Trait d’union devrait-il prendre un trait d’union? Que diriez-vous de trait-d’union?
En fait, combien d’entre vous auraient tiqué en lisant cette dernière graphie? Beaucoup auraient douté, certes, mais cette façon de l’écrire serait quand même logique, avouez-le.
À quoi sert le trait d’union?
Tout d’abord, il ne faut pas le confondre avec le tiret. Comme le signale Bescherelle, dans Le français pour tous, « Le trait d’union est un signe qui sert à réunir des mots, soit pour montrer qu’ils ont un lien dans la phrase, soit pour indiquer qu’ils forment ensemble un seul mot composé. »
Le trait d’union s’utilise notamment dans les inversions entre le verbe et le pronom sujet.
Il faudrait simplifier le français, n’est-ce pas?
Faut-il confier la traduction à des machines?
On en insère entre le pronom et le verbe à l’impératif.
Allons-y maintenant.
On l’utilise aussi pour les adverbes de lieu et de temps avec ci et là.
Ces jours-ci, cet homme-là est fatigué.
Le trait d’union est fréquent dans les noms d’immeubles, de ponts, les odonymes.
L’immeuble Jules-Léger
L’aréna Maurice-Richard
Le pont Jacques-Cartier
La rue Sainte-Catherine
Certains adverbes, comme entre-temps, exigent le trait d’union; toutefois, la nouvelle orthographe admet la soudure : entretemps.
Noms composés
La question du trait d’union amène celle des noms composés. Nous entrons dans un univers complexe. Ainsi, mi, demi et semi exigent le trait d’union.
Mi-chemin, demi-journée et semi-remorque.
Les mots composés avec non prennent aussi le trait d’union, mais pas les adjectifs.
La non-conformité d’un document, et un document non conforme.
Comme le signalent les Clefs du français pratique, bon nombre de concepts exprimés par deux ou plusieurs mots prennent le trait d’union.
Mot-clé
Chez-soi
Tente-roulotte
Nid-de-poule
Malheureusement, l’utilisation du trait d’union dans les noms composés suit une logique pour le moins échevelée. Certains préfixes sont toujours soudés, d’autres le sont généralement. En clair, le langagier va finir par buter sur des exceptions. Donc, assailli par le doute, il devra fréquemment tourner les pages de son dictionnaire.
Les rectifications de l’orthographe de 1990 ont mis un peu d’ordre dans les écuries, mais encore faut-il qu’elles soient appliquées. Un tableau récapitulatif dans la Banque de dépannage linguistique de l’Office québécois de la langue française donne un bon aperçu des changements intervenus. Le trait d’union sert surtout à éviter des hiatus.
Illogismes
Comme je l’ai souvent mentionné dans mes billets, l’orthographe française est souvent un spectacle de haute voltige à l’enseigne de l’arbitraire, d’erreurs passées dans l’usage et d’illogismes.
Nous avons vu que la graphie trait-d’union est erronée. Mais on aurait pu en décider autrement et suivre le modèle de point-virgule et deux-points.
Prenons un autre cas. Vous faites le procès-verbal d’une réunion pour ensuite en rédiger le compte rendu. Voilà pourtant deux mots semblables dont la graphie diverge.
Entre-temps, la Terre continue de tourner. Pardon ! On écrit maintenant entretemps. La première graphie est pourtant utilisée par Racine. La nouvelle orthographe la reprend.
Tout le monde sait que sur-le-champ, c’est-à-dire s’écrivent avec le trait d’union. Mais certaines locutions amènent leur lot d’interrogations. On écrira au-dessous et par-dessous, mais attention à en dessous.
Dans la même veine, on ne pas confondre un a priori avec un à-propos. Vous voilà averti. Les rectifications de 1990 proposent apriori.
Les locutions adverbiales et prépositives donnent des mots de tête à tout francophone bien portant, même le plus érudit. Surtout lorsque certaines d’entre elles acceptent aussi bien le trait d’union que son absence : Au delà et au-delà. Pensons aussi à par-delà, qui perd son trait d’union dans Nietzsche Par delà le bien et le mal. Si le célèbre philosophe allemand a perdu la raison, c’est peut-être parce qu’il a tenté de percer de la logique grammaticale du français…
Pourquoi pas un trait d’union?
Nous avons vu mot-clé, faisons maintenant connaissance avec mots croisés qui aurait très bien pu s’écrire mots-croisés. Parti pris et quant à soi ne prennent pas non plus le trait d’union. Pourtant, ils désignent bel et bien un concept, un mot d’un seul tenant.
La liste pourrait s’allonger. En passant, on écrit quant-à-soi…. Vous êtes probablement tombé dans le piège.
Bonjour,
Le Petit Robert accepte Moyen Âge et Moyen-Âge.
Quant à « a priori », il est difficile de le mettre sur le même plan que « à-propos », puisque, comme vous ne l’ignorez pas, il s’agit d’une locution latine – qui, de ce fait, ne prend pas d’accent sur le a ni la marque du pluriel.
🙂
Après vos articles sur les majuscules et les noms en apposition (dits chez vous adjectivés), voilà un billet tout aussi bienvenu et décapant sur le trait d’union.
Il s’agit là d’une jungle inextricable dans laquelle un ou deux principes seraient pourtant faciles à mettre en œuvre et soulageraient tout rédacteur de recherches aussi fastidieuses que stériles. Cette énergie perdue serait mieux employée à soigner la variété lexicale, la justesse des termes ou la ponctuation signifiante…
Le grand principe affleure souvent dans les réflexions, sans être pour autant suivi d’effet dans les dictionnaires ou ouvrages normatifs :
— Le trait d’union matérialise l’assemblage de deux mots pour en faire un nouveau nom dont le sens se démarque de la simple juxtaposition de ses composants.
— On parle bien là de substantifs portant une substance spécifique et non des locutions adverbiales ou autres éléments de syntaxe.
J’ai récemment fustigé l’absence de trait d’union dans le syntagme « huis clos ». Il est pourtant flagrant qu’on ne peut mettre sur un même plan :
— Arrivé chez lui, je trouvai son huis clos ;
— L’intrigue se résume à un huis(-)clos sartrien.
Dans le premier, clos est mobile (on pourrait écrire fermé), dans le second le sens est encapsulé dans l’association avec ses propres connotations juridiques, psychologiques, etc. Le trait d’union devrait alors s’imposer, mais n’est retenu par aucune autorité.
Mes remarques recoupent nombre de vos réflexions dans le billet, mais elles se veulent plus systématiques, quitte à braver des illogismes institutionnels. Comme correcteur, je pratique d’ailleurs souvent cela au risque d’encourir les foudres des ayatollahs de l’arbitraire.
Ces amusements de lettrés commencent à poser de sérieux problèmes dans une société où le volume des écrits explose et où les vaines finasseries ne font qu’accroitre le schisme entre la population et quelques mandarins.
La prochaine fois, nous pourrons traiter de l’accord du participe passé, ce tonneau des Danaïdes des efforts des enfants et des adultes dont l’utilité reste minime, toute révérence gardée pour Clément Marot… Il existe d’ailleurs des démarches structurées en vue de sa modification (voir http://www.reformeduparticipepasse.com/). De bons moments de réflexion en perspective…
Observons que toutes ces bêtises qui nous accablent ne font pas partie de la langue, mais seulement de l’orthographe. Le français ne se réduit pas à son code écrit.