L’accent circonflexe

Pendant longtemps, j’ai écrit « bâilleur de fonds », probablement inspiré par « bâiller ». Un bâilleur est celui qui bâille. Mais un bailleur de fonds ne bâille pas.

J’étais tout aussi convaincu que j’étais un homme fûté. Eh bien, je ne le suis pas tant que cela, puisqu’il fallait écrire futé, sur le modèle d’affûté, bien que ce dernier prenne l’accent circonflexe. Dans les deux cas, il fallait retrancher l’accent circonflexe.

Et combien de fois voit-on le passé simple « fut » transmuté en « fût »? Même par des auteurs avertis.

L’accent circonflexe est l’un des pièges les plus insidieux de l’orthographe française, d’autant plus que son emploi défie souvent toute logique.

Avant de condamner sans procès cet élément décoratif pittoresque du français, examinons-en l’origine.

L’accent qui remplace une lettre

C’est à la fin du seizième siècle que cet accent est apparu. Il remplace souvent une lettre qui précisait la prononciation de la lettre précédente. Par exemple dans tête qui s’écrivait teste – ce qui a donné l’anglicisme test, importé du français.

L’accent circonflexe signalait aussi des prononciations précises, dont beaucoup ont aujourd’hui disparu. L’Office québécois de la langue française affirme qu’en France « la distinction entre a et â et entre è et ê est pratiquement disparue ».

Alors pourquoi avoir conservé cet accent? Il faut toujours garder en tête que notre langue respecte l’étymologie. C’est pourquoi nous écrivons théâtre avec le h et philosophie avec le ph grec. Or l’accent circonflexe s’explique en partie par l’étymologie.

Mots semblables

Malgré cette filiation, l’emploi de l’accent circonflexe ne repose sur aucune règle précise. Les graphies contradictoires foisonnent, toutes autant de pièges tendus.

Vous pouvez faire une promenade en bateau et y manger un gâteau. Vos ordures domestiques vous causent du dégoût? N’allez pas les jeter dans les égouts.

Vous aimez les épîtres de Paul? Elles forment une sorte de chapitre de la Bible.

Certains mots appellent de tous leurs vœux un accent circonflexe qui, hélas ne vient pas : dévot, boiter (mais boîte), toit, fibrome, havre, motel (mais hôtel), racler, pupitre, etc.

L’étymologie ne pardonne pas… Que fait donc ce toit sans toît?

Et que dire des deux jumeaux symptôme et syndrôme…? Lequel, au juste, rejette l’accent? (Réponse ci-dessous.)

Les puristes feront valoir que beaucoup de ces graphies trouvent leur explication dans l’histoire de la langue. Certes. Mais, au vingt et unième siècle, ces considérations échappent quelque peu au bon sens commun.

Mots de même famille

La cause de l’accent circonflexe devient pratiquement impossible à défendre quand on compare des mots de même famille. Nous avons vu symptôme… eh bien je vous présente symptomatique, qui a perdu son accent en chemin!

Qui n’a pas écrit déjeûner une fois dans sa vie? Celui qui ne déjeune pas… jeûne. Surtout s’il est à jeun.

Vous me trouvez infâme? Il est vrai que mes articles écorchant la logique tordue du français peuvent être infamants aux yeux de certains.

La nouvelle orthographe

On comprend que l’Académie ait voulu simplifier les choses.

Cette orthographe est vouée aux gémonies en Europe, pas toujours pour les bonnes raisons. Mais on peut certainement lui reprocher de ne pas avoir suivi sa logique jusqu’au bout. L’Académie propose l’abolition de l’accent circonflexe sur le u et le i. Pourquoi pas sur les autres lettres? Il n’est pas plus essentiel sur le a ou le o. Et pour le e… Nous avons déjà l’accent grave, n’est-ce pas?

Peut-on envisager un jour la disparition de l’accent circonflexe? Certainement pas dans un avenir immédiat, mais qui sait?

 

La crise des majuscules

Le français vit une crise des majuscules qui n’a pas son égal dans d’autres langues. Cette parcimonie dans l’utilisation de la capitale a peut-être fait son temps.

Pour compliquer le tout, le français se livre à un déroutant jeu de bascule qui fait varier la position de la majuscule en fonction du type d’entité dont il est question. Est-ce vraiment utile?

Le point sur la question.

Victor Hugo disait que la majuscule est un coup de chapeau. Elle souligne à grand trait l’importance d’une lettre, d’une expression. Toute personne qui maitrise l’anglais, l’allemand ou des langues latines constate rapidement un écart avec le français.

Sur le plan des majuscules, la langue de Shakespeare joue les pères Noël : la capitale tombe dans le discours comme la première neige.

Et pour cause! Le rôle de la majuscule, c’est justement de mettre en évidence. La prolifération des capitales en anglais ne doit pas laisser croire qu’il y a plus d’éléments à souligner qu’en français. C’est plutôt notre langue qui est timide, trop timide diront certains.

Les toponymes

La façon d’écrire les toponymes en est un bel exemple. En français, on écrit la mer Adriatique. Le générique mer ne prend pas la capitale, car il s’agit d’une mer parmi d’autres dont le nom est Adriatique. Pour le francophone, le nom propre commence à l’élément spécifique.

Pourtant, l’anglophone écrit Adriatic Sea et ne s’en porte pas plus mal. En toute logique, on peut avancer que l’appellation constitue un tout et doit s’écrire avec les majuscules. Pourquoi dissocier le générique du spécifique? Les deux vont ensemble, donc double majuscule.

D’autres langues latines suivent la logique du français. Ainsi, l’italien écrit mar Adreatico et l’espagnol mar Adriático.

Monuments et édifices publics

Cette logique est également respectée pour les monuments et édifices publics, du moins en français.

La statue de la Liberté

La chapelle Sixtine

Il faut avouer que ces graphies étonnent. Le réflexe naturel n’est-il pas de désigner une entité en commençant par la majuscule? On serait porté à écrire la Statue de la liberté, la Chapelle sixtine.

Ici, les langues sœurs ne suivent pas l’exemple du français. En italien :

La Statua della Libertà

La Cappella Sistina

Espagnol et italien s’encanaillent même au point d’adopter la double majuscule, impensable en français. En effet, des graphies comme la Statue de la Liberté et la Chapelle Sixtine seraient considérées comme fautives et dignes d’un article glané dans les bas-fonds de la Grande Toile (double majuscule).

Les voies de communication

On observe en français les mêmes réticences en ce qui a trait aux voies de communication.

Le boulevard des Forges

La rue des Champs-Élysées

Encore une fois, espagnol et italien s’entendent comme larrons en foire :

La Calle de Recoletos

El Paseo del Prado

La Via Veneto

Il Canal Grande

Les entités administratives

Les exemples précédents ne sont pas représentatifs de la logique du français. Dans l’immense majorité des cas, notre langue attribue une capitale au premier mot, soit à l’élément générique.

Tout naturellement, on écrira la Direction de la correspondance. La forme elliptique sera la Correspondance. Ainsi, on peut différencier l’ensemble du courrier de la direction qui s’en occupe. Certains ouvrages, dont Le français au bureau et le Ramat de la typographie font valoir que la majuscule, dans ce cas, est superflue. Bien entendu, si on dit que la correspondance a fait des heures supplémentaires, on comprend tout de suite que ce ne sont pas les lettres qui ont travaillé tard…

Les noms de ministères

Compte tenu de ce qui précède, on s’attendrait à lire le Ministère des affaires étrangères. Pourtant ce n’est pas l’usage au Canada. On assiste encore une fois à un cas de logique inversée. En fait, il y a plusieurs logiques possibles.

Le ministère des Affaires étrangères (Gouvernement fédéral).

Le Ministère des Affaires étrangères (Académie française).

Le ministère des affaires étrangères (Journal Le Monde)

Le Ministère des affaires étrangères (Journal Le Figaro)

Intéressant de noter que l’Académie recommande la double majuscule… Cette double majuscule qui apparaît pourtant impensable ailleurs…

Le Figaro ne fait qu’appliquer la logique retenue pour d’autres entités administratives. En effet, pourquoi enlever la majuscule au générique quand il s’agit d’un ministère, alors qu’elle s’applique pour un service?

Quant au journal Le Monde, il a décidé d’aller dans le sens de la simplicité. Son étêtage des noms de ministères va dans le sens de la simplicité – à mon sens outrancière – qu’il pratique en écrivant la seconde guerre mondiale. Simplicité reprise en chœur par les médias français qui écrivent sans majuscule le nom des formations politiques – qui sont pourtant bel et bien des organisations officielles : le parti démocrate, le parti communiste.

Autres hiatus

Je pourrais dresser une longue liste de hiatus quant à l’utilisation de la majuscule en français, mais la lecture de ce billet en deviendrait fastidieuse. Pour résumer, on peut soutenir qu’illogisme et arbitraire règnent en maitre.

Pour cette dernière rubrique, contentons-nous de quelques amuse-gueules…

Le mot État, lorsqu’il désigne un gouvernement, prend la majuscule initiale, alors qu’en anglais on écrit souvent state sans majuscule… Dans ce cas, la majuscule trouve son utilité en distinguant le substantif de synonymes plus généraux.

Les titres de lois, règlements, décrets prennent la majuscule. Il en va de même avec accord. Par exemple, l’Accord de libre-échange nord-américain… En toute logique, on devrait écrire le Traité de l’Atlantique Nord. Eh bien non, c’est le traité de l’Atlantique Nord. Oui, vous avez bien lu.

L’Organisation du traité de Varsovie allait dans le même sens, sa forme populaire faisant l’économie de la majuscule initiale : le pacte de Varsovie. Nous avons donc un Accord, un traité et un pacte…

En français, l’arbitraire a ses caprices. On rogne sans cesse sur la majuscule; pourtant, des appellations officielles n’hésitent pas à se dévergonder. Pensons à l’Organisation internationale du Travail; à l’Organisation mondiale de la Santé.

Plus près de chez nous, la Banque Nationale a certainement plus de gueule sur une marquise ou dans un contrat que la timorée Banque nationale, qui perd son élan novateur au premier coin de rue. Ici, rien d’original, les raisons sociales ayant tendance à adopter plusieurs majuscules.

Les hiatus deviennent folie furieuse sur la planète Web, où l’on ne sait plus où donner de la majuscule. Les amateurs de variations sur un même thème apprécieront la multiplicité des graphies pour le mont du Temple, décliné en quatre saveurs : Mont du temple, Mont du Temple, mont du temple… Essayez l’esplanade des Mosquées, c’est également très divertissant.

Simplifier le régime des majuscules

Comme on l’a vu dans les exemples précédents, les cas de double majuscule sont plus fréquents que les ouvrages de typographie peuvent le laisser croire. Les francophones prennent des libertés avec le corset des règles capricieuses imposées dans les grammaires et les ouvrages de typographie.

Certaines organisations commerciales ou officielles se livrent à des acrobaties dignes du Cirque du Soleil (encore une double majuscule!) pour contourner les règles officielles et donner un peu de relief à leur nom.

Comme je l’ai souvent dit dans mes cours, en français, tout ce qui pourrait être simple est compliqué; et tout ce qui est compliqué l’est encore plus que vous ne le croyez.

Pourtant des solutions simples pourraient être adoptées, si seulement la moindre velléité de simplifier le français ne se heurtait pas à une fin de non-recevoir en Europe.

La solution la plus simple serait de mettre la majuscule au premier mot d’une appellation quelle qu’elle soit. C’est d’ailleurs ce que nous faisons dans l’immense majorité des cas. Les toponymes, noms de monuments, etc., emboiteraient le pas.

Nous aurions ainsi :

L’Océan Pacifique

Le Mont Blanc

La Mer Morte

La Rue des Hirondelles

La Place de l’Opéra

L’Église du Saint-Sépulcre

La Fontaine de Trevi

Vous ne trouvez pas que ces graphies ressortent davantage que les versions amputées proposées dans les ouvrages de typographie?

En adoptant la double majuscule, le français se moderniserait de deux façons.

1) Il cesserait ce ridicule jeu de bascule qui met la majuscule tantôt au premier mot, tantôt au deuxième et parfois nulle part (Le Service de la comptabilité, le monument aux Morts, la guerre froide).

2) Certaines appellations comporteraient plusieurs majuscules. Et alors? Cela se fait en anglais, en portugais, en allemand, en suédois, etc. Où est le problème?

En fait, la vraie question à se poser est la suivante : qu’est-ce que l’économie de majuscule apporte au français? Plus de précision? Plus d’élégance?

La réponse est simple : rien.

Les distinctions subtiles qui frappent les majuscules en français compliquent la grammaire inutilement. En y mettant un terme, le français rejoindrait enfin les autres langues occidentales.

***

Autres articles sur la majuscule :

Les noms de guerres, de révolutions et de périodes historiques

Les partis politiques.

Empowerment

La notion d’empowerment est très populaire en anglais. Sa traduction n’est pas toujours aisée.

Le terme renvoie à l’idée de donner des pouvoirs à des personnes ou à des groupes qui n’en ont habituellement pas.

Le Collins définit ainsi cette notion : «The empowerment of a person or group of people is the process of giving them power and status in a particular situation.»

Dans empowerment, on distingue le mot power et forte est la tentation de parler de pouvoir en français. C’est justement le piège qu’il faut éviter, du moins la plupart du temps. Il faut regarder plus loin que le bout de sa lunette; il est question de doter groupes et individus de capacités nouvelles. On leur permet de prendre en main leur destin, d’accroitre ou de renforcer leur autonomie, de maitriser les facteurs qui influent sur eux.

Ce ne sont ici que des pistes de solutions. Un bon traducteur saura développer la question, l’adapter au contexte. Recourir à des solutions toutes faites et restrictives comme autonomisation, habilitation relève du manque d’imagination.

Dans son brillant Les mots pour le traduire, Luc Labelle nous propose démarginalisation.

Traduire, c’est reformuler, pas de traduire comme une machine.

C’est particulièrement vrai lorsqu’on se mesure au redoutable empower.

Le bon traducteur s’encanaillera.

Quelques exemples de traductions glanées sur la Grande Toile :

These provisions empower the locomotive engineer to make necessary decisions and take necessary action concerning the train when the conductor is temporarily indisposed.

Ces dispositions autorisent le mécanicien à prendre les décisions et les mesures nécessaires concernant le train lorsque le chef de train est temporairement indisposé. – Secrétariat du Conseil du Trésor

We look for employees who are great with our customers, who empower their teams, who negotiate effectively, who are able to manage conflict well, and are overall great communicators.

Nous cherchons des employés qui sont bons avec nos clients, qui valorisent leurs équipes, qui savent négocier, qui peuvent gérer les conflits, et qui sont bons communicants.

Des verbes comme autonomiser, outiller, dynamiser et responsabiliser peuvent être inspirants. Quelques exemples :

How to empower police officers.

Comment outiller les policiers.

Empower your organization through…

Dynamisez votre organisation en…

Empower local agents…

Responsabiliser ou autonomiser les agents locaux…

Empower, c’est aussi émanciper, permettre.

Et il faut justement s’émanciper, rompre les amarres, sortir des sentiers battus pour venir à bout de ce verbe prolifique et de son substantif.

Vimy

Le premier ministre Justin Trudeau avance que le Canada est né à Vimy. Encore une fois. le premier ministre réfléchit comme un anglophone.

Pour le Canada anglais, la bataille de Vimy est un acte de naissance. À cette époque le Canada est un dominion qui n’est pas maître de sa politique étrangère. Lorsque l’Empire britannique entre en guerre contre l’Allemagne, le Canada est en guerre lui aussi, sans qu’on lui demande son avis.

Cette situation aberrante pour un État souverain est incompréhensible aujourd’hui. Il faut comprendre que le Canada anglais est un peuple resté loyal à la Couronne britannique après la Révolution américaine. Les Canadiens anglais se considèrent comme des sujets britanniques; les Canadiens, ce sont les francophones de souche.

Cette allégeance inconditionnelle est quelque peu troublante, dans la mesure où les Canadiens anglais n’habitent plus les îles britanniques depuis 150 ans… Leur nation se confond avec la Grande-Bretagne.

La bataille de Vimy permet aux soldats canadiens-anglais de s’illustrer, de se distinguer du corps expéditionnaire britannique. Enfin! Pourtant, l’importance de cette bataille est largement exagérée… Elle ne permet pas d’atteindre l’objectif initial de percer le front allemand. Les soldats ennemis se replient pour former une nouvelle ligne défensive qui tiendra jusqu’en novembre 1918.

Néanmoins, la pugnacité des troupes canadiennes-anglaises impressionne. Ils gagnent leurs lettres de noblesse, ce qui permet au Canada de signer comme pays autonome le traité de Versailles, en 1919. C’est seulement en 1931, à la signature du Statut de Westminster, que le Canada acquiert sa pleine indépendance.

Mais quel est le sens de la bataille de Vimy? S’agit-il de la naissance du Canada? Pas du tout. Le Canada est né avec les Canadiens-français. Ils ont donné ce nom à la Nouvelle-France, parce qu’ils ne se considéraient plus français. C’est le Canada que les troupes britanniques ont conquis en 1760.

Lorsque M. Trudeau affirme que le Canada est né à Vimy, en 1917, il parle comme un Canadien anglais pour qui tout ce qui existait avant 1760 ne vaut même pas la peine d’être mentionné.

Très décevant de la part de notre premier ministre.

Adresser un problème

Adresser un problème

 

Le verbe adresser a la cote. Sous l’influence de l’anglais, il est servi à toutes les sauces au Canada français. Le premier ministre du pays, les rédacteurs, communicateurs et consorts en ont fait une sauce bon marché qui agrémente tous les plats.

Les marmitons de la langue nous servent des adresser une issue, adresser un auditoire… mais le favori des foules plumitives demeure sans contredit adresser un problème.

Pourtant, une simple consultation du dictionnaire suffit à cerner le sens de ce verbe envahissant. Le Petit Robert donne trois sens principaux.

  1. Émettre des paroles en direction de quelqu’un. Adresser des vœux, des compliments.
  2. Envoyer en direction de quelqu’un. Il a paré le coup que son adversaire lui adressait.
  3. Diriger quelqu’un vers la personne qui convient. Le médecin m’a adressé à un spécialiste.

Nulle part n’est-il question de problème, de problématique, d’issue…

Comme le signalent les Clefs du français pratique, les solutions ne manquent pas : aborder, considérer, examiner, étudier, explorer, faire face à, prendre en main, régler, résoudre, s’attaquer à, se pencher sur, solutionner.

Le verbe anglais to address revêt des sens multiples qui peuvent, dans certains cas, amener une certaine ambigüité. Lorsqu’on dit to address an issue, on peut s’attaquer au problème, mais aussi, éventuellement, le résoudre.

Certains auteurs parlent de s’adresser à un problème. Littéralement, ils adressent la parole à un problème, ils discutent avec lui. Ce non-sens s’inspire lui aussi de l’anglais. Le fait de recourir au verbe pronominal n’élimine pas l’anglicisme.

On peut utiliser la forme pronominale quand le complément est un auditoire (et non une audience, autre anglicisme). S’adresser à un auditoire est tout à fait correct.

Quand on s’adresse à une personne, on lui parle. On peut aussi avoir recours à elle, aller la consulter. Par exemple, on s’adresse à un avocat pour une question juridique, à un traducteur pour faire traduire un texte (et non à un simple locuteur de la langue d’arrivée).

Quand on emploie le verbe adresser, il faut d’abord et avant tout aller à la bonne adresse…

Confrontation

On entend souvent parler d’une confrontation entre un joueur et son entraineur, d’une confrontation entre un mari et une femme. L’image qui nous vient est celle d’un affrontement violent, avec éclats de voix, etc.

Ce sens est toutefois largement critiqué en français.

« Contrairement à l’anglais confrontation, en français confrontation n’est pas synonyme des mots affrontement, conflit, dispute, différend. » nous dit la Banque de dépannage linguistique.

Une confrontation est plutôt une comparaison. Par exemple, on met en présence deux personnes pour comparer leurs témoignages; on confronte deux écritures.

Jusqu’ici, les choses semblent claires, la cause est entendue.

Peut-être pas autant qu’on pense.

Le Grand Robert parle de mettre face à face des personnes ou des groupes pour un débat.

Le Petit Larousse donne plusieurs exemples intéressants : confrontation des points de vue; confrontation armée. Dans ce dernier exemple, l’ouvrage donne à confrontation le sens d’un conflit entre deux pays.

Voilà qui semble un peu s’écarter des définitions plus classiques.

Le Trésor de la langue française en rajoute : « À l’idée de face à face s’ajoute celle d’affrontement, d’antagonisme, de conflit. »

Que faut-il conclure? Que le Multidictionnaire de la langue française et la Banque de dépannage linguistique errent?

J’hésiterais avant de leur lancer la pierre. Il me semble plus probable que confrontation a perdu le sens d’affrontement au fil des siècles, mais que l’anglais a conservé cette acception.

Conclusion : mieux vaut faire preuve de prudence en… confrontant conflit et confrontation.

Vous lirez avec intérêt l’article sur le verbe confronter.