Communauté : de quoi parle-t-on?

En anglais, tout est devenu est une communauté : un hameau, un village, une ville, un quartier et même une province. Les anglophones emploient ce mot à profusion au point qu’on ne sait pas toujours de quoi il est question. Les anglophones s’expriment parfois avec imprécision, se contentent de généralités et jugent le contexte assez éclairant pour que l’on devine ce qu’ils veulent dire. Malheureusement, le contexte ne suffit pas toujours. Mais, parfois, il est tellement explicite qu’on se demande pourquoi on n’emploie pas le bon mot, au lieu de se cramponner à communauté.

Les incidents survenus récemment à Moncton en sont un bel exemple. Les francophones de l’endroit vivent en milieu anglophone et sont influencés par les tics de langage de l’autre langue officielle. C’est un phénomène normal qui mène à de petits dérapages qui s’insinuent dans notre langue et qu »on ne voit plus. Le même phénomène se produit à Ottawa, autre ville, et non communauté, où les francophones subissent la lourde influence de l’anglais.

Moncton est une VILLE, pas une communauté. Mais les médias sont des propagateurs aussi efficaces que zélés de l’optique anglaise. Preuve, encore une fois, que nous parlons une langue de traduction. Il était écrit dans le ciel que les journalistes de l’endroit parleraient de la communauté secouée par les meurtres de la semaine dernière.

Ce qui est triste, sur le plan linguistique, c’est que les médias francophones, à force de se faire l’écho de l’anglais, voient des communautés partout, au point d’éviter des expressions idiomatiques plus évocatrices en français. Lamentable. Bref, nous sommes piégés, voire hypnotisés par l’anglais, et nous nous cramponnons au mot community que nous tentons de traduire tant bien que mal.

Pour nous libérer de cette chausse-trape, il faut déterminer avec précision de quoi il est question. Si, par exemple, une ville veut offrir de nouveaux services à la communauté, qui en bénéficiera? Les citoyens, la population, tout simplement.

Autre exemple : le gouvernement fédéral veut assurer la sécurité des communautés. Que veut-on dire exactement? La sécurité dans les villes, probablement, ou encore la sécurité des Canadiens en général. Bref, comme dans un roman policier, il faut identifier le coupable!

D’autres calques de l’anglais nous guettent : la communauté des affaires, la communauté artistique, la communauté médicale, la communauté universitaire. Il est pourtant possible d’y échapper : le monde des affaires, les gens d’affaires; le milieu des artistes, le monde des artistes, les artistes tout court; le corps médical; les universitaires.

Comme on le voit, il suffit de réactiver des expressions idiomatiques bien connues pour recommencer à parler français. Ce n’est pas plus compliqué que cela.

Communauté est un mot dont on peut largement se passer en français.

Dans un autre article, vous trouverez des exemples pour remplacer facilement communauté.

6 réflexions sur « Communauté : de quoi parle-t-on? »

  1. Cet anglicisme dévastateur mérite bien d’être montré du doigt. En France, il a néanmoins pris une connotation différente : plus qu’à une simple appartenance géographique ou professionnelle, il fait référence immédiatement à une religion ou à un groupe d’intérêts spécifiques. Il est devenu le substrat du « communautarisme » unanimement dénoncé par la classe politique mais pourtant sans arrêt présent dans la bouche des médias et des porte-parole des groupes concernés.
    Au-delà de l’anglicisme, ce mot véhicule maintenant la notion de risque de clivage profond de la société.

  2. J’aimerais bien connaître votre opinion (et vos sources) sur la différence à faire entre «communauté» et «collectivité». Dans mon milieu de travail, on s’accroche à «communauté» alors que «collectivité» me semble plus approprié. J’ai déjà lu l’article de la BDL à ce sujet qui est bien rédigé, mais qui semble insuffisant pour convaincre mes collègues : http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?T1=collectivit%c3%a9&id=4594.

    1. C’est une question épineuse. Le Larousse associe les deux termes; à l’entrée collectivité, il donne comme synonyme communauté. Des recherches antérieures faites dans les grands dictionnaires laissent croire que les deux mots veulent dire à peu près la même chose. Leur emploi varie légèrement en français, collectivité étant, semble-t-il un peu plus général. Je suis donc d’accord avec l’article de l’OQLF.

      Je pense que la confusion est causée en bonne partie par l’usage excessif de community en anglais. Le terme est en employé à toutes les sauces, comme je le fais valoir dans mon article. En traduction, il est très tentant de le rendre par «communauté», ce que rédacteurs et journalistes ne manquent pas de faire; les traducteurs aussi. Le plus souvent, il est plus simple et plus limpide de nommer le groupe dont il est question : les enseignants, les habitants de Trois-Rivières, etc.

      Malheureusement, pour détecter le sens profond du community anglais, il faut se transformer en télépathe. Il est souvent ardu d’essayer de comprendre à quoi se réfère le locuteur anglophone. Un exemple probant : Fighting crime in the communities, un slogan de Stephen Harper. Quelles communautés? Où ça? Au fond, ce qu’il voulait dire était très simple : combattre le crime partout au Canada.

      J’espère que tout ceci vous aide un peu.

  3. L’erreur qui guette le traducteur francophone, c’est de remplacer partout communauté par collectivité en pensant avoir évité un anglicisme. Parfois collectivité ne convient pas du tout.

    1. C’est en effet une erreur courante. Le mot anglais community est plus évocateur que collectivité : il y a une dimension de solidarité qu’on ne perçoit pas en français. Mais très souvent, community est employé à tort et à travers et pourrait être remplacé par inhabitants, par exemple.

  4. Je détestais ce mot, communauté, quand je travaillais dans un maison d’édition franco-ontarienne. Les demandes de subventions (municipales, provinciales et fédérales) nous demandaient de décrire notre apport à notre  » communauté « . Le mot traînait avec lui un tas de sous-entendus aussi insaisissables qu’imprécis. J’avais toujours envie d’envoyer promener les organismes subventionnaires et de leur dire que j’étais citoyen d’un quartier, d’une ville, d’une province et d’un pays, mais d’aucune communauté constituée et que je ne voyais pas en quoi cette fantomatique entité avait à redire sur nos activités. Évidemment, je n’en faisais rien, mais le malaise d’être jugé sur un concept aussi flou me hérissait au-delà du possible. D’ailleurs, j ‘ignore toujours la signification de ce fichu mot.

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