Ghoster est un cas intéressant d’anglicisme difficile à traduire en un seul mot. Bien entendu, on pourrait dire occulter une autre personne, la faire disparaitre de notre vie… Ce sont là des périphrases qui ont quand même l’avantage d’être relativement claires. Mais voilà, leur sonorité n’est pas aussi magique que ghoster, d’autant plus que l’anglicisme tient en un seul mot. En outre, occulter et faire disparaitre ont un sens plus général, tandis que l’anglicisme est plus spécifique.
Élysabeth a ghosté Robert.
Élysabeth a occulté Robert.
Dans le deuxième cas, on n’est pas tout à fait sûr de comprendre. Essayons autre chose.
Élysabeth a fait disparaitre Robert.
Là, ça devient inquiétant… Il faut se montrer plus précis.
Élysabeth a fait disparaitre Robert de ses amis Face de Bouc.
Cette ambigüité explique que ghoster se soit frayé un chemin dans la langue des jeunes, aussi bien au Québec, qu’en France ou ailleurs dans la francophonie. On imagine mal la jeune génération élevée dans les médias sociaux dire qu’elle a occulté quelqu’un.
C’est souvent un piège d’essayer de trouver à tout prix un mot unique pour traduire un mot anglais. Les périphrases sont souvent la meilleure solution, car elles explicitent le sens réel d’un mot au lieu de proposer une solution bancale.
Conjugaison fantasmagorique…
Le Robert en ligne nous permet de voir comment les verbes se conjuguent… ce qui inclut ceux venant de l’anglais. Appliquer l’imparfait du subjonctif et le passé simple à un anglicisme peut devenir fort amusant…
Il a fallu que nous ghostassions Robert.
Ils ghostèrent Robert.
De quoi faire des cauchemars.
« Ils ghostèrent Robert. » Pas mal du tout, merci pour le sourire !
Un jour, j’ai déposé mon ordinateur chez le technicien. Il m’a offert de « faire un ghost ». Cela signifiait de faire une copie de tout le contenu de mon appareil pour le transférer dans un nouvel appareil et ne rien perdre. Alors, je ne sais pas si on parlait de ghoster…
Vous avez raison, il ne faut pas essayer de le traduire dans la même structure grammaticale.
Essayons donc : « j’ai fait de lui un fantôme » ou « j’en ai fait un fantôme ».
Ou alors comme le font beaucoup les Africains, par exemple, inventons : « je l’ai fantômé » ou « je l’ai fantômisé ». Les anglo-saxons le font facilement et leurs mots s’imposent assez facilement, d’abord chez eux, puis dans le reste du monde. Il suffit d’y croire.
Estomper, estomper quelqu’un ou s’estomper de la vie de quelqu’un. Ça rend bien la manière de rompre sans éclat, insidueusement, que ghoster implique.
*insidieusement*
Superbe mais un peu trop sophistiqué pour s’imposer, je pense.
J’étais dans les patates! Je croyais que « ghoster » voulait dire « espionner ».
J’ai ghosté Robert.
J’ai fait de moi un fantôme et je l’ai espionné.
Il en aurait fallu de peu pour que je la ghostasse!
Cet article et les commentaires qu’il a suscités m’ont bien fait rire. Je crois que je ne vais jamais vous ghoster.
Je reviendrais vous hanter, chère madame…
L’OQLF proposait « fantomisation » (sans accent) pour traduire « ghosting » il y a quelques années déjà. Pourquoi pas « fantomiser » ou « fantômiser » ?
Par contre, je trouve qu’« occulter » ou « faire disparaître » inversent la « relation de ghosting », car c’est la personne qui ghoste qui disparaît, du jour ou lendemain, de la vie de la personne ghostée.
Le GDT nous offre le substantif fantomisation qui, précise-t-on, s’écrit sans accent.
Termium propose plusieurs options au mot : fantômiser, spectrifier, filer à l’anglaise, avec comme définition : quitter brusquement quelqu’un sans donner la moindre explication.
Et l’observation suivante :
fantômiser; spectrifier : verbes pronominaux. On dira «se fantômiser» ou «se spectrifier», car c’est la personne qui rompt de cette façon qui devient le «fantôme» ou le «spectre». Tout cela pour dire que j’effacerais une personne de ma vie s’il elle était toxique.
Que de choix finalement!
« She ghosted me » signifie qu’elle s’est éloigné de moi, qu’elle m’avait écarté, qu’elle ne communique plus avec moi. Alors, faire disparaitre et occulter vont dans le mauvais sens, je crois.
Voici le fruit de mes recherches :
1) Dans un premier temps, un terme a été créé pour remplacer le substantif « ghosting » (définition : fait de mettre subitement fin à une relation amoureuse ou amicale en rompant tout contact, généralement pour éviter la confrontation). Il s’agit de « fantômisation » ou « fantomisation » (Office québécois de la langue française, 2017). D’autre part, la banque de données terminologiques et linguistiques du gouvernement du Canada a également répertorié les néologismes « spectrification » [emploi rare], « rupture à l’anglaise » [qui rappelle « filer à l’anglaise »]. Dans la presse francophone et chez certains traducteurs, on rencontre par ailleurs, selon le contexte, les tournures suivantes : la rupture muette, la rupture silencieuse, la rupture sans préavis, la rupture sans explication(s), la rupture sans prise de risque(s).
Lien : https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/fiche-gdt/fiche/26542548/fantomisation
Lien : https://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2alpha/alpha-fra.html?lang=fra&i=&index=frt&srchtxt=SPECTRIFICATION
Exemples :
Savez-vous ce qu’est la fantômisation, mieux connue en anglais comme ghosting? Au départ, c’est une technique de rupture qui consiste à interrompre toute communication avec l’autre. Ce phénomène, associé aux rencontres sentimentales, fait maintenant son apparition dans le monde du travail. Il n’est plus rare que des personnes nouvellement embauchées ne se présentent plus à leur travail du jour au lendemain, sans explication. (Phare Ouest, Radio Canada, 2019)
Lien : https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/phare-ouest/segments/entrevue/142327/emplois-ghosting-michelle-rakotonaivo
Dans son « Micro ouvert », la romancière et nouvelliste Corinne Larochelle traite du phénomène relativement récent de la rupture à l’anglaise (ghosting), un phénomène masculin, mais pas uniquement, selon elle. « Je pense que la lâcheté n’est pas récente, mais sans doute, à l’ère des réseaux numériques, c’est plus facile de disparaître. »
Lien : https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/plus-on-est-de-fous-plus-on-lit/segments/chronique/133020/corinne-larochelle-ghosting-reseaux-sociaux-textos
2) Les verbes correspondants sont transitifs [ghoster quelqu’un = fantômiser quelqu’un, spectrifier quelqu’un [emploi rare] / se faire ghoster = être fantomisé, être la victime d’une rupture fantôme]. Il est également possible d’utiliser des expressions telles que : faire le mort avec quelqu’un, couper les ponts avec quelqu’un.
Exemples :
J’ai été fantômisée [ghostée], c’est-à-dire que d’un instant à l’autre, vous n’existez plus !
L’impact pour la personne fantomisée [ghostée], que ce soit en amour ou en amitié, est violent, voire cruel.
Tout d’abord, dès qu’on réalise qu’on est victime d’une rupture fantôme [qu’on a été ghostée / qu’on s’est fait ghoster], il faut à tout prix couper toute communication et éteindre toute envie de demander des explications. Il peut être bon d’extérioriser et d’écrire ce qu’on aurait voulu dire à l’autre, mais sans envoyer le message.
La personne fantômisée (ou la personne victime d’une rupture silencieuse, d’une rupture sans préavis…) [ghostée] se demande si elle a fait quelque chose de mal pour être traitée de la sorte, dans ce cas la psychopraticienne rappelle qu’il faut faire « attention à ne pas être dans la culpabilisation excessive ».
Comment se reconstruire après avoir été victime d’une rupture sans explication ? [ …après avoir été ghosté ? / … après s’être fait ghoster?]
J’ai cru à un coup de foudre réciproque et il a subitement coupé les ponts avec moi (… et il fait maintenant le mort avec moi). [… et il m’a ghostée]
Le mot « spectrifier » [ghoster] met l’accent sur le sentiment d’être hantés par la personne qui nous a abandonnés, souligne Audrey PM (traductrice).
Lien : https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/on-dira-ce-qu-on-voudra/segments/chronique/12296/ghosting-spectrifer-en-francais-svp-audrey-pm
Merci d’avoir pris la peine d’écrire un si long message avec autant de liens.
Oui vraiment, merci pour toutes ces informations très intêressantes!
Petite remarque ! Dommage que mon texte n’apparaisse pas avec les paragraphes requis. Pourriez-vous y remédier, en cas d’approbation ? Merci. Bien à vous.