Plaidoyer pour une réforme du français. ouvrage qui vient de paraître aux éditions Marcel Broquet. Vous pouvez le commander en format papier ou en format électronique ici.
Le français possède une des grammaires les plus déroutantes et capricieuses qui soit. Son orthographe est arbitraire, tantôt basée sur l’étymologie, tantôt sur des traditions dépassées quand ce n’est pas sur des fautes de transcription…
Pourtant, le français peine à se réformer. En France, la simple idée de le moderniser un tout petit peu hérisse à peu près tout le monde. Les timides rectifications de 1990 ont suscité un tollé; les maisons d’éditions, les grands journaux, les écrivains de renom l’ignorent complètement. J’ai pu observer des réticences tout aussi marquées au Canada.
Les Français, ainsi que les autres Européens, considèrent que la maîtrise de la langue est un signe d’avancement social, de réussite. Grammaire et orthographe sont en quelque sorte le trésor d’une secte d’initiés qui en ont démontré leur supériorité.
Simplifier la langue devient une hérésie. Tous les arguments y passent :
- La langue sera dévalorisée. Pas du tout. Les nouvelles graphies intégreront le corpus et, bientôt, on n’en reparlera plus. Faut-il croire qu’écrire grand-mère au lieu de grand’mère a étrillé notre langue au point de la défigurer? Ce changement survenu au début du XXe siècle est maintenant accepté.
- C’est un nivellement par le bas. Cet argument ne tient pas. La valeur d’une langue n’a rien à voir avec sa complexité orthographique ou grammaticale.
- Les générations futures seront déculturées. Vraiment? Eh bien nous le sommes déjà puisque nous n’écrivons plus le français comme le faisait Rabelais.
- Ce sera l’anarchie grammaticale. Pas du tout, si on simplifie les règles sans tout jeter par-dessus bord.
- La littérature classique sera inaccessible. Énorme fausseté. Les textes d’auteurs médiévaux et de toutes les époques sont publiés en orthographe moderne.
Lorsqu’il est question de réformer le français, le discours abandonne souvent toute rationalité et devient pratiquement hystérique. Quelques exemples :
Bernard Pivot s’émerveille de voir libellule s’écrire avec quatre l, car l’insecte a quatre ailes. Il aurait aimé voir hippopotame s’écrire avec quatre p pour « assurer à l’animal plus de stabilité sur ses quatre pattes. »
Le même Pivot soutient que tifon avec un seul f n’est plus qu’une petite pluie.
Autres réflexions apocryphes glanées ici et là :
Le trait d’union dans ping-pong est indispensable, car il symbolise le filet séparant les deux joueurs. Vous n’y aviez pas pensé? Moi non plus. Dans ce cas, pourquoi n’écrit-on pas ten-nis, bad-minton?
Le paon ne peut plus faire la roue si on lui enlève le o.
La graphie nénuphar et plus poétique que celle avec un f.
Pourtant, il y aurait moyen de réformer le français sans pour autant le défigurer. Simplifier l’orthographe, éliminer des litanies d’exceptions et d’illogismes, sans pour autant écrire au son, serait une excellente cure pour notre langue.
Voilà la trame du livre que je vous propose de lire.
Bravo pour ce courage ! Vous savez bien sûr qu’il existe un nombre significatif de linguistes, de grammairiens, de lexicographes qui soutiennent cette démarche. Mais la langue est un outil complexe qui ne se laisse pas manipuler aisément. Il faut deux ou trois générations pour entériner un changement pourtant officiellement décrété ! Face à des gouvernements (et donc un système éducatif et administratif peu motivés), à des médias désinvoltes et à des structures académiques conservatrices, il ne reste que la Francophonie pour espérer faire bouger les choses. Avec plusieurs centaines de millions de locuteurs, elle seule est capable d’en appeler à un code différent, homogène et rationalisé. C’est là qu’il faut porter le fer…