Les anglicismes au Québec

Au Québec, la langue est lourdement influencée par l’anglais, tant dans son vocabulaire que dans sa syntaxe. Très souvent, Shakespeare se terre dans les plus petits recoins de notre grenier collectif.

Qui n’a pas dit « Bon matin », tellement plus expressif que le plat « Bonjour » qu’il faudrait employer. Pourtant, cette expression est un anglicisme.

Pensons aussi à « significatif », pour qualifier un nombre considérable, terme qui revient sans cesse dans les médias, même sous les meilleures plumes. Tout dictionnaire bilingue traduira significant par considérable, important. Alors, pourquoi ne pas employer « significatif »? Parce qu’il n’a pas le même sens : « Qui signifie nettement, exprime clairement quelque chose. », nous dit le Robert.

Un autre anglicisme qui revient souvent est « identifier ». Celui-là a le dos large. En anglais, il a le sens de repérer, choisir, déterminer quelque chose parmi un nombre d’éléments, ce qui n’est pas le cas en français. Dixit Le Robert : « Considérer quelque chose comme identique, assimilable à autre chose… Reconnaître du point de vue de l’état civil… Reconnaître comme appartenant à une certaine espèce ou classe d’individus. »

Par conséquent, une phrase comme « Identifier des avenues de solutions pour adresser cette problématique », que l’on imagine facilement dans la bouche d’un porte-parole au Québec, relève du plus pur charabia.

Un dernier mot qui a la vie dure : « démotion », le parfait faux ami. Il s’agit en fait du terme anglais plaqué en français; il fait d’une pierre deux coups : anglicisme et barbarisme. D’une part, demotion se traduit par rétrogradation; d’autre part, le mot « démotion » n’existe tout simplement pas en français.

L’un des principaux problèmes est que les médias colportent régulièrement des anglicismes, ce qui, aux yeux du public, les avalise. Puisque des journalistes bien connus souhaitent un bon matin à leurs auditeurs pour ensuite parler de l’augmentation significative de l’endettement des ménages, il est bien difficile pour les néophytes d’y voir des fautes.

D’où l’utilité de ce blogue.

3 réflexions sur « Les anglicismes au Québec »

  1. EMPRUNTS à l’ANGLAIS

    Ce que dit André Racicot des anglicismes au Québec est à peu près entièrement valable pour les anglicismes en France, comme on s’en doute.

    Pour ma part, j’aurais tendance à diviser les emprunts à l’anglais en trois groupes :

    – Néologismes à proprement parler (mots nouveaux importés ou adaptés de l’anglais)

    – Néosémantismes (consistant à affecter à un mot français existant le sens ou un sens du mot homographe anglais correspondant) ;

    – Néosysntaxismes (construction phraséologique nouvelle imitée de l’anglais).

    Quitte à revenir sur la question, je dirais seulement à ce stade que les emprunts néologiques à proprement parler ne m’inquiètent pas. Il est tout naturel – et même à mon avis très souhaitable – que la langue pour le moment dominante (politiquement, culturellement, scientifiquement) serve de réservoir aux autres langues pour y puiser des termes utiles à tous. Ça a été en leur temps le cas du latin, de l’italien et bien sûr du français ; prenez n’importe quel page d’un dictionnaire anglais et voyez combien de mots – y compris des mots qui ont l’air très « saxon » – viennent du français, ou du latin par le français : peut-être plus de la moitié. (Il me semble avoir lu quelque part que même à l’heure actuelle le lexique français comprend davantage de mots empruntés à l’italien que de mots d’origine anglaise).

    Les emprunts néologiques à la langue dominante favorisent (si le néologisme est phonétiquement et graphiquement conforme aux règles du français) la convergence des langues sur le plan lexical, et donc des idées, ce qui est un bien.

    Je passe sur des effets de mode (surtout juvéniles) tels que le « Yessss ! » de congratulation qui a l’air de se répandre comme une traînée de poudre et qui n’est pas plus dangereux que « Ciao ! » à l’italienne.

    Par contre, on n’est pas obligé de tout reprendre, et avoir trouvé « ordinateur » pour le (mauvais) anglais « computer » montre bien la voie qu’il faut suivre chaque fois que l’anglais paraît insuffisant, ce qui exige de résister à une paresse naturelle.

    Les emprunts néosémantiques (par exemple « identifier » au sens de « désigner ») sont mauvais lorsqu’ils introduisent une ambigüité, Je ne soutiens pas que chaque mot devrait être univoque, mais il me semble que la polysémie est à éviter par principe.

    Parfois, les emprunts néosémantiques servent à clarifier le français. Ainsi « finaliser » au sens de « mettre définitivement au point » plutôt qu’au sens traditionnel de « donner une finalité » (pardon au Pr Bernard Cerquiglini, qui refuse la première définition, et bravo au Petit Larousse, qui retient les deux) : plus personne, je crois, sauf peut-être quelque philosophe, n’a l’occasion d’utiliser « finaliser » au sens de « donner une finalité ».

    De même, il y a des emprunts néosyntaxiques relativement inoffensifs. Par exemple l’antéposition de l’adjectif (« une remarquable convergence de vues »), devenue banale au XIXème siècle, justement sous l’influence de l’anglais si je me rappelle bien. Ou encore : « Tu sais quoi ? » (« You know what ? »), autre simple effet de mode dans le langage familier.

    D’autres sont plus graves, comme l’emploi du passif au lieu de l’actif, désormais courant dans les textes officiels à usage international sous l’influence directe de la syntaxe anglaise (et aussi d’un certain instinct de prudence consistant à ne pas attribuer de responsabilité à quiconque : « Une étude a été effectuée » pour « On a effectué une étude », qui pourrait amener la question : « Qui, « on » ?). Il y aurait du reste des choses à dire sur l’extension de l’emploi du passif en anglais pour des raisons en partie sociolinguistiques. JR

    NB. C’est vrai que « Bon matin » ne se dit pas en pratique. Toutefois, en français on peut tout dire à partir du moment où c’est grammaticalement correct et où c’est directement compréhensible : cela, parce que le français (comme je le vois) est d’abord une langue de raison, ensuite seulement une langue d’usage. D’ailleurs, « Bonne matinée » n’est pas rare en France.

    1. Merci encore une fois de vos commentaires intéressants (j’aillais écrire de vos intéressants commentaires, by jove!).

  2. Merci à vous André.

    Je saisis l’occasion pour vous dire que j’apprécie le sous-titre de votre blogue : «  »…l’épanouissement de la langue française… », car il s’agit bien de ça : promouvoir la langue française, et non la défendre (elle n’en a pas besoin). JR

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