Le dictionnaire Oxford a choisi post-truth comme mot de l’année 2016. Ce néologisme a rapidement été traduit par post-vérité.
De quoi s’agit-il ?
Ce sont des faits non avérés issus d’opinions personnelles, d’impressions inexactes, qui sont relayés par les médias sociaux.
Deux évènements politiques ont soufflé fort dans les voiles de la post-vérité : le Brexit et l’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis. Dans le premier cas, bon nombre de mensonges et de demi vérités ont été colportées par les deux camps, sur les périls à quitter l’Union européenne et sur les coûts réels de celle-ci pour les Britanniques.
Quant à Trump, les médias ont établi clairement qu’à peu près les trois quarts de ce qu’il avance est carrément faux.
Pourtant, comme le fait observer avec justesse le chroniqueur et politicologue François Brousseau (un ancien collègue d’université), le mensonge a toujours été la trame de la vie politique. Bref, rien de nouveau sous le soleil.
Ce qui est nouveau, c’est qu’un peu tout le monde s’en fout.
Les médias sociaux sont devenu un déversoir de fausses nouvelles, de propos mensongers; toutes les outrances y sont permises et les garde-fous se font rares. En outre, des sites web apparemment respectables propagent des faussetés à pleine page, reprises en chœur dans les médias sociaux et présentées comme des faits avérés. Une chatte y perdrait ses petits.
Saviez-vous que si vous mettez des rondelles d’oignon dans vos chaussettes pendant la nuit, vous allez purifier votre organisme?
Il est significatif que Facebook ait décidé de mettre au point un dispositif pour traquer les fausses nouvelles qui envahissaient cette plateforme, telle une infection virulente.
De fait, nous sommes bombardés d’informations contradictoires comme jamais auparavant. Les chaînes d’information continue sont tellement obnubilées par l’instantanéité, qu’elles en oublient de faire des analyses de fond. Elles contribuent à diffuser une version tronquée, et trompeuse, de certains évènements.
Par exemple, la tentative de coup d’État en Turquie. Le gouvernement riposte durement. Mais personne ne se demande au juste pourquoi il y a eu tentative de putsch. Des fous probablement. On ne veut pas en savoir plus.
(L’armée a toujours été la protectrice de la république laïque en Turquie. Or, le président Erdogan est en train de revenir sur cette avancée centenaire et transforme son pays en république islamique. Voilà pourquoi il y a eu tentative de coup d’État par les militaires. Les médias québécois, braqués sur les combats de rue et les cadavres, ne l’ont jamais expliqué.)
La surabondance d’informations biaisées, incomplètes, n’explique pas tout. La rectitude politique qui embaume la liberté d’expression et la sensation très nette que les politiciens sont déconnectés de la réalité viennent jeter de l’huile sur le feu.
La post-vérité est également l’enfant légitime d’une grande désillusion politique vis-à-vis du néolibéralisme. Certes, l’ouverture des marchés crée énormément d’emplois, mais elle a jeté beaucoup de gens sur le pavé. À juste titre, ils estiment qu’on leur a menti.
La colère est source d’aveuglement et très mauvaise conseillère. Un moment donné, les faits n’ont plus droit de cité. Trop compliqué de démêler le vrai du faux, alors chacun se fait son opinion et s’y cramponne, sans vouloir entendre le point de vue opposé.
De toute façon, avez-vous déjà essayé de débattre intelligemment dans les médias sociaux? Particulièrement dans Twitter?
La post-vérité est tellement plus simple.
« Un moment donné, les faits n’ont plus droit de citer. » Le verbe citer, c’est une erreur ou un jeu de mot?
Il fallait écrire cité. Aucun jeu de mot.