Trumpisme

Trumpisme. Le mot est là pour rester et il rejoindra la liste des substantifs s’inspirant de personnages politiques marquants; que l’on pense au maccartisme ou au franquisme.

Autocratisme et post-vérité

Le trumpisme s’inscrit dans un courant populiste dont le président brésilien Jair Bolsonaro et le premier ministre de Hongrie Viktor Orbán sont de brillants exemples.

Les populistes gouvernent souvent de façon autocratique, dans un simulacre de démocratie, où l’opposition est malmenée, le plus bel exemple demeurant la Russie poutinienne.

Le refus de Donald Trump de reconnaitre sa défaite et le fait qu’il lance des accusations non fondées de truquage électoral ne sont guère surprenants et vont dans le sens de la post-vérité qui carbure aux mensonges éhontés, à la réinterprétation de la réalité et aux théories du complot.

Les médias

Le réseau CNN recense quelque 20 000 mensonges et demi-vérités débités de manière industrielle par le président déchu. Un tel torrent de tromperies (jeu de mots facile…) a émoussé la capacité d’indignation de bien des gens.

On a reproché aux médias de mettre sur le même pied fausses nouvelles et faits réels, ce qui n’a fait qu’alimenter la confusion du public. Les médias ont commencé à rectifier le tir en vérifiant les faits et en rectifiant le tir au besoin.

Ce virage n’a jamais été aussi évident quand les grands médias américains, au lendemain de l’élection, ont interrompu le discours du président sortant et sorti, parce que tout ce qu’il disait était mensonger. Une première. D’ailleurs Twitter avait commencé à censurer Trump pour les mêmes raisons. Il n’échappe à personne que ces médias savourent une douce vengeance contre celui qui n’a cessé de les houspiller en les traitant d’ennemis du peuple.

L’éléphant dans la pièce

Le président Trump souffre de graves problèmes mentaux dont l’ampleur éclate au grand jour. Il est bien entendu délicat d’aborder un tel sujet pour les analystes politiques, mais le problème saute aux yeux. D’ailleurs sa nièce en a parlé ouvertement. Ceux qui l’ont côtoyé ont été frappés par son incapacité à raisonner, à écouter ce qu’on lui dit. Il ramène tout à lui, ne recule jamais, n’admet jamais ses torts.

Donald Trump est un sociopathe narcissique. Les personnes souffrant du trouble de la personnalité narcissique ont le besoin maladif d’attirer l’attention sur elles, elles voient tout uniquement de leur point de vue, sans être capables de démontrer la moindre empathie. La crise du coronavirus a amplement démontré que le président Trump souffre de troubles narcissiques. Ce n’est pas un détail en passant; cette condition médicale explique son comportement désordonné.

Au moment où le président sortant refuse de reconnaître sa défaite, il est peu rassurant de savoir que les personnalités narcissiques peuvent verser dans la paranoïa. N’est-ce pas un peu ce que l’on voit actuellement?

Mais ramener le trumpisme à la seule personnalité du président actuel serait une grave erreur d’appréciation.

Les assises idéologiques du trumpisme

Pour comprendre le trumpisme, il faut être conscient que certaines valeurs fondamentales des Américains sont radicalement différentes de celles défendues au Canada et dans les autres démocraties occidentales.

  1. L’anti-intellectualisme. Les États-Unis sont un pays de bâtisseurs, de gens pragmatiques, habitués à trimer dur pour gagner leur croûte. Les intellectuels, que Nixon appelait les eggheads, y sont mal vus. L’Américain moyen se reconnaît dans ceux qui ont grimpé les échelons sans user leur derrière sur les bancs d’université. D’ailleurs, l’ancien président George Bush fils se disait fier d’avoir été un cancre et d’avoir pu quand même devenir président des États-Unis… Il tenait ses propos devant un parterre de nouveaux diplômés d’une université américaine… Sans blague.
  • La méfiance envers le gouvernement. Les colons américains ont été tellement ulcérés par l’oppression de la mère patrie qu’ils ont fait une révolution. En résute une méfiance envers le pouvoir étatique et tout le système de division des pouvoirs de la Constitution américaine. Le gouvernement dans son ensemble est suspect. Un État qui prend de l’ampleur est une menace pour les libertés individuelles, il faut s’en méfier. D’ailleurs l’ancien président Ronald Reagan disait « Le problème, c’est le gouvernement. » Le vœu de bien des Américains, c’est d’avoir le moins de gouvernement possible, d’où le slogan trumpien « Drain the swamp ».
  • L’individualisme forcené. La foi envers le capitalisme est totale. C’est un système juste qui crée énormément de richesse, et ceux qui travaillent dur voient leur labeur récompensé. Ceux qui n’y arrivent pas sont des losers. L’État n’a pas à les aider.

On comprend mieux la méfiance considérable de bien des Américains envers toute mesure de redistribution de la richesse, perçue comme du « socialisme ». Je reviens sur ce dernier terme dans mon article de demain : Joe Biden est-il un socialiste?

Pourquoi le trumpisme?

Nous avons une population qui se méfie des intellectuels, mais aussi des institutions gouvernementales et de la science. En plus, elle n’est pas toujours bien informée, est centrée sur elle-même et connait très peu les réalités étrangères.

Les courants complotistes trouvent facilement prise chez elle, d’autant plus qu’ils ont trouvé un formidable porte-voix dans les médias sociaux.

Cette population se désole de voir la domination américaine diminuer dans le monde. Les dictatures comme la Russie et la Chine en mènent large. Le terrorisme islamiste semble incontrôlable et la campagne d’Afghanistan ne semble pas avoir donné de résultat, sans parler de la guerre d’Iraq.

À l’interne, la population se diversifie, les hispanophones constituant une minorité de plus en plus importante. Des courants de pensée nouveaux apparaissent ou prennent de l’ampleur : le racialisme incarné par le mouvement Black Lives Matter; le féminisme; les LGBT, les personnes qui changent de sexe; l’informatisation envahissante du monde, etc. C’est beaucoup de bouchées à avaler pour un peuple conservateur. Beaucoup sont tentés de se replier sur des valeurs traditionnelles.

Les trumpistes sont aussi les premières victimes de la mondialisation. Celle-ci comporte certes des bénéfices, mais allez en parler à ces ouvrières qui viennent de perdre leur emploi parce que leur usine de textile a déménagé au Mexique. Ou encore à ce métallurgiste du Michigan dont l’usine a fermé à cause de la concurrence chinoise.

Les trumpistes sont imperméables au discours démocrate des dernières décennies. Pour eux, encenser la mondialisation, les organisations internationales, le multilatéralisme n’a aucun sens. Ils sont bien plus réceptifs à un discours qui parle de redonner sa grandeur à l’Amérique, de retrouver les emplois perdus, de parler à ces alliés qui profitent de nous…

Voilà enfin des choses concrètes, pour changer de ce charabia intellectuel prétentieux. Enfin quelqu’un qui les comprend. Certains le vénèrent comme un dieu.

Ce n’est pas pour rien que près de la moitié des électeurs américains, soit 71 millions de personnes, ont voté pour Donald Trump. Ce n’est pas rien si l’on pense qu’il a obtenu un plus grand pourcentage de votes qu’en 2016.

Trump s’est battu lui-même

On peut raisonnablement penser que si le président sortant avait géré la pandémie avec un minimum d’intelligence, au lieu de la traiter avec désinvolture, il aurait probablement été réélu.

Mais Trump s’est battu lui-même en réagissant de manière désinvolte devant la pandémie naissante. Il n’a jamais exprimé la moindre compassion envers les 200 000 victimes de la covid, ce qui est normal pour une personnalité narcissique.

En outre, il n’a pas respecté ses promesses. Le mur avec le Mexique n’est pas construit; les emplois perdus dans la Rust Belt n’ont pas été récupérés. Sur la scène internationale, il s’est mis à dos ses meilleurs alliés et n’a rien obtenu de dictatures comme la Russie ou la Corée du Nord.

Dans toutes les autres crises, il n’a fait que jeter de l’huile sur le feu, incapable de bâtir des ponts avec ses adversaires, autant de personnes méprisables qu’il ne se gêne pas pour insulter. Le personnage est incapable de rassembler, d’unir.

Un avenir pour le trumpisme?

Le trumpisme a un bel avenir devant lui. Le fait avéré que Trump est un fou furieux n’a pas dissuadé des dizaines de millions de personnes de l’appuyer, en toute connaissance de cause.

Le conservatisme viscéral d’une partie des Américains et les plaies laissées par la mondialisation continueront de faire effet.

Le plus grand danger est non pas que Trump refasse un tour de piste en 2024, mais bien qu’un leader plus intelligent et équilibré reprenne le flambeau. En effet, les républicains ne sont pas tous des abrutis et certains se réjouissent de la défaite de Trump et souhaitent l’écarter.

Il s’agit en fait d’une question existentielle pour les républicains : vont-ils continuer à défendre des politiques radicales, à flirter avec l’extrême droite, les complotistes, les racistes de tout acabit, ou bien vont-ils revenir à des valeurs plus traditionnelles et plus modérées?

Chose certaine, les assises du trumpisme demeurent. Tout dépendra du genre de leadership que choisira le Parti républicain. Mais déjà certains leaders, Mike Pompeo, Marco Rubio, Ted Cruz, semblent vouloir tirer les marrons du feu pour récupérer l’héritage…  À suivre.

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Vous pouvez lire tous les articles que j’ai écrits sur la politique américaine, la traduction des noms de lieux aux États-Unis en consultant le document suivant.  

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Une réflexion sur « Trumpisme »

  1. J’habite au rez-de-chaussée.
    L’eau monte.
    Les étages du dessus, bien au-dessus, bien au sec, au soleil, non seulement nient que l’eau monte mais inversent, m’accusent de tous les -ismes, ricanent, traquent mes moindres allusions à l’innondation – d’ailleurs, il n’y a pas d’innondation ! L’innondation n’existe pas. 1984.

    J’ai déjà les jambes dans l’eau.

    Si un fou furieux reconnaît l’innondation et fait hurler les voisins – surtout s’il fait hurler les voisins, ceux d’en haut, qui me haïssent avec le sourire, inversent ma souffrance, font de moi, victime, un coupable… je vote fou furieux.
    En toute connaissance de cause.
    Et avec jubilation.

    A bon entendeur.

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