Maison-Blanche

On me demande souvent s’il faut traduire le nom des organismes étrangers. La réponse est oui.

En politique, on le fait couramment pour des raisons d’ordre pratique. En effet, qui voudrait énoncer le nom du Parlement japonais en langue nipponne? Le nom de l’Université de Helsinki en finnois.

Il en va de même pour la White House. Par commodité, on traduit. Autre question souventes fois entendue : faut-il mettre la majuscule? Évidemment, puisqu’on parle d’un bâtiment public, mais surtout d’une institution en soi.

Bien entendu, il n’existe aucune traduction officielle de White House. Le plus souvent, on voit Maison-Blanche, avec double majuscule et trait d’union.

Habituellement, l’adjectif qui suit le substantif ne prend pas la majuscule. Toutefois, lorsqu’on choisit de le relier au premier mot par un trait d’union, on peut l’écrire avec la majuscule initiale.

Ce genre de construction est assez fréquent en toponymie. Pensons à Virginie-Occidentale, Australie-Méridionale. Il s’agit bien sûr d’un choix arbitraire, puisqu’on aurait pu écrire Maison blanche. L’usage a fait le reste.

Les grands dictionnaires ainsi que les médias de bonne tenue écrivent Maison-Blanche.

Mon article sur les institutions américaines donne plus de détails sur les autres organismes importants de nos voisins du sud.

Jaser

« On va aller prendre un café et jaser. »

Un Québécois et un Européen ne comprendront pas la même chose. Le premier a dans la tête de deviser, converser. Rien de très grave.

Le second a l’impression qu’on ira casser du sucre sur le dos de son prochain. Car, en Europe, jaser a le sens de médire. Le comportement de tel ministre fait jaser.

Bien entendu, jaser est du registre familier, au Québec. Dans un texte plus relevé, on évitera ce terme.

Jadis, jaser avait le sens de babiller. Le Robert donne même un exemple de cet emploi par le grand Victor Hugo.

Les ornithologues savent que les pies et les merles jasent. Bon à savoir pour les mots croisés.

Free-lance

Aujourd’hui, deux anglicismes dont on peut remettre en question l’utilité réelle.

Free-lance

Le néolibéralisme continue de ravager le monde du travail. Les employeurs préfèrent maintenant des employés contractuels à qui ils ne sont pas forcés plus tard de verser des pensions de retraite et autres avantages sociaux qui entravent la compétitivité.

Dans le monde cahoteux de la traduction, le recours à des free-lances devient une solution facile. C’est ainsi qu’on s’exprimerait dans un café parisien… et à New York.

Au Canada, free-lance n’est jamais employé par les francophones.

Un employé qui n’a pas de contrat de longue durée avec un employeur, pour reprendre la définition du Petit Robert, s’appelle un pigiste.

Un pigiste travaille à la pige. Qu’est-ce qu’une pige? Encore le Robert :

« Mode de rémunération d’un journaliste, d’un rédacteur rétribué à la ligne, à l’article. »

Alors pourquoi diable free-lance?
D’ailleurs on pourrait dire aussi travailleur indépendant .

Customiser

Vous achetez une maison construite en série. Le vendeur vous propose tout de suite de la mettre à votre goût en choisissant tel type de rampe d’escalier, de l’érable pour le plancher du salon, une porte de garage différente, etc.

Il vous aide à customiser votre maison. Quoi?

Larousse :

Modifier la carrosserie d’une voiture ou d’une moto pour en faire un custom.

Un custom, vous dites? Jamais entendu chez nous. Il s’agirait d’un véhicule personnalisé, d’après les ouvrages de langue.

Un petit tour dans la Grande Toile nous apprend qu’on peut customiser des chaussures, un t-shirt et bien d’autres choses. La popularité de ce verbe étonne, d’autant plus qu’existe déjà en français le verbe personnaliser.

D’ailleurs, un tas d’objets peuvent être personnalisés. Le Petit Robert mentionne une voiture, un appartement, un plat cuisiné.

L’engouement pour customiser est vraiment inexplicable.

D’autant plus inexplicable qu’on peut aisément le remplacer, comme le signale la Banque de dépannage linguistique :

Particulariser, individualiser, adapter à l’usager, adapter au client.

Jour du Souvenir

En ce 11 novembre nous rendons hommage aux soldats massacrés pendant cette boucherie absurde que fut la Grande Guerre. Au lendemain du conflit, les gouvernements et leur population chair à canon étaient tellement traumatisés, qu’ils firent du 11 novembre le jour du Souvenir.

On notera la graphie, qui illustre une fois de plus la pingrerie du français dans l’utilisation de la majuscule. En anglais, le Remembrance Day s’orne d’une double majuscule. Elle met bien en évidence le caractère solennel de cette appellation.

En français, on continue de pratiquer, envers et contre toute logique, l’économie de la majuscule. Ce qui explique la plus modeste graphie jour du Souvenir.

Le français estime que le nom propre commence à l’élément déterminatif. C’est pourquoi on écrit aussi jour de l’An, jour des Morts.

Détail intéressant : l’Académie française écrivait Jour de l’An jusqu’au début des années 1930, ce qui montre qu’il n’y a pas toujours eu unanimité en la matière.

La même règle minuscule-majuscule s’applique également aux noms de fêtes.

La fête du Travail, la fête des Mères; et aussi la fête de l’Armistice, qui n’est rien d’autre que… le jour du Souvenir. Mais on écrit de plus en plus le temps des Fêtes, ou les Fêtes tout court.

L’économie des majuscules dans les appellations historiques a fait l’objet d’un article dans ce blogue.

Petit aparté : les médias européens s’entêtent à décapiter le nom des partis politiques étrangers. Ridicule. Ce sont des organisations en bonne et due forme et leur nom requiert la majuscule initiale : le Parti républicain, et non le parti républicain.