Soyons franc : le e-mail des francophones européens tape royalement sur les nerfs des Québécois. Si on a pu inventer un mot pour traduire computer, on peut certainement le faire pour l’affreux e-mail, abrégé en mail, qui a engendré une autre monstruosité : mailer.
L’emploi de courriel, pourtant consacré par l’Académie française, demeure restreint en Europe. Bien sûr, je pourrais m’étendre en long et en large sur l’anglomanie délirante qui sévit en Europe francophone, avec ces magazines sérieux ou people, dont les articles sont farcis d’anglicismes aussi ridicules qu’inutiles. Mais ce serait enfoncer une porte ouverte…
Les Québécois ont souvent l’impression que leur inventivité pour tenter de juguler l’invasion des anglicismes en français ne suscite aucun intérêt chez nos cousins d’Europe. Ce n’est toutefois pas tout à fait exact.
Commençons par les dictionnaires courants. Des surprises nous attendent.
À l’entrée courriel, le Petit Robert 2014 parle d’un « Message échangé entre ordinateurs connectés à un réseau informatique; courrier électronique. » Aucun renvoi à e-mail. Curieux.
À l’entrée e-mail que lit-on? « Adresse électronique. Courrier, message électronique. Recommandation officielle : courriel. » Tiens, le voilà enfin.
Le Petit Larousse 2014 donne une définition plus détaillée d’un courriel et indique les synonymes suivants : courrier électronique, message électronique. Mais c’est à l’entrée e-mail que la foudre nous frappe : « Anglicisme déconseillé. Courriel. » Voilà, un mot suffit.
La Commission générale de terminologie et de néologie de la France l’a aussi adopté et a publié un avis à cet effet au Journal officiel de la République française le 20 juin 2003.
Par contre, le site français Arobase.org, l’e-mail sous toutes ses coutures (sic), signale que dans les moteurs de recherche, e-mail est beaucoup plus courant que courriel : près de 900 millions d’occurrences pour mail et e-mail, contre 550 mille pour courriel.
Malgré tout, courriel fait son chemin en France. À preuve, cette page fort intéressante du gouvernement français sur la sécurité informatique; le terme courriel est utilisé tout au long de l’article et le fameux phishing (quelle graphie aberrante!) est traduit par filoutage. Contrairement à ce que l’on voit dans ce genre d’article, le texte ne grouille pas d’anglicismes. On parle même d’espiogiciels…
Comme quoi, il y peut-être de l’espoir.
Merci aux Canadiens de nous avoir donné « courriel ».
« Email »et « mail » en français sont des atrocités.
« Mél », avec son accent aigu sur le « »e » dans un mot monosyllabique, n’est pas conforme au génie du français. L’administration française des télécommunications devrait y renoncer si ça n’a pas déjà été fait. JR
Y a de l’espoir, donc! (Maintenant, quand l’Académie française (qui semble utiliser « adresse électronique ») cessera-t-elle d’utiliser « fax »? http://www.academie-francaise.fr/contact)
Bonsoir André,
Je ne suis pas d’accord.
1. Rappelons que bien avant l’invention de la carte à puce, les Français utilisaient déjà le verbe « computer ». Dans ses célèbres Essais (1572-1592) Montaigne computait déjà. Emprunté au latin, et non à l’anglais, le terme était aussi employé par l’inventeur de la machine à calculer, un certain Blaise Pascal (c’est pour lui rendre hommage que le Suisse Niklaus Wirth a donné son nom à son langage de programmation).
2. En effet, le gouvernement français n’utilise pas le terme « e-mail ». La raison est simple : il n’en a pas le droit. Tout simplement parce que les publications officielles sont tenues de respecter les prescriptions du Journal officiel de la République et de la loi Toubon.
Si l’on tient à éviter les anglicismes, le journal officiel constitue donc, pour les francophones de France, la source nem au beurre oine de vocabulaire.
3. Il existe une autre ressource française, qui permet d’éviter les anglicismes (certes très utiles, mais néanmoins anglaises) : France terme (http://www.culture.fr/franceterme) qui répertorie, entre autres les prescriptions et usages des textes officiels.
4. On ne peut obliger les gens à utiliser des termes français que par l’usage de la force. C’est d’ailleurs ce qui à tuer de nombreuses langues endogènes de France. Mais aujourd’hui, on vit en république, c’est donc l’usage qui fait évoluer la langue, pas le gouvernement. Si les Français préfèrent utiliser les mots « e-mail », « smartphone » ou « software », personne ne pourra les en empêcher.
5. Dernière remarque fondamentale (sans vouloir être désobligeant) : si les Français utilisent de nombreux mots anglais, ils continuent cependant de penser en français, en témoigne l’usage linguistique des jeunes Français : ils ne disent pas un « board » (au lieu d’un skateboard) mais un « skate ». De même ils ne disent pas « faire de la ligne » (slackline) mais « faire du slack », ce qui prouve que dans leur esprit, le premier terme reste le terme principal, et non le qualificatif (contrairement à l’anglais). Bref, en règle générale, ils utilisent plus de mots anglais que les Québécois, mais beaucoup moins de structures grammaticales et syntaxiques anglaises qu’eux.
Sans parler de la prononciation : les Français ne prononcent pas « email » comme les Québécois (c’est-à-dire avec un accent anglais parfait, « imé-ile ») mais à la française : imèle (comme le confirme Jacques roman ci-dessus), ce qui est aussi une façon de s’approprier les mots, consciemment ou non.
Bonne « fin de semaine » à vous 😉
Au risque de vous surprendre, je suis presque totalement d’accord avec vous! Effectivement, il est difficile d’empêcher les Français de dire «smartphone», d’autant plus que l’anglais ne représente pas chez vous la même menace. Pour nous, parler français c’est respirer; si nous devenons des anglophones, nous ne sommes plus rien. Difficile de tenir le fort quand on est encerclé par 340 millions d’anglophones. Nous ne sommes que 8 millions, alors que la situation est très différente en France. Malgré tout, votre impunité à tout angliciser n’excuse pas votre grande complaisance devant tout ce qui est américain. Il est triste de voir un grand pays comme la France tenter d’imiter les États-Unis, alors que ce sont les Américains qui devraient se mettre à votre école, sur le plan culturel.
Cette complaisance envers l’anglais est un profond mystère pour nous.
Vous avez raison d’affirmer que les structures du français ne sont pas menacées chez vous. La menace que pose l’anglais au Québec est beaucoup plus insidieuse, car c’est la logique même de la langue qui est attaquée. Certaines personnes qui ne connaissent pas plus l’anglais que le Français moyens parlent anglais toute la journée. La phraséologie et la façon de présenter les choses sont directement inspirées de l’anglais. malgré. C’est une situation préoccupante, d’où mon blogue.
PS: pardon pour les fautes d’accord! Je ne sais pas ce qui m’arrive en ce moment… Je traduis trop d’anglais sans doute 😀