La présidence grotesque aux États-Unis attire sans cesse l’attention comme un mauvais téléroman. Au point où même les plus intéressés sentent un écœurement massif les gagner peu à peu.
Cette fixation sur le voisin états-unien n’est pas nouvelle. La puissance et le rayonnement des États-Unis ont eu une influence majeure sur le vocabulaire français.
Américanismes passés dans l’usage
On parle souvent de l’administration américaine, ce qui est un calque de l’anglais. Le mot « gouvernement » conviendrait mieux. L’administration, c’est l’ensemble des services administratifs d’un État, mais pas le gouvernement lui-même.
La preuve étant qu’on ne parle pas de l’administration Macron en France pas plus que l’on évoquait jadis l’administration Merkel en Allemagne.
Le terme convention pour désigner le congrès d’un parti pour choisir le candidat à la présidence est également un américanisme.
Comment ne pas parler de ce détournement de sens qu’est le mot « Amérique » employé au sens d’États-Unis? Cet américanisme abusif est passé dans l’usage depuis longtemps, hélas. Il date de la naissance de la République états-unienne. Il s’agit d’un diminutif de United States of America, devenue America en anglais et Amérique en français. Pensons à de Tocqueville et à sa Démocratie en Amérique.
Toutefois, rien ne nous oblige à l’employer. Appelons le pays trumpien par son vrai nom : les États-Unis d’Amérique. À moins que le président ne signe un décret ordonnant aux francophones de dire Amérique… Tout est possible à Washington ces temps-ci. L’indice boursier des marqueurs monte en flèche…
À propos des Amériques, lisez mon article.
Faux amis
Les faux amis sont un fléau au Canada français. La proximité avec l’anglophonie canado-américaine pèse lourd et il n’est pas rare que des mots français employés au sens anglais se glissent un peu partout, particulièrement dans les médias.
Le président Trump mène une politique de rétribution. En fait, il s’agit de représailles, rétribution ayant le sens de ce que l’on gagne par le travail ou la prestation de services.
L’envahissant inauguration, qui finit toujours par se glisser dans les reportages au Canada français, malgré les efforts incessants que je fais à tous les quatre ans pour prévenir les journalistes vedettes. En français, on n’inaugure pas un président, on l’assermente. Gardez les inaugurations pour les bâtiments, une école, par exemple.
Le président se voit confier un mandat de quatre ans, renouvelable une seule fois. Il ne s’agit pas d’un terme, anglicisme pernicieux.
Une des failles de la Constitution états-unienne est qu’il n’existe aucune limite au nombre de décrets que le président peut prendre. On voit ce que ça donne.
En anglais, on parle d’executive orders, parfois traduit servilement par décrets exécutif. À éviter.
Et comment ne pas parler des fameux tarifs? Ce sont plutôt des droits de douane.
États-Uniens
Devant la folle guerre tarifaire lancée par la Maison-Blanche, certains commentateurs ont commencé à utiliser l’expression états-uniens, pour éviter l’américanisme américain. Certains s’interrogent sur la justesse de ce néologisme, qui existe depuis environ 70 ans. Lisez mon article à ce sujet et soulagez votre conscience.
Tariff: taxe à l’importation
Pas exactement. Si « tariff » peut désigner des droits de douane en anglais, un tarif est en français une liste des droits de douane imposés à différentes catégories de marchandises importées. Autrement dit, un tarif est un barème, et non le droit de douane comme tel. Pour faire simple, le mot tarif sera bien employé si on peut lui substituer le mot barème. On peut aussi employer l’adjectif tarifaire pour qualifier l’ensemble des questions relatives aux droits de douane. Pour préciser, l’idée on pourrait aussi avancer que tarif est collectif, contrairement à un droit de douane qui frappe un type de bien donné.
Concrètement on parlera donc des droits de douane sur l’aluminium et sur l’acier, et non des tarifs sur l’aluminium et sur l’acier. On peut aussi parler de surtaxe ou de taxe à l’importation.
Les États-Unis d’Amérique ne sont pas, comme vous l’avez identifié, le pays de Trompine. Du moins pas encore.
Pour un Français, l’usage de ‘retribution’ à la place de ‘représailles’ est surprenant mais ne s’entend pas encore. Même en anglais il surprend puisque ‘rataliation’ est plus précis.
Espérons en tout cas que la vague de rejet soulevée par le comportement du gouvernement actuel redonnera des couleurs au combat linguistique. Employer des anglo-américanismes mal digérés pourrait subitement devenir aussi ringard que de rouler en Muskmobile…
Oups! Corriger en ‘retaliation’ bien entendu…
… sans oublier le mot rétorsion (de rétorquer, mais je ne vous l’apprends pas).
Très juste. Soyons des « Retorquemada » contre les méthodes inquisitoriales des illuminés au pouvoir.
Je sais que cette horrible période de l’Inquisition ne fait pas partie de l’histoire canadienne mais c’est une occasion de la redécouvrir…