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Fête

Nous venons de célébrer la fête des Français, le 14 juillet dernier, et plus tôt, c’était le Canada qui était à l’honneur, le premier juillet.

On aura remarqué que le mot fête s’écrit tout en minuscule. Les exemples abondent :

La fête du Canada

La fête de l’Indépendance américaine

La fête des Mères

La fête du Travail

Selon la logique du français, le générique fête s’écrit en minuscule, alors que l’élément spécifique prend la majuscule initiale. C’est le spécifique qui donne tout son sens à l’expression, le générique fête n’étant qu’une simple cheville.

Donc fête en minuscule… Le mot jour applique la même logique restrictive.

Le jour du Souvenir

Le jour de l’An

Contrairement à d’autres langues occidentales, le français ne veut pas de majuscule au générique. Soit dit en passant, on écrit pourtant la Journée nationale des patriotes. Le français et ses exceptions…

Le temps des fêtes

Écrit de cette manière, cette expression manque de précision. Habituellement, il est question des fêtes de fin d’année, de la fête de Noël. Mais dans un autre contexte, l’expression pourrait être comprise autrement.

C’est pourquoi il est préférable de mettre la majuscule à Fêtes.

Le temps des Fêtes est source de joie et de réunion des familles.

Les Fêtes sont une période achalandée pour les commerces.

Les fêtes emblématiques

Certains évènements ont marqué l’Histoire. Ils sont suffisamment connus pour que l’on élide l’année et que l’on attribue la majuscule au mois, qui, en français, s’écrit presque toujours avec la minuscule.

Le 14 Juillet

Le 11 Septembre

Bien entendu, si on écrit la date au complet, le nom du mois retrouve sa rassurante minuscule.

La Révolution française a eu lieu le 14 juillet 1789.

Les attentats du 11 septembre 2001 ont bouleversé les États-Unis.

Top guns

Le ministre québécois de la Santé parle de recruter les top guns dans son réseau. Autre preuve que l’anglicisation a encore de beaux jours au Québec. Une notion simple que l’on se sent obligé d’exprimer en anglais, parce que… quoi, au juste? Le terme est plus évocateur, plus solide dans la langue de Joe Biden?

L’idée du ministre Dubé, c’est d’embaucher des praticiens de haut niveau, de rang supérieur, des gens très compétents. Bref des médecins et infirmières de haut vol. Certains diraient des gros canons, des grosses pointures. En fait, la crème de la crème, les meilleurs, quoi. Des praticiens d’élite.

Top

En Europe on parlerait peut-être de médecins de top niveau. Certes, on pourrait tout simplement dire de haut niveau, mais ce serait trop simple… Car, le mot top s’est glissé en français depuis plusieurs décennies et son éradication parait impossible, parce qu’il est court et facile à prononcer pour des gens qui ne connaissent rien à l’anglais.

Mais cet anglicisme est quand même à déconseiller, nous dit l’Office québécois de la langue française :  

L’emprunt à l’anglais top est déconseillé en français, qu’il soit employé comme nom ou comme adjectif. Top signifie « haut, sommet », et est parfois employé, par extension, avec une valeur superlative.

Le top, c’est le plus haut niveau, ce qu’il y a de mieux. Le mot en question apparait dans quelques expressions figées, qu’il est heureusement facile de traduire.

  • Top model, ou top-modèle : mannequin vedette.
  • Top niveau : de niveau supérieur, de haut niveau.
  • Top secret : ultrasecret.

Encore faut-il faire l’effort de le traduire.

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Vous trouvez le français compliqué? Très compliqué? Inutilement compliqué? Vous lirez avec intérêt mon ouvrage Plaidoyer pour une réforme du français. L’auteur y explique comment on pourrait moderniser l’orthographe et la grammaire de notre langue sans la dénaturer complètement.

On peut le commander sur le site LesLibraires.ca ou encore aux éditions Crescendo.

Paquebot

Tout indique que le sous-marin de la compagnie OceanGate s’est abîmé en mer. Ses passagers voulaient observer de près la carcasse du Titanic. Il semble bien que le célèbre paquebot ait fait de nouvelles victimes, 111 ans après son naufrage. Les deux tragédies mettent en lumière l’insouciance de l’espèce humaine.

Le mot paquebot vient de l’anglais packet-boat, un navire qui servait à transporter des paquets et des passagers. De nos jours, le paquebot transporte d’abord et avant tout des passagers. Quant à l’original anglais, il est disparu du paysage, remplacé par ocean liner.

Paquebot est un anglicisme qui s’est fondu dans le paysage au point d’en devenir indétectable. Il rejoint un autre emprunt de l’anglais, redingote, ce manteau ajusté à la taille, issu de l’anglais riding coat.

Zeitenwende

Un peu d’allemand aujourd’hui.

La revue britannique The Economist parlait cette semaine d’un Zeitenwende à propos du Parti vert allemand, d’un point de rupture, d’un tournant. Une façon chic d’éviter l’anglicisme point tournant.

Les verts se fanent

Les écolos allemands sont pris entre deux feux : beaucoup les trouvent trop radicaux ; leur idée de bannir l’énergie atomique fait peur à bien des gens. Les militants de gauche en veulent au Parti vert à cause des compromis qu’il a dû faire avec ses partenaires de la coalition sociale-démocrate-libérale et verte. Ce que l’on appelle là-bas la coalition « feu de circulation ». La Ampelkoalition. Les couleurs des partis qui la composent sont le rouge, le jaune et le vert.

Germanismes chics

Dans un précédent article, j’ai dressé la liste des germanismes les plus courants en français. Lorsqu’il est question d’un pays, on a tendance à reprendre certaines expressions propres à celui-ci, et ce même si elles sont faciles à traduire.

Dans le cas de l’Allemagne, on parlera le plus souvent du Bundestag, la chambre basse du Parlement, au lieu de le traduire platement par Diète fédérale. Par ailleurs, la chambre haute se dit en français : le Conseil fédéral, et non le Bundesrat.

Il n’échappe pas à mes lectrices et lecteurs que l’emploi de mots allemands dans une conversation permet au quidam de briller dans les salons. L’auteur de ces lignes en est un brillant exemple.

Elder Statesman

Certaines personnes laissent leur marque en politique. Elles ont souvent marqué leur temps et attirent le respect de toutes les familles politiques.

On peut penser à l’ancienne chancelière allemande Angela Merkel, qui s’est retirée dans la gloire en 2021. Certains la qualifieraient d’Elder Stateswoman. Je me suis permis de féminiser ce titre, car Mme Merkel pourrait en montrer à bien d’autres politiciens masculins.

On parle habituellement d’Elder Statesman. Il s’agit le plus souvent de personnes perçues comme des modèles, des gens d’expérience, qui peuvent dispenser des conseils empreints de sagesse. Bref, des vieux sages de la politique.

Il y a bien d’autres façons de traduire cette notion.

On pourrait dire que Barack Obama est un vétéran de la politique, un homme politique chevronné ou expérimenté. S’il était plus âgé, on parlerait d’un doyen, terme qui qualifierait davantage l’ancien président Jimmy Carter ou encore, au Canada, l’ancien premier ministre Jean Chrétien.

Le terme doyen ne peut s’employer aussi facile que les autres suggestions dans le texte, car il implique que la personne désignée est un aîné.

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Anecdote. L’ancien président Richard Nixon est parvenu à faire oublier la mauvaise image qui lui collait à la peau après le scandale du Watergate. Il a multiplié les conférences, écrit huit livres pour se donner l’image d’un vieux sage. Tactique qui a réussi, puisque d’anciens présidents comme Bill Clinton lui demandaient parfois conseil…

Naguère

Comme bien des gens, sans doute, j’ai longtemps cru que naguère voulait dire « il y a très longtemps ». Je me trompais. Le mot est pourtant transparent : « Il n’y a guère ».

D’ailleurs, le dictionnaire de l’Académie ne laisse aucun doute : « À une époque appartenant à un passé récent. » Quant à lui, le Multidictionnaire du français précise qu’il ne faut pas le confondre avec autrefois, dans un temps passé, pas plus qu’avec jadis, qui signifie « Il y très longtemps. »

Ce glissement de naguère vers un sens diamétralement opposé au sien est un mystère.

Ainsi va le français depuis toujours. La langue percole, se transforme, se contredit. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il faille rester les bras croisés.

Les Patriotes

Aujourd’hui le Québec fête la Journée nationale des patriotes. Les patriotes sont des rebelles du Canada français qui, en 1837 et 1838 ,se sont mesurés aux troupes d’occupation britanniques afin de constituer une république indépendante.

Ces rebelles, qui osaient défier la toute puissante Grande-Bretagne, s’inspiraient des philosophes des Lumières. Ils proposaient notamment la séparation de l’Église et de l’État; l’abolition du régime seigneurial; l’abolition de la peine de mort; un statut égal pour le français et l’anglais. On pourra en lire plus dans l’article de Maxime Pedneaud-Jobin dans La Presse.

Sur le plan linguistique

L’appellation Journée nationale des patriotes est un bel exemple du funambulisme ridicule de la langue française quant à l’utilisation des majuscules. Voir mes articles à ce sujet.

On remarquera la majuscule à Journée. Normalement, ce n’est pas la règle. L’Office québécois de la langue française : « Lorsque le premier nom de la dénomination d’une époque ou d’un événement historique est un terme générique et qu’il est suivi d’un complément du nom, le terme générique s’écrit avec une minuscule initiale et le nom qui constitue le complément s’écrit, lui, avec une majuscule. » Par exemple la guerre de Cent Ans.

L’Office donne entre autres exemples : la révolte des Patriotes. On remarquera la majuscule subitement apparue au mot « Patriotes ». Habituellement, on écrit patriotes en minuscule, lorsqu’on désigne les révolutionnaires, dont plusieurs ont été pendus par les Anglais.

En français, la majuscule se fait trop rare. Le mot en question reçoit la majuscule dans un odonyme où il joue le rôle d’élément déterminatif.

Jean Chénier habite au 15, rue des Patriotes

Comme je l’ai signalé précédemment, le français nous convie à un jeu de bascule étourdissant entre la majuscule exceptionnelle et la minuscule réglementaire. C’est cet étêtage systématique qui nous vaut la minuscule dans l’expression « Les patriotes de 1837. »

Quant à moi, j’écrirais volontiers les Patriotes de 1837.

Fantômer

Mon billet sur ghoster a suscité de nombreux commentaires intéressants sur les manières créatives de rendre ce mot en français. Plusieurs m’ont signalé la traduction fantômer, qui a engendré un autre néologisme, fantomisation (sans accent nous dit l’OQLF).

Intéressant, mais on suit la démarche de l’anglais pas à pas. L’anglais utilise une image, on la reprend en français. Et je ne vous parle même pas de spectrification que certains ont proposé. Comme je le signalais dans le premier billet, il vaut parfois mieux recourir à cet outil trop souvent décrié, la périphrase.

Une périphrase amusante est rupture à l’anglaise, inspiré de filer à l’anglaise. D’autres, plus prosaïques suggèrent couper les ponts. Dans ce cas, on peut dire qu’Élisabeth a bloqué Robert, elle l’ignore, elle l’a rayé de la carte.

Une ancienne collègue du Bureau de la traduction, Annie Baillargeon, a fait le commentaire suivant :

Je trouve souvent plus limpide en français d’inverser le sujet et l’objet ou de changer l’angle d’approche pour rendre l’idée : Du jour au lendemain, Elisabeth a cessé de donner des nouvelles, a coupé les ponts, a disparu. Ou alors : silence radio, plus rien, etc. Élisabeth m’a effacée de sa vie.

Ne m’effacez pas de vos vies.

Ghoster

Ghoster est un cas intéressant d’anglicisme difficile à traduire en un seul mot. Bien entendu, on pourrait dire occulter une autre personne, la faire disparaitre de notre vie… Ce sont là des périphrases qui ont quand même l’avantage d’être relativement claires. Mais voilà, leur sonorité n’est pas aussi magique que ghoster, d’autant plus que l’anglicisme tient en un seul mot. En outre, occulter et faire disparaitre ont un sens plus général, tandis que l’anglicisme est plus spécifique.

Élysabeth a ghosté Robert.

Élysabeth a occulté Robert.

Dans le deuxième cas, on n’est pas tout à fait sûr de comprendre. Essayons autre chose.

Élysabeth a fait disparaitre Robert.

Là, ça devient inquiétant… Il faut se montrer plus précis.

Élysabeth a fait disparaitre Robert de ses amis Face de Bouc.

Cette ambigüité explique que ghoster se soit frayé un chemin dans la langue des jeunes, aussi bien au Québec, qu’en France ou ailleurs dans la francophonie. On imagine mal la jeune génération élevée dans les médias sociaux dire qu’elle a occulté quelqu’un.

C’est souvent un piège d’essayer de trouver à tout prix un mot unique pour traduire un mot anglais. Les périphrases sont souvent la meilleure solution, car elles explicitent le sens réel d’un mot au lieu de proposer une solution bancale.

Conjugaison fantasmagorique…

Le Robert en ligne nous permet de voir comment les verbes se conjuguent… ce qui inclut ceux venant de l’anglais. Appliquer l’imparfait du subjonctif et le passé simple à un anglicisme peut devenir fort amusant…

Il a fallu que nous ghostassions Robert.

Ils ghostèrent Robert.

De quoi faire des cauchemars.

A priori

Les mots d’origine latine abondent en français. Il peut s’agir de locutions adverbiales tout comme de substantifs entrés dans l’usage.

A priori

Une locution latine qui signifie « D’après ce qui est avant. » Bref, ce qui ne se réfère pas à l’expérience ou aux faits. L’expression contraire est a posteriori.

En français, a priori est devenu un substantif synonyme de préjugé. A priori peut aussi s’employer comme une locution : « A priori, cela semble une bonne idée. »

On remarquera l’absence d’accent grave sur le A initial. Les rectifications de 1990 proposent (animisme, je sais) d’écrire l’expression en un seul mot : apriori ou encore avec l’accent grave : à priori.

Post mortem

L’anglais a aussi emprunté à la langue latine et ses emprunts peuvent être différents de ceux du français. Mais les deux langues en partagent aussi un certain nombre et là encore l’usage nous tend le piège insidieux des faux amis.

 Post mortem est une locution adverbiale utilisée en français. Elle signifie « après la mort ». Faire un examen post mortem, c’est-à-dire une autopsie.

L’anglais emploie l’expression comme substantif au sens de bilan, rétrospective, analyse. On commet donc un anglicisme en disant : « Le Canadien de Montréal fait le post mortem de sa saison décevante. » Il serait plus français de dire que l’équipe s’est penchée sur sa dernière saison, qu’elle en a fait le bilan, ou encore l’examen.

Italique ou pas?

Les locutions qui ont été francisées s’écrivent en caractères latins.

Envoyer son curriculum vitae à l’université. Un diplomate chinois ayant fait de l’intimidation est persona non grata au Canada. Laila recourt à la fécondation in vitro.

Les locutions latines que l’on trouve dans des ouvrages savants s’écrivent généralement en italique. Quelques exemples : ad libitum, opus citatum (op. cit.), ibidem, in fine, etc.