxième série d’affirmations est plus claire. Dans ce dernier cas, il n’y pas d’hésitation : la cause est certaine.

Il y a donc glissement de sens. Sans nul doute…

Les dictionnaires

Les perceptions peuvent nous jouer des tours, mais dans ce cas-ci les ouvrages de langue sont explicites. À commencer par le dictionnaire de l’Académie.

Cette valeur de sans doute s’est atténuée au point que, pour exprimer l’affirmation, on renforce le subst. par aucun, nul.

Le Robert emboite le pas : « Selon toutes les apparences. » Il donne comme synonymes apparemment, probablement et vraisemblablement.

Voilà qui dissipe mes doutes.

Inde ou Bharat?

Bharat est le nom de l’Inde en hindi. C’est la dénomination que favorise le gouvernement nationaliste hindou du Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien), dirigé par le premier ministre Narendra Modi.

Le Larousse précise que le terme hindi de l’Ouest regroupe un ensemble de langues indo-européennes, dont le panjabi, le gujarati, le rajasthani, le pahari et le hindi proprement dit.

De prime abord, on pourrait penser que le changement de nom relève d’une volonté de pureté linguistique. Pourtant ce n’est pas le cas. Le gouvernement Modi le fait d’abord et avant tout pour promouvoir la religion hindoue.

J’y reviens plus tard.

Des pays et des villes qui changent de nom

Le plus souvent, quand un État ou une ville change d’appellation, ce sont pour des raisons politiques, même si les autorités essaient de le cacher.

L’Inde a voulu décoloniser la toponymie et c’est pourquoi certains noms de villes indiennes ont changé, il y a une vingtaine d’années. Bombay est devenue Mumbai; Calcutta s’appelle maintenant Kolkatta; Madras se dit Chennai, etc.

Ces appellations se voient régulièrement dans le monde anglophone, mais la francophonie résiste et s’en tient très souvent aux noms traditionnels.

Changer le nom d’un pays

Comme je l’ai déjà indiqué dans un article récent sur la Turquie, certains noms sont immédiatement adoptés dans le monde francophone, la République démocratique du Congo étant un bel exemple. On peut aussi penser à l’Iran anciennement appelée Perse. Par contre, on continue de lire Biélorussie, au lieu de Bélarus. On observe aussi une sorte de flottement pour la Birmanie, que la junte au pouvoir a rebaptisée Myanmar.

Bref, c’est l’anarchie en français.

Bharat ou Inde?

Ce qui amène la question suivante : le nom de Bharat sera-t-il finalement adopté en français? Après tout, le Siam s’appelle depuis belle lurette Thaïlande et personne ne proteste.

Bharat nous force aussi à nous poser une autre question : doit-on désigner les pays par leur nom véritable et jeter à la poubelle tous les exonymes? Nous aurions alors dans nos textes Suomi pour la Finlande; Lao pour le Laos; Mexico pour le Mexique; Eesti pour l’Estonie, etc.

Les Nations unies aimeraient qu’on en vienne à cela, mais c’est loin d’être acquis. Les langues ont naturellement tendance à garder les traductions, qui ont le mérite d’être connues de tous.

Alors Bharat ou Inde?

Nous l’avons mentionné, le gouvernement Modi poursuit un but précis, celui de mettre en valeur la religion hindoue, ce qui est controversé dans le pays de Gandhi. Il faut savoir que l’Inde possède une multiplicité de religions et que les non-hindous ne sont pas nécessairement à l’aise avec Bharat.

Pour l’instant, le changement de nom officiel n’est qu’une intention. Le changement de nom n’a pas été soumis aux Nations unies et il est loin d’être certain qu’il le sera.

Et même si c’est le cas, rien ne dit que les autres États vont emboiter le pas, et ce pour deux raisons : 1) le caractère controversé de ce changement inspiré par la religion; 2) la tradition.

Alors, comme on dit ici, gardons-nous une petite gêne, traduction très libre de wait and see.

État et gouvernement

État

Le mot État s’écrit avec la majuscule initiale lorsqu’il désigne une autorité administrative.

        Il est dans les prérogatives de l’État d’assurer l’ordre public.

      Les États membres de l’Onu disposent d’un siège à l’Assemblée générale.

Quant au mot gouvernement, il s’écrit toujours avec la minuscule initiale, sauf dans les proclamations et dans les textes diplomatiques.

            Le gouvernement du Bénin lance une nouvelle politique. L’État prendra désormais en charge les plus démunis.

Pour ce qui est de l’abréviation ONU, elle s’écrit généralement toute en majuscules. Les Européens ont tendance à écrire les acronymes avec la majuscule initiale. Cette façon de faire est plutôt rare en Amérique, mais elle n’est pas fautive en soi.

Tsunami

Le mot tsunami déferle dans nos écrits avec la force d’un raz de marée. Naguère, le terme japonais était inconnu dans nos contrées, mais on a maintenant l’impression qu’il a supplanté le bon vieux raz de marée, qu’on peut aussi écrire raz-de-marée.

Lequel des deux est bon? S’agit-il de synonymes ou non?

Ce n’en sont pas, mais il faut lire très attentivement les définitions des dictionnaires pour les départager.

D’après le Robert, un tsunami est une « Onde océanique provoquée par un séisme ou une éruption volcanique, provoquant d’énormes vagues sur les côtes. »

Le Larousse : « Raz de marée d’origine tellurique, provoqué par une instabilité brusque du plancher océanique résultant d’un séisme, d’une éruption volcanique ou d’un glissement de terrain. »

On voit donc que le tsunami est d’abord et avant tout océanique; il génère un raz de marée. Celui-ci est, selon le Larousse, un « Envahissement exceptionnel du rivage par la mer, produit par une lame de tempête, un tsunami ou un plissement sous-marin. »

Pour y voir plus clair, il faut se diriger vers le Portail linguistique du Canada, qui fait clairement la distinction entre les deux expressions.

Le raz de marée est un terme plus générique que son cousin nippon. Comme le précise le Portail : « En effet, le raz de marée peut être déclenché par une onde de tempête (ou marée de tempête) à la suite de l’action violente du vent, mais pas le tsunami, qui est plutôt déclenché par un choc violent en haute mer. »

Comme on le voit, les terminologues canadiens sont, dans ce cas-ci, bien plus clairs que les lexicographes français.

Oublie ça!

« Oublie ça! », entend-on souvent au Canada français. Cette réplique familière est tellement courante qu’on oublie qu’elle s’inspire de l’anglais Forget it!

Elle s’emploie lorsqu’on exprime un souhait irréalisable parce qu’une autre personne ne voudra jamais suivre nos conseils.

En bon français, il faudrait plutôt recourir à l’une des locutions suivantes :

Laisse tomber!

N’y compte pas!

Peu importe. C’est perdu d’avance.

Il ou elle ne voudra jamais.

Tu prends tes désirs pour des réalités.

En anglais, forget it est une réponse commune lorsqu’on remercie une personne qui nous a rendu service. Au lieu de dire platement Oublie ça, on pourrait essayer de s’exprimer en français correct :

Je vous en prie.

Ne vous en faites pas.

Cela n’a aucune importance.

Cela me fait plaisir.

Et surtout éviter le très américain Pas de problème.

Perdre son blogue

CHRONIQUE INFORMATIQUE – Pour sortir un peu des questions linguistiques

J’ai failli perdre mon blogue. Sans blague. Depuis des mois, WordParesse me signalait qu’il y avait un problème de code PHP dans mes billets. Code PHP? Quid? C’est une sorte de VPN? Un rapport avec le virus du papillome humain?

Généreusement, le site me donne des liens qui me mènent à des pages écrites en klingon. Je n’y comprends strictement rien, car il s’agit de langage de programmation. Je ne suis pourtant pas si nul que cela, parce que j’ai fait de la programmation HTML, voilà de cela une vingtaine d’années. Je tapais les codes à la mitaine, comme on dit au Québec. Pas de meilleure façon que d’apprendre la logique du codage; j’ai même donné des cours à ce sujet.

Pourtant, je ne parle pas le klingon couramment, car cette langue mute à tous les six mois. Les pages vers lesquelles on me dirige dressent une liste d’applications pour corriger certains bogues. L’ennui étant que je n’ai pas le moindre indice quant au problème de ma page. Je nage en plein mystère. Dépassé, je laisse tomber.

Un jour, je décide de simplifier mon mot de passe. Celui-ci respecte les critères que les gourous de l’informatique nous martèlent : 78 caractères comprenant majuscules et minuscules, des chiffres, des symboles, des caractères runiques, des hiéroglyphes, des kanjis japonais. Il ne faut pas le noter nulle part, ni le révéler sur son lit de mort, sans oublier de le changer chaque semaine. Les hôpitaux psychiatriques sont remplis de braves gens qui ont observé ces instructions.

Je le modifie. Mon site refuse le nouveau mot de passe. Il finit par bloquer et m’impose un nouveau parcours semblable aux 24 heures du Mans. Les méandres n’en finissent plus et je zigzague d’une page à l’autre. Je voulais aller à Trois-Rivières, me voici à Pékin. Toutes mes démarches avortent, parce que je ne sais pas ce que je fais. Résultat : je n’ai plus accès à mon site sous mon nom. Catastrophe.

Il semble que dorénavant je m’appelle Kim Lacroix. Si, si. Kim, une charmante personne, m’a aidé en 2013 à configurer mon site. Depuis lors, elle a pris une distance sanitaire de ma personne en s’établissant à Londres, en Ontario…

La seule façon d’entrer dans mon site, et de publier d’autres articles, est de me faire passer pour elle. Heureusement, WordParesse n’utilise pas la reconnaissance faciale. Les articles sont maintenant signés de son nom. Mais au moins j’ai repris le contrôle de mon blogue, qui reconnait enfin le nouveau mot de passe.

J’ai donc marché sur une jambe de bois pendant quelques mois.

J’étais assis sur une bombe à retardement qui a fini par exploser. Un matin, on m’annonce que mon site est bloqué à cause du fameux problème de PHP. Mais, généreux comme pas un, WordParesse m’offre la possibilité d’aller au chevet du mourant. J’ai une dernière chance de voir mon blogue avant qu’il expire.

Jonas entre donc dans la baleine agonisante et, surprise, on me signale l’origine du problème. Un petit widget insignifiant qui permet aux lecteurs d’accéder à ma page FacedeBouc ou à celle de SpaceX. Le petit bidule a une colique. J’ai le choix de tenter de le réparer, donc de voyager jusqu’à la galaxie Alpha du Centaure, ou bien de le trucider. J’entends la musique du Parrain et je l’exécute.

Blanche Neige sort de sa torpeur. Mon site est redevenu normal. J’y accède sous mon nom… mais avec l’ancien mot de passe. Le nirvana et le paradis en même temps. J’entends Sympathy for the Devil chanté par les anges.

Tout va bien, jusqu’à nouvel ordre.

***

Autre article des Chroniques informatiques : Glossaire désabusé de l’informatique. Aussi, le labyrinthe informatique.

Du coup revisité

La locution du coup est particulièrement envahissante, du côté de l’Hexagone. Elle sévit dans les textes journalistiques aussi bien que dans les dialogues de séries télévisées ou de films, quand ce n’est pas dans l’usage courant.

Les usages incorrects pullulent au Québec et au Canada français, mais, comme nous le verrons, la France n’est pas à l’abri des tics langagiers.

D’entrée de jeu on pourrait se demander si l’expression est correcte.

Pour le Figaro, donner à la locution le rôle d’un adverbe est un non-sens. Elle n’est pas un synonyme de « par conséquent », « de ce fait » ou de « donc ». Toutefois, le Petit Larousse recense l’expression et la définit comme synonyme de « en conséquence ». Le Petit Robert donne « de ce fait ».

L’Académie, pour sa part, estime que du coup signifie à la suite de quoi. Le terme marque bel et bien un enchainement et (du coup) il est donc facile à remplacer par les mots et locutions suivantes : donc, par conséquent, dans ses conditions, conséquemment, alors, c’est donc dire, ce qui fait que, de ce fait, ainsi, partant de là, par là même.

Dans la phrase précédente, on voit qu’il est très facile de remplacer du coup par l’adverbe donc.

Du coup ne semble pas si erroné qu’on pourrait le croire. C’est son utilisation pléthorique qui devient problématique. Souhaitons qu’il ne se propage pas au Québec, qui a bien d’autres chats linguistiques à fouetter.

Mais rappelons-nous que les tics langagiers ne tiennent pas toujours le coup sous les assauts impitoyables du temps ; d’autres finissent par les remplacer.

Comme on le voit dans la dernière phrase, une apposition peut aussi nous tirer d’affaire.

Cold case

Certains considèrent le meurtre du président John Kennedy en 1963 comme un cold case, tandis que d’autres se rangent du côté du juge Warren. Lee Harvey Oswald est le seul coupable, point à la ligne. Entre les deux, tout un vivier de conjectures qui incriminent la mafia, Cuba, les Soviétiques, etc. J’oubliais les extraterrestres.

Les amateurs de romans policiers, dont je suis, tombent parfois sur l’expression cold case. Un franc-tireur de la police, généralement marginal, alcoolique et coureur de jupons, décide de déterrer une vieille affaire pour tenter de la résoudre. Il y parvient toujours.

Cold case constitue le crime parfait : impossible de traduire le terme littéralement. Les affaires froides? On parlera plutôt des affaires non résolues, affaires non élucidées, des dossiers en suspens, non encore fermés, des dossiers non classés.

Mais pourquoi pas les affaires classées sans suite?

Certains proposeront des traductions comme vieilles affaires, anciennes affaires, etc. Mais toutes pèchent par imprécision.

L’attrait irrésistible de l’anglais en Europe ne se dément pas. L’expression cold case est régulièrement employée, que ce soit dans les bouquins ou dans les séries policières. Un simple délit là-bas, un vrai crime au Canada.

Suisse

Le premier août marque la fête nationale de la Suisse. Voici quelques expériences que j’ai vécues dans le pays de Guillaume Tell. C’est le récit décousu d’un Québécois dans la vingtaine (à l’époque) qui veut rendre hommage à ce pays aux paysages époustouflants.

Le Musée de la pipe…

À Lausanne, je découvre dans une brochure touristique le Musée de la pipe. Il ne fait pas partie du circuit officiel et les droits d’entrée sont plus élevés qu’ailleurs, mais le jeu en vaut la chandelle. Le collectionneur Jacques Schmied a rassemblé plus de 2 000 pipes ! Il y a de toutes les sortes et certaines sont très originales. Malheureusement, le musée a fermé ses portes en 2010, lorsque M. Schmied est décédé. Je me demande bien où sont rendues toutes ces pipes.

Un drapeau du Québec

Dans une taverne en Suisse romande – je pense que c’était à Fribourg – j’aperçois un drapeau du Québec suspendu au plafond, en compagnie de plusieurs étendards régionaux suisses. Intrigué, je demande à un serveur ce que le drapeau de mon pays fait là. Perplexe, il est incapable de me répondre, n’ayant pas la moindre idée de ce qu’est au juste le Québec.

Toujours dans un restaurant, un client d’une autre table m’adresse la parole en patois local. C’est du français, mais je ne comprends pas un mot de ce qu’il me dit. Il met fin à la conversation, embarrassé.

Mes recherches de science politique m’ont amené à étudier le fédéralisme suisse ainsi que la question des nationalités. Les francophones suisses habitent une région nommée la Romandie. J’écris à l’association des Suisses romans pour obtenir un auto-collant de leur drapeau (les drapeaux me fascinent). L’association m’en envoie cinq par la poste ! Photo ici.

Un contrôleur bougon

Incident malheureux dans un train en direction de la Suisse alémanique. Le contrôleur annonce rapidement que les passagers allant vers telle ville doivent descendre à Olten. Mais je n’entends pas bien le message parce que le bonhomme n’articule pas bien et qu’il passe très vite dans l’allée. Un peu plus tard, je constate que j’aurais dû changer de train et il est trop tard. Je le dis au contrôleur qui est très sec avec moi. « Il fallait changer à Olten ! J’ai dit ! »

Par suite, j’ai eu l’intuition qu’il avait été désagréable avec moi à cause de mon accent québécois, qui pourrait être assimilé à celui d’un germanophone. Or, rivalité il y a entre Suisses romands et Suisses alémaniques. On se croirait au Canada…

Je porte plainte en allemand à la compagnie suisse de chemin de fer, dont le siège est à Berne, en Suisse alémanique. Je reçois un accusé réception en français et, plus tard, une lettre écrite en allemand m’avise que le contrôleur a été réprimandé.

Un couple froid

Des mal embouchés il y en a dans tous les camps.

Voilà quelques années, à Ottawa, cette fois-ci, j’entends un couple parler allemand sur la colline du parlement. Ayant planché des années pour apprendre cette langue, je me fais un plaisir de la parler lorsque les circonstances le permettent.

J’aborde donc le couple dans la langue de Goethe. Ils me disent venir de Suisse. Ils sont très froids et répondent sèchement, comme si je les dérangeais.

Heureusement, les Suisses alémaniques ne sont quand pas tous comme cela. Mais il faut savoir qu’ils parlent un dialecte germanique indéchiffrable; est-ce que le fait d’être abordés en allemand classique les insulte? Je ne sais pas.

Autre incident en Suisse allemande. Une germanophone insiste pour me répondre en anglais alors que je lui parle allemand. De deux choses l’une : elle est fière de pratiquer son anglais ou bien le fait de devoir répondre en allemand classique la dérange. Mystère.

Genève

J’ai visité Genève au début des années 1980. Cette ville internationale est l’une des plus chères d’Europe. Pourtant, j’ai réussi à me loger pour l’équivalent de 20 dollars, dans un hôtel modeste, mais très propre. Ma chambre n’avait cependant pas de fenêtre. Aujourd’hui, ce serait impossible, à ce prix. Même l’auberge de jeunesse exigerait plus !

Une jolie ville plantée sur le bord du lac Léman et à deux pas de la France.

Le décorum

L’un des éléments particuliers de l’Europe est le respect d’un certain décorum. Contrairement à ce que l’on voit en Amérique du Nord, la liberté individuelle et le confort à tout prix ne règnent pas en maitre. La plupart du temps, les gens s’habillent mieux qu’ici.

J’étais dans la vingtaine à cette époque et je me foutais pas mal d’être bien mis. Après tout, j’étais étudiant et je portais fièrement ma veste en denim. J’entre dans un beau restaurant à Zurich et le serveur me regarde d’un drôle d’air. Il me dit que j’ai une heure pour manger… Autrement dit, fous le camp. Certains auraient plié bagage, mais je suis resté quand même, car le menu était intéressant. Le service a été rapide…

Un monstre

Histoire épouvantable à Lugano, histoire que plusieurs croiront inventée. J’escalade le mont San Salvatore qui offre une vue splendide sur les alentours. J’aperçois soudain une abeille semble-t-il jaillie d’un film de science-fiction. Elle a la grosseur d’un petit chien, butine autour des fleurs; ses yeux sont très visibles ainsi que ses antennes. Une vision horrifiante.

J’ai une peau qui attire les insectes et je n’ai absolument pas envie que cet insecte monstrueux commence à tourner autour de moi… Je prends donc la fuite, sans même faire une photo, ce que je regrette amèrement aujourd’hui.

Évidemment, mon récit a fait sourire mes compagnons de travail, quelques années plus tard. Pourtant, on a retrouvé un rat géant mort dans la même région de Lugano, une dizaine d’années après ma visite et les scientifiques se perdaient en conjectures. Je ne serais pas surpris qu’une fuite radioactive dans une centrale nucléaire ait causé ces mutations surprenantes.

Les langues de la Suisse

Le canton des Grisons est une particularité dans le paysage contrasté de la Suisse. Le rhéto-romanche est la langue officielle de ce canton atypique. Cette langue est un mélange assez déroutant d’allemand et d’italien, qui confond tout être normalement constitué. J’ai beau parler allemand et italien, mais je ne comprends pas grand-chose de ce qui est écrit. Le rhéto-romanche est parlé par environ 60 000 personnes et se décline en cinq variétés.

Le rhéto-romanche, a un statut officiel en Suisse, avec l’allemand, le français et l’italien. Comme je parle ces trois langues, je me disais que j’étais bien armé pour visiter les Grisons. De petites surprises m’attendaient cependant.

Une question se posait : quelle langue utiliser avec les habitants?

Je trouve une petite auberge et, prudent, réserve ma chambre en allemand, la langue la plus parlée en Suisse. Je vais ensuite à l’Office du tourisme et on me répond en français. À l’heure du midi, je décide d’aller casser la croûte dans un bistro. Une jeune serveuse se plante devant moi et attend que je lui passe ma commande, sans me donner le temps de consulter le menu. Elle est unilingue italienne…

Soit dit en passant, l’italien est la langue officielle du canton du Tessin, une des plus belles parties de la Suisse.

La politique linguistique de l’Helvétie est très particulière. C’est l’unilinguisme cantonal qui prévaut. Autrement dit, un germanophone qui s’établit à Locarno, dans le Tessin, doit envoyer ses enfants à l’école italienne. Un Suisse roman qui part vivre à Zurich devra utiliser l’allemand avec l’administration cantonale. Un modèle assez différent de celui adopté au Canada.

Un État fédéral centralisé

La Confédération helvétique, son surnom, est souvent citée en exemple pour son système politique fédéral. On croit à tort que la Suisse est le pays le plus décentralisé du monde et que les cantons ont des pouvoirs élargis. C’est faux. Jusqu’en 1874, le pays était effectivement une confédération, c’est-à-dire une union d’États souverains. L’essentiel des pouvoirs était dans les cantons.

En 1874, la Suisse a adopté une constitution octroyant au gouvernement fédéral de Berne l’essentiel des pouvoirs législatifs. Les cantons disposent cependant d’une certaine marge de manœuvre, puisqu’ils administrent les lois fédérales.

La Suisse est donc une fédération, comme le Canada, pays qui se prend lui aussi pour une confédération…