Le mot canceller est un cas fort intéressant. Il est régulièrement dénoncé en tant qu’anglicisme bien qu’il vienne du latin cancellare; mot qui a engendré la descendance suivante :
Espagnol et portugais : cancelar
Italien : cancelare
Ces trois langues lui attribuent le même sens qu’en anglais. On peut se demander pourquoi au juste canceller ne s’est pas frayé un chemin en français, avec le même sens. Pourtant, le terme a connu une courte carrière en français dans le domaine juridique. Mais il a disparu de la carte depuis belle lurette pour des raisons qui demeurent un mystère. On aurait pu le conserver : Espagnols, Italiens et Portugais parlent-ils moins bien que nous?
Toujours est-il que canceller est réapparu au Canada, par le biais de l’anglais. Mais notre langue ne fait pas tout à fait bande à part en boudant le cancellare latin, puisque le roumain nous imite avec anulare.
Anulare humanum est.
Gérard Dagenais, dans le Dictionnaire des difficultés de la langue française au Canada (1967) voit l’évolution de ce mot sous un autre angle. Au XIe siècle « canceler » qui au XIIIe siècle s’écrit « canceller », voulait dire de supprimer un texte par des X superposés. Dans le temps antérieur aux logiciels de traitement de texte, c’était une façon de modifier un document. Cet emploi a persisté dans le langage juridique jusqu’au XIXe siècle,
Par une extension de sens, le terme est également employé jadis dans le sens d’« annuler » un document. « Canceller », « cancellation » sont restés dans les dictionnaires jusqu’au XXe siècle, longtemps après qu’ils sont en fait devenus désuets.
On doit penser que les Québécois de la Nouvelle-France ont appris le mot dans les deux sens en suivant l’emploie alors courant chez les notaires.
Le mot anglais est un emprunte de l’ancien français et en anglais s’emploie dans tous les sens d’annuler ou de supprimer. En français le mot n’existe plus dans le sens de raturer, de supprimer ou d’annuler. Selon Dagenais, « [Aujourd’hui] on commet un anglicisme quand on dit ‘canceller’ au lieu de ‘annuler’ ou d’un de ses synonymes. »
Selon la Banque de dépannage linguistique de l’OQLF, « canceller » est un emprunt hybride, qui, à cause de l’influence de l’anglais, à fait persister au Québec un sens disparu du français standard depuis plus de deux siècles.
Selon le Grand Robert, le seul sens contemporain de l’adjectif « cancellé » se trouve dans les domains de la biologie et de la zoologie comme synonyme de « réticulé ».
Merci pour ces précisions.
Je ne peux m’empêcher de penser à l’adjectif obsolète, que l’on taxe d’anglicisme parce qu’il nous est revenu par l’anglais, alors que c’était à l’origine un mot bien français… et alors qu’obsolescence ne semble poser de problème à personne! ???♂️
Ou encore à ticket, que l’on doit, sous peine de provoquer le courroux des réviseurs, remplacer par billet, alors que ce mot nous vient, via l’anglais, d’étiquette…