Le terme gentrification se répand de plus en plus et il a même fait son entrée dans le Petit Robert. Et à bon droit, car il désigne un phénomène sociologique marqué, celui de l’embourgeoisement des quartiers populaires.
Le Devoir, dans son édition du 19 mai 2018, rend compte du phénomène, en signalant d’ailleurs que le mot est entré au dictionnaire.
À Montréal, les actes de vandalisme contre certains nouveaux commerces branchés dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve ont défrayé la manchette. Des habitants du quartier dénoncent l’invasion de ces jeunes hipsters qui achètent des logements et font monter les loyers.
Le phénomène existe aussi en France et explique l’apparition du mot gentrification, un autre anglicisme, bien entendu. Le Robert le définit ainsi :
Processus par lequel la population d’un quartier populaire fait place à une couche sociale plus aisée.
Le terme est recensé depuis longtemps dans le Colpron ; l’auteur propose embourgeoisement et élitisation comme traduction.
Comme les lecteurs ont pu le constater, je ne suis guère tolérant envers les anglicismes inutiles qui délogent des mots bien français qui pourraient convenir. Dans ces pages j’ai déjà dénoncé des emprunts inutiles comme sniper qui ont la cote en Europe.
J’aurais tendance à nuancer mes propos pour gentrification. Le mot me paraît intéressant parce qu’il définit une réalité très précise, bien circonscrite. Certains ne seront pas d’accord.
Comme le relate un article paru dans Le Devoir du 6 mai 2017, cette nouvelle bourgeoisie conquérante carbure à la mondialisation. Elle ne vient pas nécessairement des quartiers chics traditionnels. Bien au contraire, elle en conteste l’hégémonie.
Le journaliste américain David Brooks a lancé le concept de bourgeoisie bohème (bobo) pour désigner ces hipsters apparus dans les grandes villes américaines.
Elle était cool, dit-il, de gauche, ouverte au monde, contre la financiarisation, les inégalités et le libéralisme dur. Comme Steve Jobs, elle ne portait pas de cravate et travaillait en baskets. En réalité, ces gens étaient les gagnants de la mondialisation.
Tant aux États-Unis qu’en France, cet antagonisme entre bobos et classes populaires a une incidence majeure sur la politique. Les populations déclassées par la mondialisation se jettent dans les bras de partis extrémistes en espérant (vainement) qu’ils vont faire justice; les bobos, grands gagnants de la mondialisation, la défendent à tous crins.
Nous n’avons pas fini d’entendre parler de la gentrification.
Bonjour, merci pour ce billet très intéressant.
En France, on trouve aussi parfois le terme « boboïsation » (plutôt péjoratif) pour désigner la gentrification, dans certains articles ou forums dédiés à l’immobilier. Ex. : la boboïsation des quartiers populaires de Paris.
D’après moi, en France, « bobo » et « hipster » sont des « sociotypes » différents.
http://mobile.agoravox.fr/tribune-libre/article/bobos-contre-hipsters-147797
http://www.lemonde.fr/m-styles/article/2015/08/28/etes-vous-bobo-ou-hipster_4739208_4497319.html
Merci pour les deux références qui viennent enrichir mes connaissances.
Merci à vous pour votre blog très enrichissant. Moi qui suis plutôt « technique », lire des billets sur la langue française me fait le plus grand bien !
Merci!
Merci pour votre article très intéressant. La question me turlupine également.
Voici un entretien avec une géographe sur le sujet en France, que j’ai trouvé très intéressant :
http://www.humanite.fr/anne-clerval-paris-le-discours-sur-la-mixite-sociale-remplace-la-lutte-des-classes
On peut noter l’avis de la géographe sur les termes :
« Le terme « bobo », inventé par un journaliste réactionnaire aux États-Unis, n’a aucun fondement scientifique. Aucun chercheur en activité ne l’utilise. Je préfère utiliser les termes de gentrifieurs et de gentrification, qui ont été forgés en partie par un courant de géographie radicale anglophone. Cette notion désigne un embourgeoisement spécifique des quartiers populaires par remplacement de population et transformation matérielle de la ville. »
Personnellement, je pense qu’il faut faire très attention avec le terme « bobo », terme très connoté, définitivement non neutre, pouvant regrouper un peu tout et n’importe quoi comme sous-entendus et maintes fois récupéré politiquement pour véhiculer de la haine sociale, en France en tout cas.
Je voterais pour « gentrification », qui a le mérite de spécifier que l’embourgeoisement concerne la question urbaine et les quartiers. Je comprends le terme « embourgeoisement » comme un hypernonyme du terme « gentrification ».
Merci de vos commentaires et des éclaircissements au sujet de bobo. Au Québec, il est plus difficile de percevoir que « bobo » est un terme connoté. Votre argumentation en faveur de « gentrification » me paraît convaincante. Merci de me lire.
Dans le premier paragraphe de votre billet , vous définissez le terme gentrification par le mot embourgeoisement. Pourquoi alors préférer le mot gentrification.
Selon moi embourgeoisement « me paraît intéressant parce qu’il définit une réalité très précise, bien circonscrite. » (J’ai copié).
Comme vous le dites, certains ne seront pas d’accord.