Et/ou

Si j’étais amateur de science-fiction, je qualifierais volontiers la conjonction et/ou de monstre à deux têtes. Indispensable en anglais, elle est le plus souvent redondante en français.

En anglais, le or marque un choix entre deux possibilités. C’est soit A soit B. Si les deux options peuvent être retenues, il faut ajouter le and, d’où le fameux and/or. Comme cela se produit souvent, on ne peut importer en français une locution de l’anglais sans risquer le calque. Or, et/ou en est un beau.

Comme je le dis souvent dans mes cours, il faut toujours vérifier dans les dictionnaires le sens réel des mots. Une conjonction comme ou gagnerait à être connue. Sa valeur est double. Elle peut marquer une alternative, soit le choix entre deux options.

Je paierai mes dettes ou je serai emprisonné. L’un ou l’autre.

Mais le ou peut aussi marquer l’addition des deux éléments reliés.

On peut s’inscrire le jeudi ou le vendredi.

La conjonction et/ou est donc parfaitement inutile en français, car le ou couvre déjà les deux possibilités. Mais bien peu de gens connaissent cette réalité. Le foisonnement des et/ou s’explique donc ainsi : combler une lacune qui n’existe pas dans notre langue.

Certains trouveront utile de glisser un et/ou dans des textes juridiques ou techniques, pour qu’il n’y ait pas d’ambigüité. Mais la Banque de dépannage linguistique de l’Office québécois de la langue française nous avertit que l’on peut alourdir les textes en multipliant les et/ou, que certains écrivent et (ou). Ce quasi-sosie n’apporte rien de neuf.

Enfin, les adeptes du charabia chic adorent truffer leurs exposés de et/ou. Des énoncés deviennent subitement plus complexes, plus songés. Pour ma part, je dirais : ou on écrit clairement ou bien n’écrit pas du tout.

 

8 réflexions sur « Et/ou »

  1. Bonjour André,

    En fait, ce n’est pas la faute de l’anglais, mais de certains locuteurs du charabia chic, qui calquent le mauvais usage de ces conjonctions en anglais (puisque ça fait chic…).

    Mais certains avocats soulignent que même en droit, and/or n’a aucun sens.

    Exemple:

    « American and British courts have held that and/or is not part of the English language.
    The Illinois Appellate Court called it a “freakish fad” and an “accuracy-destroying symbol.”
    The New Mexico Supreme Court declared it a “meaningless symbol.”
    The Wisconsin Supreme Court denounced it as “that befuddling, nameless thing, that Janus-faced verbal monstrosity.”
    More recently, the Supreme Court of Kentucky called it a “much-condemned conjunctive-disjunctive crutch of sloppy thinkers.”

    Source: http://www.abajournal.com/magazine/article/ax_these_terms_from_your_legal_writing/?sf33611667=1

    😉

  2. « Poissons fumés et/ou salés et/ou marinés » (ladocumentationfrancaise.fr). Parmi 22 000 occurrences sur ce site. Je ne crois pas qu’on puisse dire que c’est « parfaitement inutile », dans la langue administrative du moins.

  3. Utile billet !
    Je regrette néanmoins que vous ne poussiez pas la question dans son dernier retranchement. Le « ou » français est effectivement inclusif par défaut et peut-même parfois être remplacé par » et ». Mais que faire si l’on veut exprimer qu’il est exclusif ponctuellement ?
    Avec de la chance, c’est le sens qui le montre : « Dis-moi oui ou non. ».
    Mais de nombreux cas ambigus subsistent. Dans l’exemple « on peut venir le jeudi ou le vendredi », comment signaler que l’un exclut l’autre ? C’est tout simple, mais encore faut-il le faire : il suffit en effet de doubler le « ou ». La phrase devient alors ; « On peut venir ͟͟o͟u le jeudi ͟o͟͟u le vendredi », ce qui est sans ambigüité.

    1. L’inscription le jeudi ou le vendredi ne peut pas être l’un à l’exclusion de l’autre. Cela voudrait dire que l’on a affaire à une devinette.

      Si on veut être précis :
      – « or/and » = « ou » (inclusif) ;
      – « or » = « ou bien » (exclusif).

    2. Ou (inclusif) = Or (inclusif aussi en bon anglais d’Oxford)
      Et/ou (a ne pas utiliser si on veut paraître avoir fait des études) = ou bien = either… Or (en anglais).

      Il ne faut pas faire preuve de la même ignorance avec l’anglais que celle que l’on reproche aux autres avec le français

      Il fait rappeler que le / veut dire « ou ». Dire et/ou équivaut donc à dire : et ou ou, qui voudrait dire lui même dire : et et ou bien, mais pas erreur ne le dit pas puisqu’il ne dit que maladroitement le très simple : ou.

  4. Bonjour !
    Si ce « et/ou » ressemble effectivement à un claque malheureux, son utilisation dépend du type de document à traduire.
    En effet, dans des présentations à traduire de l’anglais vers le français, il est bien pratique en raison de gain de place qu’il permet.

    Toutefois, le propos soulève un question de ponctuation, le signe « / » est-il approprié dans un discours (texte rédactionnel), en tant que tel ? Je ne pense pas qu’il soit accepté ni même toléré, en français de France.
    Face à cette difficulté j’opte pour  » … et ou bien … », au risque d’ailleurs de voir ma copie retoquée. Pourtant c’est la formulation la plus adaptée pour rendre le message du ‘and/or’.
    Bien cordialement,

  5. Vous écrivez
    « La conjonction et/ou est donc parfaitement inutile en français, car le ou couvre déjà les deux possibilités.  »
    Vous commettez une erreur de logique.
    C’est justement par ce qu’elle couvre les deux possibilités qu’il est parfois nécessaire de préciser laquelle de ces deux possibilités s’applique. Dans le cas contraire, on laisse une ambiguïté dans le texte.
    Il y a plusieurs façons de lever cette ambiguïté, Si vous trouvez que le et/ou manque d’élégance, alors jugez la méthode de contournement trouvée par le législateur :
    « … d’une amende de 25000 euros et d’un emprisonnement de deux mois à deux ans ou l’une de ces deux peines seulement ».

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