J’ai écrit des dizaines d’articles sur les anglicismes. La plupart d’entre eux portaient sur les anglicismes sémantiques qui circulent au Canada français. J’ai également abordé la question des anglicismes de l’Europe francophone, qui sont d’un tout autre ordre.
Des lecteurs européens de mon blogue et de mon fil Twitter (@Andrracicot) me répondent parfois lorsque je dénonce certains anglicismes. Ils font valoir que les langues s’enrichissent en empruntant à leurs voisines. Ils ont tout à fait raison.
Des mots comme leadership seraient difficilement remplaçables en français et ils enrichissent notre langue.
De ce côté-ci de l’Atlantique, on a traduit des termes qui ont intégré le vocabulaire français. Un exemple parmi tant d’autres est traversier, qui se dit ferry-boat en Europe. Pivot aime bien le mot entrevue, qui n’est rien d’autre qu’une interview.
Évidemment, on ne peut pas tout traduire. Qui songerait à traduire spaghetti, whisky et bien d’autres mots? Néanmoins, les arguments de mes contradicteurs pour justifier certains anglicismes inutiles et facilement traduisibles sont souvent spécieux.
Certains anglicismes européens surprennent les Québécois parce qu’ils n’en comprennent pas l’utilité, d’autant plus qu’ils ont délogé des expressions parfaitement françaises. De plus, ces anglicismes ne décrivent pas une réalité spécifique anglo-saxonne, qui pourrait justifier leur emploi.
Quelques exemples rapides.
Docker : c’est un débardeur, les dictionnaires sont clairs à ce sujet. Comment se fait-il que le mot français soit vieilli? Mystère. Et pourquoi l’avoir remplacé par docker ?
Follower : se dit couramment abonné partout au Canada. Il a engendré des monstruosités comme unfollower (verbe). « Hugo m’a unfollow. » (sic)
Sniper : ce n’est rien d’autre qu’un tireur embusqué.
Warnings : les feux d’urgence, vous connaissez?
Sponsor : un commanditaire, un parrain. Telle entreprise parraine telle manifestation.
Listing : les ouvrages recommandent listage. Une liste tout court, ça ne suffit pas? Le fait qu’elle provienne d’un ordinateur justifie vraiment l’anglicisme?
Starting-block : les commentateurs canadiens aux Jeux olympiques ont toujours parlé de blocs de départ. L’énoncer en anglais rend-il les coureurs plus rapides?
« Qui songerait à traduire whisky » ?
Ben, les gens qui veulent combattre la suprématie de l’anglais, par exemple ?
Si « whisky » s’est imposé, c’est parce que certains locuteurs de l’anglais se sont acharnés à faire disparaître la langue gaélique et que l’on perçoit comme authentique quelque chose qui ne l’est pas (l’authenticité est affaire de point de vue).
Pour reprendre le chant lexical de votre discours, cet anglicisme est « inutile » et « facilement traduisible » : le whisky, « ce n’est rien d’autre » que de l’eau de vie (uisge-beatha).
N’oublions jamais que ce qui semble « surprenant », « authentique » ou « parfaitement français » est toujours subjectif!
C’est l’emploi de la langue qui la fait vivre. Le reste n’est qu’idéologie.
🙂
Et pour les écrivains en herbe, cette magnifique citation de Deleuze:
La seule question quand on écrit, c’est de savoir avec quelle autre machine la machine littéraire peut être branchée, et doit être branchée pour fonctionner car la littérature est un agencement, elle n’a rien à voir avec de l’idéologie, il n’y a pas et il n’y a jamais eu d’idéologie.
😉
square = carré, comme dans carré Saint-Louis (à Montréal), changé en « square » pour faire plus français?
Square vient du vieux français esquare, un francisime par les anglais justement réintégré dans sa langue d’origine – certains « anglicismes » n’en sont en fait pas 🙂
Je suis rassuré de ne pas être seul à trouver « leadership » utile.
Dans un cours de traduction que j’ai suivi pas plus tard que cette semaine, le prof disait que c’était une horreur sans nom. Je conviens qu’il ne faut pas en abuser, mais c’est un mot comme un autre!
Bonjour,
À mon sens, on peut parfois remplacer le mot « leadership » par « primauté, hégémonie ou suprématie » selon le contexte. Par exemple « le leadership de la langue anglaise » peut devenir « la primauté /l’hégémonie de la langue anglaise »…
Quant au « ferry boat » ou « ferry », on parle aussi de « transbordeur », même si « traversier » a son charme.