Une impropriété est un mot mal employé. Ce peut être un barbarisme, qui est une faute grossière de langage. Par exemple : « Solutionner l’environnement », comme je l’ai lu jadis dans un document électoral du Parti libéral du Québec. On peut aussi penser au solécisme, une faute de syntaxe grossière elle aussi : « Si j’aurais su, j’aurais pas venu » entend-on parfois au Québec.
Mais est-il concevable que l’impropriété de l’un soit l’usage de l’autre? Et pourquoi pas? Autrement, cela peut revenir à dire que la manière de parler en France doit devenir parole d’évangile pour les Africains, les Belges et les Québécois.
C’est sûrement vrai pour la grammaire et la syntaxe, mais pour le sens des mots…
Certains usages considérés comme fautifs se sont bien implantés au Québec et dans le reste du Canada à un point tel que recourir à l’expression française consacrée risque de semer la confusion.
Chauffer
Le cas le plus évident est fournaise qui, au Canada, désigne un appareil de chauffage, alors qu’ailleurs dans la francophonie il signifie « lieu où il fait très chaud ». Le réchauffement climatique a transformé l’Europe en fournaise, l’été dernier.
Le terme exact est chaudière. Toutefois, une chaudière pour un Québécois n’est rien d’autre qu’un seau… Donc si vous dites à un réparateur que votre chaudière ne fonctionne plus, il ne comprendra pas un traitre mot de ce que vous dites.
Au supermarché
Aucun problème pour garer votre voiture, car l’espace ne manque pas au Québec. Le supermarché a un grand stationnement. En Europe on dirait un grand parking.
Arrivé au supermarché, vous allez chercher un carrosse, qui n’a rien d’un véhicule d’apparat, puisqu’il s’agit d’un charriot… Vous ne pigez toujours pas? En Europe, c’est un caddie, anglicisme inusité ici.
Gardienne d’enfants
Vous voulez faire garder vos enfants? Eh bien trouvez une gardienne. Peut-on vraiment parler d’impropriété ici? Pas vraiment. Le mot français est employé de manière logique et permet d’éviter un autre anglicisme, baby-sitter. Pour calmer ce bébé qui pleure, vous vous assoirez dans une chaise berçante, et non une rocking-chair.
En vous berçant, vous commencez à vous endormir. Au Québec, une personne qui s’endort est une personne qui a sommeil; cela ne veut pas dire qu’elle ronfle…
Vous bercez le bébé sur le perron et écoutez le chant des criquets. Attention! Ce ne sont pas ces insectes envahisseurs qui dévastent les récoltes, bref des sauterelles. Non, ce sont tout simplement des grillons.
Piger et Piocher
Le risque de confusion est également très grand si vous entamez une partie de cartes. Vous direz à votre partenaire de bridge français qu’il doit piger une carte. Point d’interrogation dans ses yeux. Il finira par comprendre qu’il faut piocher. Ce qui pour son partenaire québécois veut obligatoirement dire qu’il doit s’emparer d’une pioche et donner des coups avec elle… Bref, il ne pige pas…
Impropriétés?
Bien sûr, d’un point de vue européen ou africain, il s’agit d’impropriétés. Mais pour nous il serait plutôt question de régionalismes. Expressions qu’il est difficile de contourner puisqu’ils font partie du vocabulaire courant et qu’en plus, leur équivalent français officiel est souvent incompréhensible.
Un Québécois qui irait au Congo ou en Belgique devrait employer les termes connus là-bas pour se faire comprendre. Il en serait de même pour des francophones venant s’établir ici. L’impropriété de l’un est l’usage de l’autre.
