Accommoder

L’anglicisme, voilà l’ennemi; tapi dans l’ombre, il nous attend au détour. Et très souvent, on ne le voit pas venir.

Ainsi en est-il du verbe accommoder et de son petit frère, accommodement.

Les Québécois et les autres francophones du Canada sont très accommodants : ils sont toujours prêts à accommoder un voisin dans le pétrin. Par ailleurs, si les nouveaux venus sont prêts à faire quelques efforts d’adaptation, ils sont aussi disposés à leur consentir certains accommodements pour les aider à s’intégrer.

Qu’est-ce qui cloche dans le paragraphe précédent?

Accommoder. Être accommodant, c’est se montrer conciliant, débonnaire. Consentir des accommodements signifie conclure un arrangement convenable. Pourtant, accommoder n’a pas tout à fait le même sens. Le Petit Robert dit : « Accommoder avec : VIEUX, faire s’accorder, concorder. MOD., préparer des aliments pour la consommation. »

Le Petit Larousse donne cependant un sens voisin : mettre en accord, adapter. Accommoder des paroles aux circonstances. Mais nulle part ne voit-on d’exemple plus contemporain, notamment avec des minorités. En fait le sens du verbe est bien limité, surtout quand on regarde la signification du substantif accommodement. Dixit Le Robert : « Règlement à l’amiable (d’un différend, d’une querelle). »

Sans oublier que l’anglicisme nous attend au détour. En effet, selon la Banque de dépannage linguistique de l’Office québécois de la langue française, accommoder n’a pas le sens de « rendre service » ou d’« obliger ».

Signalons que l’expression accommodement raisonnable est entrée dans le Robert : « Au Canada, compromis visant à concilier les droits fondamentaux et les particularités culturelles et religieuses d’un individu, d’une communauté. ».

Toutefois, ce que bien peu de gens savent, c’est que l’expression vient tout droit de l’anglais reasonable accommodation, qui figurait dans un jugement de la Cour suprême, en 1985. Les médias ont plus tard récupéré le calque et l’ont propagé (surprise!).

Mais soyons honnête, ce hiatus met en lumière une faute de concordance typique du français : un verbe et un substantif dont le sens n’est pas tout à fait le même. Si nous consentons des accommodements à des gens, pourquoi ne peut-on pas les accommoder aussi?

C’est ce que j’appelle des mots orphelins, à défaut de mieux. C’est un phénomène que je compte étudier dans mes prochains articles.

Un autre exemple éloquent : formel et informel. À lire bientôt.

4 réflexions sur « Accommoder »

  1. Billet très intéressant!
    Vrai que j’entends souvent le verbe « accommoder » parmi mes connaissances francophones. Je vois aussi le nom « accommodation » dans le contexte de l’hôtellerie, par exemple. Dans ce sens, le terme correct est « hébergement ».

    Si « accommoder » est un anglicisme, quels verbes sont plus adéquats en français?

    By the way, il y a deux M dans le mot anglais « accommodation » (voir le terme anglais « reasonable accommodation »).

  2. Bonjour M. Racicot,
    On entend de plus en plus parler ces derniers temps de « femmes racialisées » (racialized women). Comment exprimeriez-vous ce concept?
    Merci beaucoup!

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