Fake news
L’expression, facile à prononcer, brille de tous ses feux. Elle envahit les médias européens, qu’ils soient francophones ou pas. Le locataire de la Maison-Blanche l’utilise quotidiennement, ou presque, jetant de l’huile sur le feu.
Un feu ardent, alimenté par la fascination que les États-Unis exercent sur beaucoup d’Européens et de Canadiens.
Ce n’est quand même pas la première fois de l’histoire que des médias, quand ce ne sont pas des politiciens, propagent des fausses nouvelles. L’art de triturer les faits, de les présenter de manière trompeuse existe depuis longtemps.
À l’époque de la Guerre froide, le régime soviétique était passé maître dans l’art de propager des vérités tronquées, destinées à induire en erreur des Occidentaux de bonne foi. C’est ce que l’on appelait de la désinformation. Certains feront valoir que Moscou n’a pas tellement changé…
Le président Macron a employé le terme contre-vérité devant son homologue russe, lorsqu’il dénonçait la désinformation de certains médias russes pendant l’élection française. Une contre-vérité peut cependant être faite de bonne foi.
Pour en revenir aux fake news, il serait très facile de parler de faux reportages, de fausses informations, ou de fausses infos. Ne manque que la volonté de s’exprimer en français…
Plusieurs lecteurs m’ont suggéré d’autres solutions, via Twitter.
Bobard : mot qu’on oublie. Il a le sens de fausse nouvelle.
Intox : qui vient d’intoxication. Selon le Robert : « Action insidieuse sur les esprits, tendant à accréditer certaines opinions, à démoraliser, à affaiblir le sens critique. »
Infox : l’allusion à Fox News n’échappera pas aux lecteurs avertis…
Infaux : jolie trouvaille! J’ai bien hâte de lire cela dans nos médias anglicisants.
Autres tromperies
Certains voudront utiliser le mot canular. Le champ sémantique n’est pas tout à fait le même. Un canular, c’est une mystification, un coup monté. On en voit beaucoup le premier avril… Le Robert signale que ce mot peut, par extension, désigner une fausse nouvelle, mais qu’il remplace l’anglicisme hoax, sur lequel je reviens ci-dessous.
Devant le déluge de faussetés qui polluent les médias sociaux, la pratique de la vérification des informations par des fact-checkeurs, qui font bien sûr du fact-checking, commence à se répandre. Ces deux horreurs, trouvées dans la presse française, n’ont pas leur place dans notre langue. La vérification des faits est suffisamment claire en soi. Ceux qui s’y adonnent sont des vérificateurs, tout simplement.
Il n’y a pas que les fausses nouvelles qui encombrent les médias sociaux. Il y a aussi ce que les Européens appellent les hoax. D’après le dictionnaire Collins, il s’agit d’une tromperie ou d’un tour. Il y en a eu beaucoup au siècle dernier; pensons au monstre du Loch Ness, aux circular crops, ces sillons en rond tracés par des farceurs dans des champs, que bien des gens attribuaient aux extra-terrestres…
De beaux canulars, bref.
L’électronique en français
Qui n’a jamais eu à se débattre avec des pourriels, que l’on appelle spams en Europe? La recommandation officielle est arrosage, un mot à mon avis imprécis. Le terme pourriel, inventé au Québec, vient de courriel, le mot français pour l’imbuvable email. Votre boîte de courriel électronique (courriel) est encombrée de messages publicitaires, elle devient une poubelle à cause de tous ces pourriels.
Comme on le voit, on peut parler des technologies informatiques en utilisant des termes français. Oui, on peut traduire. Non, l’anglais n’est pas indispensable pour exprimer ces réalités. Et ce n’est ni une fausse nouvelle ni un canular.
À regarder le paysage linguistique des médias européens, et souvent canadiens, on s’étonne de trouver encore dans le vocabulaire courant des mots étranges comme ordinateur, logiciel et informatique. De véritables diplodocus en ces temps de fake news.
Dans le monde merveilleux des anglicismes, le domaine technologique a vraiment une place à part. Je l’appellerais volontiers « la mère de tous les maux (mots) ». Un coin de Californie inonde depuis plusieurs décennies la planète de ses paquets cadeaux dans lesquels la langue du fournisseur fait partie intégrante du mode d’emploi. Notre servilité linguistique n’a d’égale que notre passion à nous précipiter sur ces sucreries colorées. Vus du ciel, nous avons l’air d’illettrés agitant les bras pour avoir les derniers gadgets jetés des avions de l’Oncle Sam sur nos contrées désertées par l’esprit.
Chaque fois que nous tranchons la tête d’un anglicisme, il en repousse cinq à la place. Nous savons qu’il existe des usines d’anglicismes massifs qui lancent chaque jour plus de « fake words » que les États-Unis ne mettaient à l’eau de « Liberty ships » pendant la deuxième guerre mondiale.
Pourquoi résister et croiser le fer avec cette armada ? Laissons plutôt les amateurs de malbouffe linguistique devenir monomaniaques et obèses de ce sabir. La maladie les étouffera.
Ici, dans certains endroits pas forcément reculés de notre douce France, nous avons encore la chance de ne pas avoir besoin de traduire les anglicismes. Nous ne savons même pas toujours qu’ils existent. Nous avons des chaines de télévision sur lesquelles on peut rester des heures sans en entendre un seul, des repas de famille auxquels nous ne les avons pas conviés et des émotions dont ils ne connaîtront jamais le frémissement.
Alors, les bobards…
Il y aurait lieu d’ajouter dans la liste des traductions possibles: «fallace°. Héloïse Neefs signale le mot dans les Disparus du Littré (Fayard, 2008),