Pour en finir avec les doubles consonnes

Réformer le français

Premier d’une série d’articles proposant une réforme modérée de la langue française pour en éliminer les illogismes grammaticaux et orthographiques, sans pour autant la défigurer complètement.

Les doubles consonnes

Le doublement des consones est l’une des pires chausse-trappes de la langue française. Ceux et celles qui ont lu attentivement la phrase initiale de ce paragraphe auront sûrement remarqué que le mot consonne était mal orthographié, tandis que chausse-trape peut aussi s’écrire avec un seul p.

Il est fort possible que vous n’y ayez vu que du feu, non pas à cause d’une ignorance hypothétique de l’orthographe, mais plutôt parce que le cerveau reconnait la forme d’un mot : il ne lit pas lettre par lettre.

Le fait d’avoir écrit consone ne change absolument rien; la compréhension du texte n’est pas altérée. En fait, lexicographes et grammairiens auraient très bien pu adopter la graphie avec un seul n, sans que cela ait de conséquences.

En fin de compte, on peut se demander pourquoi au juste certains mots prennent la double consonne et d’autres pas. La réponse est embarrassante. Bien entendu, on pourra dans bien des cas parler de l’étymologie, mais, le plus souvent, l’orthographe est purement arbitraire.

Amusons-nous un peu…

Dans la liste d’adverbes suivante, déterminez ceux qui prennent le double m…

  • Décidément
  • Tendrement
  • Actuellement
  • Évidement
  • Traditionnellement
  • Follement
  • Étonnament

Je suis sûr que la plupart d’entre vous avez répondu évidemment et étonnamment. Mais, honnêtement (un m), combien ont hésité? Ont été tentés de vérifier au dictionnaire?

En fait, il devient beaucoup plus facile de répondre à ce genre de question quand le em se prononce comme une nasale : emmailloter, emmagasiner, emmitoufler.

Et que dire du double g?

Combien de fois ai-je failli écrire agraver? Cette graphie est pourtant très logique. Pourtant l’orthographe aggraver figure dans les dictionnaires et je l’ai toujours trouvée incongrue. On dirait une erreur, une coquille, une aberration. Agraver ne peut quand même pas s’écrire avec deux g! Non-sens.

Si.

Le verbe délinquant entre dans la même famille qu’agglomérer et agglutiner.

Il me semble pourtant qu’agraver s’entendrait si bien avec agripper et aguerrir. Que diriez-vous d’aglomérer, aglutiner?

Ces deux exemples de doubles consonnes nous conduisent à une constatation évidente : il n’y a aucune logique, aucune règle, aucun modèle de conduite qui pourrait nous guider. Bref, nous sommes condamnés au par cœur.

Des familles désunies

L’illogisme qui est en filigrane de l’orthographe française apparait au grand jour lorsqu’on jette un regard sur des mots de même famille qui, logiquement, devraient s’écrire de la même façon.

Quelques cas d’espèce avec la lettre n.

Prenons les cas de professionnel et de rationnel. Leurs dérivés s’écrivent professionnalisme et rationalisme. Le deuxième perd donc son double n. La confusion s’installe vite, d’autant plus que ce genre de question revient sans cesse en français. Quelques exemples :

  • Traditionaliste mais traditionnel
  • Donateur mais donner
  • Résonance, mais résonner
  • Millionième mais millionnaire
  • Patronat mais patronner
  • Consonance mais consonne
  • Honorer, mais honneur
  • Patronat, mais patronner
  • Sonore, mais sonner

À moins d’avoir une mémoire d’éléphant, le francophone doit s’en remettre au dictionnaire.

Dictionnaire et littérature

Ce sont là deux mots fort intéressants. En anglais, dictionnaire s’écrit avec un seul n : dictionary et suit la logique étymologique du latin dictionarium. Qu’arriverait-il si le français s’inspirait du latin dictionarium et écrivait dictionaire? Rien. Absolument rien. On aurait pu enseigner cette graphie simplifiée à tous les francophones et personne n’aurait protesté. C’est la graphie dictionnaire avec double n qui étonnerait.

Un exemple semblable est le mot littérature, literature en anglais. En français on pourrait sans peine retrancher un t et écrire litérature. Personne n’y perdrait son latin, il me semble.

En espagnol…

D’ailleurs, ces deux mots sont ainsi orthographiés en espagnol : diccionario, literatura. Or, la langue de Cervantès a fait un grand ménage dans les doubles consonnes au point que celles-ci sont devenues très rares.

Est-ce que cette simplification signifie que la langue espagnole est devenue un idiome méprisable, simplet? Bien sûr que non.

Conclusion

Cet article ne donne qu’un très bref aperçu du monstrueux cafouillage qu’est le français en ce qui a trait à l’utilisation des simples et des doubles consonnes. Une langue voisine comme l’espagnol en fait l’économie, pourquoi pas le français?

3 réflexions sur « Pour en finir avec les doubles consonnes »

  1. Le verbe « attraper » a longtemps été ma bête noire… j’ai longtemps voulu écrire « atrapper ». Je savais qu’il y avait une double consonne quelque part, mais pas où!

    Atraper, atraction, atrait, atribut, atristé, atroupement… est-ce si atroce? 🙂

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