Je ne pensais jamais écrire une chronique sur le mot problème. Son sens est évident et ne pose pas… problème (cette expression est controversée, je sais; voir ci-dessous).
Pendant des siècles, on a utilisé cet hellénisme sans se poser de question. Il a traversé les langues pour s’installer confortablement dans les langues occidentales. Qu’on en juge :
- Néerlandais : probleem
- Norvégien : problem
- Suédois : problem
- Italien : problema
- Espagnol : problema
No problemo?
Cette expression est apparue voilà quelques années en slang américain. Elle témoigne de l’ignorance honteuse d’une majorité d’Américains envers les langues étrangères – en fait, pas si étrangères que cela. Les États-Unis ne sont-ils pas un melting pot? Le contact avec l’espagnol est étroit dans bien des États. Alors comment se fait-il que personne ne semble se rendre compte que no problemo est une grossière faute d’espagnol?
La réponse est brutale : parce les gens s’en foutent complètement. Leur ignorance des autres cultures est honteuse; ils ne voient aucune utilité à apprendre d’autres langues. Quelle perte de temps!
Problème : RIP
Le charabia des communicateurs est en train d’emmurer vivant le mot en l’objet. Tant les porte-parole que les journalistes se tiennent à deux mètres de distance des problèmes, qui, à leurs yeux myopes, sont frappés du virus de la banalité.
Un peu partout dans les communications publiques, on observe une enflure de vocabulaire, voie royale vers les faux sens. Le mot problème n’y échappe pas, puisque nos alchimistes de la langue l’ont transmuté en problématique, mot qui n’a pas la même signification. Voir mon article à ce sujet.
Ce qui est en jeu, ici, ce n’est pas uniquement l’ignorance de la langue, la phobie du dictionnaire et l’indifférence. Il y a aussi ce lessivage en règle qu’opère la rectitude politique pour éviter les appellations trop brutales. Dans bien des cas, une rectification s’imposait, certes, mais force est de constater qu’on est allé beaucoup trop loin.
Pour toutes ces raisons, les problèmes sont devenus des défis. Voilà une façon de rendre positive une situation difficile. Plus récemment est apparu le magnifique enjeu, employé à toutes les sauces, sans aucune rigueur. Je serais curieux de savoir combien de communicateurs savent au juste ce que veut dire exactement enjeux.
Cette mise à l’écart de problème est injustifiable. Une situation problématique est un obstacle, une épreuve, qu’on le veuille ou non. Nous sommes en train de perdre collectivement la capacité d’appeler les choses par leur nom et cela me parait très grave.
Pourtant, les synonymes abondent, à commencer par la crise que nous subissons actuellement. Une crise porteuse de difficultés, de contretemps (autre mot chassé par les médias), de péripéties, d’imprévus, de mésaventures, de rebondissements, etc. Bref, la pandémie a ses avatars.
Bien sûr, ces mots ne conviennent pas toujours, mais il y en a bien d’autres.
Poser problème
Cette locution est controversée. Certains estiment qu’elle n’a pas sa place dans notre langue. Ce qui dérange, c’est l’absence du de : « Cela ne pose pas de problème. »
Pourtant, la Banque de dépannage linguistique de l’Office québécois de la langue française ne voit pas… de problème. Elle appartiendrait au registre familier et s’inspirerait d’une autre locution, faire problème.
L’Office considère que poser problème est suffisamment claire pour être acceptée en français. Pas de problème, en ce qui me concerne.
Bien dit! En effet, beaucoup « sont frappés du virus de la banalité ». Souhaitons que ce parasite ne tue pas le français.
J’ai entendu ceci dans une pub à la radio récemment pendant que je conduisais : « Avez-vous des enjeux génito-urinaires? »
J’ai presque causé un accident!
Il y a de quoi prendre le champ!