Auteur ou bien autrice ? Il est curieux que l’on ait à se poser pareille question en 2019. Et bien décevant que tellement de francophones s’opposent farouchement à toute féminisation des titres. Pourtant, autrice a déjà fait partie du corpus de notre langue, en tant que forme féminine, normale, acceptée d’auteur.
Toutefois, l’Académie française a éradiqué des titres féminins, comme médecine, autrice, inventrices ou philosophesse… Les formes masculines médecin, auteur, inventeur ou philosophe étant jugées bien suffisantes.
De nos jours, ces ratures masculinistes sont considérées comme inacceptables.
Comme le fait observer Éliane Viennot, autrice de Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin : « Ils ne se sont pas attaqués aux basses fonctions ou aux fonctions traditionnellement féminines. » Autrement dit, on conserve cuisinière, servante…
Heureusement, les choses changent.
La Banque de dépannage linguistique nous signale ce qui suit : « En France et en Belgique, on emploie la forme épicène une auteur,et en Suisse, autrice. »
Le Grand Dictionnaire terminologique donne autrice comme forme féminine d’auteur. Le Trésor de la langue française, quant à lui, mentionne aussi autrice comme une résurgence isolée qu’il met sur le même pied que authoresse et auteuresse, bref deux curiosités à ranger au rayon des antiquités.
Chose intéressante, le quotidien belge Le Soir penche pour autrice :
Auteure est sans doute bien plus simple et entre dans la lignée des procureure, ingénieure, etc. Mais le mot a le grand défaut de n’être pas intelligible à l’oral. Et c’est peut-être pour cela qu’il est préféré par une majorité d’hommes.
Bien sûr, autrice semblera inusité, saugrenu aux oreilles de certains. Mais alors que dire d’actrice, rédactrice ? Faut-il les radier aussi ? D’ailleurs, Le Soir fait observer qu’autrice était employé dès le XVe siècle.
Fort bien. D’ailleurs, une écrivaine d’ici, Sophie Bienvenu, se qualifie d’autrice. Amusant de noter qu’elle est d’origine belge…
J’utilise habituellement auteure pour me décrire. Au début, j’essayais les différentes appellations avec mon entourage et quand je disais autrice, les gens grimaçaient et ne comprenaient pas. Pareil pour mon autre emploi, je dis que je suis programmeure-analyste, même si je sais que je devrais dire programmeuse… c’est que le « euse » donne cette impression de le faire de façon improvisée et de piètre qualité…
Y a-t-il vraiment un débat à ce sujet ?
C’est plutôt une soudaine et virulente volonté d’imposer à toutes (et tous, bien sûr) une féminisation tous azimuts qui pose un problème. La langue courante ne s’est jamais gênée pour dire ce qu’elle voulait et ne fait que refléter l’état de la société qui la parle. Si des mots ne sont pas (encore) féminisés, c’est que le besoin s’en faisait mal sentir ou très souvent, que le mot était ressenti comme épicène : une auteur, une professeur, une peintre, tout cela fonctionnait bien. S’obstiner à décréter, comme l’Académie le fait, que ces mots sont uniquement masculins est aussi vain que tenter d’accoucher aux forceps de vocables de circonstance. Toutes ces polémiques épidermiques ne font que nourrir des fractures et des plaies artificielles dont on se passerait bien. Pendant ce temps-là, les gens parlent un langage stéréotypé et de plus en plus pauvre, ne savent plus tenir un stylo ni construire une phrase de plus de dix mots. Triste monde…
Au Canada, on écrit « auteure » comme « docteure » ou encore « professeure » au féminin.
Il y a l’esthétique. C’est important, l’esthétique. «Autrice» choque l’oreille. Tout comme «amatrice». Alors que «auteure» et «amateure», c’est joli et non abrasif (contrairement à ce que serait, par exemple, «doctrice» au lieu de «docteure»). Oui, bien sûr, il y a eu «actrice». Était-ce choquant au début? La question ne se pose plus, l’oreille s’est habituée. Mais que l’oreille s’habitue n’est pas une raison pour la malmener lorsqu’on peut la ménager. Le passé ne peut systématiquement justifier l’avenir dans la création de nouvelles dérivations, sinon l’imbuvable «apprenant», cette chiure du fonctionnariat, à l’époque de la dernière réforme scolaire, aurait fini par remplacer «étudiant». Heureusement, le bon sens aura tiré la chaîne.