Fut ou fût?

L’erreur vaut la peine d’être mentionnée parce qu’on la voit un peu trop souvent. Lesquelles des phrases suivantes sont erronées?

Philomène fût étonnée de trouver Marc-Antoine étendu dans la grange.

Bien qu’elle fut romancière populaire, elle maitrisait mal l’imparfait du subjonctif.

Encore eut-il fallu qu’elle fut primée par l’Académie Gonfley.

Toutes.

La confusion entre le passé simple et l’imparfait du subjonctif ne surprend plus personne. Pourtant, elle devrait. Voilà un temps et un mode en perte de vitesse, du moins dans l’usage populaire.

Dans le cas du premier, l’imparfait et le passé composé l’emportent largement dans la langue courante, le passé étant réservé à la littérature.

Il fut décoré de la Légion d’honneur.

Comme on le voit, le passé simple ne demande pas l’accent circonflexe. Mais confusion il y a dans le cas de ce grand incompris, l’imparfait du subjonctif qui, lui, exige le fameux accent.

Bien qu’il fût décoré de la Légion d’honneur, il demeurait modeste.

La confusion peut certes s’expliquer par une maitrise approximative du français. On pourrait croire que dès l’instant où une phrase appartient à un mode d’expression plus relevé, il faut utiliser l’accent circonflexe. Rien n’est plus faux; la réalité est autrement plus complexe.

Un truc intéressant, donné dans un site Web, est d’écrire fût-il lorsqu’on peut le remplacer par serait-il ou même s’il était.

Le même genre de confusion sévit avec le petit cousin qu’est eût-il. Comme dans le cas précédent, l’absence d’accent renvoie au passé simple.

Il eut toutes les chances possibles.

Encore eût-il fallu qu’il en profitât.

Le circonflexe apparait souvent à la troisième personne de l’imparfait du subjonctif.

Bien qu’elle regardât, qu’elle vît, prît, etc. Mais à l’indicatif : Elle regarda, vit, prit, etc.

Voilà, il fallait que ce fût dit.

9 réflexions sur « Fut ou fût? »

  1. Bonjour et merci pour ces réflexions sur le (naufrage du ?) français correct.
    SI je peux me permettre, dans le deuxième exemple (« Bien qu’elle fut romancière populaire, elle maitrisait mal l’imparfait du subjonctif. »), il ne manque pas un mais deux accents circonflexes, avec celui qu’il faudrait sur le « i » de «maîtriser».
    Par ailleurs, dans la phrase : «Le circonflexe apparait souvent à la troisième personne de l’imparfait du subjonctif», notons qu’il devrait… apparaître sur le « i » d’«apparaître» à la troisième personne du singulier du présent de l’indicatif.
    Et qu’une loi ou un décret puisse prétendre modifier ces règles ancestrales je l’ignore.
    Cordialement.

    1. Les rectifications orthographiques de 1990 permettent d’enlever l’accent circonflexe dans les deux cas que vous mentionnez. Cet accent est devenu largement inutile de nos jours, sauf lorsqu’il distingue des homophones.

  2. Reprenant l’exemple du texte, mais avec Puisque, faudrait-il écrire : Puisqu’il fut décoré … ou Puisqu’il fût décoré … ?
    Salutations

    1. «Puisque» commande l’indicatif. Par conséquent, on dira : «Puisqu’il fut décoré», sur le modèle de «Puisqu’il est décoré».

  3. Bonjour, merci pour votre merveilleux blogue!
    Malgré vos explications d’une grande clarté, j’ai encore un doute sur la phrase suivante:
    Albert tenta-t-il de lui faire entendre raison qu’il eut tôt fait d’y renoncer.
    D’autre part, un article sur l’emploi du subjonctif plus-que-parfait après si, comme si, etc., serait très apprécié!

  4. Bonjour,

    Je vous remercie pour ces précisions. Je crois toutefois qu’il subsiste une ambiguïté, voire une incorrection, dans l’un de ces phrases.

    « Encore eût-il fallu qu’il en profitât. »

    Il me semble qu’un conditionnel passé deuxième forme de ce type doit être suivi d’un plus-que-parfait du subjonctif et non d’un imparfait. La célèbre citation tirée du Phèdre de Pierre Dac, et prononcée par Hyppolite, demeure erronée du point de vue de la concordance des temps (détournement de la conjugaison à des fins grivoises… Si vous connaissez le nom de cette figure de style, je suis preneur). A mon sens, la phrase correcte devrait être:
    « Encore eût-il fallu qu’il en eût profité ».

    Cordialement.

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