Écrivaine
« Colette est l’une de nos grandes écrivaines. Colette est l’un de nos grands écrivains. La seconde formulation est plus flatteuse, non? » Une personnalité a émis cette opinion – on pourrait dire proféré. Qui?
Bernard Pivot.
Certes, les opinions conservatrices du personnage n’échappent plus à personne, l’affaire Mazneff étant bien assez éclairante à cet égard. On oublie toutefois que Pivot était un des partisans des timides rectifications orthographiques de 1990 et qu’il accueillait avec enthousiasme le canadianisme entrevue, en lieu et place d’interview.
On peut dire qu’écrivaine marche sur les traces d’autrice dont j’ai discuté dans un autre billet. L’expression est très répandue chez nous, mais qu’en est-il en Europe?
Eh bien le Larousse persiste et signe. L’entrée principale est au masculin, comme il se doit… Mais les auteurs (je ne me risquerai pas à parler d’autrices dans le cas présent) notent : « Au féminin, on rencontre aussi une écrivain. »
Heureusement, le Petit Robert vient à notre rescousse et accepte écrivaine en précisant : « … il est courant en français du Canada mais également en France. » Un article paru en 2018 dans Le Figaro précise que « Le terme est bien parti pour ne plus quitter le paysage français. » D’ailleurs, les écrivaines comme Annie Ernaux l’emploient déjà dans leurs ouvrages.
Bref, la logique de la féminisation est bien enclenchée. La France emboite tranquillement le pas au Canada, malgré toutes les réticences encore bien présentes en terre d’Hexagone.
Retour sur autrice
Dans un billet paru l’an dernier, j’évoquais la controverse provoquée par la réapparition du mot autrice, dans la foulée de l’ouverture très tardive de l’Académie française envers la féminisation des titres.
Plusieurs lecteurs avaient émis des réserves quant au terme autrice, qui les mettait mal à l’aise. Pourtant, il suivait la même logique qu’actrice, directrice, organisatrice, etc.; certains lui préféraient auteure, faisant valoir que les terminaisons en -ice deviennent désuètes. En outre, la tendance est de favoriser les féminins en eure, comme dans ingénieure. De toute manière, que l’on aime ou pas, autrice s’impose de plus en plus.
Les doctorant et doctorante Anne-Marie Pilote et Arnaud Montreuil, de l’Université du Québec à Montréal et de l’Université d’Ottawa, défendent les deux formes. Dans un article paru dans Le Devoir, les deux font valoir ce qui suit :
Il ne faut pas avoir peur, à notre avis, de réhabiliter autrice. Il ne s’agit pas de rendre légitime un terme qui était jadis en usage sans avoir de connotation péjorative. Il s’agit surtout de reconnaître la marque d’une intervention politique féministe dans la langue : employer le mot « autrice » est dans une certaine mesure un acte subversif qui vise à démasculiniser la langue et le champ littéraire en allant à l’encontre de la logique d’invisibilisation du féminin qui l’a gouverné de manière presque incontestée pendant plusieurs siècles.
Les auteur.e.s rappellent que c’est l’Académie française qui a banni autrice dans un geste clairement hostile aux femmes.