« Apprécier » est un verbe limite. Il est un quasi-sosie d’appreciate, au point qu’on peut aisément le confondre avec celui-ci dans l’usage courant.
Commençons par en déterminer le sens général.
Sens général
Son sens en français voisine dangereusement avec celui de l’anglais et, parfois, la frontière entre les deux est ténue.
Le sens général du verbe est de porter un jugement favorable sur quelque chose ou quelqu’un.
Apprécier la cuisine française.
Il peut aussi vouloir dire reconnaître la valeur d’une chose ou d’une personne.
J’apprécie l’intelligence de Marie.
J’apprécie le travail bien fait.
Dans ce contexte, nous sommes au confluent de l’anglais, qui définit appreciate ainsi : « To value highly. »
Cependant, il faut prendre garde de s’aventurer dans les pâturages anglo-saxons en attribuant au verbe apprécier le sens de souhaiter ou de savoir gré.
Les Clefs du français pratique, du Bureau de la traduction, nous mettent en garde contre les sens suivants, empruntés à l’anglais : être reconnaissant, être sensible au fait que…
La construction apprécier que est à bannir.
J’apprécierais que vous révisiez ce texte pour moi.
J’apprécierais que vous m’aidiez à éclaircir cette affaire.
On se méfiera donc de cette construction, un calque manifeste de appreciate that. Elle est d’ailleurs condamnée tant par les Clefs que par la Banque de dépannage linguistique et le Multidictionnaire de la langue française.
Un verbe limite
Le Petit Larousse vient toutefois jeter un pavé dans la mare. Il définit apprécier de la manière suivante : « Juger bon, agréable; faire cas de. Apprécier l’aide de quelqu’un. »
Cet exemple est troublant.
Apprécier l’aide d’un ami, n’est-ce pas lui être reconnaissant, lui savoir gré? De toute évidence, le sens est exactement le même qu’en anglais. L’exemple vient du Larousse… Il n’est pas signalé comme un anglicisme.
Il me paraît un peu forcé de dire qu’on porte un jugement favorable sur l’aide d’une autre personne. Il est clair, dans ce cas-ci, qu’on est reconnaissant à notre ami de nous avoir aidé.
Signalons toutefois que le Larousse est le seul à donner un exemple du genre, du moins à ma connaissance.
En d’autres circonstances, je pense qu’on peut employer apprécier assez librement. Si le sens semble trop voisin de l’anglais, vérifier dans un dictionnaire français. On verra tout de suite que la convergence entre les deux langues est grande.
Le pavé dans la « mare » semble avoir un peu trop ridé la surface du mot…
Coquille à part, le distinguo de sens est subtil. J’apprécie néanmoins d’avoir eu l’attention attirée sur cette finesse qui peut avoir son intérêt en correction.